Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 20 décembre 2019, n° 17/01192

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, ch. soc., 20 déc. 2019, n° 17/01192
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 17/01192
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nevers, 16 juillet 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

SD/AB

N° RG 17/01192

N° Portalis

DBVD-V-B7B-C6YE

Décision attaquée :

du 17 juillet 2017

Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de Nevers

--------------------

M. B Y

C/

SELARL WAUTOT GRÉGORY, administrateur judiciaire de la SARL TRANSPORTS A SERVICE EXPRESS

CGEA DE CHALON SUR SAONE

SARL TRANSPORTS A SERVICE EXPRESS

SELARL JSA, commissaire à l’exécution du plan de la société TCSE

--------------------

Copie – Grosse

Me GOBINEAU 20.12.19

SELARL WAUTOT

20.12.19

Me AGIN 20.12.19

Me GUENOT 20.12.19

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 DECEMBRE 2019

N° 277 – 9 Pages

APPELANT :

Monsieur B Y

[…]

Représenté par Me Anne GOBINEAU, avocate au barreau de NEVERS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2017/002995 du 26/09/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BOURGES)

INTIMÉES :

SELARL WAUTOT GRÉGORY, administrateur judiciaire de la SARL TRANSPORTS A SERVICE EXPRESS

[…]

Non représentée

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

[…]

Représentée par Me Garance AGIN de la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS, substituée par Me Frédéric PEPIN, avocat au barreau de BOURGES

SARL TRANSPORTS A SERVICE EXPRESS

[…]

Représentée par Me Dominique GUENOT de la SCP GUENOT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS

SELARL JSA, commissaire à l’exécution du plan de la société TCSE

[…]

Représentée par Me Dominique GUENOT de la SCP GUENOT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS

20 décembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : M. WAGUETTE

CONSEILLERS : Mme X

Mme D-E

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

DÉBATS : A l’audience publique du 18 octobre 2019, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 20 décembre 2019 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 20 décembre 2019 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

M. B Y a été engagé à compter du 2 juin 2014 par la société Transports A Service Express (TCSE), en qualité de 'conducteur courtes distances', à temps complet (35 heures hebdomadaires), selon contrat de travail écrit à durée déterminée (CDD) d’un mois régi par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport. Ce contrat a été renouvelé pour la même durée jusqu’au 31 juillet 2014.

À compter du 1er août 2014, la relation contractuelle s’est poursuivie selon contrat de travail à durée indéterminée (CDI).

Par avenant au contrat de travail, et à partir du 1er février 2015, M. Y a été promu responsable d’exploitation et sa durée du travail a été portée à 39 heures hebdomadaires.

Par courrier en date du 9 novembre 2016, M. Y a constaté la rupture de son contrat de travail, précisant que celle-ci 's’analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse'.

Par la suite, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de Nevers le 22 décembre 2016, aux fins notamment de voir son contrat de travail à durée déterminée requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et la rupture de son contrat de travail en prise d’acte aux torts de l’employeur, et d’obtenir les indemnités en découlant ainsi que le paiement de primes.

Par jugement contradictoire du 17 juillet 2017, la juridiction prud’homale a ainsi statué :

Dit que la prise d’acte par M. Y de la rupture de son contrat de travail à la date du 22 août 2016 a consommé la rupture de la relation contractuelle,

Dit que cette prise d’acte produit les effets d’une démission,

Condamne la société TCSE à payer à M. Y la somme de 1.950,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

Ordonne à la société TCSE de remettre à M. Y un bulletin de salaire mentionnant la somme de 1.950.60 euros due au titre des congés payés, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement,

20 décembre 2019

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

Condamne M. Y à payer à la société TCSE la somme de 3.601,14 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

Rappelle que, en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, le présent jugement ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 du code du travail est exécutoire de plein droit uniquement en ce qui concerne ces sommes, dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois, ladite moyenne s’élevant à 1.912,71 euros brut,

Déboute les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Met les dépens à la charge de M. Y.

Par déclaration reçue au greffe par la voie électronique le 3 août 2017, M. Y a interjeté appel de cette décision notifiée le 21 juillet 2017, contestant l’ensemble de ses chefs.

Par jugement du Tribunal du commerce de Nevers du 30 novembre 2017, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l’égard de la société TCSE, la SELARL JSA étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL Grégory Wautot en qualité d’administrateur judiciaire de ladite société.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 20 mars 2018, M. Y demande à la Cour de :

— le dire et juger recevable et bien-fondé en son appel.

En conséquence, infirmer le jugement prud’homal et faire droit à ses demandes s’établissant comme suit :

— Requalifier le contrat de travail à durée déterminée renouvelé en contrat de travail à durée indéterminée et en conséquence, condamner la société TCSE à lui payer :

— Indemnité de requalification : 1.800 €

— Salaires du 22 août au 9 novembre 2016 : 4.681,48 €

— Congés payés correspondants : 10 % : 468,15 €

— Prime 2015 : 150 €

— Congés payés correspondants : 10 % : 15 €

— Prime 2016 : 1.200 € au prorata du 1er janvier au 9 novembre 2016 : 1.025,59 €

— Congés payés correspondants : 10 % : 102,56 €

— Constater les graves manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles, en conséquence, dire et juger que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en date du 9 novembre 2016 produit les effets d’un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamner la société TCSE à lui verser :

— Indemnité compensatrice de préavis : 2 mois : 1.800,57 × 2 = 3.601,14 €

— Congés payés correspondants : 10 % : 360,11 €

— Indemnité de licenciement : 1.470 €

— Dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 1 mois : 1.800 €

— Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

6 mois de salaire : 11.000 €

— Ordonner à la société TCSE la remise d’un bulletin de salaire correspondant aux sommes ci-dessus, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant décision à intervenir

— Confirmer le jugement qui lui a alloué la somme de 1.950,60 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

— Débouter la Société TCSE de toutes ses demandes,

— La condamner aux entiers dépens ainsi qu’au versement d’une indemnité de 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

20 décembre 2019

Au soutien de son appel, M. Y fait valoir qu’il a été engagé en CDD le 2 juin 2014 pour accroissement temporaire d’activité alors que son employeur ne justifie nullement de la réalité de ce motif, la poursuite de la relation contractuelle selon contrat de travail à durée indéterminée dès le 1er août 2014 attestant plutôt de ce qu’il a occupé un poste correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il soutient également que la rupture de son contrat de travail ne peut s’analyser en une démission, dans la mesure où il n’a jamais manifesté une volonté libre de quitter son emploi.

M. Y reproche au contraire à son employeur divers manquements justifiant la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail (heures supplémentaires non rémunérées, bénéfice d’une seule semaine de congés payés pendant la période estivale, changements de planning en dernière minute, non-versement de primes).

Dans ces conditions, le salarié estime ne pas devoir de préavis à son employeur.

Les 21 et 25 février 2019, M. Y a respectivement délivré assignation en intervention forcée à :

— Me Grégory Wautot, en qualité d’administrateur judiciaire de la société TCSE, dont la mission a pris fin par jugement du 15 avril 2019,

— la SELARL JSA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société TCSE,

— le CGEA de Chalon-sur-Saône.

Par jugement rendu le 15 avril 2019, le Tribunal de commerce de Nevers a arrêté le plan de sauvegarde de la société TCSE et désigné la SELARL JSA en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

En leurs dernières conclusions, notifiées le 9 septembre 2019, la société TCSE, et la SELARL JSA, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société TCSE demandent à la Cour de :

— Recevoir les concluantes, les déclarer bien fondées,

— Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

— Débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes,

— Le condamner au paiement d’une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Le condamner aux entiers dépens.

Lesdites sociétés soutiennent que le CDD signé avec M. Y était justifié par un surcroît temporaire d’activité et que le salarié n’apporte pas d’éléments corroborant une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Elles font valoir notamment qu’il n’apporte pas la preuve du licenciement verbal dont il se prévaut ainsi que des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées sans qu’elles aient été rémunérées. Quant à la prime revendiquée, les intimées soutiennent que, s’agissant d’une prime exceptionnelle dont il n’est pas revendiqué qu’elle ait été versée dans le cadre d’un usage, le salarié ne peut y prétendre, compte tenu de 'ses antécédents et de son comportement'.

Par conclusions, notifiées le 25 mai 2019, le CGEA de Chalon-sur-Saône demande à la Cour de :

- In limine litis, 'mettre hors de cause le CGEA concernant la procédure de sauvegarde en cours',

— Subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— Infiniment subsidiairement, dans l’hypothèse où le jugement serait infirmé, minorer le quantum des dommages et intérêts sollicités en fonction du préjudice réellement subi et justifié,

— Dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône dans les limites de sa garantie telles qu’énoncées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail, notamment en fonction des plafonds prévus par les dispositions légales et réglementaires, et à l’exclusion de la réparation d’un préjudice financier ou moral, de la remise de documents avec ou sans astreinte, ou de toute condamnation par application de l’article 700

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du code de procédure civile.

Le CGEA de Chalon-sur-Saône rappelle que, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, l’AGS n’intervient pas en garantie des salaires et des indemnités de rupture. Au fond, il fait observer que les premiers juges ont à juste titre estimé que l’accroissement d’activité mentionnée dans le CDD était certain. Par ailleurs, il soutient que les manquements invoqués par M. Y à l’appui de sa demande de requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail ne sont pas établis, de sorte que cette prise d’acte ne peut être requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire, il fait valoir qu’il appartient au salarié de justifier du préjudice qu’il a subi dès lors qu’il formule une demande d’indemnisation et rappelle les plafonds et limites de sa garantie.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2019.

SUR CE :

Sur la requalification du CDD en CDI

Force est de constater que la société TCSE et le commissaire à l’exécution du plan ne produisent aucun élément tendant à corroborer le motif de recours figurant sur le CDD conclu entre la société TCSE et M. Y le 2 juin 2014. Or, la circonstance ayant conduit la société TCSE, alors jeune entreprise, à recruter rapidement un nombre important de salariés, ce, alors qu’elle rencontrait quelques difficultés, notamment financières, ne peut suffire à justifier l’accroissement temporaire d’activité dont elle se prévaut.

De plus, le seul fait que la relation de travail ait été poursuivie après la fin de la mission ou que les parties aient conclu un contrat de travail à durée indéterminée ne prive pas le salarié de la possibilité de solliciter une indemnité spéciale de requalification.

Aussi, aucun élément ne permettant d’établir l’accroissement temporaire d’activité visé dans le CDD du 2 juin 2014, il convient de faire droit à la demande de M. Y formée au titre de la requalification du dit CDD en CDI à compter de cette date, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Ce faisant, il y a lieu de condamner la société TCSE à payer au salarié une indemnité de requalification d’un montant de 1.800 € correspondant à un mois de salaire, laquelle n’est pas contestée dans son montant.

Sur la rupture du contrat de travail

Il convient au préalable de relever que, si M. Y soutient que, le 22 août 2016, le gérant de la société l’a 'sommé (…) de ne plus venir travailler', il n’en tire aucune conséquence juridique et ne forme aucune demande à ce titre.

Par lettre du 9 novembre 2016, M. Y s’est référé à une altercation qu’il aurait eu avec son employeur à la suite de plusieurs griefs que celui-là aurait formulés à celui-ci, à savoir des 'changements de plannings du jour pour le lendemain', 'une seule semaine de congés (du 15/08 au 22/08)', ainsi que le non-paiement d’heures supplémentaires.

Concernant ce dernier reproche, la Cour observe que le salarié ne formule pas davantage de demande à ce titre.

Or, si M. Y verse aux débats plusieurs attestations évoquant les heures supplé-

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mentaires dont il se prévaut, certains témoins ne déclarent nullement l’avoir vu les accomplir mais simplement l’avoir rencontré alors qu’il 'se plaignait de ses heures supplémentaires non payées’ et de 'son amplitude horaire'.

Tout au plus, son frère déclare être témoin de ce qu’il 'dépassait son temps de travail et se plaignait régulièrement de ces heures non payées', sans apporter de détails quant aux prétendues heures qu’il réalisait.

De même, si M. Z, ancien chef d’équipe chez TCSE et beau-frère de l’appelant, témoigne dans une seconde attestation avoir constaté que M. Y 'faisait des heures supplémentaires quotidiennement, à ne plus en finir…', week-ends inclus pour 'l’élaboration des plannings de la société de M. A, des express à organiser, la maintenance des camions', aucun élément ne permet à la Cour d’apprécier les horaires réellement effectués par l’appelant et d’évaluer les éventuels rappels de salaire correspondant, de sorte que ce premier grief, par ailleurs contesté par l’employeur, n’est aucunement établi.

Ceci est d’autant plus vrai que l’analyse des bulletins de paie des années 2015 et 2016 montre que M. Y a été rétribué d’heures supplémentaires au-delà de 35 heures tous les mois, conformément à l’avenant à son contrat de travail en date du 20 janvier 2015, lequel prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et qu’il était en outre payé avec majoration de 25 voire 50 % pour les heures réalisées en sus durant les périodes de novembre et décembre 2015, février, juillet et août 2016, certaines heures majorées à 25% pouvant atteindre jusqu’à 25 heures en plus de celles mensualisées.

En second lieu, l’appelant fait grief à son employeur de ne lui avoir accordé qu’une 'seule semaine de congés (du 15/08 au 22/08)' pendant la période estivale, ce que ne conteste pas la société TCSE.

Or, les dispositions de l’article L 3141-13 du code du travail, dans leur version applicable à la présente espèce, prévoient que le congé principal doit être pris dans la période s’échelonnant du 1er mai au 31 octobre, tandis que celles de l’article L 3141-19 précisent que le congé principal doit recouvrir à minima une durée continue de 12 jours ouvrables, soit deux semaines.

Il en résulte que ce grief est matériellement établi.

Pour autant, la lecture des bulletins de paye du salarié font apparaître que, pour la période de juin 2015 à fin mai 2016, M. Y a bénéficié de 20 jours ouvrables consécutifs de congés payés du 1er au 20 mars 2016 inclus, si bien qu’il prenait visiblement la majeure partie de ses congés en dehors des vacances d’été, étant précisé qu’il a également pris 9 jours de congés payés fin septembre 2015.

De même, s’il reproche à son employeur d’avoir privilégié, durant cette période estivale, les demandes de congés émanant de salariés en charge d’une famille, il ne justifie pas de ce que, comme il le prétend, il n’aurait

pu se procurer en temps utile le document lui permettant de formuler sa demande, ce, alors qu’à la lecture des SMS échangés avec son employeur, ce dernier lui reproche quant à lui, s’agissant de l’été 2016, d’avoir formulé tardivement sa demande de congés.

Dès lors, le manquement de son employeur au respect des dispositions légales en matière de prise de congés, au demeurant limité à l’année 2016, ne présente pas un caractère de gravité suffisante pour justifier la requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de l’appelant en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En troisième lieu, M. Y reproche à son employeur des 'changements de plannings du jour pour le lendemain'. Force est cependant de constater qu’il n’apporte aucun élément pour le

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justifier, si bien que la matérialité de ce grief n’est pas démontrée.

Par ailleurs, M. Y reproche à la société TCSE de lui avoir demandé de venir travailler le vendredi 12 août 2016 alors qu’il était en congé ce jour-là, son employeur se prévalant quant à lui de ce qu’il aurait à cette date abandonné son poste de travail. Or, il ressort de l’échange de SMS du 11 août 2016 entre eux deux, ainsi que des plannings, que M. A, gérant de la société TCSE ne lui avait pas accordé son jour de congé, l’employeur ayant pris soin de lui rappeler qu’il devait être présent le 12 août conformément à son planning. Dès lors, ce grief n’est pas davantage établi.

Enfin, M. Y reproche à la société TCSE de ne pas lui avoir versé les primes auxquelles il pouvait prétendre. Un courriel du 13 janvier 2016 émanant du gérant de la société, M. A, montre que la société TCSE avait prévu le paiement de primes exceptionnelles pour 2015 et 2016. Concernant la première, il s’agissait d’une prime de 150 euros divisible sur douze mois, mise en place sur le dernier salaire, soit sur celui de décembre. Il résulte en outre du dit document que les 'dégâts matériels, retards, problèmes qualités etc (…) ont été pris en compte (…), et tout cela peut [la] réduire'.

Or, force est de constater que M. Y a effectivement perçu une prime exceptionnelle au cours de l’année 2015, laquelle s’élève à 64,31 €, l’employeur s’en expliquant par la notification d’un avertissement le 12 novembre 2015 destiné à sanctionner le salarié d’un fait ayant eu lieu le 19 octobre 2015. Le montant de la prime a ainsi été minoré conformément aux conditions d’octroi rappelées précédemment.

Quant à la seconde prime, payable en fin d’année 2016, le courriel précise qu’elle est fonction de la qualité de livraison, de l’état général des véhicules, de l’assiduité, de la consommation, du respect des consignes.

Or, M. Y a été absent à compter du 22 août 2016, sans être aujourd’hui en mesure de justifier du licenciement verbal dont il se prévaut à cette date, si bien que son employeur a pu estimer qu’il ne s’était pas investi pleinement au sein de la société TCSE pour y prétendre valablement, et qu’il n’avait pas rempli les conditions pour en bénéficier, de sorte que ce manquement, invoqué par le salarié, n’est pas davantage établi.

Il est intéressant de relever que M. Y a d’abord reproché à son employeur par courrier en date du 20 septembre 2016, de ne pas avoir reçu son attestation Pôle emploi, précisant qu’à 'son retour de vacances, sans aucune raison, [il lui a] sommé de ne plus venir travailler', alors que les sms produits montrent qu’en réalité, M. Y a lui-même écrit à son employeur :

— le 11 août 2016 : 'Commence donc a préparer mes papiers car on sait tous le temps qu’il te faut',

— le 22 août 2016 à 11h44 : 'Bonjour, suite a tes propos douteux, blessant et en dessous de la ceinture juste avant mes vacances, il me seras impossible d’être présent aujourd’hui . En effet, il serait impossible et dangereux pour d’assurer les livraisons ds cet état'.

Cependant, le salarié ne justifie nullement avoir été placé en arrêt de travail à compter du 22 août 2016, lequel avis d’arrêt de travail pour maladie aurait appuyé le message ci-avant cité, alors que la société TCSE l’a mis en demeure de reprendre son poste de travail ou de justifier son absence, par lettre en recommandé datée du 26 septembre 2016, demande renouvelée par courrier du 11 octobre 2016.

Au surplus, la demande d’allocations d’assurance-chômage formée par M. Y auprès de Pôle emploi ayant été effectuée le 19 octobre 2016, le salarié était d’ores et déjà en recherche d’emploi à cette date, alors qu’il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 9 novembre 2016, indiquant alors à son employeur : 'La rupture de mon contrat s’analyse donc par

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un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse'.

Dès lors, comme l’ont exactement décidé les premiers juges, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de l’appelant s’analyse en une démission, la décision déférée étant ainsi confirmée sur ce point sauf en ce qu’elle a considéré que le contrat de travail a été rompu à la date du 22 août 2016, celle du 9 novembre 2016 lui étant substituée. M. Y sera donc débouté de ses demandes formées au titre d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant là encore confirmé.

Comme exposé ci-avant, le salarié n’a jamais réintégré son poste de travail à partir du 22 août 2016. Or, la rémunération étant la contrepartie d’une prestation de travail accompli, il ne peut prétendre au versement d’un salaire à compter du 22 août 2016, la décision entreprise étant également confirmée de ce chef.

Le salarié sollicite le paiement des primes au titre des années 2015 et 2016 sans développer de moyens autonomes de celui relatif à la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Toutefois, eu égard aux développements ci-dessus, comme l’ont exactement décidé les premiers juges, M. Y a été rempli de ses droits, si bien que le jugement sera confirmé de ce chef.

La société TCSE ainsi que la SELARL JSA, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan, ne sollicitent pas l’infirmation du jugement entrepris concernant l’indemnité compensatrice de congés payés. De même, elles restent silencieuses concernant l’indemnité compensatrice de préavis.

Elles ne développent pas plus de moyens relatifs à la demande formée à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, se limitant dans le dispositif à solliciter la confirmation du jugement déféré, si bien qu’il ne peut être fait droit à cette demande, ce d’autant qu’au regard des décisions rendues, elles ne justifient nullement de ce que le droit du salarié d’ester en justice a dégénéré en abus. Le jugement querellé sera ainsi infirmé en ce qu’il a condamné M. Y à payer à la société TCSE la somme de 3.601,14 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Sur la garantie du CGEA.

Par application des dispositions de l’article L. 3258-1 1° et 2°du code du travail, la garantie du CGEA est exclue pour toutes les sommes qui étaient dues au salarié à la date du jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde mais peut être mise en oeuvre pour les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d’observation et dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde. Il en résulte, qu’en l’espèce, le CGEA de Chalon-sur-Saône ne doit aucune garantie au titre des sommes allouées à M. Y.

*********

Compte tenu des développements ci-avant, les parties succombant l’une et l’autre partiellement, supporteront la charge des dépens d’appel qu’elles ont personnellement exposés, et il n’y aura pas lieu à paiement de frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu’elle a fixé à la date du 22 août 2016 celle à compter

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de laquelle la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. Y était requalifiée en une démission, débouté M. Y de sa demande de requalification du CDD en CDI et de paiement de l’indemnité de requalification afférente, et alloué à la société Transports A Service Express la somme de 3.601,14 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 juin 2014 en contrat de travail à durée indéterminée,

Condamne la société Transports A Service Express à payer à M. B Y la somme de 1.800 € au titre de l’indemnité de requalification des CDD en CDI,

Requalifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. B Y en une démission à compter du 9 novembre 2019,

Déboute la société Transports A Service Express de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

Exclut toute garantie du CGEA,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens d’appel qu’elle a personnellement exposés, étant précisé que M. B Y bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par M. WAGUETTE, président, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

S. DELPLACE L. WAGUETTE

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