Cour d'appel de Chambéry, 12 mai 2016, n° 15/00944

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 12 mai 2016, n° 15/00944
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/00944
Décision précédente : Tribunal d'instance de Bonneville, 24 mars 2015, N° 14-000132

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 12 Mai 2016

RG : 15/00944

XXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d’Instance de BONNEVILLE en date du 25 Mars 2015, RG 14-000132

Appelants

M. G H I

né le XXX à XXX

Mme Y Z

née le XXX à XXX, demeurant XXX

assistés de Me Claude BECCARELLI, avocat au barreau de BONNEVILLE

Intimé

M. X D

né le XXX à XXX

assisté de la SCP BALLALOUD-ALADEL, avocat au barreau de BONNEVILLE

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 15 mars 2016 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a procédé au rapport

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 29 décembre 2012, monsieur X D a vendu à monsieur G-H I et à madame Y Z un appartement de type T2 avec cave, constituant les lots n° 3 et 9 d’une copropriété dénommée 'Le Chevran’ à Cluses (74300), sous condition suspensive de l’octroi aux acquéreurs d’un prêt de 81 000 euros au taux maximal de 4,5 % sur 25 ans, l’acte définitif devant être régularisé avant le 15 mars 2013.

L’acte stipulait que les acquéreurs devaient justifier de leur demande de prêt dans les 15 jours de l’acte et de l’obtention du crédit dans les 45 jours, une clause pénale de 7 500 euros étant prévue.

La vente n’ayant pas été réitérée, monsieur X D, par acte d’huissier du 3 mars 2014, a fait assigner monsieur G-H I et madame Y Z devant le tribunal d’instance de Bonneville poursuivant leur condamnation, solidaire et assortie de l’exécution provisoire, à lui payer les sommes de :

—  7 500 euros au titre de la clause pénale,

—  500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

—  900 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

et à supporter les dépens.

Par jugement rendu le 25 mars 2015, le tribunal a :

— condamné monsieur G-H I et madame Y Z à payer à monsieur X D la somme de 7 500 euros au titre de la clause pénale,

— débouté monsieur X D de sa demande de dommages et intérêts,

— condamné monsieur G-H I et madame Y Z à payer à monsieur X D la somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Monsieur G-H I et madame Y Z ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 28 avril 2015.

Par ordonnance du 10 décembre 2015, le conseiller de la mise en état a dit que la consignation de la somme de 7 800 euros par monsieur G-H I et madame Y Z sur le compte CARPA de leur conseil suffisait à garantir l’exécution des condamnations de première instance et qu’il n’y avait donc pas lieu à radiation.

Par conclusions notifiées le 25 février 2016, monsieur G-H I et madame Y Z demandent à la cour de :

— dire que la condition suspensive a défailli sans faute de leur part,

— débouter monsieur X D de ses demandes,

— le condamner à leur payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

très subsidiairement,

— réduire dans de très larges proportions la clause pénale manifestement excessive et dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur G-H I et madame Y Z soutiennent avoir remis l’attestation de la banque dans le délai stipulé, soit le 9 février 2013 et avoir fait corriger par la banque l’erreur quant à la durée du prêt sollicité, qui leur a été refusé en raison du montant de leurs revenus, de leur endettement et de la faiblesse de leur apport personnel.

Ils soutiennent avoir fourni à la banque tous les éléments d’appréciation de leurs revenus et de leurs charges.

C’est à tort que le tribunal les aurait condamnés en raison de l’absence de justification de démarches auprès d’autres banques, alors que les termes du compromis ne les y contraignaient pas et que les délais stipulés ne le leur permettaient pas et qu’au surplus ils justifient avoir consulté un courtier, la société CAFPI.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2016, monsieur X D demande à la cour confirmer le jugement déféré s’agissant de l’application de la clause pénale et, au surplus, de condamner, solidairement, monsieur G-H I et madame Y Z à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, celle de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Monsieur X D fait valoir que la condition suspensive doit être réputée accomplie, les attestations dont se prévalent les appelants n’étant pas conformes aux stipulations du compromis quant au montant et à la durée du prêt.

Il met en doute le fait que le préposé de la banque soit l’auteur de la rectification manuelle de l’attestation et que monsieur G-H I et madame Y Z aient présenté à la banque tous les éléments d’appréciation de leur situation financière (loyer de 470 euros versé par le locataire du bien vendu, échéances de remboursement du prêt sollicité inférieures à leur loyer avant l’acquisition).

Les acquéreurs ne justifieraient pas de démarches auprès d’un autre établissement bancaire.

L’attestation de la société CAFPI ne préciserait pas les paramètres du prêt sollicité.

La clôture de l’instruction est intervenue le 29 février 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’imputabilité de la défaillance de la condition suspensive relative au prêt bancaire

En application des dispositions de l’article 1134 du Code civil, les conventions légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le compromis de vente conclu entre les parties le 29 décembre 2012 stipule une condition suspensive relative à l’obtention d’un prêt bancaire par les acquéreurs ainsi libellée :

«6 – Conditions suspensives :

La vente ci-dessus sera soumise à la condition suspensive : (1)

— de l’octroi d’un prêt par « l’Acquéreur » d’un montant de 81 000 Euros au taux en vigueur à la date d’aujourd’hui, soit 4,50 % hors assurances, sur une durée de 25 ans auprès de I’organisme de son choix, destiné au financement du principal de I’acquisition, objet des présentes. Le solde du financement sera réalisé au moyen des deniers personnels de l’acquéreur.

L« 'acquéreur » s’oblige à fournir au vendeur ou à son mandataire tous justificatifs relatifs à la demande du financement dans un délai de 15 jours maximum à dater de la signature des présentes, et l’accord écrit de l’obtention du crédit demandé sous un délai maximum de 45 Jours à partir du dernier jour du délai de rétractation, déclare être en mesure de présenter le dossier du prêt demandé conformément aux textes législatifs en cours et s’engager à accepter un prêt de substitution aux mêmes conditions si le prêteur consulté refusait d’accorder le financement demandé"».

Le 9 février 2013, alors que le délai expirait le 20 février suivant, monsieur G-H I et madame Y Z justifiaient d’une attestation du Crédit Mutuel énonçant qu’après étude de leur dossier la banque n’a pas donné une suite favorable à leur demande d’octroi d’un prêt de 83 000 euros sur une durée de 20 ans, en raison d’un endettement trop important et du manque d’apport personnel.

Les caractéristiques ainsi évoquées par le Crédit Mutuel ne sont pas conformes à celles fixées par les parties aux termes du compromis de vente et correspondent à un financement plus difficile à obtenir puisque portant sur un capital supérieur et amortissable sur une durée plus courte.

Ne justifiant pas de l’envoi d’une lettre plus tôt, ce n’est que trois mois plus tard, le 3 mai 2013, alors que le compromis fixait la date de réitération au plus tard le 15 mars 2013, que monsieur X D écrivait par lettre recommandée avec avis de réception à monsieur G-H I et madame Y Z leur demandant de lui transmettre, par retour de courrier, le refus d’un financement correspondant aux stipulations du compromis de vente.

Monsieur G-H I et madame Y Z s’exécutaient et transmettaient au vendeur, le 15 mai 2013, une nouvelle attestation du Crédit Mutuel, établie le même jour, faisant cette fois état du refus d’un prêt de 81 000 euros sur une durée de 25 ans, si ce n’est que la correction de la durée d’amortissement de 20 ans en 25 ans était faite par une rature manuscrite, de sorte que l’identité de son auteur pouvait être sujette à discussion.

Toutefois, les acquéreurs, dont la bonne foi doit être présumée, affirment que cette correction manuscrite est l’oeuvre de l’auteur de l’attestation et, surtout, ils ont fait établir une nouvelle attestation par le Crédit Mutuel le 23 mai 2013, soit huit jours après la précédente, cette fois parfaitement conforme aux caractéristiques de la condition suspensive stipulée par le compromis de vente.

Ils produisent, en outre, une attestation émanant du directeur de la Caisse de Crédit Mutuel, datée du 3 avril 2014, exposant qu’en raison de leurs revenus au moment de l’étude du financement le 5 février 2013, la banque n’a pu leur accorder un prêt de 81 000 euros remboursable en 25 ans.

Par cette dernière pièce, les acquéreurs établissent, sans que ne subsiste d’ambiguïté, que dans le délai contractuellement stipulé, le Crédit Mutuel a refusé de leur octroyer un prêt correspondant exactement aux caractéristiques fixées par la condition suspensive.

C’est donc sans faute de monsieur G-H I et de madame Y Z que cette partie de la condition suspensive a défailli.

Monsieur X D reproche également à monsieur G-H I et à madame Y Z de ne pas avoir recherché un autre prêteur ainsi que le prévoit la condition suspensive énonçant que l’acquéreur « … déclare s’engager à accepter un prêt de substitution aux mêmes conditions si le prêteur consulté refusait d’accorder le financement demandé"» ; mais d’une part cette obligation devant être exécutée après le refus du prêt initialement sollicité par les acquéreurs, il ne pouvait en aucun cas y être satisfait dans le délai de 45 jours stipulé, d’autre part, et surtout, si les acquéreurs s’engageait à 'demander’ le prêt prévu en première intention, ils ne s’engageaient qu’à 'accepter’ un prêt de substitution et enfin, ils justifient avoir consulté, en janvier 2013, soit durant le délai stipulé, la SA CAFPI, courtier en prêts immobiliers, qui leur a indiqué : «sur la base des informations et documents que vous avez fournis, votre dossier ne pouvait pas faire l’objet d’une demande de prêt auprès de nos partenaires bancaires».

Monsieur X D émet par ailleurs des doutes quant aux informations fournies par monsieur G-H I et madame Y Z à leur banque pour permettre à cette dernière d’apprécier l’état de leur endettement, sans rapporter la moindre preuve de ses allégations.

C’est donc également sans faute de monsieur G-H I et de madame Y Z que cette seconde partie de la condition suspensive a défailli.

Le jugement déféré sera, en conséquence, reformé.

Sur les demandes annexes

Eu égard à la réformation du jugement, monsieur X D sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, mais sera condamné à payer à monsieur G-H I et à madame Y Z la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu’ils ont engagés tant en première instance qu’en appel.

Monsieur X D supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a débouté monsieur X D de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute monsieur X D de l’intégralité de ses prétentions,

Condamne monsieur X D à payer à monsieur G-H I et à madame Y Z la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de celle d’appel.

Condamne monsieur X D à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître Claude Beccarelli, avocat en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 12 mai 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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Cour d'appel de Chambéry, 12 mai 2016, n° 15/00944