Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 30 mars 2022, n° 21/02100

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 30 mars 2022, n° 21/02100
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 21/02100
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 14 mars 2021, N° 2020r00838
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 21/02100 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NPGG


Décision du Président du TC de Lyon en Référé du 15 mars 2021


RG : 2020r00838


X


S.A.S. D E


S.A.S. GLOBAL E


S.A.S. F E


C/


S.A.S. MANUFACTURE DE PRODUITS D’HYGIENNE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 30 Mars 2022

APPELANTS :

Dune part :

1- Monsieur C X


Né le […] à […], domicilié

au […], directeur commercial


Représenté par Me Santiago MUZIO DE PLACE, avocat au barreau de LYON, toque : 311


Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu DE VALLOIS, avocat au barreau de PARIS

D’autre part :

1- La société D E, société par actions simplifiée au capital social de 9.529.938 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Dijon sous le numéro 533 326 997, dont le siège social se situe […], […], représentée par ses représentants légaux en exercice

2- La société GLOBAL E, société par actions simplifiée au capital social de 300.000 euros, immatriculée au registre du

commerce et des sociétés de Dijon sous le numéro 301 331 054, dont le siège social se situe […], […], représentée par ses représentants légaux en exercice

3- La société F E, société par actions simplifiée au

capital social de 200.000 euros, représentée par ses représentants légaux en exercice , immatriculéee au registre du

commerce et des sociétés de Dijon sous le numéro 829 919 836, prise en son siège social qui se situe […], […] et en son établissement secondaire qui se situe […]


Toutes représentées par Me Santiago MUZIO DE PLACE, avocat au barreau de LYON, toque : 311

INTIMÉE :

La société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E, société par actions simplifiée au capital social de 5.059.400 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 301 276 127, dont le siège social est situé […], […], et représentée par ses

représentants légaux en exercice


Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983


Ayant pour avocat plaisant Me Cédric MONTFORT, avocat au barreau de LYON

* * * * * *


Date de clôture de l’instruction : 01 Février 2022


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Février 2022


Date de mise à disposition : 30 Mars 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :


- Christine SAUNIER-RUELLAN, président


- Karen STELLA, conseiller


- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier


A l’audience, Karen STELLA a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,


Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *


C X a été directeur logistique puis directeur général adjoint de la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E (MPH) de 2004 jusqu’en septembre 2017. MPH est spécialisée dans la fabrication de papier d’essuyage et de produits d’E des mains pour les professionnels.


La fin de collaboration entre C X et MPH est intervenue à la suite de plusieurs différends et notamment de la découverte de faits ayant conduit à enclencher une procédure de licenciement pour faute grave.


Les parties se sont entretemps rapprochées pour régler amiablement la situation et ont signé, le 29 septembre 2017, un protocole d’accord transactionnel qui ne comporte pas de clause de non-concurrence mais une clause de confidentialité par laquelle C X s’engageait à «'respecter le secret le plus absolu en ce qui concerne toute information confidentielle qu’il aurait pu recevoir pendant la durée de son contrat de travail et à ne rien faire, dire, suggérer, ou entreprendre, qui puisse porter atteinte à l’image et à la réputation de la société MPH'». Celle-ci s’obligeait réciproquement à «'n’effectuer aucune communication qui puisse porter atteinte à l’image ou à la réputation de Monsieur X'».


Il a signé un contrat de travail avec la société D E le 10 octobre 2019 comme directeur commercial avec effet au 3 février 2020.


A la suite de l’embauche de C X à D E le 10 octobre 2019, il aurait été menacé à plusieurs reprises par le dirigeant de MPH se plaignant en retour de démarches systématiques de son ex-collaborateur auprès de ses clients au moyen d’informations confidentielles en lien avec son emploi antérieur.


Soupçonnant des agissements relevant d’une violation des engagements de confidentialité et un détournement de clientèle, par requête du 3 août 2020, la société MPH a saisi le président du tribunal de commerce de LYON aux fins d’obtenir des mesures d’instruction sous forme de constats d’huissier au siège des sociétés du groupe GLOBAL E en l’espèce D E, GLOBAL E, F E ainsi qu’au domicile de C X dans le but d’obtenir des informations sur les agissements de Monsieur X préjudiciables à ses intérêts et ce dans l’optique d’une future action en justice à l’encontre de l’ensemble de ces personnes ou de certaines d’entre elles en concurrence déloyale.


Par ordonnances identiques du 4 août 2020, le président du tribunal de commerce a autorisé les mesures d’instruction au siège des trois sociétés sus-visées et au domicile de C X.


Par assignations du 13 novembre 2020, C X et les sociétés D E, GLOBAL E, et F E ont introduit un recours en rétractation.


Suivant ordonnance de référé du 15 mars 2021, le président du tribunal de commerce de LYON a':

ordonné la jonction des procédures 2020R00838 à 2020R00845,•

• retenu sa compétence pour statuer sur les demandes de la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E,

• jugé recevables les demandes de C X et des sociétés D E, GLOBAL E, F E, en rétractation contre les ordonnances des dossiers 2020OP03202, 2020OP03203, 2020OP03207 et 2020OP03208 du président du tribunal de commerce de LYON, • jugé fondées sur un motif légitime les mesures d’instruction autorisées par ordonnances du 4 août 2020 à la demande la MANUFACTURE DE PRODUITS D’E,

• débouté C X et les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, de leur demande de rétractation des ordonnances rendues sur requête en date du 4 août 2020,

• jugé que le séquestre des éléments saisis le 15 octobre 2015 est levé au prononcé de la présente ordonnance, la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E pouvant néanmoins se prévaloir si nécessaire de ces éléments dans le cadre de toute procédure judiciaire,

débouté les demandeurs à la rétractation de toutes leurs demandes,•

• condamné C X et les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, à verser à la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.


Le premier juge a en substance retenu que':

• selon l’article 46 du code de procédure civile, le préjudice de la société MPH est susceptible de se produire au lieu où elle exerce sa principale activité, soit à LYON le lieu de son siège social. Le président du tribunal de commerce est compétent à raison de la concurrence déloyale de l’un de ses anciens salariés,


MPH ne prouve pas un défaut d’intérêt à agir en rétractation,•

• les requêtes étaient motivées. En matière de concurrence déloyale, le risque de déperdition des éléments de preuve justifie le recours à la procédure non contradictoire. Il n’y avait pas d’autre choix,

la structuration du groupe GLOBAL E le positionne en concurrent direct de MPH,•

• il n’est pas contesté que deux collaborateurs de Monsieur X (M. Y, et Monsieur Z) ont rejoint GLOBAL E,

• il est établi que Monsieur X a directement sollicité en novembre 2019 Monsieur A, responsable commercial de MPH, pour rejoindre son nouvel employeur,

• son propre recrutement comme directeur d’D E le 10 octobre 2019 est susceptible d’être intervenu dans des conditions ignorant les termes de sa transaction du 29 septembre 2017, notamment sur l’utilisation des informations confidentielles sur l’organisation, le process de fabrication et les produits de son ancien employeur,

• il y a eu depuis report significatif de clientèle et de chiffre d’affaires vers GLOBAL E,

• les mesures étaient fondées, proportionnées au but recherché et ne remettaient pas en cause le secret des affaires étant circonscrites aux documents et informations nécessaires à la solution du litige éventuel,

le séquestre des éléments saisis le 15 octobre 2015 sera levé.•
Le président du tribunal de commerce a été saisi d’une requête en omission de statuer du 17 mars 2021 à la requête de C X et les sociétés D E, GLOBAL E et F E, au titre de la mainlevée des pièces séquestrées et en réparation d’une erreur matérielle de réalisation du constat d’huissier qui est en date du 15 octobre 2020 et non 2015.


Appel a été interjeté par déclaration électronique du 22 mars 2021 par le conseil de C X et des sociétés D E, GLOBAL E, et F E, sur les chefs critiqués de l’ordonnance suivants':

• retenu sa compétence pour statuer sur les demandes de la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E,

• jugé fondées sur un motif légitime les mesures d’instruction autorisées par ordonnances du 4 août 2020 à la demande la MANUFACTURE DE PRODUITS D’E,

• débouté C X et les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, de leur demande de rétractation des ordonnances en date du 4 août 2020,

• jugé que le séquestre des éléments saisis le 15 octobre 2015 est levé au prononcé de la présente ordonnance, la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E pouvant néanmoins se prévaloir si nécessaire de ces éléments dans le cadre de toute procédure judiciaire,

débouté les demandeurs à la rétractation de toutes leurs demandes,•

• condamné C X et les sociétés D E, GLOBAL E et F E à verser à la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.


Suivant ordonnance du 21 mai 2021, le président du tribunal de commerce a rejeté la demande en omission de statuer, débouté C X et les sociétés D E, ainsi que GLOBAL E et F E de leurs demandes mais accueilli la demande reconventionnelle de MPH aux fins de rectification de l’erreur matérielle sur la date du constat d’huissier, confirmé son ordonnance du 15 mars 2021 en toutes ses dispositions sauf sur la rectification de l’erreur matérielle susvisée, et condamné C X et les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, à payer à MPH la somme de 1.500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.


Le juge a retenu en substance que :


Les demandeurs ont effectivement demandé à titre additionnel l’organisation de la mainlevée des pièces séquestrées selon les articles R 153-3 à -10 du code de commerce, sans opposition de MPH’ mais elles n’ont pas indiqué les pièces susceptibles de porter atteinte au secret des affaires. Leur omission de statuer est irrecevable. En revanche, il y a lieu de réparer l’erreur matérielle du dispositif quant à la date du constat d’huissier.


Appel a été interjeté par déclaration électronique du 25 mai 2021 par le conseil de C X et des sociétés D E, GLOBAL E et F E, sur le rejet de la demande d’omission de statuer, sur le débouté de leurs demandes, sur la rectification de l’erreur matérielle, sur la confirmation de l’ordonnance du 15 mars 2021, sur la condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens.

In fine les deux affaires ont été orientées à bref délai selon les dispositions des articles 905 à 905-2 du code de procédure civile et les plaidoiries fixées devant la Cour à la même audience du 17 novembre 2021, compte tenu des liens entre les affaires.


Suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de LYON du 13 juillet 2021 saisi à la demande de C X et des sociétés D E, GLOBAL E, et F E, l’exécution provisoire de l’ordonnance du 15 mars 2021 rectifiée le 21 mai 2021 a été arrêtée. A été rejetée la demande reconventionnelle en radiation, les parties conservant chacune la charge de ses dépens et étant déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


A l’audience du 17 novembre 2021, les deux procédures 21/2110 et 21/4609 ont été jointes en raison d’une bonne administration de la justice avec renvoi au 1 février 2022 à 9 heures afin que les parties prennent des conclusions récapitulatives après jonction et fassent des observations, sur demande de la Cour, sur la question des limites de son pouvoir juridictionnel dans le cadre d’un référé rétractation pour traiter une demande de mesure d’instruction à savoir une injonction de communiquer sous astreinte et déclarer à titre subsidiaire irrecevable la pièce 25, soit une attestation de Monsieur X datée du 1er juillet 2020 et ses annexes recueillies dans des conditions faisant douter de la loyauté du procédé sachant que la Cour ne peut pas être saisie de conclusions d’incident distinctes des conclusions au fond.


Suivant conclusions récapitulatives n°4 notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, demandent à la Cour de':


Vu les articles 32-1, 73, 145, 202, 490 à 496, 874 et 875 du code de procédure civile, L153-1, R 153-1, L 721-3 du code de commerce,

les juger recevables et bien fondées en leur appel et leurs demandes.•


A titre liminaire,

• fixer à plaider l’incident porté par les conclusions d’incident du 29 septembre 2021 afin qu’il soit vidé de son objet par la Cour avant qu’elle ne statue au fond.


A titre principal,


Sur l’ordonnance du 15 mars 2021 :

• la confirmer partiellement sur la jonction des procédures, en ce qu’elle a constaté la recevabilité de leur demande en rétractation.


Pour le surplus,

l’infirmer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :•

• juger que le président du tribunal de commerce de LYON n’était pas territorialement compétent pour connaître de la requête de MPH,

juger qu’il n’était matériellement pas non plus compétent,• juger que les tribunaux de commerce compétents au vu des rattachements territoriaux et• matériels étaient, soit celui de DIJON soit celui de VIENNE, selon les différentes personnes concernées,

• rejeter toutes les exceptions notamment celle tendant à déclarer l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence comme irrecevable, non fondée et nouvelle en appel,

• juger que le président du tribunal de commerce de LYON n’avait pas le pouvoir juridictionnel pour rendre les ordonnances du 4 août 2020 et les rétracter en conséquence,

• juger que MPH n’a justifié d’aucun motif légitime pour obtenir l’autorisation de réaliser une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile,

• juger que les mesures d’instruction prescrites ont constitué des mesures générales d’investigation excédant les mesures d’instruction légalement admissibles,

• juger que les mesures d’instruction prescrites ont porté une atteinte disproportionnée et inutile à la vie privée, au secret des affaires et au secret professionnel,

• juger que MPH n’a justifié d’aucune circonstance de nature à légitimer la dérogation au principe du contradictoire,


Sur l’ordonnance du 21 mai 2021 :

l’infirmer en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

• juger que MPH est irrecevable en sa demande reconventionnelle en rectification d’erreur matérielle,

juger recevable et bien fondée la requête en omission de statuer,• compléter l’ordonnance en statuant sur ladite demande.•


Pour ce faire,

• statuer sur le chef de demande suivant : «'en cas de confirmation des ordonnances du 4 août 2020, convoquer les parties à une nouvelle audience de référé en présence de l’huissier instrumentaire qui se limitera à exclure de la communication les pièces autrement protégées par la loi, y compris par le secret des affaires, le secret professionnel et le respect de la vie privée'»,

• impartir aux sociétés appelantes un délai en application de l’article R 153-3 du code de commerce pour remettre à Monsieur le président':

la version confidentielle intégrale des pièces qui selon elles relèvent du secret des affaires,• une version non confidentielle ou un résumé,•

• un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

• ordonner en tant que de besoin le maintien sous séquestre des documents saisis en exécution des ordonnances du 4 août 2020 copte tenu du caractère suspensif de l’appel.


En tout état de cause,

débouter MPH de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions comme étant non fondées,• • prononcer la rétractation des ordonnances du 4 août 2020 exécutées à leur siège social d’AUXONNE,

• juger par voie de conséquence nuls et de nul effet tous les actes accomplis en exécution desdites ordonnances,

• ordonner à l’huissier instrumentaire de leur restituer l’intégralité des éléments appréhendés sous quelques formes que ce soit et d’en détruire sans délai toute copie éventuellement réalisée,

• faire interdiction à MPH d’utiliser à quelque fin que ce soit et devant quelque juridiction que ce soit, le procès-verbal de constat d’huissier dressé en application des ordonnances déférées ainsi que les pièces et informations recueillies par les huissiers instrumentaires sous astreinte de 1.000 euros d’astreindre par infraction dûment constatée et se réserver le droit de liquider l’astreinte prononcée,

• condamner MPH à leur verser 10.000 euros chacune en application de l’article 32-1 du code de procédure civile,

• la condamner à leur payer 35.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à chacune,

• la condamner aux entiers dépens en ce y compris les frais d’huissier engagés en cours d’instance pour réaliser notamment les constats et sommations interpellatives.


Suivant conclusions récapitulatives n°3 notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, C X demande à la Cour, notamment vu les articles 73, 145, 493 du code de procédure civile, et L153-1, R 153-1, L 721-3 du code de commerce, de':


S’agissant de l’ordonnance du 15 mars 2021,


A titre liminaire :

• juger que le président du tribunal de commerce n’était compétent, seuls les tribunaux judiciaires de DIJON ou de PRIVAS l’étaient,

• juger que C X est recevable à agir en rétractation contre les ordonnances du 4 août 2020.


Au fond :

juger que la dérogation apportée au principe du contradictoire n’était pas justifiée,• juger que les mesures sont disproportionnées et ne sont pas licites.•


En conséquence infirmer l’ordonnance de référé du 15 mars 2021 sur le rejet de sa demande de rétractation, sur sa condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

• la confirmer partiellement sur la recevabilité de C X et sur la jonction des procédures.


Statuant à nouveau :

débouter la MANUFACTURE DE PRODUITS D’E de l’ensemble de ses demandes,• fins et prétentions,

rétracter les quatre ordonnances sur requête du 4 août 2020 à son encontre,•

• annuler tout procès-verbal de constat et toute saisie de documents et de tout acte accompli sous quelque forme que ce soit, en exécution des ordonnances du 4 août 2020,

• ordonner à l’huissier instrumentaire de lui restituer l’intégralité des éléments appréhendés sous quelque forme que ce soit et d’en détruire sans délai toute copie éventuellement réalisée,

• faire interdiction à MPH d’utiliser à quelque fin que ce soit et devant quelle juridiction que ce soit, le procès-verbal de l’huissier ainsi que les pièces et informations recueillies par l’huissier,


S’agissant de l’ordonnance du 21 mai 2021,

• l’infirmer en ce qu’elle a rejeté la demande relative à l’omission de statuer, les ayant déboutés de leurs demandes, ayant rectifié l’erreur matérielle, ayant confirmé l’ordonnance du 15 mars 2021 en toutes ses dispositions à l’exception de la rectification de l’erreur matérielle, l’ayant condamné à payer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.


Statuant à nouveau :

déclarer irrecevable la demande de rectification d’erreur matérielle de MPH,•

• déclarer irrecevable l’opposition de la MANUFACTURE DE PRODUITS D’E à la demande d’organisation d’une sélection contradictoire auprès du juge des éléments saisis par les huissiers instrumentaires sur le fondement des ordonnances du 4 août «'sic'» 2021 (en réalité 2020),

• juger recevable et bien fondée la requête en omission de statuer par les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, prise en son siège social et son établissement secondaire de CHARAVINES,

• ajouter à son ordonnance en statuant sur le chef de demande tendant à l’organisation d’une sélection contradictoire auprès d’un juge, des éléments saisis par les huissiers instrumentaires sur le fondement des ordonnances du 4 août «'sic'» 2021 (en réalité 2020).


Par conséquent,

• juger qu’en cas de confirmation de l’ordonnance du 15 mars 2021 par laquelle le juge a refusé de rétracter ses ordonnances du 4 août 2020, les parties seront convoquées à une nouvelle audience de référé en présence de l’huissier instrumentaire qui se limitera à exclure de la communication les pièces autrement protégées par la loi y compris par le secret des affaires, le secret professionnel, et le respect de la vie privée,

• fixer aux parties un délai en application de l’article R 153-3 du code de commerce pour la remise à la juridiction des éléments prévus par ce texte.


En tout état de cause :

• débouter la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E de l’ensemble de ses demandes, • la condamner à lui payer la somme de 28.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens.•


Suivant conclusions récapitulatives n°3 notifiées le 17 janvier 2022, la société MANUFACTURE DE PRODUITS D’E demande à la Cour de':


A titre liminaire,

déclarer irrecevable la demande de fixation de l’incident des appelants.•


Sur les appels relevés :

• confirmer les deux ordonnances déférées par substitution de motifs pour l’ordonnance du 21 mai 2021,

• rejeter comme irrecevables et en tous cas infondés les fins moyens, demandes, conclusions et appels des appelants.


En particulier,

• juger que les sociétés D E, F E, et GLOBAL E, sont irrecevables à soulever l’incompétence matérielle du président du tribunal de commerce de LYON faute d’intérêt à agir,

• déclarer irrecevable l’exception d’incompétence soulevée en l’absence de désignation de la juridiction compétente,

• déclarer irrecevables les appelants à demander dans une instance en rétractation des communications de pièces, des explications, ainsi qu’un tri de pièces contradictoire (R153-3 du code de commerce), et des dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 60.000 euros,

• confirmer la compétence du président du tribunal de commerce de LYON pour connaître de ses demandes,

confirmer les dispositions des ordonnances par substitution de motifs pour la seconde,•

• confirmer que les sociétés appelantes ne sont ni recevables, ni fondées, à demander l’organisation d’un tri de pièces en vertu des articles R 153-3 du code de commerce notamment pour n’avoir pas présenté dans les délais requis le mémoire et les pièces qui s’imposent.


A titre infiniment subsidiaire :

• faire application de l’article 90 du code de procédure civile et renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance.


En tout état de cause :

• condamner les appelants à lui payer 10.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel, outre les sommes allouées en première instance ainsi que les entiers dépens de l’instance.


Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 1er février 2022 à 9 heures.


A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré 30 mars 2022.

******************

MOTIFS


A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «'constater'» ou «'dire et juger'» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.


Sur la demande au titre de l’incident de procédure émanant des sociétés D E, GLOBAL E, et F E


Suivant conclusions d’incident notifiées le 29 décembre 2021, les sociétés appelantes ont demandé à la Cour de les juger recevables et bien fondées en leur l’incident et vu les articles 10 du code civil, 7 alinéa 1, 9, 14, 15, 16 et 17 du code de procédure civile :


A titre principal,

• enjoindre à MPH à communiquer dans les 8 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir, toutes les explications, informations et/ou documents permettant de déterminer avec précision les circonstances et modalités dans lesquelles elle a eu accès à l’attestation de C X du 1er juillet 2020 versée en pièce 25,

• assortir l’injonction qui précède, afin qu’elle ne reste pas privée de tout effet, d’une astreinte d’un montant de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration d’un délai de 8 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir,

se réserver le droit de la liquider et sur l’éventuel contentieux de l’astreinte.•


A titre subsidiaire,

• juger la pièce adverse 25 comme étant irrecevable en tant que moyen de preuve au vu des doutes sérieux existants sur la loyauté avec laquelle elle a été acquise, et du refus caractérisé de MPH d’apporter des explications à cet égard,

• juger au surplus cette pièce comme portant sur des faits qui ne concernent par les débats de l’instance,

• écarter en conséquence des débats la pièce n°25 adverse, soit l’attestation et ses annexes litigieuses.


Dans tous les cas,

• condamner MPH à verser à leur verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’incident.
L’incident développé dans ces conclusions portaient sur des mesures d’instruction.


Pour autant cette demande se heurte à deux écueils procéduraux':

• selon l’article 954 du code de procédure civile, les parties doivent récapituler dans le dispositif de leurs dernières conclusions leurs prétentions. La Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnées; et la Cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.


En l’espèce, dans leurs dernières conclusions récapitulatives n°4, les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, ne sollicitent dans le dispositif que de «'fixer à plaider l’incident porté par les conclusions d’incident du 29 décembre 2021'» sans plus de précision. Or, d’une part la Cour ne peut pas être saisie de conclusions d’incident séparément des conclusions sur le fond et d’autre part il n’est aucunement précisé, sauf par renvoi à des conclusions antérieures, que la Cour n’a pas à examiner étant réputées remplacées par les dernières conclusions qui seules la saisissent, en quoi constitue l’incident. Il appartenait aux appelantes d’énoncer précisément, pour en saisir la Cour, leurs prétentions sous-tendant leur incident dans le dispositif de leurs dernières conclusions récapitulatives.


Au surplus et en tout état de cause, s’agissant d’un recours contre une ordonnance ayant refusé de rétracter une ordonnance sur requête, ce contentieux très spécifique limite le pouvoir juridictionnel de la Cour au seul débat relatif à la rétractation ou à la modification ou non de l’ordonnance sur requête en application de l’article 496 du code de procédure civile. Il ne peut lui être soumis aucune autre demande que de statuer sur les mérites de la requête et de l’ordonnance au regard des seules conditions de l’article 145 du code de procédure civile. Elle n’a pas le pouvoir juridictionnel notamment pour statuer sur les demandes tendant à obtenir une mesure d’instruction.


Ainsi, cette demande est irrecevable devant la Cour à un double titre.


Sur les demandes de confirmation de la jonction des procédures en première instance, sur la recevabilité de l’action en rétractation des sociétés GLOBAL E, F E, D E, et de Monsieur B


La société MPH n’a pas fait d’appel incident sur ces points sollicitant elle-même confirmation de l’ordonnance. Dès lors, ces chefs d’ordonnance ne sont pas dévolus à la Cour qui ne peut être saisie qu’aux fins d’infirmation ou d’annulation des chefs de la décision critiquée en application de l’article 562 du code de procédure civile.


Sur l’ordonnance du 15 mars 2021

*Sur l’exception d’incompétence matérielle et territoriale du juge des requêtes du tribunal de commerce de LYON


Les sociétés D E, GLOBAL E, et F E, soutiennent l’incompétence matérielle du président du tribunal de commerce en exposant que lorsqu’un différend oppose un salarié à son ancien employeur au sujet de l’inexécution d’un accord transactionnel dans le cadre de la rupture du contrat de travail, seul le conseil des prud’hommes est compétent. Ainsi, les mesures d’instruction sont de la compétence du président du tribunal judiciaire en un tel cas, le conseil des prud’hommes ne disposant pas de juge des requêtes.


Or, ces sociétés ne peuvent plaider par procureur et sont irrecevables à soulever une telle exception qui ne concerne que C X.


Celui-ci a également soutenu cette exception de même que celle au titre de l’incompétence territoriale.


Si dans ses conclusions de première instance (pièce 26 de son dossier de pièce), Monsieur X n’a pas indiqué la juridiction devant laquelle la requête aurait dû être portée, ni dans son dispositif ni même dans le corps de ses conclusions, ce qui aurait rendu son exception irrecevable au regard de l’article 75 du code de procédure civile, la société MPH n’a pas développé cette fin de non-recevoir précise en première instance (pièce 37 de son dossier) puisqu’il était demandé sur ce sujet uniquement de débouter C X de ses demandes, de le déclarer irrecevable faute d’intérêt à agir en rétractation, et de déclarer les sociétés D, F, et GLOBAL E, irrecevables à soulever l’incompétence matérielle du président du tribunal de commerce de LYON faute d’intérêt à agir.


Dans ses conclusions d’appel, y compris les premières, C X a désigné les juridictions compétentes à son égard. Identifiant deux juridictions également compétentes au plan territorial, il ne peut pas lui être fait reproche de ne pas avoir désigné une juridiction unique.

Monsieur B est recevable à présenter son exception d’incompétence en appel.


Toutefois, son exception doit être rejetée au fond car avant tout procès au fond, et alors qu’une action en concurrence déloyale contre des sociétés commerciales au sein desquelles Monsieur X est employé, est envisagée et relève au moins en partie de la compétence du tribunal de commerce, le président du tribunal de commerce est compétent pour autoriser les mesures d’instruction même celles qui doivent se réaliser chez un tiers fût-il un ex-salarié ne relevant pas à titre personnel du tribunal de commerce.

*sur l’exception d’incompétence territoriale du président du tribunal de commerce de LYON soulevée par les sociétés D, F, et GLOBAL E


En application de l’article 75 du code de procédure civile, s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit à peine d’irrecevabilité la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.


Dans leurs conclusions de première instance, les sociétés GLOBAL E, F E, et D E (pièce 22.9) ont suffisamment motivé (p 8 à 10) leur exception d’incompétence territoriale et désigné les juridictions qui, selon elles, devaient connaître de la requête, soit le tribunal de commerce de DIJON, soit de VIENNE, ou de PRIVAS, ce qui correspond à leurs sièges sociaux respectifs, l’adresse de Monsieur X et le lieu d’exécution des mesures d’instruction. Compte tenu de la pluralité des critères de compétence possibles, ces parties ne pouvaient davantage préciser la juridiction compétente territorialement.


Ces parties sont donc recevables à soutenir leur exception en appel.


Sur le fond, l’exception d’incompétence doit cependant être rejetée car est compétent en matière de mesure d’instruction in futurum le juge des requêtes du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond et celui dans le ressort duquel les mesures d’instruction, ou une partie d’entre elles, doivent être exécutées.


Le juge du tribunal de commerce de LYON a retenu la compétence du juge des requêtes et la sienne en fonction du siège social de la société MPH fixé sur le ressort de LYON bien qu’aucune mesure d’instruction n’était susceptible d’être réalisée à LYON au motif qu’en matière délictuelle peut être compétente la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi en application de l’article 46 du code de procédure civile.


La requête de MPH vise autant des faits de concurrence anti-contractuelle en se prévalant de la violation de l’engagement de confidentialité s’imposant à Monsieur B dans le cadre d’un protocole transactionnel mais également des faits de concurrence déloyale de nature délictuelle à l’égard des sociétés D, O, et GLOBAL E, suspectées d’utiliser les informations confidentielles détenues par Monsieur B à l’égard de son ex-employeur pour effectuer un démarchage illicite systématique de ses clients.


Le lieu du siège social de la victime d’actes de concurrence déloyale susceptibles d’engager la responsabilité délictuelle du concurrent direct représenté pour MPH par le «'groupe'» D E peut être juridiquement retenu comme critère de compétence territoriale dans le cadre d’une action en responsabilité délictuelle en concurrence déloyale car les préjudices concernant une société sont en principe subi au lieu de son siège social.


Le fait que le siège social figurant au K bis de la société MPH à jour du 27 juillet 2020 présenté au juge des requêtes (pièce 1 de MPH) soit une domiciliation ne conduit pas à en faire automatiquement un siège fictif, l’article L 123-11 alinéa 2 du code de commerce autorisant expressément les sociétés à installer leur siège social dans tous locaux dont elles peuvent justifier de la jouissance. Cet article autorise également la domiciliation dans des locaux communs.


Le fait que ce siège social n’ait pas d’activité réelle sur le ressort de LYON, aussi intéressant soit cet argument lors de la procédure au fond, n’est toutefois pas un moyen opérant au stade de la compétence territoriale du juge des requêtes saisi par définition avant tout procès à partir du moment où ce siège social a l’apparence d’un siège social réel. Or, en l’espèce, MPH a fait produire devant le juge des requêtes son extrait K bis et n’a pas caché que son siège était une domiciliation.


Par conséquence, l’exception d’incompétence territoriale soulevée par les appelants ne peut être accueillie et la Cour confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de LYON.

*Sur les mérites de l’ordonnance du 15 mars 2021 et les demandes aux fins de rétractation


La liberté de la concurrence autorise tout commerçant ou entrepreneur à chercher à attirer vers lui la clientèle de son concurrent à condition de ne pas utiliser des procédés déloyaux.


La concurrence déloyale est constituée de l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non, de nature à causer un préjudice aux concurrents et regroupant ainsi tous les actes (violation de clauses contractuelles, de non-concurrence ou de confidentialité, parasitisme, dénigrement, contrefaçon, pratiques restrictives de concurrence, pratiques commerciales déloyales ou anticoncurrentielles…) qui ne correspondent pas à une concurrence saine.


Selon l’article 145 du code de procédure civile, «'s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé'».


Au sens de ce texte, constituent des mesures légalement admissibles, des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.


Selon l’article 874 et 875 du code de procédure civile, 'le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête toute mesure urgente lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.
L’article 493 dispose que «'l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse'».


Selon l’article 494 la requête et l’ordonnance doivent être motivées.


En application de l’article 496 alinéa 2 du même code, «'s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance'».


Il incombe au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. Le juge de la rétractation, en première instance comme en appel, doit apprécier l’existence d’un motif légitime et la proportionnalité de la mesure requise au jour du dépôt de la requête initiale à la lumière des éléments de preuve produits dans le cadre du débat contradictoire à l’appui de la requête et ceux produits ultérieurement devant lui à l’exception des résultats de la mesure d’instruction qui ne peuvent être utilisés a posteriori pour justifier la requête.


Ainsi, tout requérant doit effectuer une double démonstration, dans sa requête': l’existence d’un motif légitime et des circonstances spéciales justifiant la dérogation au principe du contradictoire.


Faute de motivation contenue dans la requête et de l’ordonnance qui renvoie à la requête, l’ordonnance sur requête doit être rétractée et la restitution des documents saisis et placés sous séquestre ordonnée. Il n’appartient pas au juge saisi de la demande de rétractation de suppléer la carence de la motivation de l’ordonnance sur requête.

Sur le défaut de motif légitime


L’existence du motif légitime relève de l’appréciation souveraine du juge de la rétractation, et à sa suite de la Cour,


En l’espèce, la requête initiale de MPH a fait valoir pour obtenir l’autorisation d’effectuer une mesure d’instruction les éléments suivants':


Depuis 2020, C B qui a été embauché par le groupe D E en qualité de responsable commercial, exerce ses activités au sein de l’établissement secondaire de CHARAVINES de la filiale F E. Ce groupe est un concurrent dans la fabrication de produits d’E et d’essuyage à usage unique à destination des distributeurs professionnels.


Cette embauche confirmerait, ainsi que la structuration du groupe D E, la déloyauté des man’uvres. F E a pour président D E qui n’a qu’une activité de holding, ce qui ne permet pas de donner du sens à l’embauche d’un responsable commercial. G H figure comme président final d’une société holding présidente de la société holding présidant la société D E. Il se présente également comme président de GLOBAL E auprès de tiers même si telle n’est pas la situation juridique compte tenu des diverses sociétés écrans qui ont toutes été créées concomitamment.


Depuis 2020, elle a exposé avoir découvert que C B a systématiquement démarché les clients de MPH au moyen d’informations qu’il n’a pu obtenir qu’en sa qualité d’ancien salarié. De nombreux clients lui ont rapporté avoir été approchés par C B pour leur proposer des produits de substitution à ceux fournis habituellement par MPH en précisant que le groupe GLOBAL E était en mesure de se positionner sur les volumes habituellement commandés auprès de MPH et de proposer un positionnement tarifaire très curieusement plus avantageux. Ce positionnement de GLOBAL E n’existait pas avant l’embauche de C X qui a nécessairement apporté des informations sur les volumes et les prix pratiqués par MPH auprès de ses clients. Ces éléments n’ont pas pu être mobilisés de mémoire. G H n’a pas contesté les démarchages, s’étant borné à riposter par des menaces à sa mise en demeure du 24 février 2020. Entre avril et juin 2020, elle a appris que C B continuait à démarcher son ancien portefeuille de clients en leur proposant les mêmes produits avec application de tarifs plus avantageux.


Elle s’appuie sur deux courriels dont un traduit en traduction libre de deux clients HYG’UP du 24 avril 2020 et de HYVEST GROUP en date du 17 juin 2020. Il est à craindre que C B ait copié avant son départ de manière massive les informations confidentielles et stratégiques de MPH (portefeuille de clients, volumes achetés, tarifs appliqués, historique des relations…) et ait partagé ces informations avec son nouvel employeur en violation de l’engagement de confidentialité absolue résultant du protocole transactionnel dans l’objectif de détourner de manière déloyale la clientèle. L’étendue exacte de ces détournements de clientèle et des sollicitations de C B et de son nouvel employeur ne peut être totalement connue du fait de la duplicité de C B et de la situation liée à la pandémie au Covid 19.


Il est rappelé que MPH et C X avaient précisé entre eux les obligations de secret des informations recueillies au cours de l’exercice de son contrat de travail et des informations stratégiques du groupe.


Il est conclu que dans l’hypothèse où le démarchage massif mené par C B portait ses fruits, F E, GLOBAL E, et leur holding bénéficieraient intégralement du report de la clientèle et par conséquent du chiffre d’affaires généré de manière indue.


Il ressort de cette requête que C B n’était pas tenu de respecter, ni n’a été rémunéré pour ce faire, une clause de non-concurrence nécessairement limitée dans le temps pour être licite ni à une clause de non-sollicitation de clients et de non-démarchage.


Il n’a d’ailleurs rejoint le groupe concurrent que plus de deux ans et demi après la fin de son contrat chez MPH.


Seule s’impose à lui une clause contractuelle dite de confidentialité qui en des termes très généraux lui impose en article 3 de la transaction (pièce 3 de MPH) de respecter le secret en ce qui concerne toute information confidentielle qu’il aurait pu recevoir pendant la durée de son contrat de travail et à ne rien faire, dire, suggérer, entreprendre qui puisse porter atteinte à l’image ou à la réputation de MPH.


Il lui est reproché d’avoir vraisemblablement copié le fichier clients et les tarifs pratiqués pour en faire bénéficier son nouvel employeur afin de prospecter les mêmes clients de MPH.


Or, en l’absence de clause de non-démarchage ou de non-sollicitation, il n’était pas interdit à C B de rencontrer des clients de son ancien employeur, ni de se faire embaucher dans le même secteur professionnel que celui de MPH sur le fondement du principe fondamental d’exercer une activité professionnelle.


Il est observé que les accusations de MPH, qui dit avoir découvert que C B «'sic'» démarchait systématiquement ses clients (p 3/14) et avoir reçu ces informations de la part de «'sic'» nombreux clients (p 3/14) se fonde en réalité sur deux courriels dont l’ un en anglais rédigé par P Q de HYG UP le 24 avril 2020 (pièce 13) et le second rédigé par Kevin CLARKE de HYVEST GROUP en date du 17 juin 2020.


Ces deux seuls éléments sont insusceptibles de constituer un motif légitime à une requête destinée à faire procéder à une perquisition sur quatre sites dans une affaire civile et ce de manière non contradictoire, d’autant que:
- C B travaille au sein de F E; d’après MPH; qui n’est pas une société holding car elle a pour objet 'la fabrique, le négoce de tous articles à base de papier pour l’E, l’essuyage, l’entretien, les protections et fournitures Méd’ ce qui ne rend pas anormale l’embauche d’un responsable commercial


-et qu’il lui est reproché d’utiliser en 2020 des informations confidentielles comme des tarifs, des volumes et un fichier clients vieux de 2017 alors qu’il s’agit d’informations qui ne peuvent qu’être évolutifs et rapidement obsolètes.


Par ailleurs, alors que MPH a attendu plusieurs mois en 2020 avant de déposer sa requête, ce qui lui aurait permis de fournir des éléments comptables matérialisant une baisse du chiffre d’affaires ainsi que des éléments démontrant des ruptures de contrats avec multiples clients, elle s’est limitée à fournir une attestation du commissaire aux comptes sur les chiffres d’affaires entre 2012 et 2017 uniquement soit antérieurs aux faits reprochés. Les sociétés appelantes ont d’ailleurs démontré en pièce 29 que le chiffre d’affaires de MPH avait en réalité augmenté pour passer de 113 à 194M d’euros entre 2019 et 2020, période où Monsieur X n’était plus dans ses effectifs, alors qu’il était de 79 M d’euros en 2017.


La Cour observe au surplus qu’à hauteur d’appel, la société MPH fait référence à des éléments qui n’ont pas été développés dans sa requête initiale comme le fait que Monsieur B aurait en novembre 2019 tenté de faire partir Monsieur A, responsable commercial de MPH, alors que Monsieur A a signé une attestation en ce sens en juin 2020 soit avant le dépôt de la requête tout en indiquant de manière erronée qu’il n’avait aucun lien avec les parties alors qu’il faisait partie des effectifs de MPH et le fait que GLOBAL E ait acquis une papeterie en octobre 2019 en s’inspirant largement de son modèle en ayant bénéficié des compétences d’un de deux anciens employés de MPH en la personne de I Z et J Y. Ces éléments développés tardivement en appel ne peuvent être pris en compte a posteriori pour étayer le caractère légitime du motif de la requête du 3 août 2020. En effet, ces deux éléments n’apparaissaient manifestement pas importants à relater au 3 août 2020 pour justifier de la vraisemblance des actes de concurrence déloyale.


Par ailleurs, l’attestation de K L en date du 14 juin 2021 (pièce 38) qui a été licencié de GLOBAL E pour faute grave en décembre 2020 ne peut qu’être sujette à caution étant de plus de la même date que son embauche à MPH et celle émanant de I M D’ARC en date du 23 juillet 2021 est irrecevable comme n’indiquant ni sa profession ni son lien avec les parties et comme n’étant pas accompagnée par une photocopie d’un document d’identité.


Enfin, HYG’UP, l’un des deux clients ayant servi à étayer à la requête, a fourni un nouveau courriel (pièce 30 des appelantes) dans lequel cette société a finalement adopté une position différente en démentant toute man’uvre frauduleuse de la part de GLOBAL E.


Ainsi, contrairement à ce qui a été retenu par le juge des requêtes et par le juge saisi en rétractation, le moyen tiré du défaut de motif légitime aux fins de rétractation est opérant.


Il n’y a donc pas lieu d’analyser les autres moyens, le défaut de motif légitime de la requête justifiant à lui seul que la Cour prononce l’infirmation de l’ordonnance du 15 mars 2021 et la rétractation des ordonnances 2020OP03202, 2020OP03203, 2020OP03207 et 2020OP03208 du 4 août 2020 y compris celle qui est devenue caduque au profit de C B, aucune de ces quatre ordonnances ne pouvant servir de fondement juridique à la mesure de constat d’huissier qui a eu lieu le 15 octobre 2015.


En conséquence, la Cour constate que l’ensemble des actes réalisés dans le cadre de la mesure d’instruction soit notamment le procès-verbal de constat établi par l’huissier de justice et l’ensemble des pièces et documents saisis le 15 octobre 2015 sont nuls et de nul effet. Ainsi, il y a lieu d’enjoindre à l’huissier de justice et à l’expert informatique, le cas échéant, intervenus lors de la mesure d’instruction de procéder à la restitution sans délai de l’ensemble des pièces saisies au siège des sociétés D E, F E, et GLOBAL E, en leur possession comme il est dit au dispositif.


Il est rappelé que l’huissier de justice et l’expert informatique le cas échéant doivent procéder à la destruction des éventuelles copies et des rapports ou procès-verbaux établis ensuite de la saisie en quelque main où ils se trouvent et qu’il est interdit de ce fait à quiconque et notamment à la société MPH, de faire état ou usage du constat d’huissier et de toutes pièces annexées ou saisies ou copies en exécution des ordonnances rétractées.


La Cour déboute les sociétés appelantes de leur demande d’astreinte pour faire interdiction à MPH d’utiliser les éléments atteints par la nullité de la mesure d’instruction, aucun élément ne permettant de craindre que la société MPH ne se pliera pas à cette interdiction judiciaire.

Sur l’ordonnance du 21 mai 2021


Compte tenu de l’infirmation de l’ordonnance du 15 mars 2021, l’appel relatif au rejet de la demande relative à l’omission de statuer présentée par les sociétés appelantes et C N est devenu sans objet. Cette ordonnance qui a rectifié une erreur matérielle et qui s’est incorporée à l’ordonnance du 15 mars 2021 s’en trouve infirmée comme cette dernière. L’ordonnance doit être par ailleurs infirmée en ce qu’elle a confirmé abusivement l’ordonnance antérieure du 15 mars 2021 en toutes ses dispositions, surtout qu’un appel était en cours, et en ce qu’elle a condamné les sociétés D, F, GLOBAL E, ainsi que C N au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Sur la demande au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile


Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice de dommages et intérêts qui seraient réclamés.


Cette demande est irrecevable devant la Cour d’appel statuant dans le cadre des pouvoirs limités du juge des requêtes et de la rétractation.

Sur les demandes accessoires


Succombante, la société MPH doit être tenue des entiers dépens. La Cour infirme l’ordonnance du 15 mars 2021 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.


Statuant à nouveau, la Cour condamne la société MPH aux entiers dépens de l’ensemble des instances concernées par les appels en première instance comme en appel. Il n’y a pas lieu d’y intégrer au bénéfice des sociétés appelantes les frais d’huissiers qu’elles ont engagés à titre privé notamment pour réaliser les constats et sommations interpellatives. Ces éléments pourront en revanche être pris en compte au titre des frais irrépétibles.


En équité, la Cour condamne la société MPH à payer à C N la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble des instances, la somme réclamée étant manifestement disproportionnée par rapport à la nature de l’affaire et condamne la société MPH à payer aux sociétés D E, GLOBAL E, et O E, la somme totale de 15.000 euros, le montant réclamé pour chacune d’elle à hauteur de 35.000 euros étant manifestement disproportionné par rapport à la nature de l’affaire.


La Cour déboute la société MPH de ses demandes accessoires.
PAR CES MOTIFS


La Cour,


Déclare irrecevable la demande aux fins de fixer un incident présentée par les sociétés D, GLOBAL et F E.

Sur l’ordonnance du 15 mars 2021


Constate que les demandes de confirmation de la jonction des procédures en première instance et de la recevabilité de l’action en rétractation des sociétés GLOBAL E, F E, D E, et de Monsieur B ne font pas partie de l’effet dévolutif de l’appel,


Déclare irrecevables les sociétés GLOBAL E, F E, D E en leur exception d’incompétence matérielle du président du tribunal de commerce de LYON,


Déclare recevable mais non fondé C B en son exception d’incompétence matérielle et territoriale du président du tribunal de commerce de LYON,


Déclare recevables les sociétés GLOBAL E, F E, D E en leur exception d’incompétence territoriale du président du tribunal de commerce de LYON,


Rejette l’exception d’incompétence territoriale soulevée et confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de LYON pour statuer sur les demandes de la société MPH,


Prononce l’infirmation de l’ordonnance du 15 mars 2021,


Statuant à nouveau,

ordonne la rétractation des ordonnances 2020OP03202, 2020OP03203, 2020OP03207, et 2020OP03208 du 4 août 2020 pour défaut de motif légitime,


Dit en conséquence que toutes les pièces saisies le 15 octobre 2020, obtenues sans base légale, sont sans valeur juridique et ne pourront pas être utilisées par quiconque,


Dit que l’huissier de justice et l’expert informatique, le cas échéant, intervenus lors de la mesure d’instruction du 15 octobre 2020 doivent procéder à la restitution sans délai de l’ensemble des pièces saisies au siège des sociétés D E, F E, et GLOBAL E, en leur possession contre récépissé dans un procès-verbal de restitution,


Dit que l’huissier instrumentaire et l’expert informatique le cas échéant devront détruire le procès-verbal de constat et le cas échéant toute copie des pièces saisies de quelque nature qu’elle soit (papier ou numérique…) en quelque main où ils se trouvent,


Rappelle qu’il est interdit de ce fait à quiconque et notamment à la société MPH, de faire état ou usage du constat d’huissier et de toutes pièces annexées ou saisies ainsi que de toutes copies en exécution des ordonnances rétractées,


Déboute les sociétés D E, F E, et GLOBAL E, de leur demande d’astreinte pour faire interdiction à MPH d’utiliser les éléments atteints par la nullité de la mesure d’instruction,
Dit que l’appel de l’ordonnance du 21 mai 2021 relatif au rejet de la demande relative à l’omission de statuer présentée par les sociétés D E, F E, GLOBAL E, ainsi que C N, est devenu sans objet.

Sur l’ordonnance du 21 mai 2021


Constate l’infirmation de l’ordonnance du 21 mai 2021 en ce qu’elle a rectifié une erreur matérielle, et qui s’est incorporée à l’ordonnance du 15 mars 2021,


Infirme l’ordonnance du 21 mai 2021 en ce qu’elle a confirmé abusivement l’ordonnance antérieure du 15 mars 2021 en toutes ses dispositions et en ce qu’elle a condamné les sociétés D, F et GLOBAL E ainsi que C X, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,


Statuant à nouveau


Déboute la société MPH de ses demandes accessoires,


Déclare irrecevable la demande des sociétés D E, F E, et GLOBAL E au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,


Infirme l’ordonnance du 15 mars 2021 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.


Statuant à nouveau sur les frais irrépétibles et les dépens de l’ensemble des instances dans les deux affaires jointes :


Condamne la société MPH aux entiers dépens de première instance et d’appel,


Rejette la demande des sociétés D, F et GLOBAL E pour intégrer aux dépens les frais d’huissiers qu’elles ont engagés à titre privé notamment pour réaliser les constats et sommations interpellatives,


Condamne la société MPH à payer à C N la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble des instances,


Condamne la société MPH à payer aux sociétés D E, GLOBAL E, et O E la somme totale de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble des instances,


Déboute la société MPH de ses demandes accessoires et déboute les sociétés D E, GLOBAL E et O E ainsi que C B du surplus de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 30 mars 2022, n° 21/02100