Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 24 juin 2021, n° 19/00224

  • Sociétés·
  • Transport·
  • Employeur·
  • Obligations de sécurité·
  • Salarié·
  • Poste·
  • Obligation de reclassement·
  • Licenciement·
  • Médecin du travail·
  • Filiale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. prud'homale, 24 juin 2021, n° 19/00224
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 19/00224
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Angers, 17 mars 2019, N° 18/00264
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00224 – N° Portalis DBVP-V-B7D-EPTB.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 18 Mars 2019, enregistrée sous le n° 18/00264

ARRÊT DU 24 Juin 2021

APPELANTE :

Madame F X

[…]

[…]

représentée par Me RUBINEL, avocat substituant Maître Benoit GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître LE HENAFF, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMEE :

SAS TRADIS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Maître Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19080 et par Maître ORGERIT, avocat plaidant au barreau de LA ROCHE SUR YON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2021 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame S, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Monsieur Yannick BRISQUET

Conseiller : Madame Marie-Christine S

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 24 Juin 2021, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame S, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiées Tradis, spécialisée dans le transport des marchandises, emploie environ une trentaine de salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers.

Mme F X, née le […], a été embauchée par la société Tradis, en qualité de secrétaire, par un contrat de travail à durée déterminée à temps complet, à compter du 9 janvier 2015, puis en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2015.

Le 24 mai 2017, Mme X a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail en ces termes :

«Inapte au poste d’assistante administrative et inapte à exercer les tâches existantes dans l’entreprise, absence de contre-indications médicales à bénéficier d’une formation pour une réorientation professionnelle».

Par courrier du 16 juin 2017, l’employeur a notifié à Mme X son impossibilité de procéder à son reclassement.

Le 17 juin 2017, la société Tradis a convoqué Mme X à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juin suivant.

Mme X a été licenciée pour impossibilité de reclassement et inaptitude physique d’origine non professionnelle par un courrier en date du 30 juin 2017.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 30 avril 2018 afin d’obtenir la condamnation de la société Tradis, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Tradis s’est opposée à ces demandes en sollicitant une indemnité procédurale sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 mars 2019, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement de Mme X est parfaitement justifié ;

— débouté Mme X de l’intégralité de ses demandes ;

— condamné Mme X aux entiers dépens ;

— débouté la SAS Tradis de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles.

Mme X a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 17 avril 2019.

L’instruction de ce dossier a été clôturée par ordonnance prononcée le 25 mars 2021.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Mme X, dans ses dernières conclusions (n°3) adressées au greffe le 30 septembre 2020, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, en conséquence, de :

— dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société Tradis à lui verser la somme de 5696,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

— condamner la société Tradis à lui verser la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

— rejeter des débats la pièce adverse n°47 ;

— condamner la société Tradis à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de son appel, Mme X fait valoir en substance que son licenciement prononcé pour impossibilité de reclassement et inaptitude d’origine non professionnelle est abusif, en ce que la société Tradis n’a pas respecté ses obligations en matière de reclassement et que son inaptitude résulte de manquements de l’employeur, et plus particulièrement d’un manquement à son obligation de sécurité.

S’agissant de l’obligation de reclassement, elle rappelle qu’aucun poste ne lui a été proposé et constate que la société Tradis ne rapporte pas la preuve d’avoir mené des recherches loyales et sérieuses en vue de son reclassement.

Elle observe que la société Tradis n’établit pas avoir interrogé toutes les filiales du groupe STJ auquel elle appartient, peu important qu’elle ait écrit à des organismes étrangers à ce groupe. Elle précise qu’au regard des pièces produites, la société Tradis appartient bien au groupe STJ ce, nonobstant l’indépendance de ses filiales et l’existence d’organes de direction différents. Enfin, elle relève qu’en tout état de cause, la société Tradis, qui affirme appartenir au seul groupe FILOG, ne justifie pas avoir interrogé l’une des sociétés composant ce groupe, la société Fipame.

Enfin, elle soutient que les courriers adressés aux diverses sociétés sont des courriers types ne comportant aucune indication relative à ses compétences, ce qui révèle l’absence de toute recherche personnalisée.

Par ailleurs, Mme X fait valoir que son inaptitude résulte d’une désorganisation de l’entreprise concernant son poste de travail, ce qui a eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et son état de santé.

Elle assure qu’elle n’a jamais été destinataire d’une fiche de poste l’informant précisément des missions qui lui étaient confiées, lesquelles ont été régulièrement modifiées, la laissant ainsi dans l’incertitude des tâches à accomplir.

Elle ajoute qu’ainsi, elle a vu ses tâches interchangées avec celles confiées à une autre secrétaire de l’entreprise voire retirées au profit de celle-ci et précise que leurs relations se sont dégradées sans que l’employeur ne réagisse pour y remédier au titre de son obligation de sécurité, de sorte qu’elle n’était plus en capacité physique et psychologique de supporter ses conditions de travail.

*

La société Tradis, dans ses dernières conclusions (n°3) adressées au greffe le 11 mars 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, en condamnant celle-ci au paiement d’une somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la société Tradis affirme avoir respecté son obligation de reclassement dans le groupe, en effectuant des recherches de postes disponibles, tenant compte des qualifications et des préconisations émises par le médecin du travail.

Elle affirme ainsi avoir contacté en vain toutes les filiales du groupe FILOG auquel elle appartient. Elle précise que ce groupe ne doit pas être assimilé au groupe STJ, qui est un simple réseau de transport et non un groupe au sens du droit commercial et du droit du travail.

En outre, elle assure que la société Fipame, autres société du groupe FILOG, n’a pas été interrogée dans la mesure où elle n’emploie aucun salarié.

Enfin, elle relève que l’ensemble des réponses sont rédigées de manière personnelle et que de surcroît, l’employeur n’est nullement tenu de proposer au salarié un poste nécessitant une formation de base différente de la sienne et relevant d’un autre métier.

S’agissant de l’attitude fautive reprochée à son encontre par Mme X, la société Tradis soutient avoir toujours eu un comportement irréprochable avec ses salariés et qu’en revanche, tel n’était pas le cas de Mme X envers ses collègues.

Elle ajoute que Mme X s’est vu confier des tâches de secrétaire sans aucune spécificité, que l’absence de fiche de poste ne constitue pas une faute et que l’attribution de tâches différentes relève du simple exercice de son pouvoir de direction sans constituer une quelconque modification de son contrat de travail.

En définitive, la société Tradis constate que Mme X n’apporte aucun élément pour justifier une prétendue exécution déloyale du contrat de travail.

***

MOTIVATION

- Liminairement, sur la demande tendant à voir écarter des débats la pièces n°47 produite par la société Tradis :

Mme X demande à la cour d’écarter des débats l’attestation établie au nom de M. H Y – pièce n°47- et produite par la société Tradis, au motif que celle-ci comporterait deux

écritures différentes.

En application de l’article 202 al 4 du code de procédure civile, l’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document justifiant de son identité et comportant sa signature.

Ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité et il revient au juge du fond d’apprécier souverainement en tout état de cause si l’attestation non conforme à l’article 202 présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

Enfin, l’article 287 du même code prévoit que si l’une des parties déclare ne pas reconnaître l’écriture qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.

En l’espèce, la lecture de l’attestation établie au nom de M. Y révèle uniquement une différence de taille d’écriture entre les mentions complétant les encarts relatifs à la date et celle figurant dans le corps de cet imprimé type.

Surtout, la société Tradis verse aux débats une seconde attestation de M. Y – pièce n° 48 -, non critiquée adversairement, et par laquelle celui-ci 'certifie que l’attestation du cerfa 11527*02 a été intégralement écrite de ma main le 17 juillet 2020. Un oubli sur la date qui explique qu’il y ait une différence d’écriture'.

Il ressort de ces éléments que M. Y est l’auteur des déclarations faites dans le corps de sa première attestation de sorte qu’il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce des débats.

Mme X sera déboutée de la demande présentée à ce titre.

I- Sur l’existence d’un manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité et de loyauté à l’origine de l’inaptitude de Mme X :

Le licenciement pour inaptitude médicale à l’emploi d’un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré qu’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est à l’origine de l’inaptitude.

Il ne suffit pas toutefois d’établir un lien entre le travail et l’inaptitude pour démontrer l’existence d’un manquement de l’employeur qui serait à l’origine de l’inaptitude. A l’inverse, tout manquement imputable à l’employeur n’est pas nécessairement à l’origine de l’inaptitude et il revient au salarié qui l’invoque de démontrer l’existence d’un lien entre le manquement établi et l’inaptitude.

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs par des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1, par des actions d’information et de formation, et par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes et met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention définis par l’article L. 4121-2.

Enfin, l’article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l’espèce, Mme X soutient que les manquements de l’employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité sont à l’origine de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, sans pour autant prétendre qu’elle aurait été victime d’un quelconque harcèlement moral tel qu’allégué en première

instance.

Il apparaît que la salariée a été placée en arrêt de travail le 20 février 2017 pour maladie simple, et plus précisément 'un syndrome dépressif', arrêt de travail prolongé jusqu’au 14 avril 2017.Une attestation de suivi individuel du médecin du travail du 19 avril 2017 révèle qu’à cette date, 'l’état de santé de la salariée nécessitait une orientation sans délai vers son médecin traitant'. Mme X a ainsi été de nouveau arrêtée le 20 avril 2017.

Lors de la visite de reprise du 24 mai 2017, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude, en précisant que la salariée était 'inapte au poste d’assistante administrative et inapte à exercer les tâches existantes dans l’entreprise, absence de contre indications médicales à bénéficier d’une formation pour une réorientation professionnelle'.

Il n’a été procédé à aucune déclaration pour maladie professionnelle auprès de l’organisme social et ces seuls éléments médicaux sont insuffisants à établir que le syndrome dépressif dont souffrait Mme X résultait de son travail ni a fortiori d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Par ailleurs, Mme X produit une attestation émanant de sa mère témoignant des changements de comportement de sa fille 'liés à l’ambiance de travail', et d’une amie Mme Z, évoquant 'les symptômes liés à un surmenage psychologique' que présentait la salariée. Néanmoins, ces personnes ne font que rapporter les propos entendus de Mme X et leur proximité affective avec l’appelante ne peut que remettre en cause l’objectivité de tels témoignages.

Enfin, si Mme I A, secrétaire collègue de Mme X, affirme qu’elle-même venait la boule au ventre au travail et 'qu’une tension était palpable', elle ne dit rien expressément concernant Mme X de sorte que ce témoignage n’est pas davantage probant.

Le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement établi par M. J K, conseiller ayant assisté la salariée, et versé aux débats par Mme X, révèle que cette dernière s’était alors plainte de l’absence de remise d’une fiche de poste, du changement incessant de ses tâches, d’un manque de communication (essai en vain par mail) et d’une désorganisation de son poste de travail au retour de chacune de ses absences (documents et matériels déplacés ou manquants, fond d’écran changé, bureau d’écran d’ordinateur modifié).

Pour tenter d’appuyer ses dires, Mme X produit uniquement quatre mails adressés à M. L B, directeur général, les 9 novembre 2015, 8 janvier et 14 mars 2016, et 18 avril 2017 ainsi qu’un courriel du directeur du 14 avril 2017.

Dans le premier courriel, la salariée s’étonne d’apprendre par sa collègue Mme A que désormais c’est cette dernière qui s’occuperait des factures d’affrètement. Le mail du 6 novembre précédent émanant de Mme A révèle néanmoins que cet allégement a été convenu afin de laisser à Mme X du temps pour gérer d’autres tâches.

Le deuxième mail portait sur une facture de septembre, et Mme X reprochait à M. B de ne 'jamais' avoir 'enjoint à I de terminer le pointage affrètement de la facture STJO de septembre'. In fine, Mme X se plaignait de subir 'les injonctions de Bruno', sollicitant un entretien et demandant 'que mes tâches me soient clairement attribuées, en fonction de ce qui avait été convenu lors de l’entretien d’embauche, à savoir un poste administratif de ressources humaines et non pas de l’assistanat d’exploitation et toutes les tâches dont les autres personnels des bureaux ne veulent pas'. Il doit être alors relevé le ton autoritaire avec lequel Mme X s’adresse au directeur et rappelé que le contrat de travail mentionne que celle-ci a été embauchée en qualité de secrétaire sans autre engagement de la part de l’employeur.

Dans le troisième mail, la salariée évoque un problème de date de congés d’avril, et se plaint de sa collègue qui 'fredonne à longueur de journée, couvrant même régulièrement le son de la radio que j’écoute depuis mon ordinateur', de ses 'bruits de trompette ou 'pope’ avec sa bouche', perturbant sa concentration, mais aussi de changements de tâches. Même à tenir pour vrai les éléments repris dans ce courriel, et s’il est regrettable que les deux salariées aient eu des difficultés à se supporter l’une l’autre dans un même bureau, il ne saurait être reproché à ce stade à l’employeur un manquement à son obligation de sécurité, stricto sensu. En outre, la fourniture d’une fiche de poste ne constitue pas une obligation pour l’employeur. De surcroît, il n’est nullement établi que Mme X se soit vue confier des tâches ne relevant pas de ses fonctions de secrétaire de sorte qu’une modification de son contrat lui eut été ainsi imposée sans son accord. Enfin, ces éléments sont insuffisants à caractériser un 'changement incessant' des tâches confiées à la salariée comme une désorganisation dont l’employeur sera responsable.

Au surplus, si Mme X se plaint dans un mail du 18 avril 2017 des changements matériels intervenus à l’emplacement de son bureau (caisson réorganisé et vidé, bannettes vidées etc), ce seul événement est remis en cause par l’employeur qui justifie par l’intermédiaire de Mmes I A et M C, collègues de Mme X, de l’absence de toute modification réalisée sur le poste de travail de la salariée.

Plus généralement, les attestations versées aux débats par la société Tradis évoquent le respect habituel de M. B à l’égard de l’ensemble des salariés et certaines témoignent du 'caractère autoritaire' de Mme X, ou encore de ses 'réflexions désobligeantes' envers ses collègues', 'dès qu’une tâche effectuée ne correspondait pas à ce qu’elle voulait' (attestation de Mme C).

En définitive, il apparaît que Mme X ne justifie pas, par des éléments objectifs distincts des pièces versées dont elle-même est l’unique auteur, d’un quelconque manquement de la société Tradis à son obligation de sécurité qui serait à l’origine de l’inaptitude déclarée.

La société Tradis est dès lors bien fondée à soutenir qu’aucun manquement à son obligation de sécurité en lien avec l’apparition du syndrome dépressif subi à l’origine de l’inaptitude définitive n’est caractérisé à son encontre.

Le manquement à l’obligation de sécurité et de loyauté n’est donc pas établi, et le licenciement ne pourra être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse sur la base de ce moyen en l’occurrence non fondé.

II- Sur le non-respect de l’obligation de reclassement et le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l’article L. 1226-2 du code du travail dans sa version applicable au cas d’espèce, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’article L. 1226-2-1 du même code ajoute que lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, les critiques formulées et les moyens invoqués par Mme X concernent essentiellement le périmètre de reclassement et le manque de sérieux et de précision de la recherche de reclassement.

1-Sur le périmètre de reclassement-

La recherche de solutions de reclassement n’est menée qu’au sein de l’entreprise lorsque celle-ci n’appartient pas à un groupe.

En revanche, les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

En l’occurrence, la société Tradis reconnaît elle-même qu’à l’époque du licenciement de Mme X, elle appartenait au groupe FILOG, groupe structuré sur la base d’une holding, la société FILOG. Elle admet ainsi que parmi les cinq autres filiales concernées, quatre d’entre elles avaient des activités, une organisation ou un lieu d’exploitation leur permettant d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, à savoir : les sociétés Transports Jeantet Ouest (STJO), […], Comaldis et Rodis.

De fait, il résulte de ces extraits Kbis (pièces n°35 à 38) qu’à tout le moins, ces sociétés, toutes présidées par la société FILOG à l’instar de la société Tradis, ont pour activité principale le transport public de marchandises et loueurs de véhicules industriels, l’activité de commissionnaire de transport, la location de véhicules avec ou sans chauffeur, l’entreposage, le stockage, le déménagement. Et il est constant que ces quatre sociétés ont été consultées ce, en vain, par la société Tradis dans le cadre de ses recherches de reclassement.

S’agissant de la société Fipame, 5e filiale de la société FILOG, la société Tradis soutient qu’en dépit de son appartenance au même groupe, cette filiale n’employait aucun salarié en raison de son activité, s’agissant d’une société qui loue les camions à la société ATS, ce qui empêcherait ainsi toute permutation de personnel.

Cependant, la société Tradis n’explique pas réellement ni ne démontre dans quelle mesure l’objet de la société Fipame 'spécialisée dans le secteur d’activité de la location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers' et plus généralement 'l’exercice de toutes activités de location de véhicules ainsi que toutes activités connexes ou complémentaires' impliquerait l’absence de tout

salarié pour en assurer le fonctionnement.

Au surplus, elle produit un document intitulé 'extrait creditsafe' concernant la société Fipame sur lequel la colonne 'effectif moyen' est vierge. La fiche de cette même société extraite du site internet société.com produite aux débats par Mme X indique à la même rubrique : 'non précisé'. L’absence d’emploi salarié au sein de la société Fipame n’est donc pas établie.

Il résulte par ailleurs de l’extrait du registre du commerce et des sociétés de la société Fipame, que celle-ci, également présidée par la société FILOG, se trouve dirigée par M. N O directeur de la société ATS autre filiale de la société FILOG. Son siège se situe à 'Chevroz Lieu dit Bois de Chanois’ , au même endroit que celui de la société ATS.

Par suite, la société Tradis qui admet que la société Fipame appartient au même groupe mais considère que l’absence de tout emploi salarié en lien avec son activité ne permet pas d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, n’en rapporte pas la preuve.

Au contraire, il apparaît que l’activité de la société Fipame est similaire à celles des autres entreprises du groupe.

Par suite, il doit être considéré que le périmètre de reclassement incluait la société Fipame et que la société Tradis ne rapporte pas la preuve de l’inexistence de poste à pourvoir au sein de la société Fipame, de sorte qu’elle ne justifie pas du respect de son obligation de reclassement.

De surcroît, Mme X fait valoir qu’en sus de ces cinq sociétés, la société Tradis aurait dû également étendre ses recherches de reclassement auprès de plusieurs autres sociétés qui appartiendraient au même groupe STJ, en particulier les sociétés Jeantet Besançon, Jeantet Pontarlier, les messageries jurassiennes, Transaldis, GIE STJ Développement, Déaltis, SCOT, Chmelog.

Mme X verse ainsi aux débats :

— une présentation du groupe STJ , 'groupe national à taille humaine doté de plates-formes sur l’ensemble du territoire, présent en France sur toute l’Europe depuis 1948, disposant d’une logistique de pointe avec 650 collaborateurs au total' (pièce n°33 de la salariée), éléments repris sur le site internet de la société Tradis 'historique’ (pièce 36), sur lequel il est expressément mentionné que 'la société Tradis reste membre du groupe STJ (11 sociétés et plus de 670 salariés)' ;

— un article de presse du 25 avril 2016 paru à l’occasion du regroupement des activités locales à Veaux-les-près de la société 'Transport Jeantet' intitulé : 'Transports Jeantet et D devient Goliath', faisant état de la 'nouvelle dimension des Transports Jeantet', 'société d’origine familiale', crée en 1948, comptant aujourd’hui '10 entreprises filiales en France employant au total 650 collaborateurs..'. Il y est expressément mentionné l’existence du groupe société de transport Jeantet qui rassemble les 10 filiales de Jeantet. Celles-ci sont ainsi énumérées : Jeantet Besançon, Jeantet Pontarlier, les Messageries Jurassiennes, E, Transaldis, STJO (avec deux implantations dans l’ouest à Châtellerault et Cholet-Tradis-), Transports Comaldis, outre une structure dédiée à l’International basée en Slovaquie. Est également évoquée l’apparition en 2013 d’un groupement d’intérêt économique le GIE STJ pour gérer à l’échelle du groupe les parties administratives et achat.

La société Tradis considère toutefois que le périmètre de son obligation de reclassement ne pouvait être étendu aux sociétés ainsi mentionnées, dès lors que le 'prétendu' groupe STJ n’était pas un groupe de sociétés au sens du code de commerce et du code du travail. Elle affirme qu’il s’agit uniquement d’un réseau nécessaire à l’activité de transport (logistique). Elle produit les extraits Kbis des sociétésTransaldis,

les Messageries Jurassiennes, la société des Transports Luxoviens, S.RO.T, transport Jeantet Pontarlier et Transport STJ Besancon pour établir l’indépendance de chacune de ces entreprises.

Néanmoins, le critère déterminant ne réside pas dans la détention d’une partie de capital de la société par d’autres sociétés mais d’avantage dans la réunion de conditions en termes d’activités, d’organisation, de lieux de travail ou d’exploitation qui permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Dans cette approche pragmatique visant à dégager une réalité sociale, l’existence d’un groupe de reclassement ne saurait être exclue au seul motif de l’absence de liens de capital répondant aux exigences de la loi sur les sociétés. L’indépendance juridique des entreprises n’est pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance d’un groupe de reclassement.

Il est manifeste que ces sociétés exercent une activité identique de transport de marchandises générales, sous la même enseigne 'STJ’ (cf photos des camions des sociétés Colmadis, Jeantet Ouest), avec des origines historiques communes – la société Jeantet Transport crée en 1948-, et sont constituées avec les mêmes principes organisationnels ainsi que l’explique l’article de presse reprenant les propos de M. P Q, président de la société Transport Jeantet STJ.

Au demeurant, le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre les parties comme les courriers de l’employeur adressés à Mme X mentionnent tous en en-tête le sigle 'STJ', le nom de Tradis étant ajouté dans la boucle finale du J majuscule de 'STJ'.

En conséquence, l’ensemble de ces éléments révèle que le périmètre de l’obligation de reclassement de la société Tradis ne devait pas être limité aux quatre filiales consultées à ce titre, mais étendu également aux autres sociétés dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettaient d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, à savoir à tout le moins, en sus de la société Fipame, les sociétés Transports Jeantet Besançon, Transports Jeantet Pontarlier, les Messageries Jurassiennes, les Transports Luxoviens et Transaldis.

Or, il est constant que ces sociétés n’ont nullement été consultées sur la disponibilité d’un poste susceptible d’être proposé à Mme X.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner davantage le manque de sérieux et de précision de la recherche de reclassement allégué par Mme X, il sera considéré que la société Tradis n’a pas respecté son obligation de reclassement de sorte que le licenciement de Mme X sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2- Sur les conséquences de la rupture :

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux ruptures du contrat de travail prononcées antérieurement à la publication de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié ayant une ancienneté d’au moins deux ans, opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, et à défaut de réintégration du salarié, le juge octroie à celui-ci une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Le préjudice subi par Mme X du fait de son licenciement, compte tenu de son âge au moment de la rupture (32 ans), d’une ancienneté de 2 ans et 5 mois dans l’entreprise, sera réparé par l’allocation d’une somme que la cour est dans l’obligation de fixer, nonobstant les dispositions précitées et dans les limites de la demande, à la somme de 5696,50 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme X sollicite également une somme de 2000 euros en réparation d’un préjudice moral

distinct résultant de l’attitude fautive de l’employeur qui n’a pas respecté ses obligations de sécurité et de loyauté comme son obligation de reclassement.

Toutefois, la cour n’a pas retenu que l’employeur avait manqué à ses obligations de sécurité et de loyauté et la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de la perte d’emploi s’agissant du non-respect de l’obligation de reclassement. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance seront infirmées, sauf en ce que la demande de la société Tradis présentée au titre de ses frais irrépétibles a été rejetée.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Tradis au paiement de la somme de 2 000 euros pour la procédure d’appel. Il n’y a pas lieu en revanche d’accorder à Mme X une somme sur ce fondement pour la procédure de première instance, puisque celle-ci bénéficiait alors de l’aide juridictionnelle totale.

La société Tradis, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe de la cour,

—  REJETTE la demande présentée par Mme F X tendant à écarter des débats la pièce n°47 produite par la société Tradis ;

- INFIRME le jugement déféré rendu le 18 mars 2019 par le conseil de prud’hommes d’Angers sauf en ce qu’il a débouté Mme F X et la société Tradis de leur demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- DIT que la société Tradis n’a pas respecté son obligation de reclassement en faveur de Mme F X ;

—  DIT que le licenciement notifié le 30 juin 2017 à Mme F X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

—  CONDAMNE la société Tradis à payer à Mme F X la somme de 5 696, 50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- DÉBOUTE Mme F X de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral distinct ;

- CONDAMNE la société Tradis à payer à Mme F X la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

—  DÉBOUTE la société Tradis de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Tradis aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Viviane BODIN M-C. S

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 24 juin 2021, n° 19/00224