Cour d'appel de Douai, 18 décembre 2009, n° 08/03212

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 18 déc. 2009, n° 08/03212
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 08/03212
Décision précédente : Cour d'appel de Douai, 29 mars 2007

Texte intégral

ARRET DU

18 Décembre 2009

PR/AL

RG 08/03212

N° 151-09

EXPERTISE

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Valenciennes en date du 10 juin 2005

Cour d’Appel de DOUAI en date du 30 Mars 2007

COUR DE CASSATION en date du 11 septembre 2008

APPELANT :

M. A Y

XXX

XXX

Représenté par Me Hervé DESSE-CARMIGNAC (avocat au barreau d’AVESNES SUR HELPE)

INTIME :

SA LEO FRANCOIS

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric COVIN (avocat au barreau de VALENCIENNES)

CPAM MAUBEUGE

XXX

XXX

XXX

Représentée par M. X agent de la caisse, régulièrement mandaté

Cie d’assurances D FRANCE

Service Sinistres RCGE

XXX

XXX

Représentée par Me THOMAT de la SCP NORMAND SARDA & ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)

Cie d’assurances AXA

Cabinet Descamps-d’Haussy

XXX

XXX

Non comparante et non représentée AR de convocation signé le 19/06/09

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

O-P Q

: PRESIDENT DE CHAMBRE

B C

: CONSEILLER

XXX

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : A. LESIEUR

DEBATS : à l’audience publique du 27 Octobre 2009

ARRET : Réputé contradictoire à l’égard de la Compagnie d’Assurances AXA et contradictoire à l’égard des autres parties prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2009, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par O-P Q, Président et par S. ROGALSKI, greffier auquel la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur A Y, né le XXX a été employé par la société LEO FRANCOIS du 7 décembre 1963 au 31 octobre 1969 en qualité de contremaître, puis du 2 mai 1983 au 8 juillet 2000 en qualité de sous-directeur responsable de fabrication (agent de méthodes).

Le 22 décembre 1998, la société LEO FRANCOIS a établi une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles (surdité), affection médicalement constatée le 8 décembre 1998 dont était atteint Monsieur A Y.

Le 22 décembre 1999, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge a accepté de prendre en charge la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.

L’état de santé de l’intéressé ayant été déclaré consolidé au 8 décembre 1998, une rente d’incapacité permanente partielle a été attribué à Monsieur A Y à compter du 9 décembre 1998, le taux initialement fixé à 45% étant porté à 50% par le tribunal du contentieux de l’incapacité statuant le 29 octobre 2001.

Par courrier expédié le 29 août 2002, Monsieur A Y a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale en vue d’obtenir la reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur à l’origine de sa maladie, sans attendre le procès verbal de non conciliation dressé le 5 décembre 2002 par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge à laquelle il s’était précédemment adressée.

Par jugement en date du 10 juin 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes a déclaré irrecevable, car prescrite l’action de A Y.

Par lettre du 13 juillet 2005, Monsieur A Y a formé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 30 mars 2007, la Cour d’appel de Douai a confirmé le jugement.

Par arrêt en date du 11 septembre 2008, la Cour de Cassation (deuxième chambre civile) l’a cassé et annulé dans toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Douai, autrement composée.

Statuant sur le moyen unique pris en sa quatrième branche au visa de l’article 1134 du Code civil, la Cour de Cassation a reproché à la cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable comme prescrite l’action de A Y, après avoir retenu que la caisse avait été saisie d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable par courrier du 9 août 2002 de Monsieur Y et que le procès- verbal de non conciliation daté du 5 décembre 2002, établi par la caisse ne saurait à lui seul, justifier l’existence d’un acte interruptif de prescription antérieur, se prononçant ainsi après avoir cité les termes de ce procès- verbal desquels il résultait que la caisse avait été saisie en date du 10 mai 2001 d’une demande de majoration de rente en application de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale.

Vu le jugement rendu le 10 juin 2005 mars par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes ;

Vu l’arrêt rendu le 30 mars 2007 par la Cour d’appel de Douai ;

Vu l’arrêt rendu le 11 septembre 2008 par la Cour de Cassation ;

Vu les conclusions en date du 4 septembre 2009 déposées le 7 septembre 2009 et soutenues à l’audience du 27 octobre 2009 par Monsieur A Y, appelant ;

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 27 octobre 2009 par la société LEO FRANCOIS, intimée ;

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 27 octobre 2009 par la compagnie D E, intimée ;

Vu les conclusions en date du 22 octobre 2009 déposées à cette date et soutenues à l’audience du 27 octobre 2009 par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Selon les dispositions des articles L 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du Code de la sécurité sociale, l’action de la victime ou de ses ayants droit en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur se prescrit par deux ans, soit à compter du jour de l’accident ou de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien entre sa maladie et une activité professionnelle, soit à compter de la clôture de l’enquête ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière, soit encore à compter de la cessation du travail.

Toutefois, le délai de prescription de l’action du salarié pour faute inexcusable de l’employeur ne peut commencer à courir qu’à compter de la date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la Caisse.

Selon l’article L 452-4 du Code de la sécurité sociale, à défaut d’accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d’une part, et l’employeur d’autre part, sur l’existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l’article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d’assurance maladie, d’en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement.

La saisine de la caisse primaire d’assurance maladie par la victime aux fins de mise en oeuvre de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable (prévue à l’article L 452-4 du Code de la sécurité sociale précité) équivaut à une citation en justice au sens de l’article 2244 du Code civil et interrompt le cours de la prescription biennale (prévue à l’article L 431-2 du Code de la sécurité sociale précité).

L’engagement de la procédure de conciliation à l’initiative de la caisse interrompt le cours de la prescription qui demeure suspendu tant que la caisse primaire n’a pas fait connaître les résultats de sa tentative de conciliation.

En l’espèce, l’affection (surdité) qui a été constatée le 8 décembre 1998 par certificat médical du docteur Z faisant le lien entre la maladie et l’activité professionnelle de Monsieur A Y a fait l’objet le 22 décembre 1998 d’une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles reconnue le 22 décembre 1999 par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge après une enquête administrative clôturée le 4 mai 1999.

L’état de santé de l’intéressé qui a définitivement cessé le travail le 3 juin 1998 a été déclaré consolidé au 8 décembre 1998, date de cessation du paiement de l’indemnité journalière en rapport avec la maladie professionnelle en cause.

Dès lors, le délai de prescription de l’action du salarié pour faute inexcusable de l’employeur n’a pu commencer à courir qu’à compter du 22 décembre 1999, date de la reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de la maladie, de sorte que la caisse primaire d’assurance maladie pouvait être valablement saisie par Monsieur A Y aux fins de mise en oeuvre de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable jusqu’au 22 décembre 2001.

Or Monsieur A Y qui a rempli le 3 janvier 2000 un imprimé relatif à l’instruction de sa rente en cochant la case 'oui’ à la question : cet accident vous semble-t-il résulter de la faute inexcusable de l’employeur, imprimé reçu par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge le 11 janvier 2000 a par la suite confirmé sa volonté d’agir en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur afin d’obtenir une indemnisation complémentaire une nouvelle fois avant le 22 décembre 2001.

En effet, par lettre adressée au tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 juin 2001 réceptionnée le 8 juin 2001, Monsieur A Y qui contestait un refus de remboursement d’appareils auditifs confirmé par la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge ajoutait : je demande également la procédure à suivre pour réclamer une réparation complémentaire à mon employeur pour non respect du code du travail au niveau du bruit pendant 44 ans de travail.

Indiquant à Monsieur A Y que ce courrier du 6 juin 2001 venait de lui être communiqué, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge lui annonçait par correspondance en date du 28 mai 2002 qu’ avant d’établir la procédure de Faute Inexcusable, [elle lui envoyait] un courrier explicatif de cette notion prévue par les articles L 411-1 et L 452-1 du code de la sécurité sociale.

Par correspondance en date du 9 août 2002 versée aux débats, Monsieur A Y s’est à nouveau adressé à la caisse primaire d’assurance maladie afin d’obtenir la réparation complémentaire due par l’employeur en cas de faute inexcusable en commençant sa lettre ainsi : Suite à ma demande de réclamation de réparation complémentaire à la société LEO FRANCOIS (…).

Pour conclure, il précisait qu’à raison de ses rapports tendus avec la société LEO FRANCOIS, il demandait que les réparations soient fixées par la juridiction compétente et non par accord amiable, ce à quoi la caisse a répondu le 20 août 2002 en invitant l’intéressé à saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale, ce qu’il a fait le 29 août 2002.

A la date du 9 août 2002, Monsieur A Y considérait donc que l’organisme était déjà saisi de sa demande fondée sur la faute inexcusable de l’employeur, ce qui correspondait également à la position de la caisse qui a mis en oeuvre la procédure de conciliation qui s’est conclue le 5 décembre 2002 par un procès verbal de non conciliation qui indiquait : En date du 10 mai 2001, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge a été saisie d’une demande de majoration de rente, en application de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale à la suite de la maladie professionnelle dont il a été victime le 08.12.98.

A l’examen de l’ensemble des pièces sus-mentionnées qu’elle verse aux débats, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge admet une erreur sur la date de sa saisine qui ne serait pas le 10 mai 2001, mais le 8 juin 2001, date de réception du courrier de Monsieur A Y en date du 6 juin 2001.

Cependant, la date ainsi corrigée se situe encore avant le 22 décembre 2001.

En toute hypothèse, l’initiative prise par la Caisse, à la suite d’un accident du travail imputé à une faute inexcusable de l’employeur, d’engager la procédure de conciliation, interrompt le cours de la prescription biennale, laquelle est suspendue pendant tout le déroulement de la procédure puisque l’organisme social en a la direction sans que l’assuré ait à prendre une quelconque initiative.

Dans ces conditions, il s’avère que le cours de la prescription courant à compter du 22 décembre 1999 a été interrompu par les interventions de la victime des 3 janvier 2000 et 8 juin 2001 qui n’étaient soumises à aucune obligation formelle et l’initiative prise par la caisse à cette date d’engager la procédure de conciliation et qu’il est demeuré suspendu jusqu’à l’aboutissement de cette procédure qui s’est conclue le 5 décembre 2002 par un procès verbal de non conciliation.

Dès lors, la demande de reconnaissance de la faute inexcusable présentée par Monsieur A Y le 29 août 2002 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale n’était pas prescrite de sorte que son action est recevable.

Le jugement sera qui a dit le contraire sera donc infirmé.

Sur la faute inexcusable de l’employeur

Commet une faute inexcusable au sens de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale l’employeur qui manque à l’obligation de résultat à laquelle, en vertu du contrat de travail, il est tenu envers le salarié en matière de sécurité lorsqu’ayant ou ayant dû avoir conscience du danger auquel il expose ce dernier, il ne prend pas les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Sur le lien de causalité entre le travail et la pathologie incriminée

La maladie déclarée par A Y le 22 décembre 1998 ayant été à juste titre présumée d’origine professionnelle en application des dispositions de l’article L.461-1 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale, le lien de causalité entre le travail accompli par lui au service de son dernier employeur et la pathologie médicalement constatée le 8 décembre 1998 est établi, la présomption d’imputabilité au travail accompli par Monsieur A Y au service de la société LEO FRANCOIS de la maladie inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles contractée par le salarié dans les conditions mentionnées à ce tableau ne pouvant être écartée que par la preuve qu’il n’existe aucun lien entre le travail et la maladie médicalement constatée, preuve qui en l’espèce n’est pas rapportée par les parties.

En effet, la circonstance que Monsieur A Y a travaillé également 23 années durant au sein de la société VALLOUREC (du 1er octobre 1954 au 5 décembre 1963 ; puis du 4 novembre 1969 au 1er mai 1983) n’est pas de nature à écarter la responsabilité de son dernier employeur la société LEO FRANCOIS seule mise en cause pour le compte de laquelle il a travaillé du 7 décembre 1963 au 31 octobre 1969, puis du 3 mai 1983 au 3 juin 1998, l’atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels identifiés dans les conditions prévues au tableau n° 42 des maladies professionnelles ayant été constaté 6 mois après la cessation au 3 juin 1998 de son activité professionnelle suivie d’un arrêt de travail pour maladie qui s’est prolongée jusqu’à son licenciement prononcé le 8 juillet 2000.

S’agissant de la conscience du danger

Le tableau n° 42 des maladies professionnelles relatif à l’atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels ayant été créé le 20 avril 1963, le danger lié aux nuisances sonores ne pouvait être ignoré par l’employeur.

Dans ses écritures, la compagnie GENERALLI E observe d’ailleurs que la société LEO FRANCOIS avait identifié le danger lié au bruit provoqué par les machines et l’employeur lui-même comme son assureur qui insiste sur les mesures prises pour éviter révèle par là sa pleine conscience du danger.

S’agissant des mesures prises

En application de l’article L. 230-2 du code du travail, il appartient au chef d’établissement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement, mesures qui comprennent des actions de prévention, d’information, de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Cette obligation de sécurité est une obligation de résultat.

Or les mesures de prévention du risque prises par la société LEO FRANCOIS n’ont pas empêché Monsieur A Y de développer une pathologie mentionnée au tableau n° 42 des maladies professionnelles (hypoacousie).

De fait, selon les témoignages produits par Monsieur A Y, il n’existait pas de protection adaptée au niveau sonore des ateliers et à la fonction de l’intéressé qui exigeait qu’il puisse répondre en permanence aux appels des hauts parleurs ou de son téléphone portable.

En effet, Monsieur F G ouvrier et délégué du personnel au sein de la société LEO FRANCOIS de 1982 à 1987 atteste qu’il n’y avait pas à cette époque de protection auditive dont il était seulement question lors des réunions alors que le bruit dépassait 85 db dans les ateliers où Monsieur A Y était continuellement présent.

Monsieur A H atteste également qu’il n’y avait pas de protection auditive jusqu’en 1995, date d’apparition des casques qui n’offraient pas de protection efficace surtout pour Monsieur A Y présent principalement en ateliers qui était appelé plusieurs dizaines de fois par jour par hauts parleurs ou sur son téléphone portable.

De même, Monsieur I J témoigne du rôle de Monsieur A Y auprès de lui qui ne pouvait se faire que dans le bruit des presses, les petits casques mis à disposition s’avérant peu utiles et Monsieur A Y ne pouvant les utiliser étant toujours appelé sur son téléphone portable.

Monsieur K L employé par la société LEO FRANCOIS de 1985 à 2002 confirme lui aussi l’absence de protection valable pour travailler sur les presses de découpe et le fait que Monsieur A Y ne pouvait pas utiliser de casque dans l’atelier où il se trouvait toujours car il était demandé plusieurs dizaines de fois par jour sur son téléphone portable.

Il s’avère donc que les mesures prises par l’employeur n’étaient pas suffisantes pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé en travaillant dans l’ambiance sonore entretenue par les machines en fonctionnement dans les ateliers, compte tenu notamment de la nature de son activité et de l’amplitude de ses journées de travail.

Dès lors, en omettant volontairement de prendre les mesures de sécurité et de prévention des risques qui s’imposaient, l’employeur a commis, alors qu’il devait avoir conscience du danger, une faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale.

Sur la faute de la victime

Constitue une faute intentionnelle de la victime au sens de l’article L 453-1 al. 1 du code de la sécurité sociale la faute résultant d’un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles, ce qui implique l’intention de créer le dommage et non seulement le risque.

Quant à la faute inexcusable de la victime visée à l’alinéa 2 du même article, elle s’entend d’une faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Or, il n’est pas établi ni même allégué que Monsieur A Y aurait commis une telle faute intentionnelle ou inexcusable au sens de l’article L 453-1 du code de la sécurité sociale, la compagnie D E se bornant à observer qu’il appartenait au salarié d’utiliser les protections individuelles mises à sa disposition.

Sur les conséquences indemnitaires

Conformément aux dispositions des articles L 452-1, L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de son employeur, la victime d’une maladie professionnelle a droit à une indemnisation complémentaire sous forme :

— d’une majoration de l’indemnité en capital ou de la rente qui lui a été attribuée ;

— d’une réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Sur la majoration de la rente

Dès lors que le moyen tiré de l’absence de faute inexcusable de l’employeur est écarté et que la faute inexcusable de la victime n’est pas établie ni même alléguée, aucun argument ne s’oppose à la demande de Monsieur A Y tendant à la majoration au taux maximum de la rente qui lui est servie par l’organisme social.

En conséquence, il y a lieu de fixer à son taux maximum la majoration de la rente servie par l’organisme social à Monsieur A Y.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l’indemnisation des préjudices extra patrimoniaux subis par la victime

Monsieur A Y né le XXX a été victime d’une affection médicalement constatée le 8 décembre 1998 mentionnée au tableau n° 42 des maladies professionnelles (hypoacousie).

La date de consolidation a été fixée au 8 décembre 1998 et Monsieur M N s’est vu reconnaître à compter du 9 décembre 1998 un taux d’incapacité permanente partielle de 45 % porté à 50% par le tribunal du contentieux de l’incapacité statuant le 29 octobre 2001.

La maladie étant due à la faute inexcusable de l’employeur, sans que le salarié lui-même ait commis une faute inexcusable, le salarié victime a droit à une réparation intégrale des préjudices de souffrances physiques et morales, esthétique, d’agrément et de perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle visés à l’article précité.

L’évaluation de ces préjudices en réparation desquels Monsieur A Y n’a pas chiffré ses demandes nécessite le recours à l’expertise que l’intéressé sollicite.

Dès lors, avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices à caractère personnel visés au premier alinéa de l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, il y a lieu d’ordonner une expertise médicale afin d’évaluer le préjudice causé par la douleur et les préjudices esthétique et d’agrément en application des articles L.141-1 et R.141-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Et, eu égard à l’importance du préjudice subi par la victime,

— de condamner la société LEO FRANCOIS à verser à Monsieur A Y une somme de 5000 € à titre de provision sur le montant de la réparation de son préjudice (tous chefs de demandes confondus).

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l’action récursoire de la Caisse

Selon les dispositions de l’article L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d’une action récursoire lui permettant de récupérer auprès de l’employeur les montants de la majoration de rente et de la réparation des préjudices dont elle doit faire l’avance directement au bénéficiaire.

En conséquence, il y a lieu de dire que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge pourra récupérer auprès de la société LEO FRANCOIS les sommes dont elle devra faire l’avance à Monsieur A Y au titre de la réparation de son préjudice.

Par ailleurs selon les dispositions de l’article L.452-4 du code de la sécurité sociale, l’employeur peut s’assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu’il s’est substitués dans la direction de l’entreprise ou de l’établissement.

En l’espèce la compagnie D E ne conteste pas l’existence du contrat en vertu duquel elle doit sa garantie pour couvrir les conséquences financières de la faute inexcusable de l’employeur imputable à la société LEO FRANCOIS au côté de laquelle elle intervient en sa qualité d’assureur.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés de Maubeuge tendant à ce que la Cour condamne la compagnie D E à garantir la société LEO FRANCOIS et s’il en est besoin à s’acquitter de ses obligations sur le fondement de l’action directe dont dispose l’organisme social à son encontre.

Sur les frais non compris dans les dépens

Au regard de l’équité, il y a lieu de ne pas laisser à Monsieur A Y la charge des frais non compris dans les dépens qu’il a personnellement exposés en première instance et en cause d’appel et de condamner en conséquence la société LEO FRANCOIS sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile à lui verser la somme fixée au dispositif du présent arrêt.

Parties perdantes, la société LEO FRANCOIS et la compagnie D E seront déboutées de leurs demandes respectives présentées sur le même fondement.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme le jugement déféré,

Et, statuant à nouveau,

Déclare recevable car non prescrite l’action de Monsieur A Y en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société LEO FRANCOIS ;

Dit que la maladie professionnelle inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles dont Monsieur A Y est atteint est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société LEO FRANCOIS ;

Fixe au maximum légal la majoration de la rente prévue à l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale ;

Dit que Monsieur A Y a droit à une réparation intégrale des préjudices de douleurs, esthétique, d’agrément et de perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle visés à l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale ;

Et avant dire droit sur l’indemnisation de ces préjudices,

Ordonne une expertise médicale à laquelle il appartiendra à Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge de faire procéder en application des articles L.141-1 et R.141-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, afin d’évaluer les préjudices de souffrances physiques, esthétiques et d’agrément subis par Monsieur A Y qui sont la conséquence de la maladie professionnelle constatée le 8 décembre 1998 ;

Dit que l’affaire sera de nouveau appelée à l’audience du 23 mars 2010 à 14 heures pour vérifications des diligences effectuées ;

Condamne la société LEO FRANCOIS à verser à Monsieur A Y une somme de 5000 € (cinq mille euros) à titre de provision à valoir sur l’indemnité qui devra lui être allouée ;

Condamne la société LEO FRANCOIS au remboursement des sommes dont la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Maubeuge fera l’avance au titre de l’indemnisation complémentaire due à Monsieur A Y à raison de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de sa maladie ;

Condamne la compagnie D E à garantir la société LEO FRANCOIS et s’il en est besoin à s’acquitter de ses obligations sur le fondement de l’action directe dont dispose l’organisme social à son encontre ;

Condamne la société LEO FRANCOIS sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile à verser à Monsieur A Y la somme de 2000€ (deux mille euros) ;

Déboute la société LEO FRANCOIS et la compagnie D E de toutes leurs demandes ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S. ROGALSKI J.G Q

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