Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 14 janvier 2021, n° 18/00727

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 14 janv. 2021, n° 18/00727
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/00727
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Laval, 22 octobre 2018, N° 17/00115
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00727 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ENDD.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 23 Octobre 2018, enregistrée sous le n° 17/00115

ARRÊT DU 14 Janvier 2021

APPELANT :

Monsieur Z X

[…]

[…]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/010284 du 15/01/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Maître Renaud ROQUETTE, avocat au barreau de LAVAL – N° du dossier 17013

INTIMEE :

S.A.R.L. A PRO HYGIENE

[…]

[…]

représentée par Maître AMORIN, avocat au barreau d’Angers substituant Maître Frédéric JANVIER, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Novembre 2020 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur G, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Monsieur F G

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Greffier lors des débats : Madame D E

ARRÊT :

prononcé le 14 Janvier 2021, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur G, conseiller pour le président empêché, et par Madame D E, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société A. Pro Hygiène, est une société à responsabilité limitée ayant son siège à Saint-Berthevin (Mayenne) qui a pour activité la vente en gros de produits de nettoyage aux collectivités et qui emploie moins de 11 salariés. Elle est adhérente du groupe RESO qui comprend 27 entreprises indépendantes relevant du même secteur d’activité.

M. Z X, né le […], a été embauché selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 10 juin 2013, ayant pris effet le 17 juin suivant, en qualité de chauffeur-livreur, catégorie employé, niveau 2, échelon 1 au sens de la convention collective des commerces de gros, pour un salaire mensuel brut de 1 452,84 euros. Ce contrat était conclu dans le cadre des dispositions relatives au contrat unique d’insertion – contrat initiative emploi (CUI-CIE).

Le salarié avait pour tâche la livraison de produits d’hygiène auprès de clients situés dans le département de la Mayenne et son contrat de travail stipulait qu’il était également susceptible d’exercer des missions complémentaires de magasinage et d’installation de matériel.

En juin 2014, le salarié a été placé en arrêt de travail pour une épicondylite qui s’est déclenchée après avoir soulevé un carton.

À l’issue de deux visites médicales de reprise les 11 et 26 juillet 2016, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail avec en dernier lieu les conclusions suivantes : 'Confirmation de l’inaptitude à son poste. Peut occuper un poste sans port de charges lourdes et gestes répétitifs au niveau du membre supérieur gauche et travailler sur un poste de type administratif'.

Après avoir été convoqué par lettre du 1er septembre 2016 à un entretien préalable qui s’est déroulé le 12 septembre suivant, M. X a été licencié par lettre recommandée du 15 septembre 2016 pour inaptitude d’origine professionnelle médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

Par décision du 1er décembre 2016, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a accordé à M. X un taux d’incapacité de 15 %.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Laval le 20 septembre 2017 afin d’obtenir la condamnation de la société A. Pro Hygiène au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive, de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de résultat et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société A. Pro Hygiène s’est opposée à ces demandes et a sollicité la condamnation de M. X au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 octobre 2018, le conseil de prud’hommes a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes, débouté la société A. Pro Hygiène de sa demande au titre de l’article 700 du code de

procédure civile et condamné M. X aux dépens.

M. X a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 20 novembre 2018.

La société A. Pro Hygiène a constitué avocat le 22 novembre 2018.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 octobre 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 février 2019, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. X sollicite l’infirmation du jugement et demande la condamnation de la société A. Pro Hygiène au paiement des sommes suivantes :

—  34 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;

—  3 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les éventuels dépens.

M. X fait valoir en substance que l’employeur a violé son obligation de sécurité trouvant son fondement dans les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ainsi que son obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail résultant de l’article L. 6321-1 du même code en ce qu’elle a omis de lui fournir un matériel adapté, c’est-à-dire un transpalette électrique, pour déplacer des palettes pesant 180 à 500 kg sur des terrains accidentés, et qu’il n’a bénéficié d’aucune formation adaptée. Il ajoute que l’employeur a fait de fausses déclarations à la caisse primaire d’assurance maladie en sous-estimant les charges qu’il portait afin de minimiser sa responsabilité. Il expose que la violation par l’employeur de son obligation de sécurité devrait entraîner la nullité du licenciement mais que dans la mesure où sa réintégration est impossible, son licenciement produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 16 avril 2019, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société A. Pro Hygiène demande la confirmation du jugement et sollicite en conséquence que M. X soit débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir en substance qu’elle n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité et qu’il n’y a en tout état de cause aucun lien de causalité entre le manquement invoqué et la pathologie ayant entraîné l’invalidité de M. X.

Elle considère que les demandes de M. X sont mal fondées, que la violation de l’obligation de sécurité de résultat n’est pas un cas de nullité du licenciement et qu’un licenciement ne peut être à la fois nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

MOTIVATION

Sur le licenciement et sur l’existence d’un manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité et de formation :

Le licenciement pour inaptitude médicale à l’emploi d’un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré qu’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est à l’origine de l’inaptitude.

Il ne suffit pas toutefois d’établir un lien entre le travail et l’inaptitude pour démontrer l’existence d’un manquement de l’employeur qui serait à l’origine de l’inaptitude. A l’inverse, tout manquement imputable à l’employeur n’est pas nécessairement à l’origine de l’inaptitude et il revient au salarié qui l’invoque de démontrer l’existence d’un lien entre le manquement établi et l’inaptitude.

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs par des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1, par des actions d’information et de formation, et par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes et met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention définis par l’article L. 4121-2.

Il n’est pas contesté que la société A. Pro Hygiène avait mis à la disposition de M. X un transpalette à traction manuelle ainsi qu’un diable pour qu’il effectue ses opérations de chargement et déchargement de marchandises.

M. X se réfère à des préconisations de la Cnam (pièce n° 26) selon lesquelles l’usage d’un transpalette à traction manuelle est déconseillé pour une charge supérieure à 600 kg et sur des sols accidentés ou lorsque la déclivité est supérieure à 2 %.

Pour établir que l’employeur aurait dû mettre à sa disposition un transpalette à traction électrique et non simplement un transpalette à traction manuelle, M. X produit aux débats des photographies de différents sites de livraison sur lesquels il intervenait (pièces n° 20). Certaines photographies montrent des sols abîmés ou recouverts de graviers ou bien des lieux de livraison accessibles par des rampes d’accès, sans que soit toutefois précisé le pourcentage de la pente.

En réplique aux observations du salarié, la société A. Pro Hygiène a assorti chacun des documents fournis par celui-ci de ses propres annotations (pièce n° 7) dont il ressort notamment :

— qu’elle conteste le positionnement du camion indiqué par M. X pour la livraison (école de Juvigné ; école Saint-Y ; maison de quartier du Bourny ; école Thévalles) ;

— qu’elle soutient qu’il s’agissait parfois de petites livraisons d’un poids inférieur à 30 kg (école Saint-Y) ou inférieur à 50 ou 60 kg (école Michelet) pour lesquelles l’usage d’un diable ou d’un chariot type caddie était adapté tandis que celui d’un transpalette était inadapté ;

— qu’une rampe d’accès dont la pente est faible permet d’utiliser sans difficulté le diable ou le transpalette manuel pour une petite livraison inférieure à 50 kg (école Badinter) ;

— que certains lieux photographiés par le salarié ne sont pas les bons ou ne correspondent pas aux bons chemins d’accès (école B C ; crèche Tistou ; lycée agricole ; école Thévalles).

M. X ne présente aucun élément de nature à contredire les objections de l’employeur. Il ne démontre notamment pas qu’il devait livrer des marchandises ayant un poids plus important que celui indiqué par l’employeur aux endroits où il estime qu’il existait une difficulté d’accès.

S’agissant du poids des marchandises livrées, M. X reproche à la société A. Pro Hygiène d’avoir fait de fausses déclarations dans ses réponses au 'questionnaire employeur’ adressé à la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne dans le cadre de l’instruction du dossier de maladie

professionnelle, sans toutefois étayer ses propos par des éléments de preuve. La société a indiqué que M. X transportait des palettes de marchandises filmées dans son camion d’un poids de 180 kg à raison de 30 fois par semaine ainsi que des colis allant de 100 grammes à 20 kg. Or M. X se borne à verser aux débats trois spécimens de bons de livraison (pièces n° 21-1 à 21-3) qui font apparaître les poids totaux suivants :

— bon de livraison n° 5488 du 2 juin 2014 Mairie Louverne : 100,470 kg ;

— bon de livraison n° 5639 du 6 juin 2014 Mairie Laval : 11,764 kg ;

— bon de livraison n° 5635 du 6 juin 2014 Mairie Laval service communication : 2,875 kg.

Ces exemples produits par le salarié lui-même ne sont pas de nature à étayer ses affirmations ni à infirmer le caractère sincère des indications données par l’employeur concernant le poids des marchandises transportées.

Il n’est donc pas démontré que l’usage d’un transpalette électrique était nécessaire à l’accomplissement des tâches confiées à M. X et celui-ci ne se fonde sur aucun texte législatif ou réglementaire pour affirmer que l’employeur était tenu de lui fournir un tel équipement.

De surcroît, la maladie à l’origine de l’inaptitude est apparue à l’occasion de la manipulation d’un carton ainsi que l’indique lui-même M. X dans ses écritures, de sorte que même à supposer qu’un manquement aurait été établi concernant l’absence de fourniture d’un transpalette électrique, il n’est pas pour autant démontré que cette absence aurait pu jouer un rôle causal dans la survenue de la maladie et donc de l’inaptitude.

Le manquement à l’obligation de sécurité n’est donc pas établi.

Contrairement à ce que soutient M. X, si l’article R. 4323-55 du code du travail impose une obligation de formation à la conduite d’engins automoteur ou d’appareil de levage, aucune formation n’est en revanche imposée ou nécessaire pour la conduite de transpalette à traction manuelle. Le projet de formation de l’INRS qu’il produit ne se réfère d’ailleurs pas à une obligation légale de formation pour l’utilisation de ce type d’équipement.

M. X invoque également l’absence de formation en matière de conduite de véhicule utilitaire léger (VUL) sans toutefois démontrer le caractère obligatoire d’une telle formation et sans apporter aucune explication concernant le lien supposé entre l’usage du véhicule et son inaptitude.

Aucun manquement de la société A. Pro Hygiène à son obligation de formation du salarié n’est donc établi.

Il ressort donc de ce qui précède qu’il n’est pas établi que l’inaptitude de M. X soit la conséquence d’un manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité et de formation. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’absence de violation par l’employeur de son obligation de sécurité justifie également de débouter M. X de sa demande en dommages et intérêts présentée sur ce fondement et le jugement doit être confirmé de ce chef.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Aucune considération tirée de l’équité ne justifie de faire droit à la demande présentée en appel par la société A. Pro Hygiène sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X, partie perdante, doit être débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Laval le 23 octobre 2018 ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée à hauteur d’appel ;

CONDAMNE M. Z X aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

D E F G

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