Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 décembre 2016, n° 15/01970

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 30 déc. 2016, n° 15/01970
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 15/01970
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul, 30 août 2015
Dispositif : Autre décision avant dire droit

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 16/

JC/GB

COUR D’APPEL DE BESANCON

—  172 501 116 00013 -

ARRET DU 30 DECEMBRE 2016

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 18 Novembre 2016

N° de rôle : 15/01970

S/appel d’une décision

du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE
VESOUL

en date du 31 août 2015

code affaire :

89A

Demande de prise en charge au titre des A.T.M. P. ou en paiement de prestations au titre de ce risque

X Y

C/

SAS Transports PEDRETTI Voitures, CPAM DE
HAUTE-SAONE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur X Y, demeurant XXX DAMPIERRE SUR SALON

APPELANT

représenté par Me Pascal LATIL, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

ET :

SAS Transports PEDRETTI Voitures, ZI de l’Erier – 100 rue de la Curiaz – 73290 LA MOTTE
SERVOLEX

représentée par Me ANQUETIL Guillaume, avocat au barreau de PARIS substitué par Me
GURDJIAN-BACHEM Vania, avocat au barreau de
PARIS

CPAM DE HAUTE-SAONE, 9 boulevard des Alliés -
B.P. 439 – 70020 VESOUL CEDEX

représentée par Mme Z, muni d’un pouvoir permanent en date du 4 janvier 2016,

INTIMEES

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 18 Novembre 2016 :

CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Jérôme
COTTERET, Conseiller, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, en l’absence d’opposition des parties

GREFFIER : Mme Gaëlle BIOT

lors du délibéré :

Monsieur Jérôme COTTERET, a rendu compte conformément à l’article 945-1 du code de procédure civile à Madame A
B, Présidente de Chambre, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 30 Décembre 2016 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. X Y a été victime d’un accident du travail le 27 octobre 2008 en glissant en raison de la pluie sur une marche de son camion, occasionnant une chute d’une hauteur de 3,20 m.

Le camion était dépourvu depuis plusieurs mois de garde-corps.

Par jugement rendu le 14 décembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, la S.A.R.L. BR
Transports, et a ordonné avant dire droit une mesure d’expertise judiciaire médicale confiée au
Docteur François TISSERANT qui a déposé son rapport le 22 juillet 2013.

Contestant les conclusions de l’expertise, M. X Y a sollicité la désignation d’un expert spécialiste du traitement de la douleur, avec la même mission.

Par jugement du 31 août 2015, le tribunal a homologué le rapport d’expertise et a invité M. X
Y à chiffrer son préjudice.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 1er octobre 2015, M. X Y a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 4 juillet 2016, il maintient que l’expert n’a pas tenu compte des pièces médicales versées et qu’il convient de désigner un expert spécialisé dans le traitement de la douleur, avec la même mission précédemment dévolue au docteur François TISSERANT.

*

Pour sa part, la Caisse primaire d’assurance maladie de la
Haute-Saône sollicite l’homologation du rapport d’expertise sauf en ce qui concerne la date de consolidation, s’en rapporte à l’appréciation de la Cour sur la fixation des indemnités devant être allouées et entend qu’il soit précisé qu’elle récupérera toutes les sommes avancées auprès de l’employeur.

À titre subsidiaire, elle demande que ce dernier supporte les frais d’une éventuelle contre-expertise.

En tout état de cause, la caisse sollicite la condamnation de l’employeur à lui rembourser la somme de 884 au titre des frais d’expertise déjà engagés.

*

Enfin, en ce qui la concerne, la S.A.S. TRANSPORTS PEDRETTI
VOITURES venant aux droits de la S.A.R.L. BR Transports, dans ses écrits déposés le 16 novembre 2016, conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté M. X Y de sa demande contre-expertise et en ce qu’il a homologué le rapport de l’expert judiciaire.

Elle demande que la Cour fasse usage de son pouvoir d’évocation et qu’elle fixe les préjudices de M. X Y selon les propositions qu’elle formule de la manière suivante :

—  430 au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

—  3 000 au titre des souffrances endurées.

À titre subsidiaire, elle entend que l’expert qui serait désigné soit un rhumatologue et qu’il lui soit imposé de prendre l’avis d’un sapiteur psychiatre afin qu’il soit statué sur l’éventualité d’un trouble factice.

En tout état de cause, elle sollicite que la Caisse primaire d’assurance maladie ou M. X
Y supportent les frais de contre-expertise.

Elle entend voir débouté l’organisme social de sa demande de remboursement d’une somme de 884 au titre des frais de l’expertise déjà ordonnée et sollicite la condamnation de M. X
Y à lui payer une indemnité de 2 000 en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

*

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience de plaidoirie du 18 novembre 2016 à laquelle M. X Y a indiqué ne pas être opposé à la désignation d’un rhumatologue.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de son rapport médico-légal déposé le 22 juillet 2013, l’expert judiciaire désigné par le tribunal des affaires de sécurité sociale, le docteur
François TISSERANT, indique que l’accident du travail survenu le 27 octobre 2008 a provoqué une contusion du genou et de la cheville gauches. Le médecin explique que l’évolution a été paradoxale, avec invalidation majeure, diagnostic d’une algodystrophie anachroniquement d’emblée en phase froide, proposition d’une date de consolidation par le médecin traitant au 29 avril 2011, suivi d’une reprise du travail puis, suite à une situation conflictuelle avec l’employeur qui aurait refusé l’aménagement du poste de travail, rechute avec invalidation majeure du membre inférieur gauche, de façon a priori plus importante qu’auparavant.

L’expert ajoute que le contexte algique est à ce point important que l’examen clinique n’a pas pu être réalisé.

Or, il indique que M. X
Y s’est néanmoins plaint le lendemain de son expertise d’hématomes auprès du sapiteur psychiatre, le docteur
Henri BRUNNER, lequel a alors conclu à l’existence de troubles factices sur une personnalité psychopathique.

L’expert judiciaire conclut ainsi de la manière suivante :

— déficit fonctionnel total :
néant

— déficit fonctionnel temporaire partiel : 50 % du 27 octobre au 8 décembre 2008

— date de consolidation médico-légale : 9 décembre 2008

— dommage esthétique : néant

— souffrances physiques et morales endurées par la victime : 2/7

— préjudice d’agrément :
néant

— préjudice de carrière :
néant

— l’invalidation déclarée actuellement se rapporte à des troubles factices s’inscrivant dans le cadre d’une personnalité pathologique conformément au diagnostic du docteur Henri BRUNNER, expert judiciaire.

Selon la littérature de vulgarisation citée par l’employeur, le trouble factice se définit comme un trouble mental au cours duquel le sujet éprouve le besoin morbide de simuler une maladie en s’imposant des signes ou des symptômes, et pouvant aller pour cela jusqu’à endommager son propre corps pour y provoquer délibérément des lésions. Cette attaque du corps est alors volontaire, consciente, et ne vise pas à un avantage direct, le sujet crée délibérément ou simulent les symptômes d’une maladie physique ou d’un trouble mental puis demande l’aide d’un médecin. Il multiplie les examens et parfois même des interventions chirurgicales aboutissant parfois à des complications médicales graves. Les motifs ne sont pas clairs, et probablement internes, visant à obtenir un rôle de malade et s’accompagne souvent d’une perturbation nette de la personnalité et de relations.

Pour sa part, M. X Y rappelle souffrir d’une algodystrophie qui est une affection dont le diagnostic et les caractéristiques commencent seulement à être connues, ce qui a pu entraîner une erreur d’appréciation de la part de l’expert médical désigné ainsi que de son sapiteur psychiatre. Il explique que ceux-ci ont pu interpréter des signes comme révélant le caractère factice des troubles alors qu’ils sont une constante chez les algodystrophiques.

Pour sa part, la Cour constate que M. X Y produit un premier certificat médical, daté du 24 octobre 2013, délivrée par le docteur PORTHA, rhumatologue à Besançon, attestant que la victime présentait indiscutablement une algodystrophie réflexe secondaire à l’accident du travail.

Surtout, la victime verse au débat, postérieurement au rapport médico-légal de l’expert judiciaire, un certificat médical de son médecin traitant, daté du 13 janvier 2014, lequel indique avoir suivi l’évolution de l’entorse du genou gauche et de la cheville gauche survenue le 27 octobre 2008 ainsi que l’apparition d’algodystrophie du membre inférieur gauche, confirmée par deux scintigraphies osseuses les 20 février 2009 et 31 octobre 2012. Le médecin traitant conclut que le patient présente donc bel et bien des signes scintigraphiques objectifs ne pouvant en aucun cas être déclenchés par de quelconques troubles factices.

Le médecin traitant, s’il reconnaît ne pas être en mesure de poser un diagnostic de personnalité dans la mesure où il n’est que généraliste, indique toutefois avoir lu de nombreux articles rédigés par des spécialistes en algodystrophie ayant constaté l’apparition de cette affection de manière plus fréquente chez les personnes ayant une personnalité fragile.

Il en conclut que quelque soit la personnalité psychiatrique de M. X Y, il lui apparaît difficile que celle-ci ait pu réussir à obtenir des signes objectifs pathologiques scintigraphiques.

La Cour, qui doit dire le droit, n’a pas les connaissances médicales nécessaires pour trancher en l’état le litige.

La désignation d’un expert dans le domaine de l’algodystrophie apparaissait donc indispensable.

Il convient donc d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de contre-expertise, homologué le rapport d’expertise judiciaire déposé par le docteur François TISSERANT le 22 juillet 2013 avec l’assistance du Docteur Henri BRUNNER psychiatre, et en ce qu’il a invité M. X
Y à chiffrer ses préjudices sur la base des conclusions expertales.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant avant dire droit par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

ORDONNE une expertise médicale, aux frais avancés par la Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Saône ;

COMMET pour y procéder le Docteur Patrice
FAVREUILLE, inscrit à la spécialité Rhumatologie sur la liste des experts judiciaires de la Cour d’appel de
Besançon, domicilié :

24 A, rue Richebourg à 39000
Lons-le-Saunier

— avec pour mission, après avoir recueilli les explications des parties et consulté les pièces du dossier médical de M. X Y,

— de donner son avis sur les chefs de préjudice suivants :

— déficit fonctionnel temporaire avant consolidation, correspondant à la difficulté ou à l’impossibilité de se livrer aux actes de la vie courante, en précisant la durée et le taux,

— préjudice d’agrément, entendu comme la privation d’activités sportives ou de loisirs spécifiques pratiquées avant l’accident,

— souffrances physiques et morales,

— préjudice lié à l’incidence professionnelle de l’incapacité permanente partielle, résultant notamment de la diminution ou de la perte de possibilités de promotion professionnelle,

— de dire si l’invalidation déclarée actuellement se rapporte à la pathologie consécutive à l’accident du travail ;

AUTORISE d’ores et déjà l’expert à s’adjoindre le cas échéant un expert sapiteur psychiatre ;

DIT que l’expert devra entendre les parties et leurs conseils en leurs observations ainsi que le cas échéant, consigner leurs dires et y répondre dans son rapport ;

DIT que l’expert devra commencer ses opérations dès que lui sera notifié par le greffe de la Cour le dépôt de la consignation à effectuer par la Caisse
Primaire d’assurance maladie de la Haute-Saône d’un montant de six cents soixante euros (660 ) entre les mains du régisseur de la Cour et ce avant le 30 janvier 2017, sous peine de caducité ;

DIT que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour avant le 30 avril 2017 ;

DÉSIGNE Mme A
B, Présidente de Chambre, pour contrôler les opérations d’expertise ;

DIT que le greffier communiquera, dans les huit jours de sa réception, le rapport d’expertise aux parties, accompagné d’un calendrier de procédure invitant les parties à présenter leurs observations et précisant la date à laquelle l’affaire sera à nouveau appelée à l’audience de la Cour ;

SURSOIT à statuer sur les demandes des parties.

LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le trente décembre deux mille seize et signé par Mme A B, Présidente de Chambre, et par Mme Gaëlle BIOT,
Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 décembre 2016, n° 15/01970