Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 24 décembre 2019, n° 18/00666

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. soc., 24 déc. 2019, n° 18/00666
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 18/00666
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marmande, 27 mai 2018, N° 16/00082
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

24 DÉCEMBRE 2019

MP.M/NC


N° RG 18/00666

N° Portalis DBVO-V-B7C-CSTP


SARL MULTINET 33

C/

Arlette X


ARRÊT n° 234

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au Greffe de la Cour d’Appel d’AGEN conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du Code de Procédure Civile le vingt-quatre décembre deux mille dix-neuf par Xavier GADRAT, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, assisté de Nicole CUESTA, Greffière.

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

SARL MULTINET 33

[…]

[…]

Représentée par Me Max BARDET, avocat (plaidant) au barreau de BORDEAUX et Me Philippe BELLANDI, avocat (postulant) au barreau d’AGEN

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARMANDE en date du 28 mai 2018 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 16/00082

d’une part,

ET :

Arlette X

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Rémy TAUZIN loco Me Jérôme DELAS, avocat (plaidant) au barreau de BORDEAUX et Me François DELMOULY, avocat (postulant) au barreau d’AGEN

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 25 juin 2019, devant Marie-Paule MENU, Conseillère rapporteur, assistée de Nicole CUESTA, Greffière, les parties ayant été avisées de ce que l’arrêt serait rendu le 1er octobre 2019, lequel délibéré a été prorogé à ce jour par mise à disposition. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour, composée, outre d’elle-même, de Xavier GADRAT, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et Marjorie LACASSAGNE, Conseillère, Secrétaire Générale du Premier Président, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Code de Procédure Civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus mentionnés.

* *

*

- FAITS ET PROCÉDURE :

Mme X a été embauchée par la société Multinet 33 le 1er février 2003, en contrat à durée indéterminée à temps partiel, pour l’emploi d’agent de service.

Mme X a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement éventuel fixé au 8 février 2016 en même temps qu’elle était informée de sa mise à pied à titre conservatoire, par un courrier daté du 3 février 2016, présenté le 4 février 2016, délivré le 5 février 2016, puis licenciée pour faute grave par un courrier du 18 février 2016, libellé comme suit :

''Madame,

Nous avons reçue le Lundi 08 février 2016 à 10 h00 pour entendre vos explications sur les manquements à vos obligations contractuelles vous étiez assistée par un conseiller extérieur à l’entreprise.

Vous êtes salariée de l’entreprise MULTINET depuis février 2003. Comme vous l’avez reconnu, nous avons toujours réussi à couvrir vos manquements en vous proposant des changements de site vous maintenir en poste. Lors de l’arrêt du site Pilot Station, vous aviez évoqué les difficultés physiques. Nous vous avions alors dit que seule la médecine du travail pouvez-vous déclarer inapte et que nous ne pouvions pas prendre cette excuse valable à vos manquements. En effet vous ne faisiez pas le temps de travail pour lequel vous étiez payée d’après le client qui nous avait écrit. Vous avez alors arrêté ce site le 11/05/2015 dans le but d’éviter une sanction.

Nous vous recevions pour entendre vos explications sur différents sujets que nous allons reprendre point par point :

1er point : site SOLVAREA Mérignac :

Vous avez utilisé un code confidentiel client pour entrer sur le site par une porte qui nous est interdite. Vous avez reconnu les faits dans la mesure où le client vous a interceptée le 20 janvier à 16h48 à ce passage. Vous avez toutefois indiqué que vous n’aviez pas pris le code et que c’est votre collègue de travail qui vous l’a donné. Compte tenu de vos dires, nous avons été obligés de nous renseigner auprès du client qui nous a confirmé que vous êtes la seule à avoir utilisé ce code d’après ses relevés de sécurité. La mise en cause de votre collègue pour minimiser votre faute est incorrecte.

2e point : La qualité de vos prestations n’est pas à la hauteur de ce que vous devez faire. Vous nous avez indiqué qu’effectivement le travail demandé n’était pas fait dans son intégralité et vous avez justifié ce point par un manque de temps. Nous aurions pu entendre votre argumentaire mais hélas une nouvelle fois il se heurte à la réalité des faits.

D’après les relevés d’heures que vous avez vous-même remplis, vous nous volez entre 15 et 20 minutes par jour depuis le début des relevés du mois de septembre 2015. Vous ne pouvez donc pas prétendre que le manque de temps et la cause d’un mauvais travail. Ce mauvais travail a amené le client SOLVAREA à résilier le contrat en demandant en plus, une remise en état à nos frais.

3e point : Temps de travail non exécuté et absence non signalée et injustifiée. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus vous n’effectuez pas votre temps de travail contractuel. Vous partez au bout de 55 minutes voir 50 minutes tous les jours au lieu des 1.16 heures prévues à votre contrat. Vous avez donné comme explication que vous n’indiquiez pas le temps d’attente devant la porte avant que le client vous ouvre. Encore une fois vous n’hésitez pas à mentir pour tenter de vous dédouaner de vos obligations puisque :

1) vous avez utilisé les codes du client pour rentrer par une porte interdite d’accès donc sans attente.

2) Le 20 janvier 2016, jour où le client vous a surprise tapant le code d’accès, ce dernier a été tapé à 16h48 et vous avez indiqué sur le cahier de pointage : entrée sur site à 16h40'

Donc encore une fois, votre argumentation ne tient pas. De plus vous avez été absente le 14 janvier 2016 à votre poste de travail sans en informer un responsable, ni la direction, sans non plus nous donner de justificatif. Vous avez été payée pour un travail non exécuté sans que cela ne vous pose problème. A ce jour, vous n’avez toujours pas justifié cette absence…

3e point : Vous avez indiqué lors de l’entretien que Mme Y, votre responsable d’agence vous avait dit de vous faire déclarer inapte. Comme nous l’avons indiqué plus haut ce ne sont pas les termes utilisés. Toutefois, notre client nous indique que vous utilisez en permanence la place handicapée de son parking en dépit de la réglementation en vigueur.

Dernier point qui n’est pas bien sûr le plus important mais qui démontre votre comportement compte-tenu de l’ensemble des points qui vous sont reprochés, de vos mensonges et de la mauvaise foi dont vous avez fait preuve dans vos explications même si vous nous avez menacés d’une procédure prud’homale, nous sommes dans l’obligation de prononcer votre licenciement.

Les faits reprochés ont une telle gravité qu’il ne nous est pas possible de vous maintenir en poste même pendant le durée de votre préavis. (…)''.

Considérant que l’employeur ne lui avait pas versé le salaire prévu au contrat du mois de juin 2015 au mois de janvier 2016 et contestant les modalités ainsi que le bien fondé de son licenciement, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux de diverses demandes en paiement, par une requête reçue au greffe le 6 juillet 2016.

Faisant application des dispositions de l’article 47 du code de procédure pénale, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Marmande.

Le conseil de prud’hommes a rendu sa décision le 28 mai 2018 ; elle a été notifiée aux parties le 29 mai 2018. Le conseil a :

— requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamné l’employeur à verser à la salariée 1 197,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 119,79 euros pour les congés payés y afférents, 1 677,11 euros à titre d’indemnité de licenciement, 359,38 euros à titre de rappel de salaire

pour la période de mise à pied, 150 euros à titre de dommages-intérêts pour mesure vexatoire, 200 euros à titre de dommages-intérêts pour remise d’une attestation Pôle Emploi incomplète, 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Mme X de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 911-8 du code de la sécurité sociale,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— condamné l’employeur aux entiers dépens,

— dit se mettre en départage sur la demande de rappel de salaire pour la période de juin 2015 à janvier 2016.

La société Multinet a relevé appel le 27 juin 2018.

La procédure de mise en état a été clôturée le 4 avril 2019, par ordonnance séparée. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 25 juin 2019.

—  PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Dans des conclusions du 12 septembre 2018, la société Multinet 33 demande à la cour :

— à titre principal, de réformer la décision déférée en ce qu’elle écarte la faute grave et fait droit aux demandes formulées par Mme X au titre du préavis, de l’indemnité de licenciement et du rappel de salaire pour la période de mise à pied, de confirmer la décision déférée en ce qu’elle juge les griefs établis et déboute Mme X de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de débouter de Mme X de l’intégralité de ses demandes ;

— à titre subsidiaire, de confirmer la décision déférée sur le quantum des sommes allouées pour mesure vexatoire et remise incomplète de l’attestation destinée à Pôle Emploi, et si par extraordinaire elle devait juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse de réduire le montant des dommages-intérêts alloués à de plus justes proportions ;

— en tout état de cause, de condamner Mme X à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’exécution.

La société Multinet 33 fait valoir en ce sens que :

— l’instance relative au rappel de salaire afférent à la période de juin 2015 à janvier 2016 est éteinte, par suite du jugement de caducité rendu par le conseil de prud’hommes de Marmande statuant en formation de départage le 15 juin 2018 ;

— la gravité des faits commis par Mme X n’est en rien atténuée par l’absence d’antécédent

disciplinaire, s’agissant pour le premier d’un acte d’insubordination, pour les autres d’une attitude récurrente ;

— Mme X reconnaît d’ailleurs avoir débuté sa prestation avec retard ;

— aucun des termes de la lettre de licenciement ne caractérise une accusation diffamatoire, ni même vexatoire ;

— les inexactitudes dont le premier exemplaire de l’attestation destinée à Pôle Emploi a été affecté relèvent d’une erreur matérielle, totalement indépendante de sa volonté ;

— les documents relatifs à la portabilité ont bien été remis à Mme X.

Dans des conclusions du 14 novembre 2018, Mme X demande à la cour :

— de confirmer le jugement entrepris et faisant droit à son appel incident de dire et juger son licenciement ne reposant ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

— de condamner la société Multinet 33 à lui verser 513,24 euros de rappel de salaire pour la période de juin 2015 à janvier 2016, 51,32 euros pour les congés payés y afférents, 7 800 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 197,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 119,79 euros pour les congés payés y afférents, 1 677,11 euros à titre d’indemnité de licenciement, 359,38 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied, 5 000 euros de dommages-intérêts pour mesure vexatoire, 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour remise incomplète de l’attestation Pôle Emploi, 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de faire application des dispositions de l’article 1154 du code civil pour les intérêts ;

— de condamner la société Multinet 33 aux entiers dépens.

Mme X fait valoir en ce sens que :

— la lettre de convocation à l’entretien préalable lui a été présentée le 4 février 2016 et lui a été remise le 5 février 2016, en sorte que le délai de cinq jours francs de l’article L. 1232-2 du code du travail n’a pas été respecté ;

— elle a utilisé le code d’accès de l’entrée réservée au personnel de la société Solvarea uniquement afin de pouvoir faire son travail dans les délais impartis, personne ne venant lui ouvrir la porte principale ; elle n’a aucun souvenir d’avoir signé la note de service dont l’employeur se prévaut, sachant qu’elle ne sait pas lire ;

— son employeur ne lui a pas accordé suffisamment de temps pour effectuer correctement l’ensemble des tâches confiées ;

— elle n’est jamais arrivée en retard, ni partie en avance et n’a pas toujours noté les temps d’attente devant la porte de l’entreprise ;

— elle avait deux autres employeurs qui ne se sont jamais plaints de ses services ;

— l’incident du 14 décembre 2015 est prescrit ; un rappel à l’ordre aurait été d’ailleurs suffisant eu égard à son ancienneté et à l’absence d’antécédent ;

— convoquée à la médecine du travail, elle n’était pas en absence irrégulière le 14 janvier 2016 ;

— elle s’est engagée à ne plus occuper la place handicapée ; un rappel à l’ordre aurait été d’ailleurs suffisant ;

— les développements de l’employeur sur le chantier Pilot Station sont sans objet puisque non mentionnés dans le courrier de licenciement ;

— les fautes constatées sont dans tous les cas minimes et ne pouvaient, au terme d’une ancienneté de 13 années exemptes d’antécédent disciplinaire, justifier son licenciement sans préavis ni indemnité de rupture ;

— elle n’a jamais signé d’avenant pour entériner la durée de travail sur la base de laquelle elle a été payée entre juin 2015 et janvier 2016 ;

— elle est fondée à demander la réparation du préjudice que le qualificatif de voleuse que l’employeur emploie dans la lettre de licenciement lui a causé ;

— elle est restée deux mois sans revenus, sa prise en charge ayant été retardée en raison des mentions erronées portées par l’employeur sur l’attestation destinée à Pôle Emploi et est fondée à demander la réparation du préjudice qui en est résulté.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, reprises et oralement soutenues à l’audience.

- MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera tout d’abord relevé que Mme X ne critique pas le jugement du conseil de prud’hommes de Marmande, dont appel, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en dommages-intérêts au titre de la violation des dispositions de l’article 911.8 du code de la sécurité sociale.

— SUR LES DEMANDES RELATIVES À L’EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Force est de constater que':

— le conseil de prud’hommes s’est mis en départage sur la demande en rappel de salaire pour la période de juin 2015 à janvier 2016 ;

— la demande est devenue caduque par l’effet du jugement rendu le 15 juin 2018 par le conseil de prud’hommes statuant en formation de départage, à la suite de quoi Mme X n’a pas fait connaître de motifs légitimes qu’elle n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile ;

— la demande formée en cause d’appel s’analyse en conséquence comme une demande nouvelle, partant irrecevable en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

— SUR LES DEMANDES RELATIVES À LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

— Sur l’irrégularité de procédure :

Suivant les dispositions de l’article L. 1232-2 du code du travail, l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. Il est constant que le jour de la remise ne compte pas dans le délai, non plus que le dimanche qui n’est pas un jour ouvrable, et que ce délai est prévu pour permettre au salarié de préparer sa défense.

En l’espèce, il n’est pas discutable que l’entretien préalable a eu lieu avant l’expiration du délai imparti. Mme X, qu’un conseiller a d’ailleurs assistée durant l’entretien, ne justifie cependant d’aucun préjudice se bornant à invoquer les dispositions du code du travail. Mme X est en conséquence déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

— Sur la nature du licenciement :

À titre liminaire, il est rappelé en droit que :

— il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

— en cas de litige sur les motifs du licenciement d’un salarié, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toute mesure d’instruction qu’il estime utile ; si un doute subsiste, il profite au salarié ;

— la faute grave est un manquement du salarié d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, y compris pendant la durée du préavis ;

— en cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

En l’espèce, il résulte de la lettre de licenciement du 18 février 2016, qui détermine les causes du licenciement et fixe les limites du litige, que Mme X a été licenciée, de première part pour être entrée dans les locaux de la société Solvarea par la porte réservée au personnel en utilisant un code d’accès connu de ce dernier uniquement, singulièrement le 20 janvier 2016, de deuxième part pour ne pas s’être correctement acquittée des tâches qui lui avaient été confiées, de troisième part pour ne pas avoir effectué son temps de travail contractuel, de quatrième part pour avoir été en absence injustifiée le 14 janvier 2016, enfin pour s’être systématiquement garée sur un emplacement handicapé sans être titulaire d’une quelconque autorisation.

Les griefs formulés à l’encontre de Mme X résultent du courrier de résiliation que la société Solvarea a adressé à la société Multinet 33 le 29 janvier 2016.

La société se prévaut du non respect par Mme X des horaires qu’elle a mentionnés dans le cahier de liaison, singulièrement le 14 décembre 2015 et le 20 janvier 2016. Mme X le conteste. Aucun témoignage extérieur ne confirmant les allégations de la société, il en résulte pour le moins un doute sur la réalité de ce grief qui doit profiter à la salariée, sachant que la circonstance que Mme X reconnaît avoir parfois débuté son travail avec retard ne caractérise pas un aveu de sa part des faits reprochés puisqu’elle indique en même temps avoir été bloquée à l’extérieur en attendant qu’un salarié de la société Solvarea vienne lui ouvrir la porte de l’accueil.

Il ne résulte par ailleurs d’aucun des éléments du dossier que Mme X, qui soutient sans être utilement contredite par l’appelante ne pas avoir disposé de suffisamment de temps, ne s’est pas acquittée de toutes les tâches prévues au contrat délibérément, sachant qu’en tout état de cause un tel grief relèverait de l’insuffisance professionnelle et ne pouvait fonder un licenciement disciplinaire.

Il n’est en revanche pas discutable que Mme X a utilisé le code d’accès de la porte de service réservée au personnel de Solvarea, en dépit de la note de service en date du 10 septembre 2015 l’informant de l’obligation de pénétrer désormais dans les locaux de la société par l’accueil, étant précisé d’une part que la comparaison avec la signature qui figure sur la lettre qu’elle a adressée à la société Multinet 33 le 23 mai 2016 et celle qu’elle a apposée dans le cahier de liaison établit que Mme X a bien signé ladite note de service, d’autre part qu’il ne résulte d’aucun des éléments

du dossier que Mme X ne sait pas lire, enfin que le manque de réactivité du personnel de Solvarea que Mme X – qui ne l’a jamais signalé à son employeur – allègue n’est pas un motif suffisant pour justifier le non respect de cette consigne. Il n’est pas moins indiscutable que Mme X n’a pas informé son employeur qu’elle n’avait finalement pas travaillé le 14 janvier 2016 à l’issue de la visite médicale, pas plus qu’elle utilisait la place du parking de la société Solvarea réservée aux personnes handicapées.

Il convient toutefois de relever que :

— il s’évince du courrier de la société Solvarea que la décision de son directeur régional de résilier le contrat conclu avec l’appelante résulte à la fois du comportement de Mme X, de celui de sa collègue Mme Z et du manque de réactivité du service commercial de la société Multinet 33 qui n’avait à la date du 28 janvier 2016 toujours pas rédigé le nouveau contrat que la société Solvarea lui réclamait depuis 2013 lorsqu’elle avait repris le site précédemment occupé par la société Boulanger ;

— le témoignage de M. A établit que Mme X s’est rapprochée de lui à la réception de sa convocation par le service de la santé au travail en sorte que le rendez-vous initialement fixé à 17 heures, qui l’aurait empêchée de travailler, a été avancé à 16 heures ;

— Mme X a quitté le service de santé à 16 h 42, soit trois minutes seulement avant l’heure prévue pour son embauche, la projection du temps nécessaire pour gagner l’entreprise produite par l’employeur n’établissant pas que Mme X était en mesure d’arriver à temps pour s’acquitter de sa mission, sachant qu’il ne résulte d’aucun des éléments du dossier que la visite médicale a duré plus que le temps habituel ;

— aucune intervention au nom de Mme X n’est mentionnée dans le cahier de liaison à la date du 14 janvier 2016 en sorte que la volonté de Mme X de tromper son employeur n’est pas avérée ;

— il ne résulte d’aucun des éléments du dossier que Mme X a été invitée par la société Solvarea à garer son véhicule sur un autre emplacement, ni surtout que son incivilité a empêché un usager dûment autorisé de l’occuper.

Le licenciement de Mme X, intervenu au terme d’une ancienneté de treize années exempte de sanction disciplinaire, apparaît dès lors comme une sanction manifestement disproportionnée. Il ne repose pas dans ces conditions sur une cause réelle et sérieuse.

Au jour de la rupture de son contrat de travail, Mme X était âgée de 57 ans ; au 31 mars 2017, Pôle Emploi lui avait versé 354 jours d’allocations ; sa situation postérieure n’est pas connue. Le préjudice que la perte de son emploi lui a causé sera entièrement réparé par le versement de la somme de 7 800 euros. La société Multinet 33 est condamnée au paiement de la somme.

La décision déférée est confirmée dans ses dispositions qui condamnent la société Multinet 33 à payer à Mme X 1 197,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 119,79 euros pour les congés payés y afférents, 1 677,11 euros à titre d’indemnité de licenciement, 359,38 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied.

En application de l’article 1343-2 du même code, les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront intérêt.

— SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR MESURE VEXATOIRE :

Les termes utilisés dans le courrier de licenciement ne caractérisent pas une volonté de la société

Multinet 33 de blesser Mme X, qui doit en conséquence être déboutée de la demande en dommages-intérêts qu’elle a formée de ce chef.

— SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR REMISE D’UNE ATTESTATION PÔLE EMPLOI INCOMPLÈTE :

Il n’est pas discutable que Mme X a été prise en charge par Pôle Emploi bien au-delà du délai de carence, en raison des informations erronées mentionnées par la société Multinet 33 sur l’attestation y afférente. La société Multinet 33, qui se prévaut simplement

d’une erreur de sa part, ne le discute d’ailleurs pas. Le préjudice subi par Mme X en

raison de l’absence de revenus qui en est résulté sera entièrement réparé par l’allocation de la somme de 200 euros. La décision déférée est confirmée dans ses dispositions qui condamnent la société Multinet 33 à payer à Mme X la somme de 200 euros à ce titre.

— SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES :

La société Multinet 33, dont la succombance est principale, est condamnée aux dépens d’instance et d’appel.

La société Multinet 33, qui ne peut en conséquence pas prétendre aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, est déboutée de la demande qu’elle a formée de ce chef.

Il est contraire à l’équité de laisser à Mme X la charge des frais qu’elle a exposés en cause d’appel. La société Multinet 33 est condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros, la décision déférée étant par ailleurs confirmée dans ses dispositions qui la condamne à payer à Mme X la somme de 800 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME la décision rendue par le conseil de prud’hommes d’Agen dans ses dispositions qui condamnent la société Multinet 33 à payer à Mme X 1 197,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 119,79 euros pour les congés payés y afférents, 1 677,11 euros à titre d’indemnité de licenciement, 359,38 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, 200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la remise d’une attestation destinée à Pôle Emploi erronée et 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qui condamnent la société Multinet 33 aux dépens ;

L’INFIRME dans ses dispositions qui déboutent Mme X de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui condamnent la société Multinet 33 à payer à Mme X la somme de 150 euros à titre de dommages-intérêts pour mesure vexatoire ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme X ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Multinet 33 à payer à Mme X la somme de 7 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE Mme X de sa demande en dommages-intérêts pour mesure vexatoire ;

DIT que la demande en rappel de salaire pour la période de juin 2015 à janvier 2016 est une demande nouvelle et qu’elle est en conséquence irrecevable ;

DIT que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront intérêt ;

CONDAMNE la société Multinet 33 aux dépens d’appel ;

DÉBOUTE la société Multinet 33 de la demande qu’elle a formée au titre de ses frais ;

CONDAMNE la société Multinet 33 à Mme X la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Xavier GADRAT, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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