Cour d'appel de Nancy, 19 décembre 2014, n° 13/03117

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 19 déc. 2014, n° 13/03117
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 13/03117
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Longwy, 3 octobre 2013, N° 13/00097

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 19 DECEMBRE 2014

R.G : 13/03117

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGWY

13/00097

04 octobre 2013

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE 2

APPELANTE :

Madame E F

XXX

XXX

Comparante en personne

Assistée de Me Ralph BLINDAUER, avocat au barreau de METZ, substitué par Me Emilie NAUDIN, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

SAS NORMA FRANCE, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

Pôle d’Activités Industrielles et Technologiques

XXX

XXX

Représentée par Me Michel GAMELON, avocat au barreau de BRIEY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Monsieur O

Siégeant comme magistrat chargé d’instruire l’affaire

Greffier : Mme Z (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 16 Octobre 2014 tenue par Monsieur O, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Monsieur O, Président, Madame KLUGHERTZ, Vice-Président placé et Madame GIROD, Conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 19 Décembre 2014 ;

Le 19 Décembre 2014, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme E F a été engagée par la SAS Norma France avec effet à compter du 4 septembre 1995 sous contrat à durée déterminée en qualité d’agent de fabrication au coefficient 145, puis sous contrat à durée indéterminée à compter du 2 novembre 1995 en la même qualité mais sous le coefficient 155.

Elle est devenue responsable d’îlot en 1999 au coefficient 190.

La SAS Norma France a pour activité la fabrication de conduites de fluides pour les constructeurs automobiles. Elle employait au moins 11 salariés.

A la suite d’une visite médicale la salariée a fait l’objet d’un avis d’aptitude du 20 mai 2009, libellé ainsi : 'Ne doit pas faire d’efforts important avec la main droite, pas de station debout prolongée, plus de quatre heures par jour'. Une seconde visite a donné lieu à l’établissement d’un avis d’aptitude le 25 novembre 2009 la déclarant apte au poste de chef d’îlot sous les mêmes restrictions que celles énoncées dans l’avis précédent.

Un nouvel avis du médecin du travail du 8 mars 2011 l’a déclarée apte au poste d’agent de production avec des restrictions avec exclusion des postes de montage et formage vapeur. Par lettre du même jour, l’employeur a fait savoir à l’intéressée qu’en raison de ces restrictions médicales, elle était dispensée de travail 'jusqu’à nouvel ordre'. Un second avis du 22 mars suivant qui confirme l’avis précédent.

Par lettre du même jour, la SAS Norma France a convoqué Mme E F à un entretien préalable fixé au 31 mars 2011 en vue de son licenciement. Celui-ci n’a pas eu de suite.

Une visite médicale du médecin du travail du 11 avril 2011 précisait que la salariée pouvait 'occuper tout poste dans l’entreprise, et notamment l’extrusion, les manuelles, les polyvalentes, sauf les postes de montage vapeur et formage vapeur'.

Une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mai 2011, portait à sa connaissance une nouvelle convocation à un entretien préalable fixé au 9 mai en vue de son licenciement. Au cours de cet entretien, l’employeur lui a proposé d’adhérer à la convention de reclassement personnalisé.

La salariée a accepté le 17 mai 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2011, la SAS Norma France écrivait à Mme E F dans les termes suivants :

'Dans le cadre de la procédure de licenciement économique, que nous avons été dans l’obligation d’initier à votre encontre, nous vous avons remis, au cours de l’entretien préalable tenu le 9 mai 2011, la documentation relative à la convention de reclassement personnalisé destinée à vous informer de son contenu et de la possibilité qui vous était offerte d’en bénéficier.

'Par retour de votre formulaire le 17 mai 2011, vous nous avez fait part de votre décision d’accepter la convention de reclassement personnalisée.

'En conséquence, la rupture de votre contrat de travail intervient du commun accord des parties, à la date du 31 mai 2011.

'En effet, nous vous confirmons qu’en raison d’une restructuration de l’entreprise, les machines électriques’ sur lesquelles vous travailliez ont été supprimées. Arrivant en fin de vie, ces dernières n’ont pas été remplacées. En conséquence votre poste de travail a été supprimé'.

Contestant le bien fondé de cette rupture, Mme E F a saisi le Conseil de prud’hommes de Longwy le 26 août 2011 aux fins d’obtenir :

—  136 245,50 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  349,55 € d’indemnité de congés payés sur préavis ;

—  5 000 € à titre de provision sur dommages et intérêts pour harcèlement moral et avant dire droit l’organisation d’une expertise médicale pour déterminer le préjudice psychologique subi par l’intéressée ;

—  1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse s’est opposée à ces prétentions.

Par jugement daté du 4 octobre 2013, le Conseil de prud’hommes de Longwy a dit que le licenciement de Mme E F était dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur à lui verser :

—  349,55 € à titre de congés payés sur préavis avec intérêt au taux légal à compter du 29 août 2011 ;

—  20 400 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— ces deux dernières sommes avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Le conseil a débouté Mme E F du surplus de ses demandes, a ordonné l’exécution provisoire du jugement lorsque celle-ci ne résultait pas de plein droit de l’article R.1235-4 du Code du travail, a ordonné le remboursement par l’employeur des indemnités chômage versées à la salariée dans la limite de six mois et a condamné l’employeur aux dépens.

Mme E F a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 novembre 2013.

A l’audience tenue devant la cour le 16 octobre 2014, l’appelante a sollicité la confirmation du jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’infirmation pour le surplus, demandant la condamnation de l’intimée à lui verser les sommes suivantes :

—  136 246,50 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  30 000 € au titre du harcèlement moral ;

—  3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Norma France a soutenu l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme C la somme de 20 400 € de dommages et intérêts et celle de 700€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La SAS Norma France a demandé à la cour de confirmer le jugement pour le surplus et de condamner l’appelante à lui verser 700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS :

— Sur le harcèlement moral

Attendu qu’aux termes de l’article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mental ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu que l’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Mme E F invoque comme faits de nature à caractériser le harcèlement moral une forte pression de la hiérarchie en faveur d’une cadence toujours plus rapide impossible à atteindre, une politique 'managériale’ qui va de pair avec rabaissement des salariés et culpabilisation pour parvenir à un rendement toujours plus élevé, le refus de l’employeur de respecter les prescriptions médicales et ajoute qu’il en est résulté pour elle des troubles dépressifs ;

Attendu qu’aucun élément ne vient démontrer que la salariée se serait vue imposer un rythme anormal, même si l’employeur expose qu’il lui a été nécessaire d’intensifier la production qui était insuffisante auparavant pour sauver l’entreprise en revenant à une efficacité dont rien ne vient établir qu’elle allait au-delà du raisonnable ;

Attendu que l’employeur oppose la relaxe dont il a fait l’objet par arrêt de la cour d’appel de Nancy du 27 mars 2013 ; que cette décision est cependant inopérante dès lors qu’elle avait trait au délit de harcèlement moral commis au préjudice d’une autre salariée en la personne de Mme X ;

Que l’attestation de Mme B certifiant que l’intéressée était affectée à plusieurs tâches à la fois, ce qui énoncé de manière aussi laconique ne permet pas non plus de faire présumer un harcèlement moral ;

Que Mmes Santelli et K L rapportent qu’elle a été mise à la production et rétrogradée à un poste d’opératrice, sans plus de précision et surtout sans donner de date, de sorte que l’on ne peut savoir si ces faits peuvent se rapporter à la période de harcèlement que la salariée situe en 2011 avec l’arrivée d’une nouvelle équipe de direction ;

Attendu qu’il résulte des attestations de Mmes Luciello, B et A, ainsi que du résumer de l’entretien préalable du 9 mai 2011 fait par Mme I J qui a assisté la salariée à cette occasion qu’alors que celle-ci faisait l’objet d’avis d’inaptitude, il n’était pas possible de trouver un poste compatible avec son état de santé, de sorte qu’elle devait être dispensée de travail tout en étant rémunérée ; que ceci ne manifeste par un fait de nature à

Que Mme D atteste de manière brève et non circonstanciée qu’il a été reproché à Mme E F une production insuffisante et qu’elle l’avait vue les larmes aux yeux, ce qui n’est pas assez significatif pour faire ressortir un fait de nature à porter atteinte aux droits et à la dignité de Mme E F, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en tout état de cause il n’en ressort pas des agissements répétés au sens de l’article L 1152-1 du Code du travail ;

Attendu qu’aucun autre fait de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral n’est établi ;

Attendu que le certificat médical du Docteur Y établissant que Mme E F suivait un traitement antidépresseur depuis mars 2011 'pour des problèmes professionnels’ reflète certes les difficultés évoquées ci-dessus liées à l’état de santé de la salariée difficilement compatibles avec les exigences de son travail, mais ne permet pas à soi seul de déduire l’existence d’un harcèlement moral que rien d’autre ne vient soutenir ;

Attendu qu’il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral dont elle se dit victime ;

— Sur la cause réelle et sérieuse de la rupture

Attendu que le régime applicable à la convention de reclassement personnalisé ne dispense pas l’employeur de son obligation de notifier par écrit au salarié le motif économique de la rupture, à défaut de quoi celle-ci est dénuée de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel de son Contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Qu’une réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu’elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi ;

Attendu qu’il résulte de l’article L. 1233-16 du Code du travail que la lettre de licenciement ou la lettre de notification du motif de licenciement établie dans le cadre de la procédure de rupture amiable découlant de l’acceptation de la convention de reclassement personnalisé et fixant les limites du litige, doit comporter l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur ; que les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables ; Que la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l’emploi et le contrat de travail du salarié ;

Qu’à défaut le licenciement n’est pas motivé et se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la lettre de l’employeur datée du 31 mai 2011 par laquelle il informe Mme E F de la cause de la rupture évoque la nécessité la suppression des machines électriques 'en fin de vie’ sur lesquelles la salariée travaillait et la suppression subséquente de son poste ; qu’ainsi il est fait état d’aucun critère légal de licenciement économique tel que difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité ; que l’élément originel du licenciement pour motif économique ne figure pas dans la lettre ; qu’à ce titre déjà la rupture doit être déclarée dénuée de cause réelle et sérieuse ;

— Sur le remboursement des indemnités de chômage

Attendu que les conditions de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies, il sera ordonné le remboursement par la SAS GAME à l’organisme concerné des indemnités de chômage effectivement versées à M. G H par suite de son licenciement et ce dans la limite de six mois ;

— Sur les conséquences financières du défaut de motif économique

Attendu qu’aux termes de l’article L 1235-3 du Code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Que compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme E F, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer en application de l’article L 1235-3 du Code du travail, une somme de 25 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

— Sur l’indemnité de congés payés afférent à l’indemnité de préavis

Attendu qu’en cause d’appel, l’employeur ne remet pas en cause la condamnation au paiement de la somme de 349,55€ d’indemnité de congés payés afférents à l’indemnité de préavis que le Conseil de prud’hommes a accordé au salarié ;

— Sur l’application de l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens ;

Attendu que c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné l’employeur à payer à Mme E F la somme de 700 € au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Que la salariée se verra allouer la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel, tandis que l’employeur sera débouté du chef de sa demande à ce dernier titre ;

Attendu que la SAS Norma France qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;

INFIRME le jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Norma France à payer à Mme E F la somme de 25 000 € (VINGT-CINQ MILLE EUROS) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant ;

DÉBOUTE la SAS Norma France de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE la SAS Norma France à payer à Mme E F la somme de 500 € (CINQ CENTS EUROS) au titre des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE la SAS Norma France aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

Et signé par Monsieur O, Président, et par Madame Z, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en sept pages.

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