Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 28 juin 2017, n° 16/00115

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bastia, ch. soc., 28 juin 2017, n° 16/00115
Juridiction : Cour d'appel de Bastia
Numéro(s) : 16/00115
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, 17 février 2016, N° 14/00011
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°


28 Juin 2017


16/00115


SARL B F

C/

SARL SOCIETE NOUVELLE VEHICULES INDUSTRIELS CORSES, I J K L, G Y


Décision déférée à la Cour du :

18 février 2016

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’B

14/00011


COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE DIX SEPT

APPELANTE :

SARL B F, prise en la personne de son représentant légal,

XXX

20504 B CEDEX 5

Représentée par Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Renaud Z, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

Madame G Y

XXX

XXX

Représentée par Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocats au barreau d’B,

SARL SOCIETE NOUVELLE VEHICULES INDUSTRIELS CORSES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 337 660 476

XXX

XXX

Représentée par Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP CABINET RETALI & ASSOCIES, avocats au barreau de BASTIA

I J K L, prise en la personne de son représentant légal,

XXX

XXX

Non comparante, ni représentée,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2017 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme LORENZINI, Présidente de chambre, et Madame GOILLOT, Vice présidente placée près M. le premier président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre

Mme BESSONE, Conseiller

Madame GOILLOT, Vice présidente placée près M. le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 juin 2017,

ARRET

Réputé contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.

Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre, et par Mme COMBET, Greffier, présent lors de la mise à disposition de la décision.

***

Faits et procédure :

La société B F a été constituée le 1er avril 1967 par la famille Vigilenti afin d’exploiter une concession exclusive de véhicules industriels (J K) et de véhicules utilitaires sous la marque FIAT devenue ensuite IVECO. Elle assurait depuis cette date la représentation de la marque sur tout le territoire corse via deux points de vente situés à proximité d’B et de Bastia.

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 14 septembre 2005, Madame G Y a été embauchée par la société B F pour y exercer les fonctions de secrétaire comptable.

Le 30 juillet 2013, le dirigeant d’B F, Monsieur X, a remis à Madame Y ainsi qu’à huit autres salariés un courrier émanant de son conseil Maître Z, indiquant notamment que la société B F s’était vue refuser le renouvellement de ses contrats de concessionnaire par la société IVECO France et qu’elle ne faisait plus partie du réseau depuis le 31 mai 2013. Le courrier informait également les salariés que la société B F cessait ses activités à

compter du 31 juillet au soir, et que la société SN VIC lui succédait en reprenant et poursuivant intégralement et à l’identique les mêmes activités auprès de la même clientèle, les contrats de travail étant transférés de plein droit à la SN VIC qui avait l’obligation légale d’en poursuivre l’exécution en lieu et place de la société B F avec maintien de tous les avantages acquis et de l’ancienneté.

Le 1er août 2013, les neuf salariés de B F se sont présentés sur leur lieu de travail, mais ont constaté en présence d’un huissier de justice que les locaux étaient fermés. Sur les recommandations de Maître Z joint par téléphone, ils se sont rendus auprès de la société I J K Services qui leur a indiqué que sa société constituait une entité différente. Ils se sont alors rendus à Lucciana dans les locaux de la SN VIC, où le gérant Monsieur A leur a signifié qu’aucun transfert d’activité de la société B F n’avait été effectué au profit de sa société et qu’il leur fallait par conséquent s’adresser à la société B F.

Le 2 septembre 2013, les neuf salariés ont saisi le conseil de prud’hommes d’B en référé, à titre principal à l’encontre de la société B F, et subsidiairement, dans l’hypothèse où la société B F établirait que les contrats de travail ont été transférés à la SN VIC et à la société I J K, à l’encontre de ces dernières, aux fins de se voir payer leur salaire d’août 2013, une provision sur indemnité de rupture de 2 000 euros à chacun et la remise sous astreinte de l’ensemble des documents leur permettant de s’inscrire à Pôle Emploi, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir indiqué aux trois sociétés qu’ils n’entendaient pas démissionner et avoir réclamé sans succès la remise de leur fiche de paie et leur salaire du mois d’août, Madame Y et les huit autres salariés ont, le 7 septembre 2013, pris acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de l’employeur.

Selon ordonnances en date du 16 octobre 2013, la formation de référé du conseil de prud’hommes d’B a jugé :

— que l’appréciation des conditions d’application de l’article L 1224-1 du code du travail relevait de la compétence du juge du fond,

— que la société B F devait, dans l’attente être condamnée :

— à verser les salaires des requérants au moins jusqu’au 7 septembre 2013,

— à remettre les fiches de paie, l’attestation Pole Emploi, le solde de tout compte incluant régularisation des indemnités de congés payés au 7 septembre 2013, sous astreinte de 20€ par jour et par document à compter de la notification de l’ordonnance,

— à payer une somme de 500 € à chaque salarié.

Par arrêt en date du 25 février 2015, la cour d’appel de Bastia a confirmé les ordonnances de référé en date du 16 octobre 2013 en retenant qu’il existait une contestation sérieuse qu’il appartiendrait aux seuls juges du fond de trancher. La cour a notamment indiqué que le contrat conclu entre IVECO France et la société SN VIC ne comportait aucune exclusivité territoriale et que la société B F avait poursuivi son activité de vente et réparation IVECO jusqu’au 31 juillet 2013 avec l’ensemble des salariés qui avaient été régulièrement payés durant cette période.

Le 7 janvier 2014, Madame G Y et les huit autres salariés ont saisi le conseil de prud’hommes d’B aux fins de voir dire que la rupture de leur contrat de travail avait produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et se voir payer diverses indemnités par la société B F en conséquence.

Par jugement en date du 18 février 2016, le conseil de prud’hommes d’B a :

— dit qu’il n’y a pas eu de transfert d’activité et que la société B F a bien la qualité d’unique employeur envers Madame Y et qu’elle a failli à ses obligations,

— dit que la rupture du contrat de travail lui est imputable et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et avec les indemnités qui en découlent,

— condamné en conséquence la société B F à payer à Madame Y les sommes suivantes :

' 1 727,14 euros au titre de rappel de salaire août et septembre 2013,

' 3 378,48 euros au titre d’indemnité de préavis,

' 337,84 euros au titre de congés payés sur préavis,

' 4 120, 34 euros au titre d’indemnité de congés payés,

' 3 038,13 euros au titre d’indemnité de licenciement,

' 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

' 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné à la société B F de remettre les fiches de paie d’août et septembre 2013, l’attestation Pole Emploi conforme mentionnant le motif exact de la rupture, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard par document,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— condamné la société B F aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 22 mars 2016, la SARL B F a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes des conclusions de son avocat en cause d’appel, reprises oralement à l’audience de plaidoirie en date du 11 avril 2017, la SARL B F sollicite :

— qu’il soit constaté que la société SN VIC lui a succédé dans toutes ses anciennes activités afférentes à la représentation de la marque IVECO en Corse à compter du 1er août 2013 en poursuivant ces mêmes activités en qualité d’unique concessionnaire de vente de véhicules sur les trois gammes, et cumulativement de vente de pièces et L sur la Corse,

— de constater que cette succession, situation expressément visée à l’article L 1224-1 du code du travail, constitue le transfert de plein droit d’une entité économique autonome ayant son identité propre composée d’un ensemble de moyens corporels ou incorporels dont l’activité a été reprise et poursuivie par la SN VIC,

En conséquence, que la cour :

— infirme les jugements dont appel dans l’intégralité de leurs dispositions,

Statuant à nouveau,

— dise et juge que la SN VIC est devenue de plein droit à compter du 1er août 2013 l’employeur des salariés,

— dise et juge qu’en refusant de poursuivre les contrats de travail des salariés qui se sont pourtant présentés sur ses lieux d’exploitation le 1er août 2013, et en persistant dans son attitude malgré les courriers qui lui ont été adressés, la SN VIC s’est rendue responsable de la rupture sans cause réelle et sérieuse des contrats de travail des salariés à effet du 1er août 2013,

— en conséquence, déboute intégralement les salariés de leurs demandes formées à son encontre,

— statue ce que de droit sur les demandes subsidiairement formées par les salariés à l’encontre de la société SN VIC,

— condamne les salariés à lui restituer la totalité des sommes qu’elle a du leur payer en référé puis au titre de l’exécution provisoire des jugements déférés,

— condamne la société SN VIC à lui payer une somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens d’instance et d’appel.

La SARL B F expose que souhaitant adapter les contrats de son réseau à la nouvelle réglementation européenne d’exemption catégorielle, la société IVECO France lui a notifié par LRAR du 27 mai 2011 la résiliation des contrats moyennant le respect d’un préavis de vingt-quatre mois, soit à effet du 31 mai 2013. Elle explique qu’à compter de 2003, avec l’évolution du droit européen de la concurrence et l’entrée en vigueur du Règlement d’exemption CE 1400/2002, la quasi totalité des marques dont IVECO ont opté pour la mise en place de contrats de distribution sélective qualitative et quantitative au lieu et place de contrats de concession exclusive préexistants. Elle indique que ces contrats ne comportaient plus de clause d’exclusivité territoriale contractuelle, mais que la limitation quantitative des distributeurs permettait de maintenir dans les faits l’exclusivité territoriale antérieurement concédée contractuellement à ces derniers.

La société appelante fait successivement valoir :

— que les deux concessionnaires exerçaient en concurrence directe des activités strictement identiques depuis décembre 2010 et se sont partagés un territoire strictement identique, soit la Corse entière, officiellement jusqu’au 31 mai 2013 et dans les faits jusqu’au 31 juillet 2013,

— que depuis le 1er août 2013, consécutivement à la résiliation de ses contrats de concession et au refus de devenir l’agent de la SN VIC, la société B F a cessé ses activités à effet du 31 juillet 2013 au soir et la SN VIC lui a ainsi succédé en devenant désormais le seul opérateur à s’être vu attribuer la qualité de concessionnaire de vente et de L IVECO sur l’ensemble de ses activités sur ce même territoire, bénéficiant de fait d’une exclusivité territoriale dès lors qu’IVECO n’a désigné aucun nouvel opérateur en remplacement d’B F,

— que le fait que B F ait poursuivi de façon précaire durant deux mois son activité de vente et réparation IVECO importe peu, ceci n’ayant eu pour effet que de reporter au 1er août 2013 la date à laquelle la SN VIC a succédé à B F en qualité d’unique concessionnaire de vente et de L sur les trois gammes IVECO en Corse,

— que B F n’exerçait aucune autre activité que celle de concessionnaire de vente et de L IVECO depuis 1967, les activités de rachat, de remise en état et de revente de véhicules d’occasion repris à la clientèle IVECO étant des activités induites par l’exécution des contrats de distribution IVECO et non des activités autonomes,

— que le fait que la société B F aurait pu se reconvertir et poursuivre une activité n’a aucune incidence sur le transfert des salariés à la SN VIC,

— que le 27 juillet 2013, le conseil de B F a notifié par LRAR à la SN VIC qu’en application des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail, celle-ci deviendrait à compter du 1er août 2013 l’employeur des salariés encore affectés chez elle à

l’exploitation des activités de concessionnaire de vente et de services IVECO, en y annexant la liste des salariés et de leur fiche de paie de juin 2013,

— que les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail, pleinement applicables en l’espèce s’agissant d’une succession de distributeurs dans la représentation de la même marque sur le même secteur, ont eu pour effet de transférer de plein droit à compter du 1er août 2013 les contrats de travail des salariés affectés à la concession IVECO précédemment exploitée par la société B F à son unique successeur la SN VIC, devenue le seul exploitant de la concession IVECO,

— que le fait que la SN VIC ait décidé de sous traiter dès février 2012 une partie de son activité 'services’ sur B en concluant un contrat de sous-distributeur avec la société I PLS créée à cet effet est indifférent à l’application de l’article L 1224-1 du code du travail, les deux sociétés appartenant au même groupe Trojani et ayant le même gérant,

— que l’activité de concession de vente de véhicules industriels IVECO ne peut être exploitée que par la mise en oeuvre d’un ensemble de moyens corporels ou incorporels constitutifs d’une entité économique autonome ayant son identité propre,

— que la SN VIC avait d’ailleurs antérieurement repris quatre anciens salariés précédemment en poste chez B F

— que la SN VIC, en refusant de poursuivre les contrats de travail des salariés s’est en conséquence rendue responsable du licenciement sans cause réelle et sérieuse de ces derniers ;

Aux termes des conclusions de son avocat en cause d’appel, reprises oralement à l’audience de plaidoirie en date du 11 avril 2017, Madame Y sollicite la confirmation de la décision déférée, et subsidiairement,

— si la société B F établissait l’existence du transfert d’une entité économique autonome, c’est à dire un ensemble organisé de personnes ou d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, il y aurait lieu de dire que ce bénéficiaire a failli à ses obligations d’employeur et doit supporter les conséquences de la rupture du contrat de travail qui lui est imputable,

— condamner celui qui sera désigné comme l’employeur de la concluante au 1er août 2013 à verser au concluant les sommes qui lui ont été allouées par le conseil de prud’hommes,

Et y ajoutant, condamner ce dernier à remettre au concluant, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, les documents suivants :

— Fiche de paie des mois de septembre, octobre et novembre 2013,

— Attestation Pôle Emploi conforme mentionnant le motif exact de rupture,

— Certificat de travail,

— Reçu pour solde de tout compte,

— condamner le succombant à verser à la concluante la somme de 2 000 € pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Elle expose que la société B F assurait la représentation de la marque IVECO en vertu de trois contrats de concession (ventes de véhicules industriels, vente de véhicules légers, pièces et services). Elle explique qu’il s’agissait d’une concession non exclusive et qu’elle exerçait dans les mêmes locaux son activité de vente et de réparations automobiles. Elle indique que le 5 décembre 2010, la société IVECO a confié à la SN VIC un contrat de concession pour l’activité qui s’exerce à Bastia. Elle précise que la société B F ne répondant pas aux critères applicables aux contrats de concession et n’ayant pas effectué les mises aux normes qui lui étaient demandées, la société IVECO a révisé les contrats de concession par lettre du 27 mai 2011 avec préavis de deux ans et effet au 31 mai 2013. Elle affirme qu’à compter de cette date, la société B F a poursuivi ses activités de mécanique et n’a informé ses salariés du transfert 'de plein droit’ des contrats de travail auprès la SN VIC que le 30 juillet 2013.

L’intimée estime que la cause du transfert du contrat de travail n’est pas rapportée, et qu’il n’y a pas eu de transfert d’activité, la seule poursuite de la même activité ne suffisant pas à caractériser celui-ci. Elle explique avoir écrit à diverses reprises à B F et la SN

VIC en indiquant se tenir à disposition pour poursuivre la relation de travail en quelque lieu que ce soit, ceci étant resté sans effet. Elle en conclut que la société B F a manqué à son obligation de fournir le travail au salarié et doit être condamnée à lui verser les sommes sollicitées. Elle ajoute qu’elle était embauchée depuis plus de huit ans dans l’entreprise, qu’elle s’est trouvée confrontée à de graves difficultés financières et qu’elle n’a pas retrouvé de travail d’autant que son état de santé s’est aggravé.

Aux termes des conclusions de son avocat en cause d’appel, reprises oralement à l’audience de plaidoirie en date du 11 avril 2017, la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corses (SN VIC) sollicite :

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé que l’employeur ne peut se prévaloir de la rupture du contrat à l’encontre de ses salariés qui résulterait de son propre fait,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé que l’employeur aurait du mettre en oeuvre une procédure de licenciement économique,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé qu’B F a continué son activité à la date d’expiration du préavis au 31 mai 2013,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé qu’B F a continué à régler les salaires postérieurement à la résiliation de son contrat de concession et qu’elle a clairement mentionné sa volonté de poursuivre les contrats de l’ensemble des salariés au sein de son entreprise,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé que la concession n’a été ni reprise ni cédée,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé que la SN VIC n’a jamais eu le monopole de la distribution ni celui de l’importation des véhicules de marque IVECO France qui se réserve expressément le droit de nommer tous nouveaux concessionnaires agréés IVECO ou concessionnaires agrées pièces et L IVECO, quelle que soit leur localisation,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé qu’en l’absence de transfert, que ce soit des éléments corporels du fonds ou de la clientèle et compte tenu de l’absence d’exclusivité, l’entité n’a pas été conservée et les dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail ne sont pas d’ordre public,

— qu’il soit constaté et au besoin dit et jugé qu’B F ne rapporte aucunement la preuve du transfert des entités économiques autonomes à la SN VIC,

— en conséquence, que B F soit déboutée de l’ensemble de ses demandes, et le jugement confirmé en toutes ses dispositions,

— y ajoutant, que la société B F soit condamnée au paiement de la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SN VIC expose que par courrier reçu le 31 mai 2011, la société IVECO France a, en application des règlements européens modifiant la réglementation des réseaux de distribution, informé l’ensemble de ses concessionnaires qu’elle allait procéder à la révision partielle de la structure de son réseau et de ses contrats, et a ainsi dénoncé l’ensemble de ses contrats de concession au sein de l’Union Européenne avec un préavis de vingt-quatre mois pour une résiliation effective à l’expiration du préavis, soit le 31 mai 2013. Elle explique que de nouveaux contrats ont ainsi été signés avec les concessionnaires qui répondaient aux critères qualitatifs dont la SN VIC faisait partie, son contrat ayant été renouvelé le 4 juin

2013. Elle indique que par courrier du 27 juillet 2013, la société B F lui a indiqué refuser sa proposition de contrat d’agent IVECO, et lui a dit qu’il lui appartenait en conséquence de poursuivre l’exécution du contrat de travail de ses salariés en application de l’article L 1224-1 du code du travail.

La société intimée fait valoir que la société B F a continué son activité de vente, réparation automobiles malgré la perte du contrat de concession IVECO France au-delà de la résiliation effective du contrat de concession au 31 mai 2013, et qu’elle a d’ailleurs réglé les salaires de juin et juillet 2013 à l’ensemble des salariés. Elle soutient que l’employeur aurait dû mettre en oeuvre une procédure de licenciement économique. Elle indique que l’article L 1224-1 du code du travail ne reçoit application que si le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d’une marque entraîne le transfert à un autre concessionnaire d’une entité économique autonome constituée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre. Elle estime qu’en l’espèce, la concession n’a pas été reprise, la SN VIC n’ayant accompli aucun acte positif de reprise ou de poursuite de l’activité d’B F. Elle indique qu’elle a toujours bénéficié du même secteur d’activité et du même secteur géographique que les autres partenaires IVECO.

La SN VIC affirme par ailleurs n’avoir jamais eu le monopole de la distribution ni de celui de l’importation des véhicules de marque IVECO France. Elle ajoute qu’il existe d’autres agents IVECO présents en Corse (I J K Services et Garage C), et d’autres concessionnaires en Corse pour des marques concurrentes. Elle conteste être désormais depuis le 1er août 2013 l’unique concessionnaire IVECO. Elle fait valoir que lorsque la concession exclusive n’est reprise par aucun concessionnaire unique nouveau et que la vente des véhicules est assurée désormais par plusieurs entreprises de la région, l’entité économique ne conserve pas son identité et les contrats ne sont pas transférés. Elle ajoute que IVECO peut décider à tout moment de désigner un ou plusieurs autres concessionnaires en Corse

MOTIFS

Attendu qu’il ressort des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail que les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise en cas de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que ces dispositions s’appliquent même en l’absence d’un lien de droit entre les employeurs successifs ; que la notion d’entité renvoie à un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice durable d’une activité commune qui poursuit un objectif propre ;

Attendu qu’en l’espèce, il est constant que la société B F assurait depuis 1967 sur toute la Corse la représentation de la marque IVECO ; que cette représentation s’effectuait en dernier lieu en vertu de trois contrats de concession en date du 30 septembre 2003 :

— un contrat de concession de vente de véhicules industriels (gamme lourde et moyenne),

— un contrat de concession de vente de véhicules utilitaires légers (gamme légère),

— un contrat de concession Pièces et L ;

Que, le 28 septembre 2005, B F a nommé la Société Nouvelle de Véhicules Industriels Corses (SN VIC) en qualité d’agent agrée Pièces et L IVECO sur Bastia ; que le 13 octobre 2010, la SN VIC a informé B F qu’elle ne serait plus son agent à compter du 31 novembre 2010, suite aux accords qu’elle venait de prendre avec IVECO

France, celle-ci l’ayant nommée en qualité de second distributeur sur la Corse ;

Que, par courrier recommandé en date du 27 mai 2011, la société IVECO France, suite aux nouveautés introduites dans le cadre réglementaire et la révision partielle de la structure de son réseau et de son contrat, a notifié à la société B F la résiliation des contrats de concession avec effet au 31 mai 2011, moyennant un préavis de vingt-quatre mois, soit une résiliation effective au 31 mai 2013 ;

Que, selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 avril 2013, la société IVECO France indiquait à B F que celle-ci ne remplissait pas les conditions requises pour être concessionnaire, que ses contrats de concession ne seraient pas reconduits après l’échéance du 31 mai 2013, et qu’il pourrait éventuellement lui être proposé par l’intermédiaire du concessionnaire SN VIC un contrat de réparateur agrée ;

Que IVECO France a renommé la SN VIC en tant que concessionnaire en Corse, à effet du 1er août 2013 et jusqu’en 2015 ;

Attendu que selon courrier versé aux débats en date du 27 juillet 2013, le conseil de la société B F indiquait à la SN VIC que la société était contrainte de refuser le contrat d’agent proposé, faisait valoir l’application des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail et joignait copie de la liste des salariés jusqu’alors affectés aux activités de vente et de L IVECO ;

Que par LRAR du 5 août 2013, la SN VIC indiquait qu’il ne pouvait être prétendu qu’il y avait un transfert d’activité à son profit, et qu’elle se considérait totalement étranger à cette affaire ; qu’elle soulignait également que ce transfert n’était invoqué que deux mois après la rupture ;

Attendu qu’il importe de rechercher tout d’abord si les activités de concession de la société B F constituait un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique ;

Attendu que la société B F soutient que l’activité de concession exercée par B F constituait bien une entité économique autonome caractérisée par l’affectation d’un personnel spécialisé avec l’attribution de locaux spécifiques et la poursuite d’un objectif propre défini par l’objet de l’activité ;

Que les dispositions des contrats de concession de vente de véhicules industriels et de véhicules utilitaires légers IVECO prévoient effectivement les locaux, les équipements et logiciels, les véhicules de démonstration et d’exposition, le personnel compétent formé spécialement par IVECO, les enseignes et identification, les structures financières, le système comptable, la documentation ; que le contrat de concession de pièces et de L prévoit lui aussi une organisation dédiée à la marque IVECO pour la vente de pièces et les services de réparation et d’entretien des véhicules de la marque ;

Qu’il peut ainsi être constaté que l’ensemble de ces activités de concession constitue un ensemble d’éléments d’actifs corporels et incorporels ;

Mais attendu que l’article L 1224-1 du code du travail ne reçoit application que si le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d’une marque entraîne le transfert à un autre concessionnaire d’une entité économique autonome constituée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

Que les concessions consenties par IVECO à la société B F et la société SN VIC n’ont jamais été exclusives, et que la SARL SN VIC n’a jamais eu le monopole de la distribution de la marque IVECO sur la Corse ;

Que la société SN VIC n’a fait que continuer après le 31 mai 2013 son activité antérieure sans réaliser aucun acte positif de reprise ou de poursuite de l’activité de la société B F, le fait d’embaucher quatre salariés bien antérieurement à l’arrêt de l’activité de concession de la société B F n’étant que le jeu des besoins en personnel d’une entreprise et de la liberté des salariés de changer d’employeur ;

Que les ventes de véhicules IVECO peuvent être réalisées par plusieurs intermédiaires, et non seulement par SN VIC comme le prétend B F ;

Qu’il n’est d’ailleurs aucunement démontré que l’activité de la société B F serait répercutée sur la société SN VIC, la clientèle de la société B F pouvant être simplement perdue ou se fournir auprès d’autres distributeurs IVECO en Corse comme les sociétés I J K Services et Garage C ou auprès d’autres concessionnaires sur le continent, voire même directement auprès d’IVECO France ;

Que c’est d’ailleurs en ce sens que IVECO, dans son courrier en date du 5 août 2013 adressé à la société B F et précisant notamment que cette dernière avait progressivement cessé de répondre aux critères de qualité applicables aux contrats et avait commis plusieurs impayés à l’égard d’IVECO France, exposait que 'le fait qu’B F ait cessé d’être concessionnaire au 31 mai 2013 est sans aucune incidence sur les droits et obligations de la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corses. IVECO France ne lui a conféré aucun droit supplémentaire. Dans ces conditions, il nous semble tout à fait erroné de qualifier la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corses de 'successeur'. Il en est de même pour l’ensemble des membres du réseau IVECO, dont notamment aussi les sociétés I J K Services et Garage C qui étaient déjà membres du réseau IVECO en Corse et qui le restent, sans que leurs droits et obligations soient affectés par la sortie du réseau d’B F(…)Au regard de ces éléments, il ne nous semble pas que les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail aient vocation à s’appliquer à l’encontre de la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corses. Cela est d’autant plus vrai qu’à supposer que votre sortie du réseau soit le motif allégué de l’application des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail, il doit être rappelé qu’B F a cessé d’être membre du réseau IVECO depuis le 31 mai 2013 et qu’elle a continué à employer ses salariés depuis cette date.'

Qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, il résulte que les conditions légales pour l’application de l’article L.1224-1 du contrat de travail, à savoir :

— l’existence d’une entité économique autonome,

— la poursuite de l’activité économique et le maintien de l’identité de l’entreprise,

ne sont pas remplies et que la concession de vente exploitée par la société B F n’a en aucune façon été transférée à la société SN VIC ;

Que la société B F est ainsi restée l’employeur des salariés, étant relevé de surcroît que son activité s’est poursuivie après la date de résiliation des concessions du 31 mai 2013 et qu’elle a réglé les salariés jusqu’au 31 juillet 2013 ;

Que si elle soutient que le fait d’avoir poursuivi de façon précaire durant deux mois son activité de vente et réparation IVECO n’aurait eu pour effet que de reporter au 1er août 2013 la date à laquelle la SN VIC lui aurait succédé, il ressort au contraire qu’elle a décidé unilatéralement et de façon discrétionnaire de se séparer de ses salariés à la date du 31 juillet 2013 et de tenter de faire supporter à la SN VIC la reprise des salariés ou le coût lié à un licenciement qu’elle aurait du opérer ; que ceci est d’ailleurs corroboré par le fait qu’elle n’a informé les salariés que le 30 juillet 2013, veille du jour où elle a décidé de cesser de les employer, et qu’elle n’a adressé son courrier à la société SN VIC que le 29 juillet 2013, alors même que la résiliation des concessions était effective depuis le 31 mai 2013 ;

Qu’en conséquence, les dispositions de l’article L1224-1 ne sont pas applicables en l’espèce, et la société B F est restée l’employeur de Madame Y après le 1er août 2013 ;

Que dès lors, la rupture du contrat de travail de la salariée étant intervenue du fait des manquements de l’employeur ne fournissant plus le travail et ne réglant plus les salaires, doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, légitimant la salariée en l’ensemble de ses demandes ; que le jugement du conseil de prud’hommes entrepris sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Attendu qu’au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d’appel, il convient de rejeter les demandes de la société B F, qui succombe, au titre

des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer la somme de 1500 euros à Madame Y et la somme de 1 500 euros à la société SN VIC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de justice exposés en appel ;

Que la société B F sera condamnée aux entiers dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’B en date du 18 février 2016 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL B F, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame G Y la somme de MILLE CINQ CENT euros (1 500€) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL B F, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SARL SN VIC la somme de MILLE CINQ CENT euros (1 500€) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL B F, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 28 juin 2017, n° 16/00115