Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 1er février 2021, n° 19/01515

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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rocheblave.com · 15 février 2021

Trop ou injustement versé de salaire : guide des employeurs pour en obtenir le remboursement Image par Gerd Altmann de Pixabay Les employeurs ont droit au remboursement des salaires trop ou injustement versés « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. » (Article 1302 du Code civil) « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. » (Article 1302-1 du Code civil) Le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l'exercice par l'employeur de l'action …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Basse-Terre, ch. soc., 1er févr. 2021, n° 19/01515
Juridiction : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro(s) : 19/01515
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 9 octobre 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 83 DU PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE N° : N° RG 19/01515 – N° Portalis DBV7-V-B7D-DFNH

Décision déférée à la Cour : J

ugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section

commerce – du 10 Octobre 2019.

APPELANTE

Madame A B épouse X

[…]

97116 POINTE-NOIRE

Représentée par Me O-Michelle HILDEBERT (SCP NAEJUS-HILDEBERT), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

S.A.S. PHARM’UP

[…]

[…]

Représentée par Me Elsa KAMMERER, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 7 Décembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn LE GOFF, conseillère, présidente,

Madame Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Madame Annabelle CLEDAT, conseillère

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 1er Février 2021

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal

.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn LE GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER,greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

************

FAITS ET PROCÉDURE

Madame A B épouse X a été engagée par la SARL Pharmatropiques (devenue la SAS Pharm’up) par contrat à durée indéterminée à temps complet du 5 mars 2016, à compter du 7 mars 2016, en qualité « d’animatrice de vente sur une journée minimum par semaine, et attachée commerciale sur quatre jours », moyennant une rémunération constituée d’une part fixe (1 466,62 euros), et d’une part variable (3 % du chiffre d’affaires réalisé mensuellement sur les points de vente).

Par avenant en date du 1er juillet 2016, Madame A B épouse X a repris à compter du 26 juillet 2016, les fonctions d’attachée commerciale à temps plein.

Le 1er juin 2017, Madame A B épouse X a été déclarée apte à son poste de travail par le médecin du travail, avec restrictions temporaires de deux mois : « pas de conduite automobile, apte sur un poste de travail sédentaire ou en télétravail. »

Par courrier du 7 mai 2018, Madame A B épouse X a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Le 16 juin 2018, Madame A B épouse X a été placée en arrêt de travail jusqu’au 17 juillet 2018.

Par courrier recommandée avec accusé de réception du 17 septembre 2018, Madame A B épouse X a notifié à la société Pharm’up la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête réceptionnée au greffe le 15 novembre 2018, Madame A B épouse X a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre aux fins notamment, d’obtenir la requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul, et de versement d’indemnités liées à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 10 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

— reçu Madame A B épouse X en ses demandes,

— reçu la SAS Pharm’up, prise en la personne de son représentant légal, en ses demandes,

— dit et jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Madame A B épouse X s’analyse en une démission,

— débouté Madame A B épouse X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamné Madame A B épouse X à payer à la SAS Pharm’up, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la SAS Pharm’up de toutes ses demandes,

— condamné Madame A B épouse X aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 7 novembre 2019, Madame A B épouse X a formé appel dudit jugement, qui lui a été notifié le 14 octobre 2019.

Par ordonnance du 24 septembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction, et renvoyé la cause à l’audience du 7 décembre 2020 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2020 à la société Pharm’up, Madame A B épouse X demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

— condamner la SAS Pharm’up à lui payer la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

— requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en date du 17 septembre 2018 en un licenciement nul,

En conséquence,

— condamner la SAS Pharm’up à lui payer les sommes suivantes :

—  6 040,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 604,07 euros de congés payés afférents,

—  1 887,73 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  36 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

— ordonner à la SAS Pharm’up d’établir et de lui remettre ses documents de fin de contrat dans le sens de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

— condamner la même à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel, ainsi qu’aux dépens.

Madame A B épouse X soutient que :

— son employeur a exercé à son égard, au cours de la relation contractuelle ainsi qu’au moment de sa rupture, des actes constitutifs d’un harcèlement moral,

— dés lors, la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement nul.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2020 à Madame A B épouse X, la société Pharm’up demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 10 octobre 2019, sauf en ce qu’il l’a déboutée au titre de sa demande relative à l’indemnité compensatrice de préavis, à un rappel de salaire indument versé et aux frais de l’article 700 du code de procédure civile,

— constater que Madame A B épouse X ne justifie d’aucun harcèlement moral,

— constater l’absence de modification du contrat de travail,

— dire et juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Madame A B épouse X doit produire les effets d’une démission,

— débouter Madame A B épouse X de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

— condamner Madame A B épouse X à lui verser la somme de 6 040,76 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— condamner Madame A B épouse X à lui rembourser la somme indument perçue de 400 euros,

— condamner Madame A B épouse X à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Madame A B épouse X aux entiers dépens.

La société Pharm’up expose que :

— aucun acte constitutif d’un harcèlement moral n’a été commis à l’égard de Madame A B épouse X,

— la salariée ne démontre aucun fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral,

— ses décisions sont motivées par des faits purement objectifs et vérifiables,

— aucun grief ne peut lui être reproché.

MOTIFS

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

La prise d’acte ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont d’une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail. La sanction est celle d’un licenciement nul lorsqu’un salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail en raison notamment d’actes de harcèlement moral fondés et suffisamment graves. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.

Il appartient à la salariée d’établir les faits qu’elle allègue à l’encontre de l’employeur.

Par courrier du 17 septembre 2018 ayant pour objet : « notification de prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail», Madame A B épouse X invoquait plusieurs manquements à l’encontre de son employeur, dans les termes suivants :

« Par la présente, je vous notifie ma prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail en raison des violations que vous lui apportez, encore jusqu’à aujourd’hui, qui me portent préjudice et rendent sa poursuite impossible.

En juin 2017, j’ai provisoirement quitté le poste d’attachée commerciale que j’occupais, pour congés de maternité de mon troisième enfant né le […].

A cette date, tout est « normal » dans mon travail, rémunéré par une partie fixe et une partie variable en fonction des résultats de mon activité commerciale auprès de la clientèle où je vends et enregistre des commandes de produits.

Cette situation satisfaisante, autant pour vous que pour moi, est attestée par mes 6 bulletins de salaires de la période de janvier 2017 à juin 2017 ainsi :

Fixe

Variable Total

Janvier

1 500€ 2 364€

3 864€

Février

1 500€ 3 003€

4 503€

Mars

1 500€ 3 243€

4 743€

Avril

1 500€ 3 060€

4 560€

Mai

1 500€ 3 029€

4 529€

Juin

1 500€ 954€

2 454€

Total part variable 15 653€

C’est en mars 2016 sur un appel de Madame D E, chef des ventes de Pharm’up que le poste d’animatrice des ventes m’a été proposé et confié, avec une partie d’activité commerciale.

En juillet 2016, il faut croire que nous sommes réciproquement satisfaits de mon travail puisque je reçois « Bioderma » dans mon portefeuille, la plus grosse carte de Pharm’up et, en raison de l’excellence de mes résultats, je suis :

1) envoyée en formation sur la gamme Bioderma à Lyon

2) promue au poste d’attachée commerciale à temps plein

3) augmentée sur la partie fixe de ma rémunération

En janvier 2017, toujours en raison de mes bons résultats et du départ d’une collègue, je suis félicitée par le chef des ventes et vous m’attribuez la gamme 3 Chênes.

En février 2017, mon mariage est célébré dans une parfaite ambiance professionnelle, en présence de l’équipe de mes collègues, de la chef et de la responsable des ventes, également présentes.

En mars 2017, j’annonce ma grossesse.

En avril 2017, j’éprouve des difficultés à la conduite automobile et suis contrainte à plusieurs arrêts de travail dans une ambiance qui se dégrade avec une pression sur les objectifs marketing à réaliser.

En juin 2017, la médecine du travail m’arrête, me notifie l’interdiction de la conduite automobile jusqu’à mon accouchement et demande un aménagement de poste en cas de reprise.

En juillet 2017, je pars en congés de maternité.

En janvier 2018, à mon retour de maternité je reprends contact avec vous dans la perspective de ma reprise de poste.

Notre entretien est particulièrement désagréable.

Visiblement, ma maternité a produit des effets désastreux et totalement retourné votre opinion à mon égard, que vous cachez à peine, et vous évoquez la possibilité d’une rupture conventionnelle.

En clair, vous m’en voulez personnellement d’être partie en maternité.

Perturbée par votre attitude, je vous adresse un courrier e-mail vous priant de me préciser vos propositions de rupture auquel vous n’avez jamais répondu.

A ma surprise, contre toute attente, le jour de ma reprise vous me demandez de reprendre mon poste « normalement », m’expliquant que la gamme 3 Chênes confiée à une collègue pendant mon absence lui restera selon le souhait du directeur de la gamme qui lui a donné sa formation'

Vous m’expliquez que des nouvelles gammes arrivent qui me seront attribuées'

Cependant, vous me faites « cadeau » d’une gamme (Fitoform) en chute de vitesse, très difficile à exploiter, quatre fois moins vendue que 3 Chênes.

En réalité, contre la loi qui l’interdit et contre la jurisprudence qui le condamne, vous avez modifié radicalement et négativement mon contrat de travail à mon retour de maternité, non seulement dans ses conditions d’exécution mais dans sa substance économique et financière. Les faits et dates ne laissent aucun doute sur le lien entre ma maternité et la dégradation brutale de mon contrat de travail.

Ainsi, vous m’avez retiré les marques : 3 Chênes, SJR, Biolissime, True Colors.

Ce qui a réduit directement ma tournée clients auprès des pharmacies : Cité-Unies, Renaison, Le Marquisat, Berthelot.

Et réduit directement les montants de la partie variable de mon salaire qu’il suffit de constater sur mes bulletins de janvier à juin 2018 pour mesurer la coupure financière imposée à mon contrat de travail :

Fixe

Variable Total

Janvier

1 500€ 552€

2 052€

Février

1 500€ 2 254€

3 754€

Mars

1 500€ 1 693€

3 193€

Avril

1 500€ 1 835€

3 335€

Mai

1 500€ 907€

2 407€

Juin

1 500€ 1 014€

2 514€

Total part variable 8 255€

Soit un écart négatif de 15 653 euros ' 8 255 euros = 7 398 euros comparativement aux 6 mois de la même période de l’année précédente 2017.

Soit une chute de 47 % du montant de la part variable de mon salaire.

Ces modifications brutales sont équivalentes en terme de préjudices moraux et économiques à une humiliation publique dès lors que vous m’avez dégradée professionnellement :

- au yeux de mes collègues,

- aux yeux des fournisseurs de marques,

- aux yeux des clients de ma tournée de visites,

- aux yeux de mes proches et de ma famille.

Ce qui est grave et très préjudiciable en terme d’image personnelle dans le milieu local et fermé de la Guadeloupe.

Le ressenti que j’éprouve est celui d’une opération que vous avez murie et organisée contre moi, en vue de m’éprouver, d’obtenir mon découragement, et finalement mon départ « à bon compte ».

De surcroît, avec vos méthodes, vous avez négligé votre devoir d’employeur qui vous oblige à veiller sur la santé de vos salariés dans l’accomplissement de leurs tâches et vous m’avez volontairement déstabilisée, et blessée matériellement et moralement.

Votre responsabilité sociale, légale et pénale de chef d’entreprise est engagée.

J’ai dû consulter la médecine pour tenter de me relever des « coups » moraux que vous m’avez portés sciemment dans la recherche de votre intérêt.

La liste des griefs que je vous adresse n’est pas exhaustive ni close et je me réserve de la compléter devant le conseil de prud’hommes.

La rupture de mon contrat de travail dont vous m’obligez à prendre acte aujourd’hui est entièrement imputable à vos fonctions de dirigeant employeur car les faits constatés relèvent de graves manquements à vos obligations contractuelles et légales à mon égard. (') »

Madame A B épouse X fonde donc la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail sur des faits intervenus à compter du 17 janvier 2018 et qu’elle qualifie désormais d’actes constitutifs de harcèlement moral ayant dégradé son état de santé, à savoir :

— le retrait de plusieurs gammes (3 Chênes, SJR, Biolissime, True Colors) pour les remplacer par un seul produit : Fitoform, engendrant une perte de rémunération variable,

— des pressions afin qu’elle accepte de conclure une rupture conventionnelle de son contrat de travail, et quitte ainsi l’entreprise,

— l’attribution à sa personne de faits fautifs injustifiés,

— la mention d’une démission comme motif de rupture sur l’attestation Pôle emploi,

— l’absence de versement par l’employeur des indemnités journalières de la CGSS.

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer ou, suivant la version modifiée par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, laissent supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou, suivant la version modifiée par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Il convient donc d’examiner tour à tour chacun des manquements que Madame A B épouse X impute à son employeur et de vérifier dans un premier temps, si la salariée établit la matérialité des faits qu’elle invoque, puis dans un second temps, d’analyser les faits établis dans leur ensemble afin de déterminer, compte tenu de leur temporalité, s’ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

En ce qui concerne le retrait de plusieurs gammes de produits ayant engendré une perte de rémunération variable

Madame A B épouse X fait valoir qu’à son retour de congés maternité, le 17 janvier 2018, son employeur a modifié unilatéralement les produits qui lui avaient été contractuellement attribués.

Pour faire la preuve de la réalité du retrait de plusieurs gammes de produits, Madame A B épouse X verse aux débats son contrat de travail ainsi que son avenant en date du 1er juillet 2016, et ses bulletins de paie de janvier à juin 2017 et 2018.

Selon l’article 6.5 du contrat de travail de la salariée en date du 5 mars 2016, les produits dont la vente en tant que commerciale est confiée à Madame A B épouse X sont ceux définis aux annexes. Toutefois, il était prévu que la salariée serait informée régulièrement des nouveautés et cessation de produits, la direction se réservant le droit de modifier son catalogue sans préavis.

Le tableau de répartition des gammes versé en annexe au titre de l’année 2016, fait apparaître que Madame A B épouse X avait en charge les produits des marques suivantes :

— Bioderma,

— Foucaud,

— Gum,

— Biolissime,

— Leonor Greyl,

— Lisandra,

— Multipower,

— Nuby,

— Resultime,

— SJR,

— Aloe vera gel,

— Chondrosteo.

Par avenant du 1er juillet 2016, il était précisé à Madame A B épouse X que dans le cadre de ses fonctions d’attachée commerciale à temps plein, elle devait promouvoir et vendre les produits du catalogue de l’employeur auprès des réseaux de distribution de la société.

En cas d’arrêt d’activité de l’attachée commerciale dû à une autre raison que ses congés annuels légaux, l’entreprise pouvait faire appel à un autre attaché commercial pour assurer la commercialisation des différents produits auprès de ses clients ou de prospects. Dans ce cas, l’attaché commercial n’assurant plus son activité, ne percevra pas le commissionnement correspondant au chiffre d’affaires réalisé par le nouvel attaché commercial délégué sur son secteur.

L’annexe 1 de cet avenant, dont il était précisé qu’il serait « révisable annuellement à l’initiative exclusive de la société », prévoyait le versement de commissions sur le chiffre d’affaires facturé mensuel hors taxes.

Selon un tableau de répartition des gammes au titre de l’année 2017, Madame A B épouse X avait en charge les produits des marques suivantes :

— Bioderma,

— Biolissime,

— Résultime,

— Corgenic,

— Up world,

— True colors,

— SJR,

—  3 Chênes,

—  3C pharma.

Il ressort de la comparaison des bulletins de paie de Madame A B épouse X que le montant de ses commissions sur chiffre d’affaires a diminué au cours du premier semestre de l’année 2018.

Par deux écrits dactylographiés non datés, non signés et dénués de justificatif d’envoi, produits par Madame A B épouse X, cette dernière explique que :

— « les modifications unilatérales de mon contrat de travail que j’ai trouvées à mon retour de maternité constituent un préjudice à mon égard, et pas seulement économique »,

— « et puisque c’est vous seul qui organisez et répartissez le travail, les tournées, la clientèle, je vous demande simplement de me donner les vrais moyens des performances que vous attendez ».

Madame A B épouse X verse également aux débats plusieurs témoignages.

Madame F G, salariée de Cosmetique de France, soutenait le 1er juin 2019 qu’à son retour de congés maternité, Madame A B épouse X a perdu « les cartes qu’elle avait implantée difficilement avec succès, au profit d’une des commerciales fraichement embauchées, O de son prénom. »

En revanche, Madame O-P Q, salariée de la société Cosmetol, affirmait le 3 juin 2019 que Madame A B épouse X « savait redonner vie à des gammes en perte de vitesse » et qu’ainsi, elle « avait les gammes les plus difficiles à travailler. Et dès que le travail était fait, elle perdait la carte au détriment d’une en perdition. »

Force est de constater que Madame A B épouse X ne produit pas le tableau de répartition des gammes au titre de l’année 2018, plaçant la cour dans l’impossibilité de constater la réalité d’un retrait à la salariée de plusieurs gammes.

En tout état de cause, il était fixé contractuellement, que la direction se réservait le droit de modifier son catalogue sans préavis en fonction des nouveautés et cessation de produits.

En définitive, si les commissions perçues par Madame A B épouse X au cours du premier trimestre 2018 étaient effectivement moins élevées que celles perçues à la même période au cours de l’année 2017, ce fait ne saurait être, compte tenu des éléments produits, imputé à un retrait par l’employeur de plusieurs gammes de produits à compter du 17 janvier 2018, date de son retour de congés maternité.

Madame A B épouse X échoue à établir un lien entre la diminution du montant de ses commissions et l’attribution par l’employeur de la gamme Fitoform en lieu et place de la gamme 3 Chênes.

En conséquence, le grief tiré du retrait de plusieurs gammes de produits ayant engendré une perte de rémunération variable n’est pas établi.

En ce qui concerne les pressions exercées pour la conclusion d’une rupture conventionnelle

Madame A B épouse X fait valoir que Monsieur Z, directeur général du groupe Pharm’up, a fait pression sur elle afin qu’elle accepte de conclure une rupture conventionnelle, et quitte ainsi la société.

Par mail du 15 janvier 2018, Madame A B épouse X écrivait au directeur général du groupe Pharm’up afin d’obtenir davantage de précisions sur les conditions auxquelles une rupture conventionnelle pouvait être envisagée :

« Bonjour Monsieur Z,

Très choquée ce matin suite à notre entretien téléphonique ce n’est que maintenant que je réalise'

Pouvez-vous me faire une proposition pour un éventuel autre poste ' Sachant que j’ai de vraies compétences au niveau du management'

Sinon, concernant la rupture conventionnelle, que pouvez-vous me proposer d’intéressant '

En attente de votre réponse. »

Par mail du 14 mai 2018, Madame A B épouse X H à son employeur la conduite à tenir quant à la possibilité de conclure une rupture conventionnelle :

« Bonsoir Monsieur Z,

Je reçois de nombreux appels depuis ce jour d’animatrices et personnels d’officine !!

I J, votre employée se permet de dire à de nombreuses personnes que je pars et qu’elle me remplacera ! Je suis fortement étonnée de cela.

Je crois que nous étions d’accord sur le fait de garder toutes démarches confidentielles !

Je n’ai besoin d’aucunes publicités et surtout venant de cette dernière’ surtout qu’elle raconte du n’importe quoi à mon sujet. Certains sont indignés par cela et moi ça me rend malade de savoir que mon nom est en circulation en pharmacie à ce sujet.

Je n’ai jamais parlé de I avec vous, je suis surprise de savoir que Mademoiselle se vente déjà d’avoir un poste de commerciale.

Je pense Monsieur Z, que vous n’avez jamais eu de problème avec moi, j’ai toujours exercé en toute conscience professionnelle, était très respectueuse envers vous et donné le meilleur de moi !

Je tiens à ma réputation. »

Par mail en réponse du même jour le directeur général du groupe précisait à la salariée que sa décision n’était pas encore prise s’agissant de la conclusion d’une rupture conventionnelle et qu’il partageait cette volonté de discrétion :

« Je ne sais pas d’où viennent ces « cancans » qui n’ont pas de fondements, dans la mesure où je n’ai pris à ce jour aucune décision de quoi que ce soit et que j’ai à ce jour plusieurs hypothèses à l’étude, de réorganisation du travail, suite à votre courrier de demande de rupture conventionnelle. La réalité est celle-ci, et j’ai demandé à ce que la discrétion soit de mise.

Cette mise au point effectuée, il serait bien que vous veniez au bureau mardi 22 mai, le jour de votre reprise afin de compléter votre dossier. »

Enfin, Madame A B épouse X s’appuie sur deux écrits dactylographiés non datés, non signés et dénués de justificatif d’envoi, par lesquels elle contestait finalement avoir sollicité une rupture conventionnelle auprès de son employeur, tout en considérant qu’une telle issue nécessiterait a minima un entretien afin de « convenir ensemble de son principe, de ses conditions et de ses modalités ». Elle précisait que c’était le directeur général qui lui avait proposé cette possibilité, ainsi qu’à huit autres salariés de l’entreprise. La salariée affirmait également que le fait qu’une indemnité soit fixée à 2 000 euros ne serait pas envisageable.

Il ne ressort pas de l’analyse de l’ensemble de ces éléments, une pression exercée par l’employeur à l’égard de Madame A B épouse X dans le but d’obtenir la conclusion d’une rupture conventionnelle. Il semble au contraire que la salariée était réceptive à l’idée de conclure une rupture conventionnelle, mais que les parties ne se sont pas entendues sur le montant de l’indemnité.

En conséquence, le grief tiré de l’exercice de pressions par l’employeur pour la conclusion d’une rupture conventionnelle n’est pas établi.

En ce qui concerne l’attribution de faits fautifs injustifiés

Madame A B épouse X fait valoir, sans les énumérer, que son employeur lui reprochait des faits fautifs injustifiés.

Pour faire la preuve de ses allégations, la salariée verse aux débats plusieurs attestations. Toutes les attestantes font état du sérieux et du professionnalisme de Madame A B épouse X.

De plus, Madame K L, ancienne responsable administratif et financier du groupe Pharm’up affirmait le 2 juin 2019 que :

« (') J’ai assisté au changement de comportement de Monsieur Z lors du retour de congés maternité de Madame X, dans un premier temps il a voulu s’en débarrasser (car il y a pas d’autre terme) puis il s’est ravisé et a changé son attitude durant quelques semaines. Il a eu un comportement de chef d’entreprise ayant envie de faire évoluer ses gammes par le biais de Madame X puis est arrivé la période durant laquelle son comportement a complètement changé, il est devenu très désagréable avec Madame X et a tout fait pour ne pas la garder, lui a même reproché d’avoir eu une grossesse et de n’être jamais passé au bureau durant son congé maternité.

Aujourd’hui, je ne suis pas étonnée qu’il ait pu agir de la sorte car j’ai été traitée de la même façon que Madame X, j’étais un très bon élément durant 10 ans et en moins de 4 mois je n’étais plus compétente, allez comprendre !!!!!! (…) »

Madame M N et Madame F G (anciennes animatrices), précisaient que le contrôleur financier de Monsieur Z lui avait conseillé de se « débarrasser » de trois animatrices, et qu’il était ouvert à accepter des ruptures conventionnelles.

Madame F G expliquait que Monsieur Z avait pu s’emporter et l’avait menacé de « chercher et trouver des fautes pour me (la) licencier pour faute grave ».

Madame M N et Madame F G ajoutaient s’être senties obligées d’accepter une rupture conventionnelle.

Madame O-P Q affirmait également que Monsieur Z avait tenté de se débarrasser d’elle par « tous les moyens possibles », et qu’il l’avait « poussé à bout ». Elle estime avoir fait un « burn-out ».

Ces témoignages, s’ils mettent en évidence des difficultés relationnelles certaines entre les salariées de l’entreprise et Monsieur Z, ne permettent pas de démontrer que le directeur général a attribué à Madame A B épouse X des faits fautifs injustifiés dans le but de la faire quitter l’entreprise. Les seuls reproches dont il est fait état à l’égard de Madame A B épouse X sont le fait d’avoir eu une grossesse et de n’être jamais passée au bureau durant son congé maternité.

Ces éléments sont insuffisants à caractériser l’attribution à Madame A B épouse X, de faits fautifs injustifiés rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, le grief tiré de l’attribution de faits fautifs à Madame A B épouse X n’est pas établi.

En ce qui concerne la mention d’une démission comme motif de rupture sur l’attestation Pôle emploi

Madame A B épouse X fait valoir que la mention d’une démission sur son attestation Pôle emploi portait atteinte à ses droits et à sa possibilité de solliciter une indemnisation par le Pôle emploi, et constituait un acte de harcèlement moral.

Pour faire la preuve de ce grief, la salariée verse aux débats son attestation Pôle emploi en date du 1er octobre 2018 qui fait effectivement mention d’une démission comme motif de la rupture du contrat de travail.

Cependant, force est de constater que la société Pharm’up a reconnu son erreur et a édité une nouvelle attestation Pôle emploi dès le 17 octobre 2018, laquelle mentionnait comme motif de la rupture de son contrat de travail, « autre motif ».

En conséquence, si le grief afférent à la mention d’un motif de rupture erroné sur l’attestation Pôle

emploi est établi, l’employeur a rectifié dans un bref délai cette erreur.

En ce qui concerne l’absence de versement par l’employeur des indemnités journalières de la CGSS

Madame A B épouse X fait valoir que son employeur, subrogé dans ses droits, ne lui a pas versé les indemnités journalières allouées par la CGSS.

Pour faire la preuve de ce grief, Madame A B épouse X verse uniquement son courrier en date du 11 octobre 2018 adressé à son employeur par lequel elle réclamait le paiement de ses indemnités journalières.

Force est de constater que la salariée ne produit aucun décompte des sommes qui lui resteraient dues par son employeur au titre des indemnités journalières de la CGSS.

En conséquence, le grief tiré de l’absence de versement par l’employeur des indemnités journalières de la CGSS n’est pas établi.

En définitive, Madame A B épouse X ne présente pas de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Enfin, Madame A B épouse X verse aux débats divers documents médicaux (arrêts de travail, rapports médicaux, prescriptions). Cependant, le harcèlement moral invoqué à l’appui de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail n’étant pas établi, il ne saurait se déduire de la seule altération de la santé de la salariée révélée par des certificats médicaux, la réalité de faits fautifs commis par la société Pharm’up.

Il convient donc de donner à la prise d’acte de Madame A B épouse X les effets d’une démission, en la déboutant de ses demandes relatives à l’indemnité pour licenciement nul, à l’indemnité légale de licenciement et à l’indemnité compensatrice de préavis.

Le jugement est confirmé sur ces points.

La prise d’acte ayant les effets d’une démission, la salariée est tenue au paiement d’une indemnité correspondant au préavis. L’article 35 de la convention collective de commerce de gros prévoit un préavis d’une durée de deux mois, soit en l’espèce la somme de 6 040,76 euros, non contestée dans son quantum par la salariée.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement d’une avance sur salaire

Il est constant que l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en 'uvre de l’action en répétition de l’indu. Le créancier est tenu de rapporter la preuve du caractère indu du versement.

La société Pharm’up fait valoir que le 15 septembre 2016, Madame A B épouse X a reçu une avance sur salaire d’un montant de 400 euros, qui n’a ensuite pas été retirée sur ses salaire suivants. Elle sollicite le remboursement de cette somme.

Pour étayer sa demande la société verse aux débats un relevé bancaire du 15 septembre 2016 à la lecture duquel il apparaît que la somme de 400 euros a été virée par la société Pharma’up à Madame A B épouse X, avec pour libellé « Pharm’up à B avance formation Bioderma 17-30.09.16 ».

Force est de constater que l’employeur n’explique pas et ne prouve pas l’erreur ayant engendré ce versement.

En conséquence, la société Pharm’up sera déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 400 euros à titre d’avance sur salaire.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés

Compte tenu des développements précédents, faisant produire à la prise d’acte les effets d’une démission, il ne sera pas fait droit à la demande de transmission des documents sociaux rectifiés sous astreinte.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Nonobstant la demande de Madame A B épouse X formulée en première instance au titre d’un rappel de commissions sur chiffre d’affaires pour la période allant du mois de janvier au mois de juin 2018, cette prétention n’est pas reprise en cause d’appel, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande à ce titre.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de débouter Madame A B épouse X de sa demande formée en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que la société Pharm’up supporte l’intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, Madame A B épouse X sera condamnée à verser en cause d’appel à la société Pharm’up, la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l’instance d’appel sont mis à la charge de Madame A B épouse X.

Par ailleurs, les dispositions du jugement concernant les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 10 octobre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Pharm’up de sa demande formée au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau,

Condamne Madame A B épouse X a payer à la SAS Pharm’up la somme de 6040,76 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

Y ajoutant,

Déboute Madame A B épouse X de sa demande formée sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile,

Condamne Madame A B épouse X à verser à la SAS Pharm’up la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de l’instance d’appel sont à la charge de Madame A B épouse X,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le greffier, La présidente,

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Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 1er février 2021, n° 19/01515