Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 mai 2022, n° 19/03101

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 19e ch., 25 mai 2022, n° 19/03101
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/03101
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 28 mai 2019, N° 18/00035
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2022

N° RG 19/03101 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TL2U

AFFAIRE :

SA ORPEA

C/

[H] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 18/00035

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL MRB

Me Mounir BOURHABA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SA ORPEA

N° SIRET : 401 251 566

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0303

APPELANTE

****************

Madame [H] [J]

née le 19 Décembre 1961 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Mounir BOURHABA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2580 substitué à l’audience par Me Clélia LAURENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

EXPOSE DU LITIGE

[H] [J] a été engagée par la société Orpéa suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 décembre 2007 en qualité d’aide soignante.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale de l’hospitalisation privée.

Le 26 mars 2017 aux alentours de 3 heures, un incendie s’est déclaré au niveau du local à poubelles de la résidence dans laquelle la salariée était en poste. L’employeur a déposé une plainte auprès du commissariat de police de [Localité 5] le 28 mars 2017.

Par lettre datée du 29 mars 2017, la société Orpéa a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 avril suivant et l’a mise à pied à titre conservatoire, puis par lettre datée du 11 mai 2017, lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 8 janvier 2018, [H] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la condamnation de la société Orpéa à lui payer diverses indemnités au titre du licenciement qu’elle estime dénué de cause réelle et sérieuse et un rappel de salaire.

Par jugement mis à disposition le 29 mai 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont, après avoir fixé le montant du salaire brut moyen sur les douze derniers mois précédant la rupture du contrat de travail à la somme de 2 320,41 euros, jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société Orpéa à payer à [H] [J] les sommes suivantes :

* 1 838,16 euros à titre de rappel de salaires dus pendant la période de mise à pied injustifiée,

* 183,81 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

* 4.640,82 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 464,08 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

* 4 176,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

ces sommes avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2018,

* 23 204,10 euros nets de Csg, Crds et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

* 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure,

ces sommes avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la société Orpéa aux dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du jugement par voie d’huissier,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 30 juillet 2019, la société Orpéa a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 18 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Orpéa demande à la cour d’infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de juger le licenciement fondé sur une faute grave, de débouter l’intimée de l’intégralité de ses demandes, subsidiairement, de limiter les indemnités allouées au minimum prévu par la loi alors applicable, de condamner l’intimée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 2 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [H] [J] demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de condamner la société Orpéa à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l’instance, et d’assortir la décision des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 20 octobre 2021.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à [H] [J] est ainsi rédigée :

'(…) Nous avons été contraints de constater de graves dysfonctionnements dans l’exercice de vos fonctions d’aide soignante au sein de notre résidence.

Le 26 mars dernier vers 3h00 et alors que vous étiez en poste, un départ de feu volontaire a été constaté à l’extérieur de la résidence près des containers poubelles occasionnant des dommages.

Il s’est avéré, lors de l’enquête en cours, qu’une tierce personne était entrée dans la résidence ce soir là.

Lors de l’entretien, vous avez affirmé n’avoir vu personne d’étranger que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la résidence alors que pourtant, vous êtes en charge de la surveillance des résidents du bâtiment.

Pourtant, vous n’êtes pas sans ignorer que ladite personne a dû traverser tout le couloir afin de se rendre près des containers poubelles situés à l’opposé de l’entrée de la résidence.

Il est pourtant interdit et comme le rappelle explicitement le règlement intérieur en son article 7 'd’introduire ou de faire introduire dans l’entreprise des personnes étrangères à celle-ci sans raison de service, sauf dispositions légales particulières (intéressant notamment les représentants du personnel et les syndicats) ou sauf autorisation préalable de la direction. Il n’existe aucune dérogation ni usages contraires aux dispositions légales particulières citées ci-dessus dont il est fait une stricte application. En raison de la spécificité de l’entreprise et afin de ne pas troubler la quiétude des résidents, toute intrusion dans l’entreprise, hors les cas expressément autorisés par la loi pourront donner lieu à des poursuites de la part de l’entreprise'.

Vous n’avez nullement signalé la présence de ladite personne comme le prévoit également le règlement intérieur.

Vous pouviez donc valablement voir et constater la présence d’une tierce personne dans les couloirs de la résidence.

De par votre défaut de surveillance et de vigilance, vous avez mis en cause la quiétude et la sécurité de nos résidents, ce que nous ne pouvons admettre.

Les conséquences de ce départ de feu auraient pu être dramatiques. Les résidents qui étaient en train de dormir à ce moment-là ont été profondément choqués et traumatisés, tout comme leurs familles, nécessitant alors une prise en charge psychologique.

Un tel incident a eu de sérieuses répercussions sur la qualité de prise en charge des résidents puisque deux des résidents profondément choqués ont dû changer de chambres à cause des dégâts causés et a aussi irrémédiablement terni l’image de notre résidence.

Les explications recueillies lors de notre entretien ne nous ont pas permis de revoir notre appréciation des faits (…).'

Faisant valoir la notification d’un avertissement à la salariée le 10 novembre 2016 pour un non-respect des consignes tenant à la sécurité des résidents, la société fait valoir que le licenciement est fondé sur une faute grave, constituée par le manquement de la salariée à ses obligations contractuelles et disciplinaires tenant à la sécurité des résidents.

La salariée conteste toute faute, en faisant valoir qu’elle n’était pas en charge de la surveillance du bâtiment, que la matérialité des faits n’est pas établie et qu’en réalité, l’intrusion d’un tiers n’a été rendue possible qu’en raison de la négligence de la direction, qui était informée d’une panne des portes extérieures du bâtiment.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de la preuve de cette faute incombe à l’employeur qui l’invoque.

Alors qu’aucune tâche relative à la surveillance du bâtiment dans lequel la salariée exerçait ses fonctions n’est prévue par le contrat de travail, ni par la fiche de poste signée par la salariée et que celle-ci indique sans être contredite qu’elle n’était pas la seule salariée en poste durant la nuit du 26 mars 2017 et qu’elle travaillait sur deux niveaux, au rez-de-chaussée et au premier étage, force est de constater que la société Orpéa ne produit strictement aucune pièce établissant un fait fautif commis par la salariée durant cette nuit alors qu’il revient à celui-ci de prouver d’une part la matérialité de faits fautifs et d’autre part leur imputabilité à la salariée.

Il s’ensuit que le licenciement n’est justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse.

C’est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Orpéa au paiement à la salariée d’un rappel de salaire avec l’indemnité de congés payés incidents au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire qui n’était pas justifiée, d’une indemnité compensatrice de préavis avec l’indemnité de congés payés incidents et de l’indemnité de licenciement, dont les montants sont exacts et au demeurant non contestés par la société Orpéa.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée dont le licenciement est survenu pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse peut prétendre à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de son âge (née en 1961), de son ancienneté de neuf années complètes, du salaire mensuel moyen brut de 2 320,41 euros, du fait qu’elle a été prise en charge par Pôle emploi avant de retrouver un emploi au sein de l’association Monsieur [Z] (contrat de travail daté du 2 novembre 2018 produit aux débats), il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 23 204,10 euros nets de Csg et Crds et de côtisations sociales, au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera par conséquent confirmé sur tous ces points.

Sur les intérêts au taux légal

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les intérêts au taux légal.

Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la société appelante aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées à [H] Shako Kalema Lovaku du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

En outre, la société Orpéa qui succombe en ses prétentions d’appel sera condamnée à payer à [H] Shako Kalema Lovaku une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société Orpéa aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées à [H] Shako Kalema Lovaku du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, et ce, dans la limite de six mois d’indemnités,

CONDAMNE la société Orpéa à payer à [H] Shako Kalema Lovaku une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Orpéa aux dépens d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

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