Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 29 novembre 2018, n° 16/01453

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 29 nov. 2018, n° 16/01453
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 16/01453
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Le Mans, 8 mai 2016, N° 15/79
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 16/01453 – N° Portalis DBVP-V-B7A-D5CN.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 09 Mai 2016, enregistrée sous le n°

15/79

ARRÊT DU 29 Novembre 2018

APPELANTE :

[…]

[…]

[…]

représentée par Maître Etienne DELATTRE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

Madame Y X

Lieu-dit Julvic Cottage

[…]

représentée par Maître Thierry PAVET de la SCP PAVET – BENOIST – DUPUY – RENOU – LECORNUE, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Octobre 2018 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur E F, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame G H-I

Conseiller : Monsieur E F

Conseiller : Madame Estelle GENET

Greffier lors des débats : Mme A B

Greffier lors du pronocé : Mme C D

ARRÊT :

prononcé le 29 Novembre 2018, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame G H-I président, et par Mme A B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société la Rose des Vents est une résidence privée pour personnes âgées.

Elle emploie plus de dix salariés (entre trente et quarante) et applique la convention collective de l’hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002.

Elle embauchait le 3 avril 2012 Madame X en qualité de secrétaire administrative, statut employé, coefficient 212 de la convention collective.

En mars 2013, le coefficient de la salariée était automatiquement revalorisé au coefficient 214 en application de l’avenant n° 17 du 4 mars 2013 à l’annexe du

10 décembre 2002 sur les classifications.

Par courrier du 5 août 2014 Madame X sollicitait une revalorisation rétroactive de son coefficient en estimant que son diplôme, obtenu en 1988 dans une autre filière (BTS tourisme) lui permettaient de revendiquer une autre classification.

Par courrier du 10 septembre 2014 son employeur rejetait sa demande.

Madame X saisissait le conseil de prud’hommes du Mans le 9 février 2015 afin qu’il dise qu’elle doit relever du coefficient 241 et condamne en conséquence son employeur à lui payer un rappel de salaire arrêté au 31 janvier 2016 de 8 815,92 € bruts, outre 881,59€ au titre des congés payés afférents. Elle sollicitait également le paiement d’une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 9 mai 2016 conseil de prud’hommes a :

'condamné la société la Rose des Vents à payer à Madame X la somme réclamée de 8 815,92 € bruts, outre les congés payés afférents de 881,59 € et la somme de

1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

'débouté Madame X du surplus de ses demandes,

'débouté la société la Rose des Vents de ses demandes reconventionnelles, condamnant cette dernière aux dépens.

Postérieurement, l’employeur découvrait que la salariée la dénigrait sur son compte Facebook. Par courrier remis en main propre le 1er juillet 2016, il la convoquait alors à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 8 juillet 2016, assortissant cette convocation d’une mise à pied à titre conservatoire.

Madame X était licenciée pour faute grave par courrier du 12 juillet 2016 en raison du dénigrement de

l’entreprise tant auprès des résidents que sur Internet.

Le 28 juillet 2016 Madame X saisissait de nouveau le conseil de prud’hommes du Mans en contestation des motifs de son licenciement et en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité conventionnelle de licenciement, d’une indemnité compensatrice de congés payés, du salaire de la période de mise à pied à titre conservatoire et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le 2 octobre 2017 le conseil de prud’hommes prononçait la radiation de cette instance.

La société la Rose des Vents a relevé appel du jugement du 9 mai 2016 le 18 mai 2016.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société la Rose des Vents a conclu le 20 septembre 2018. Elle demande à la cour de:

'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement,

'dire et juger que compte tenu des fonctions réellement exercées, le coefficient 214 appliqué à Madame X est justifié,

'dire et juger que Madame X ne peut prétendre obtenir une classification au coefficient 241,

'la débouter par conséquent de toutes ses demandes,

Concernant les demandes additionnelles :

'dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave,

'débouter Madame X de toutes ses demandes indemnitaires y afférents,

'la condamner à lui payer 4000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

***

Madame X a conclu en dernier lieu le 28 septembre 2018. Elle demande à la cour de :

— constater le licenciement pour faute grave prononcée postérieurement au jugement de première instance du 9 mai 2016,

— la dire recevable et fondée à formuler des demandes additionnelles en cause d’appel du fait du principe d’unicité de l’instance,

— lui donner acte de ses demandes additionnelles ;

En conséquence,

— constater qu’elle remplit les conditions nécessaires à l’application du coefficient 241 de technicien hautement qualifié de la convention collective,

— débouter la société la Rose des Vents de l’ensemble de ses demandes,

— confirmer dans son ensemble le jugement du conseil de prud’hommes du 9 mai 2016,

— constater l’absence de faute grave commise par Madame X,

— dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

— condamner la société la Rose des Vents au paiement des sommes suivantes :

'indemnité de préavis : 3 364,22 €

'indemnité de mise à pied conservatoire : 874,69 €

'congés payés afférents : 423,89 €

'indemnité conventionnelle de licenciement : 3 539,43 €

'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18'000 €

— condamner la société la Rose des Vents à lui payer 4000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

***

Lors de l’audience du 4 octobre 2018 à laquelle cette affaire a été fixée, les parties ont repris et développé oralement leurs conclusions respectives auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions et il leur a été indiqué que la décision interviendra par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2018.

MOTIFS

1 – sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

- sur la classification

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, les juges doivent rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu’il requiert au regard de la convention collective applicable.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Mme X a été embauchée selon contrat de travail du 3 avril 2012 en qualité de 'secrétaire administrative'. Le contrat prévoit que son poste correspond à un emploi de secrétaire administrative au coefficient 212 dans la grille de classification de la convention collective. Il ajoute : 'Des fiches de poste pour chaque horaire de travail sont établies et mises à votre disposition en salle du personnel'.

Il est versé au débat par l’employeur des fiches de poste dont il n’est cependant pas justifié qu’elles soient contemporaines de l’embauche de Mme X, ni qu’elles ont été portées à sa connaissance.

Des pièces versées au débat il ressort que cette dernière était titulaire lors de son embauche d’un BTS Tourisme, option production et distribution obtenu en juin 1988.

Son curriculum vitae montre qu’elle a travaillé un an comme assistante logistique et transport, puis près de trois années en qualité d’adjointe responsable d’agence dans une société d’assistance à la personne et qu’elle travaillait depuis un an et demi comme vendeuse à domicile indépendante pour placer des produits de ménage ou cosmétiques.

La convention collective distingue trois filières professionnelles : administrative et services techniques,

concourant à l’hébergement et à la vie sociale, et soins.

Au sein de chaque filière les emplois sont répartis en trois positions professionnelles : position 1 : employés, position 2 : techniciens et agents de maîtrise, position 3 : cadres.

Concernant la filière administrative dont relève Mme X, l’article 90-1 bis-1 indique qu’elle 'rassemble les personnes qui organisent et participent à la réalisation des prestations d’administration générale et de fonctionnement de l’établissement. Dans le cadre de leurs fonctions, ces personnes doivent être formées à la spécificité du secteur, en participant et organisant au mieux l’encadrement et le bon déroulement de la vie des résidents'.

L’article 90.3 bis de la convention collective dispose que :

'Chaque position comprend 3 niveaux.

Le niveau (nature de la qualification) repose sur 4 critères déterminants et communs à l’ensemble du personnel et un critère spécifique au personnel du secteur.

— la formation initiale ou continue dans le métier ou l’expérience professionnelle requise par le poste et acquise par la personne,

l’expérience professionnelle acquise en EHPAD ou auprès des personnes âgées qui confirme l’aptitude à l’accompagnement et à la prise en charge des personnes âgées ;

Ce critère est essentiel pour le secteur et a pour objet de mesurer l’aptitude du salarié dans l’accompagnement, l’écoute et les contacts avec la personne âgée, la communication avec les familles et les relations avec les différents intervenants concourant à la prise en charge de la personne âgée dans l’établissement.

— le type d’activité, pouvant être défini comme :

— l’objet du travail ;

— son contenu ;

— l’étendue des compétences, la complexité et/ou la difficulté du travail à accomplir.

— le degré d’autonomie :

— le degré d’indépendance et le degré d’initiative laissés au titulaire du poste dans l’exercice de sa fonction ;

— les responsabilités générales :

— l’importance du poste dans la distribution, l’organisation et le contrôle du travail des salariés subordonnés, ainsi qu’éventuellement de leur emploi différent en vue d’une amélioration du service.'

A l’article 91-1 bis figure la grille de classification des emplois pour les filières administratives et des services techniques :

Article 91.1.1bis Position I. – Employés.

rticle 91.1.1.1bis – Définition des niveaux :

Niveau 1 : employé :

Emploi ne nécessitant pas de qualification particulière et consistant, dans le cadre d’instructions précises, en l’exécution de tâches simples répétitives ou analogues, répondant à des exigences qualitatives et quantitatives prédéterminées.

Les connaissances mises en oeuvre correspondent à celles qui sont acquises au cours de la scolarité obligatoire.

Niveau 2 : employé qualifié

Emploi consistant dans l’exécution et/ou la conduite d’opérations et/ou d’actes qualifiés, exigeant une formation dans le métier ou une expérience développée dans des établissements accueillants des personnes âgées, et impliquant le respect de directives précises.

Les connaissances de base requises correspondent au BEP ou au CAP, ou à un niveau équivalent acquis par une formation non diplômante ou expérience professionnelle.

Il est placé sous le contrôle direct d’un agent de niveau III (employé hautement qualifié) ou de position II (technicien, agent de maîtrise) ou sous le contrôle direct ou indirect d’un cadre.

Niveau 3 : employé hautement qualifié

Emploi requérant :

— soit la mise en oeuvre de connaissances complémentaires acquises par une formation spécifique ou sanctionnée par un diplôme ;

— soit l’exercice effectif et simultané de connaissances professionnelles sanctionnées par plusieurs CAP ou un brevet professionnel, niveau IV (Education nationale), ou niveau équivalent acquis par une expérience professionnelle ;

— soit la mise en oeuvre de connaissances intellectuelles et pratiques suffisantes permettant le contrôle et la coordination de tâches réalisées par un personnel relevant des niveaux I et II.

Il est placé sous le contrôle direct d’un agent de position II (technicien, agent de maîtrise) ou sous le contrôle direct ou indirect d’un cadre.

Article 91.1.2 bis Position II. – Techniciens, agents de maîtrise

Article 91.1.2.1. Définition des niveaux :

Niveau 1 : technicien

Emploi consistant, sous contrôle de l’employeur ou d’une personne hiérarchiquement supérieur (agent de maîtrise ou cadre), à exécuter et/ou élaborer une ou plusieurs opérations ou tâches devant répondre à des exigences de technicité et de conformité impliquant une formation sanctionnée par un diplôme correspondant au niveau 3 de l’éducation nationale ou une expérience professionnelle équivalente d’au moins 3 ans dans la spécialité.

Niveau 2 : technicien hautement qualifié

Outre les conditions requises par le niveau précédent, le titulaire du poste peut être amené, tout en participant de manière active aux tâches de son service, à coordonner le travail de salarié relevant du niveau employé.

Outre la maîtrise parfaite du métier, l’emploi exige la plus grande technicité sanctionnée par un diplôme ou

une formation complémentaire, ou lorsque la personne concourt aux soins, un diplôme reconnu réglementairement.

Niveau égal ou supérieur au niveau III de l’Education nationale.

Niveau 3 : agent de maîtrise

Outre les conditions requises par le niveau précédent, l’emploi est caractérisé par une très grande autonomie et de larges possibilités d’initiative et/ou l’exercice de plusieurs spécialités.

Le titulaire du poste peut être amené à exercer de façon permanente, sous contrôle de l’employeur ou d’un personnel hiérarchiquement supérieur (relevant de la position III), l’encadrement et l’animation d’un service administratif ou technique/hébergement et vie sociale, comprenant des salariés relevant de la position I et des niveaux 1 et 2 de la position II, tant au niveau technique que du commandement.

Il est versé au débat par l’employeur l’avis de la commission paritaire nationale d’interprétation et de conciliation concernant l’article 91 de la convention collective.

Aux termes de cet avis il est indiqué, quant à la grille de classification des emplois, que ce qui doit être déterminant :

'c’est l’emploi occupé par le salarié, que le diplôme n’est qu’une condition nécessaire mais pas suffisante et que la classification doit donc s’opérer en stricte conformité avec la classification des emplois telle que définie par la convention collective (…).

Par exemple, une salariée ayant un diplôme de niveau I de l’éducation nationale (bac+5) pourra être classée standardiste-réceptionniste (Eb) … si elle ne met pas en oeuvre son diplôme dans le cadre de l’emploi réellement occupé'.

Un BTS de tourisme ne saurait rentrer dans une telle définition et constituer ainsi le diplôme nécessaire pour revendiquer la classification de technicien hautement qualifié. L’examen du parcours professionnel de Mme X antérieurement à son embauche ne démontre aucune expérience professionnelle dans le secteur d’activité concerné par son emploi au sein de la société La Rose des Vents.

Les parties conviennent que la coefficient 214 appliqué à Mme X correspond à un emploi (secrétaire administrative) d'employé hautement qualifié qui comprend les secrétaires administratives, comptables et médicale (BAC).

Elles conviennent que le niveau 241 revendiqué par la salariée correspond à un emploi de technicien hautement qualifié lequel comprend notamment les comptables expérimentés, secrétaires de direction ou chargés de clientèle.

En revanche, dans la classification technicien on trouve 'les comptables, secrétaire administrative ou médicale, titulaire du BTS'.

A l’appui de sa demande Mme X verse au débat, outre la copie de son diplôme de BTS Tourisme, ses comptes rendus d’entretien annuel. Toutefois ceux-ci ne décrivent pas les fonctions qu’elle exerçait mais ses qualités, sa motivation au travail, son 'humanitude', sa discrétion et son aptitude au secret professionnel, les respect du temps de travail, son comportement au travail et son absentéisme.

Elle produit encore des attestations de familles de résidents vantant ses qualités personnelles et professionnelles.

Enfin elle verse au débat deux mails (pièces n°21 et 22) qui ne sont d’aucune utilité pour déterminer la réalité

de ses fonctions.

Au regard de l’ensemble des pièces versées au débat, Mme X ne justifie pas pouvoir revendiquer une classification supérieure à celle qui lui a été appliquée et ne justifie pas notamment de ce qu’elle pouvait ' être amenée, tout en participant de manière active aux tâches de son service, à coordonner le travail de salarié relevant du niveau employé'.

Le jugement doit être infirmé de ce chef et Mme X déboutée de sa demandes tendant à se voir appliquer le coefficient 241.

- sur le rappel de salaire

Déboutée de sa demande tendant à se voir appliquer le coefficient 241, Mme X sera déboutée de sa demande en paiement d’un rappel de salaire correspondant.

2 – sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

- sur le motif du licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Le motif du licenciement est contenu au courrier du 13 juillet 2016. Il est le suivant :

'Dénigrement de l’entreprise auprès des résidents et sur internet.

Ainsi, lors d’un barbecue organisé par la résidence le 22 juin 2016, vous avez indiqué à des résidents que nous ne souhaitions plus vous voir travailler au sein de l’entreprise ; auprès d’autres résidents vous avez indiqué que vous souhaitiez quitter l’entreprise au plus vite.

Or, vous n’ignorez pas que les résidents doivent être strictement tenus à l’écart des relations de travail au sein de l’entreprise.

Ceci est d’autant plus vrai que les mouvements de personnel sont susceptibles de perturber certains résidents.

En outre, l’image que vous véhiculez ainsi auprès des familles est particulièrement négative ; vous vous doutez bien que la famille d’un résident n’est pas rassurée lorsqu’un salarié vient lui confier ses états d’âmes professionnels et lui faire part d’hypothèses de rupture de son contrat de travail.

Nous avons constaté que vous dénigrez également la société sur internet.

Ainsi, le 24 juin 2016, vous écrivez sur votre page facebook qu’ 'il ne faut jamais

sous-estimer une femme qui a passé une journée de merde', 'surtout à la Rose des Vents'.

Le 22 juin 2016, vous écrivez sur votre mur :

A tous les indics de la Rose des Vents, je ne suis jamais allée aux prud’hommes avant et ce n’est pas 3h de sport que j’ai fait mais 4 ! A bon entendeur.

Les commentaires de cette publication sont éloquents. '

S’ensuivent des extraits de messages diffusés en réponse par les 'amis’ de Mme X et ses propres réponses, de même que le reproche que les discussions en cause soient publiques et sans filtre, le courrier se poursuivant en indiquant :

'Ainsi, publiquement vous indiquez que vous passez des 'journées de merde’ à La Rose des Vents, et que vos collègues sont des 'indics’ et des 'taupes'.

Les commentaires de vos amis sont quant à eux outranciers ('petits cons', 'opération aussi complexe que de nettoyer l’anus d’une hyène')

Cette situation est tout à fait inacceptable.

Il est inenvisageable de permettre que vous dénigriez l’entreprise et vos collègues de travail, et que vous laissiez vos amis publier des commentaires aussi violents, sur une page internet en libre accès.

Votre maintien dans l’entreprise, ne serait-ce que pendant la durée de votre préavis, est pour l’ensemble de ces motifs inenvisageable.'

Quant au dénigrement de l’entreprise auprès des résidents, la société la Rose des Vents ne verse au débat pas le moindre élément justificatif de tels propos tenus par la salariée auprès de ses résidents.

Les faits et messages diffusés sur internet ont fait l’objet d’un constat d’huissier de justice le 4 juillet 2016. Il est démontré que les messages ont été diffusés sur une page accessible au public et non pas à un nombre restreint et contrôlé par son auteur

d’ 'amis'.

Si un salarié jouit d’une liberté d’expression notamment quant à l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise dans laquelle il travaille, c’est à la condition qu’il n’en abuse pas en utilisant des termes injurieux, diffamatoires ou même excessifs ; qu’il importe peu que les propos soient tenu au temps et au lieu du travail ou non.

Contrairement à ce que soutient Mme X, il est acquit que les messages diffusés et rapportés l’ont été sur un 'mur’ public, ouvert à tout un chacun et n’ont pas été réservés aux seules personnes de son entourage.

Il reste que les messages diffusés, dont Mme X est la rédactrice sont :

'Surtout à la rose des vents, il ne faut jamais sous-estimer une femme qui a passé une journée de merde'

'selon les dires de la direction hier lors d’une nouvelle convocation pour que je dégage de la Rose des Vents!

Qui est la taupe'

On verra en début d’année prochaine, pour le moment je stabilise les choses.

Ils proposent de l’argent pour que je dégage.'

Il ne résulte pas de ces messages un dénigrement de l’employeur qui n’est pas visé comme étant à l’origine de la mauvaise journée passée par Mme X.

Le fait qu’elle indique qu’on lui propose un arrangement financier pour qu’elle quitte l’entreprise ne peut pas plus être considéré comme relevant du dénigrement.

Les autres messages transcrits par l’huissier de justice et l’employeur dans la lettre de licenciement n’ont pas été rédigés par la salariée mais par des tiers.

Il en ressort que les faits reprochés à la salariée ne peuvent recevoir ni la qualification de faute grave ni celle de cause réelle et sérieuse de licenciement.

- sur les conséquences du licenciement

— Indemnité de préavis

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Elle est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, qu’il aurait perçu s’il avait travaillé pendant la durée du préavis. Ce salaire englobe tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s’il avait exécuté normalement son préavis, à l’exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.

La société La Rose des Vents sera condamnée à lui payer la somme de 3 364,22 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 336,42 € au titre des congés payés afférents.

— indemnité de licenciement

En application des dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

La société La Rose des Vents sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de

3 539,43 €.

— paiement de la période de mise à pied

La faute grave invoquée par l’employeur n’étant pas retenue par la cour, la société

La Rose des Vents sera condamnée à payer à Mme X le salaire correspondant à la période mise à pied conservatoire du 1er au 13 juillet 2016, soit la somme de 874,69€, outre celle de 87,46 € au titre des congés payés afférents.

— dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié ayant deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant plus de dix salariés doit se voir octroyer, en cas de licenciement survenu sans cause réelle et sérieuse, en lm’absence de réintégration, une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Compte tenu de l’âge de la salariée au moment de son licenciement (49 ans), de son ancienneté d’un peu plus de quatre années, de ses difficultés personnelles et de celles rencontrées pour retrouver un emploi, il lui sera octroyé une indemnité de 10 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3 – sur les dépens et les frais irrépétibles

La société La Rose des Vents succombant dans l’exercice de son action sera condamnée aux dépens.

Il est par ailleurs équitable d’allouer à Mme X une indemnité de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au paiement de laquelle la société La Rose des Vents sera condamnée.

***

L’article L.1235-4 du code du travail fait obligation à la juridiction d’ordonner d’office le remboursement de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour où le jugement est prononcé, dans la limite de six mois, lorsqu’elle déclare sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié ayant deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés.

La société La Rose des Vents sera en conséquence condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme Y X, dans la limite de trois mois.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du 9 mai 2016,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme Y X de sa demande en paiement de rappels de salaires au titre de sa qualification,

Dit que son licenciement ne résulte pas d’une cause réelle et sérieuse,

Condamne la […] à lui payer :

— la somme de 3 364,22 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 336,42 € au titre des congés payés afférents,

— la somme de 3 539,43 € au titre de l’indemnité de licenciement,

— la somme de 874,69 € à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, outre celle de 87,46 € au titre des congés payés afférents,

— la somme de 10 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la […] à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme Y X, dans la limite de trois mois au titre de l’article L.1234-5 du code du travail,

Condamne la […] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

C D G H-I

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