Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 28 février 2014, n° 2012/17880

  • Fait distinct des actes argués de contrefaçon·
  • Forme imposée par la fonction du produit·
  • Exploitation sous une forme modifiée·
  • Application de la loi dans le temps·
  • Exploitation d'une marque similaire·
  • Altération du caractère distinctif·
  • Atteinte à la marque de renommée·
  • Publicité donnée à la procédure·
  • Forclusion par tolérance·
  • Forme d'un sapin stylisé

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Pour être considéré descriptif, un signe doit présenter avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de produits et services en cause ou d’une de leurs caractéristiques. En l’espèce, même s’il est connu depuis longtemps que l’essence des pins permet de changer les odeurs dans une pièce confinée, la simple reproduction du dessin particulier d’un sapin ne constitue pas la caractéristique des produits désignés dans le dépôt des marques qui ne sont pas limités à cette seule essence. La représentation d’un sapin est certes évocatrice de la caractéristique possible d’un produit pour rafraîchir l’air mais n’en est pas la description. En effet ce dessin de sapin présente des caractéristiques qui lui sont propres : il est stylisé en une silhouette noire, avec des branches aux contours irréguliers, et un tronc large et court, posée sur un socle rectangulaire. Il revêt donc un caractère arbitraire par rapport aux produits visés. Par ailleurs, même si la forme du sapin était utile pour mettre en oeuvre le rafraichisseur d’air en permettant une diffusion adaptée lors de l’ouverture du sachet contenant le sapin, il n’en demeure pas moins qu’une autre forme était possible pour obtenir le même résultat et que c’est précisément ce signe qui a été choisi en lieu et place d’un triangle qui est la forme nécessaire à cette fonction. Ainsi, les marques invoquées ne sont pas descriptives des produits pour rafraîchir l’air et ne revêtent pas de caractère fonctionnel. Elles sont donc valables. La protection accordée aux marques renommées s’applique, peu important que les produits ou services désignés par le signe postérieur soient ou non identiques ou similaires ou différents de ceux protégés par la marque antérieure. En l’espèce, si le titulaire justifie de la notoriété de sa marque communautaire, il n’est cependant pas fondée à soutenir que l’usage de la marque postérieure lui porte préjudice, dès lors qu’il a toléré son usage pendant plus de cinq ans.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 28 févr. 2014, n° 12/17880
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2012/17880
Publication : PIBD 2014, 1005, IIIM-391
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 25 juin 2012, N° 11/00988
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 26 juin 2012, 2011/00988
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : ARBRE MAGIQUE ; Aire Limpio
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 328917 ; 328915 ; 612525 ; 91991 ; 687463
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : 252288 ; US3065915
Classification internationale des marques : CL03 ; CL05 ; CL35
Référence INPI : M20140087
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 28 FEVRIER 2014

Pôle 5 – Chambre 2 (n° 052, 18 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 12/17880.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juin 2012 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 1re Section – RG n° 11/00988.

APPELANTE : Société de droit suisse JULIUS SÄMANN LTD (JSL) prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social […] (SUISSE), représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS Avocats en la personne de Maître Frédéric I, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, assistée de Maître Marie-Aimée DE D plaidant pour le Cabinet HOGAN LOVELLS (Paris) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033.

INTIMÉE : SA L&D prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social Pol.Ind.San Silvestre c/ Marte, N°2 04230 – Huercal de A – Imeria ALMERIA (ESPAGNE) représentée par Maître Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653, assistée de Maître Damien R, avocat au barreau de PARIS, toque : D0451.

INTERVENANTE VOLONTAIRE : SAS SOCIETE DE DIFFUSION D’ACCESSOIRES AUTOMOBILES (SDAA) prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social […] 57200 SARREGUEMINES, représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS Avocats en la personne de Maître Frédéric I, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, assistée de Maître Marie-Aimée DE D plaidant pour le Cabinet HOGAN LOVELLS (Paris) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033.

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 15 janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,

Madame Sylvie NEROT, conseillère, Madame Véronique RENARD, conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur T Lam NGUYEN.

ARRET : Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur T Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 26 juin 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 1re section),

Vu l’appel interjeté le 5 octobre 2012 par la société Julius Sämann,

Vu les dernières conclusions de la société Julius Sämann (JSL) appelante et de la société de Diffusion d’Accessoires Automobiles (SDAA) intervenante volontaire, en date du 7 janvier 2014,

Vu les dernières conclusions de la société L&D, intimée et incidemment appelante en date du 9 janvier 2014,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 15 janvier 2014,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Monsieur Julius S a créé en 1952 un désodorisant pour voiture sous la forme d’un support cartonné ayant la forme d’un sapin stylisé sous la dénomination 'Arbre Magique'.

La commercialisation de ce désodorisant a débuté en Europe dès 1962 et en France à partir de 1965 sous la dénomination 'Arbre Magique'.

De 1991 à 2010 le désodorisant Arbre Magique a été distribué à titre exclusif, selon la société Julius Sämann, en France, par la société

SDAA qui se fournissait auprès de la société Wunder-Baum (WB) et depuis 2011 il est également distribué par les sociétés Aurilis Group, Etablissements Chollet, Impex SAS qui se fournissent également auprès de la société WB.

Ce désodorisant est vendu en France au prix moyen de 1,99 euros.

La société Julius Sämann est titulaire des marques figuratives suivantes :

* la marque internationale n° 328 917 désignant la France enregistrée le 30 novembre 1966 dont les renouvellements successifs ont été publiés les 1er janvier 1987 et 4 janvier 2007, sur la base de la marque suisse n° 219 880 du 15 août 1 966 qui représente une silhouette de sapin qui comporte à son pied un cartouche blanc et un autre en son centre, pour désigner les produits de la classe 5 y compris les produits pour améliorer l’air,

* la marque internationale n° 328 915 enregistrée l e 30 novembre 1966 dont les renouvellements successifs ont été publiés les 1er janvier 1987 et 25 janvier 2007 sur la base de la marque suisse n° 219 878 du 15 août 1966 pour désigner les produi ts de la classe 5 notamment les produits pour améliorer l’air,

* la marque internationale n° 612 525 désignant la France enregistrée le 9 décembre 1993 renouvelée le 17 septembre 2013 sur la base de la marque suisse n° 407 475 du 19 oc tobre 1993, pour désigner notamment les produits pour le rafraîchissement de l’air recevant de la classe 5,

* la marque communautaire n° 00091 991 déposée le 1 er avril 1996 et enregistrée le 1er décembre 1998, renouvelée le 7 mai 2006 sous priorité de la marque internationale n° 612 525 qui représente une silhouette stylisée de sapin pour désigner les produits de la classe 5 : produits pour rafraîchir l’air.

La société L&D, société de droit espagnol créée en 1980 commercialise un désodorisant d’intérieur notamment en France, selon elle depuis le mois de février 1994, vendu sous la marque internationale n° 6877463 Aire Limpio (le sapin ani mé) désignant la France enregistrée le 24 novembre 1997 en classe 5, renouvelée le 24 novembre 2007, représentant un sapin personnifié constitué des caractéristiques suivantes :

— un personnage souriant avec des yeux, un nez, une bouche, des bras avec des mains gantées et des pieds chaussés avec de grandes chaussures ouvertes selon un angle de 180°.

— la dénomination aire Lampe est apposée sur la partie basse de son corps.

Elle avait, antérieurement à sa marque internationale, déposé le 30 avril 1996 une demande de marque communautaire n°00 0252288 désignant les produits et services des classes 3, 5 et 35 notamment les produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, produits d’ambiance parfumés.

Le 29 septembre 1988 la société Julius Sämann Ltd a formé opposition à l’encontre de la marque communautaire sur le fondement de plusieurs marques antérieures parmi lesquelles la marque communautaire n° 91991, la marque internatio nale n° 328915, la marque internationale n° 328917 et la ma rque internationale n° 612525.

Par décision du 15 mars 2004 la 2e chambre de recours de l’OHMI a refusé l’enregistrement de la demande de marque communautaire n° 000252288 de la société L&D pour l es produits des classes 3 et 5. Cette décision a été confirmée par le tribunal de l’Union européenne, puis par la Cour de Justice de l’Union européenne.

La marque communautaire de la société L&d n° 000252 288 a finalement été enregistrée le 10 août 2010 pour désigner uniquement les services de la classe 35.

La société Julius Sämann a tenté d’obtenir la radiation de la marque internationale Aire Limpio en s’opposant à l’enregistrement de la marque espagnole n° 2 033 859 ayant servi de base à son enregistrement et dans la dépendance de laquelle elle se trouvait. Cette opposition a été rejetée selon décision du 5 octobre 2004 de la Cour Suprême espagnole et a ainsi confirmé l’enregistrement de la marque espagnole et par voie de conséquence de la marque internationale Aire Limpio désignant la France.

Les 19 novembre 2009 et 8 mars 2010 la société Julius Sämann a été informée de la mise en vente du désodorisant Aire Limpio de la société L&D dans le magasin La Foir’Fouille située à Dammarie les Lys (77190 Seine et Marne) et dans le magasin Babou situé à Strasbourg.

La société Julius Sämann a fait diligenter en 2010 une enquête de laquelle il résulterait que les produits litigieux seraient commercialisés depuis 3 ans en France, alors que la société L&D soutient qu’ils seraient diffusés sur le territoire national depuis plus de 13 ans.

C’est dans ces conditions que la société Julius Sämann a, selon actes d’huissier du 16 décembre 2010 fait assigner les sociétés L&D et JMB+Distribution cette dernière en sa qualité de principal distributeur en France de la société L&D, en contrefaçon de ses

marques internationales n° 328917 et n°612525 et de sa marque communautaire n° 91 991, cessation des actes de con trefaçon et réparation de son préjudice.

Par ordonnance du 5 avril 2011 le désistement de la procédure a été constatée par le juge de la mise en état à l’égard de la société JMB+Distribution.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

— déclaré la société L&D recevable en ses demandes de nullité et de déchéance des droits de la société Julius Sämann sur la marque communautaire n° 0000091 991 (sapin stylisé) et sur la partie française de la marque internationale n° 328 917 (s apin stylisé sur lequel sont apposés deux cartouches blancs),

— débouté la société L&D de sa demande de nullité de la marque communautaire n° 000091 991, de la partie française de la marque internationale n°328 917 et de la marque internatio nale n° 612 525 (sapin stylisé), pour défaut de distinctivité,

— prononcé la déchéance des droits de la société Julius Sämann sur la marque communautaire n° 000091 991 à compter du 1er décembre 2003, sur la partie française de la marque internationale n° 328 917 à compter du 30 novembre 1971 et sur la partie française de la marque internationale n° 612 525 à compter du 9 décembre 1998, pour défaut d’usage sérieux,

— déclaré la société Julius Sämann irrecevable en ses demandes de contrefaçon fondées sur la partie française de ses marques internationales n°612 525 et n°328 917 et sur la ma rque communautaire n° 0000 91 991,

— constaté que la société Julius Sämann a toléré pendant plus de 5 ans l’exploitation de la partie française de la marque internationale n° 687 463 Aire Limpio (le sapin animé) désignant l a France enregistrée le 24 novembre 1997 en classe 5, renouvelée le 24 novembre 2007 dont la société L&D est titulaire,

— déclaré la société Julius Sämann irrecevable à agir en contrefaçon de la partie française de sa marque internationale n° 328 915 à l’encontre de la société 328 915 à l’encontre de la société L&D,

— débouté la société Julius Sämann de sa demande en concurrence déloyale,

— débouté la société L&D de sa demande reconventionnelle en concurrence déloyale,

— condamné la société Julius Sämann à payer à la société L&D la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision.

En cause d’appel la société Julius Sämann appelante demande essentiellement dans ses dernières écritures du 7 janvier 2014 de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société L&D de ses demandes de nullité des marques dont elle est titulaire, et en ce qu’il a dit qu’elle n’avait pas commis d’actes de concurrence déloyale,

— le réformer pour le surplus,

— dire et juger qu’elle a fait un usage réel et sérieux de la partie française des marques internationales n° 612525 et n°328 917 et de la marque communautaire n° 91 991 dont elle est tit ulaire,

— dire et juger que l’enregistrement de la partie française de la marque internationale Aire Limpio n° 687 463 et son usage en France constituent des actes de contrefaçon des marques internationales n° 612 525 et n° 328 915 et de la m arque communautaire n° 91 991 et subsidiairement, portent atteinte à la renommée de celles-ci,

— dire et juger que la société L&D a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société SDAA,

— prononcer la nullité de la partie française de la marque internationale Aire Limpio n° 687 463 pour l’ensemb le des produits qu’elle désigne et ordonner la transmission de l’arrêt à l’Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d’inscription au Registre international des marques,

— prononcer des mesures d’interdiction sous astreinte, de rappel, confiscation et destruction des produits contrefaisants,

— ordonner à la société L&D de modifier la version française de son site Internet www.ld-aromaticos.com, sous astreinte pour mettre fin aux infractions,

— condamner la société L&D à payer à la société :

* Julius S la somme de 284.710 euros

* la société SDAA celle de 100.000 euros,

— ordonner la publication de la décision à intervenir,

— condamner la société L&D à lui payer la somme de 80.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société L&D, intimée s’oppose aux prétentions de l’appelante et pour l’essentiel, demande dans ses dernières écritures du 9 janvier 2014 de :

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de nullité des marques dont est titulaire la société Julius Sämann et de sa demande en concurrence déloyale,

— déclarer nulles pour défaut de caractère distinctif la marque communautaire n° 000091 991 et les parties français es des marques internationales n° 328 917 et n° 612 525,

— dire que la décison une fois devenue définitive sera transmise par le greffier à l’INPI et à l’OHMI aux fins d’inscription,

— dire et juger que la société Julius Sämann a commis des actes de concurrence déloyale à son encontre,

— condamner la société Julius Sämann à lui payer les sommes suivantes :

* 250.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner la publication de la décision à intervenir.

— confirmer le jugement pour le surplus,

Sur les demandes de nullité des marques opposées par la société L&D :

La société L&D sollicite la nullité de la partie française des deux marques n° 328917 et 612 525 et de la marque commun autaire n° 00091 991 qu’elle soutient être descriptives des produits désignés à l’enregistrement.

* partie française des marques internationales n° 3 28 917 et n° 612

L’article 3 de la Loi no. 64-1360 du 31 décembre 1964 qui est seul applicable à la partie française de la marque internationale N° 328 917 en ce qu’elle a été enregistrée en 1966, prévoit que :

"Ne peuvent, en outre, être considérées comme marques :

… Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit".

La Loi de 1964 ne prévoit pas de cause de nullité d’une marque en raison de son caractère fonctionnel allégué.

L’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui est quant à lui applicable à la partie française de la marque internationale N° 612 525, dispose que :

"(') Sont dépourvus de caractère distinctif :

(')

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle".

En l’espèce, le caractère distinctif de la partie française de la marque internationale No. 328 917 de JSL doit être apprécié au jour de son dépôt en 1966 pour des « produits pour améliorer l’air » ; le caractère distinctif de la partie française de la marque internationale N° 612 525 doit quant à lui être apprécié en 1993 p our des « produits pour le rafraîchissement de l’air » et celui de la marque communautaire N° 91 991 en 1996 pour des « produits pour rafraîchir l’air ».

Les marques dont s’agit : dessin stylisé d’un sapin et dessin stylisé d’un sapin sur lequel sont apposés un cartouche au pied de l’arbre et un en son centre, ne sont pas descriptives des produits visés à l’enregistrement

La société L&D prétend que ce signe ne permet pas d’attribuer son origine à une entreprise déterminée et qu’aucune entreprise ne saurait bénéficier d’un monopole sur cette forme qui sert à informer le consommateur sur les caractéristiques du produit.

Elle soutient que le dessin du sapin protégé par ces marques indiquerait aux consommateurs une caractéristique des « produits pour améliorer l’air », des « produits pour le rafraîchissement de l’air » et des « produits pour rafraîchir l’air » : la diffusion d’un parfum de pin, et celui-ci serait descriptif de ces produits car l’essence de sapin serait spécialement indiquée pour les désodorisants et serait à ce titre

utilisée en parfumerie depuis la fin du 19e siècle et que le désodorisant au parfum ou à l’essence de pin a été le premier et longtemps le seul désodorisant commercialisé par Julius S et dès lors le fait d’adopter une forme de sapin pour un désodorisant ne fait qu’indiquer au public sa caractéristique, dégager une odeur de sapin, même si par la suite cette même forme a été adoptée pour dégager d’autres odeurs, en raison de son caractère fonctionnel.

Elle poursuit en indiquant que tous les désodorisants ont une forme triangulaire ou pointue qui revêt une fonction technique comme cela ressort du brevet US n° 3 065 915 déposé le 27 nove mbre 1962 par la société Julius Sämann.

Cependant le tribunal par des motifs pertinents que la cour fait siens a jugé que la forme du sapin en soi peut remplir sa fonction de marque si elle est exploitée pour identifier l’origine des produits visés au dépôt.

Pour être considéré descriptif, un signe doit présenter avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de produits et services en cause ou d’une de leurs caractéristiques.

En l’espèce, même s’il est connu depuis longtemps que l’essence des pins permet de changer les odeurs dans une pièce confinée, la simple reproduction du dessin particulier d’un sapin ne constitue pas la caractéristique des produits désignés dans le dépôt des marques qui ne sont pas limités à cette seule essence ; la représentation d’un sapin est certes évocatrice de la caractéristique possible d’un produit pour rafraîchir l’air mais n’en est pas la description. En effet ce dessin de sapin présente des caractéristiques qui lui sont propres : il est stylisé en une silhouette noire, avec des branches aux contours irréguliers, et un tronc large et court, posée sur un socle rectangulaire également de couleur noire, et le sapin protégé par les marques internationales No. 328 917 et 328 915 est en outre caractérisé par la présence de deux cartouches rectangulaires blancs apposés respectivement en son centre et à l’intérieur de son socle, celui apposé sur la marque 328 915 comportant la mention Arbre Magique sur le cartouche du centre. Il revêt donc un caractère arbitraire par rapport aux produits visés.

De plus, il est justifié que les produits peuvent revêtir des formes diverses et variées, telles que des fruits, des fleurs, des feuilles ou des objets et diffuser de nombreuses fragrances autres que celles de pin, telles que la vanille, la pêche, l’orange, la fraise, le citron, la lavande ou la pomme, etc.

Il s’ensuit qu’il n’est pas démontré que le sapin présente avec les « produits pour améliorer l’air » et les « produits pour le rafraîchissement de l’air », « produits pour rafraîchir l’air » un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de ces produits ou d’une de leurs caractéristiques.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société L&D et même si la forme du sapin était utile pour mettre en 'uvre le rafraichisseur d’air en permettant une diffusion adaptée lors de l’ouverture du sachet contenant le sapin, il n’en demeure pas moins qu’une autre forme était possible pour obtenir le même résultat et que c’est précisément ce signe qui a été choisi par la société Julius Sämann, en lieu et place d’un triangle qui est la forme nécessaire à cette fonction.

Le brevet américain No. 3 065 915, déposé le 27 novembre 1962 par Monsieur Julius S dont la société L&D se prévaut pour tenter de démontrer le caractère fonctionnel de la forme du sapin pour diffuser un parfum d’ambiance, a pour titre « Conditionnement pour substances volatiles'. Son objet est de protéger une pochette ou un sachet permettant de retarder ou contrôler la volatilisation du parfum dont est imprégné l’élément poreux qu’il contient : »La présente invention concerne des améliorations pour des pochettes ou des sachets destinés à des éléments poreux imprégnés de substances volatiles au moyen desquels la volatilisation de ces substances peut être retardée ou contrôlée". Il n’a pas pour objet la forme de l’élément poreux, mais l’association de cet élément poreux avec un sachet. Seule la une forme conique serait fonctionnelle.

Il en résulte que la partie française des marques internationales N° 612 525 et No. 328 917 ne sont pas descriptives des « produits pour améliorer l’air » et « produits pour le rafraîchissement de l’air » « produits pour rafraîchir l’air » en tant que tels et ne revêtent pas de caractère fonctionnel, et c’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la partie française de ces deux marques.

* marque communautaire n° 91 911

Déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 1er décembre 1998, renouvelée le 7 mai 2006, qui représente une silhouette stylisée de sapin pour désigner les produits de la classe 5.

L’article 4 du Règlement n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire prévoit que 'peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient

propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. prévoit'.

L’article 7.1 du RMC, qui est applicable à la marque communautaire No. 91 991, dispose que :

"1. Sont refusés à l’enregistrement :

(') c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de celui-ci ;

(') e) les signes constitués exclusivement :

(') (ii) par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique".

Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de l’article 3.1 de la Directive CE No. 2008/95 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques dont les dispositions sont identiques à celles de l’article 7.1 précité du RMC.

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au jour de son dépôt, au regard des produits et/ou services désignés et du public auquel les produits et/ou services en question s’adressent.

Il vient d’être indiqué ci-dessus que le sapin stylisé tel que déposé qui correspond à la marque internationale 612 525 ci-dessus analysée, revêt un caractère arbitraire non descriptif des produits et services visés à l’enregistrement et il a été précisé que les caractéristiques fonctionnelles essentielles de la forme du Sapin qu’elles protègent ne sont pas exclusivement attribuables et nécessaires au résultat technique attendu, à savoir la diffusion d’un parfum d’ambiance.

Cette marque est valable et c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité la concernant.

Sur la demande en déchéance des droits de la société Julius Sämann sur la marque communautaire n° 000091 991, s ur la partie française des marques internationales n° 328 917 et 612 525 :

La société L&D demande que soit confirmée la décison du tribunal en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits de la société Julius Sämann sur la marque communautaire n°000091 991 à c ompter du 1er décembre 2003, sur la partie française de la marque

internationale n° 328 917 à compter du 30 novembre 1971 et sur la partie française de la marque internationale n0 612 525 à compter du 9 décembre 1998 pour défaut d’usage sérieux, alors que la société Julius Sämann sollicite l’infirmation du jugement de ces chefs et communique de nombreuses pièces pour justifier de l’usage sérieux qu’elle invoque.

L’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui est applicable aux marques internationales No. 612 525 et No. 328 917 en ce qu’elles désignent la France, dispose que : "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque (') ;

b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;

(')

La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. (')".

L’article 15 du RMC, qui est applicable à la marque communautaire No. 91 991, dispose que :

"1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

Son également considérés comme usage au sens du premier alinéa :

a) l’usage de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci est enregistrée".

Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de l’article 12.1 de la Directive, aux termes duquel :

"1. Le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire d’une marque est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande en déchéance, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux".

Le titulaire d’une marque doit, pour la faire échapper à la déchéance, en démontrer un usage réel et sérieux à titre de marque, sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée, ou qui en diffère si cette différence n’en altère pas le caractère distinctif, pour chacun des produits et services désignés dans l’enregistrement, dans le territoire qu’elle couvre et dans la période à prendre en considération.

L’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque implique une interdépendance entre les facteurs pris en compte : volumes, qualité, territoire … et de combiner entre elles les pièces communiquées par le titulaire de la marque : catalogues étiquettes…, les uns par rapport aux autres.

La société L&D dénie tout caractère probant aux documents versés au dossier aux motifs qu’il n’ont pour certains pas date certaine, qu’il ne justifient que d’une exploitation de la marque qui a été modifiée.

Il convient de relever que les marques communautaire n° 91 991 et internationale 612 525 sont identiques dans leur représentation du sapin stylisé, seul, et que la société Julius Sämann est fondée à se prévaloir de l’usage de sa marque sous une forme modifiée nonobstant le fait que cette forme fasse elle-même l’objet d’un enregistrement distinct à titre de marque dès lors que la forme modifiée n’altère pas le caractère distinctif de la marque.

La société L&D a sollicité la déchéance des droits de la société Julius Sämann sur ses marques dans ses conclusions du 9 novembre 2011 de sorte qu’il appartient à cette dernière de justifier d’un usage sérieux de ses marques entre, ce dont les parties sont convenues, le 9 novembre 2006 et le 9 novembre 2011.

Concernant ses deux marques internationales la société Julius Sämann verse aux débats :

— concernant l’usage en France : 27 factures de WBA à SDAA datées du 16 novembre 2006 au 29 septembre 2011 ; 21 factures de WBA à AURILIS datées de 2011 ; 11 factures de WBA à CHOLLET datées

de 2011 ; 13 factures de WBA à IMPEX datées de 2011 ; 11 factures de TAVOLA à SDAA datées du 13 décembre 2006 au 14 septembre 2011 ; 4 catalogues de SDAA de 2008 à 2011 ; procès-verbal de constat du site Internet www.arbremagique.com en date du 10 septembre 2012 ; 9 factures de SDAA à des revendeurs directs français datées du 17 avril 2007 au 10 décembre 2009 ; extraits du site Internet www.mecasystems.comd’AURILIS ; 1 extrait du catalogue de CHOLLET non daté ; extraits du site Internet www.chollet.fr de CHOLLET ; 1 catalogue d’IMPEX daté de 2011 ; extraits du site Internet www.impex.frd’IMPEX ; 27 photographies de points de vente, en France, reproduisant les désodorisants ARBRE MAGIQUE, JET FRESH et NEUTRODOR et les vaporisateurs ; 4 rticles de presse datés de 2007 à 2009 relatifs au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; 3 articles de presse non datés relatif au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; 14 publicités datées de 2007 relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; 53 publicités non datées relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; captures d’écran de 61 films, diffusés en France pendant la période de référence, dans lesquels apparaît le désodorisant ARBRE MAGIQUE 18 films et séries télévisées dans lesquels apparaît le désodorisant RBRE MAGIQUE ; attestation de SDAA en date du 4 mars 2013 ; attestation de l’auditeur de SDAA en date du 14 février 2013 ; attestation de WBA en date du 22 février 2013 ; 6 désodorisants ARBRE MAGIQUE (Black Classic, Delicious, Passion, Perfect Peach, Very Vanilla et Wild Child) ; 2 désodorisants JET FRESH (sport et pin) ; 1 recharge pour désodorisant JET FRESH (vétiver) ; 1 désodorisant NEUTRODOR ; et 2 vaporisateurs (pin et jasmin), une attestation de SDAA et de son auditeur des 4 et 14 février 2013 établissant la vente de plus de 20 millions d’unités de désodorisants entre 2006 et 2010,

— concernant l’Italie : 3 attestations de TAVOLA en date des 26 mai 2011, 8 novembre 2011 et 13 septembre 2012, et 23 factures 81 à ses revendeurs italiens ; 3 catalogues datés de 2007, 2009 et 2010 de TAVOLA ; 1 catalogue non daté de TAVOLA ; 9 spots publicitaires télévisés non datés relatifs au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; 10 publicités non datées relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; copie non datée du « Déjeuner sur l’arbre » de Gianni A reproduisant une sculpture du désodorisant ARBRE MAGIQUE ; extrait non daté du catalogue Gufram reproduisant une sculpture du désodorisant ARBRE MAGIQUE ; extrait daté de décembre 2006 du magazine Donna Moderna reproduisant une sculpture d u désodorisant ARBRE MAGIQUE , captures d’écran de 43 films, diffusés en Italie pendant la période de référence, dans lesquels apparaît le désodorisant ARBRE MAGIQUE ; et enquête de notoriété relative au désodorisant ARBRE MAGIQUE réalisée en 2012, une attestation de TAVOLA qui établit la vente de 60 millions d’unités de désodorisants arbres magiques entre 2006 et 2011,

— concernant le Royaume-Uni : 1 attestation de SAXON en date du 19 mars 2012 qui établit la vente de 160 millions d’unités de désodorisants Arbre magique entre 1992 et 2011 ; 7 factures de SAXON à des revendeurs directs datées du 5 décembre 2007 au 20 février 2011 ; 3 catalogues non datés de SAXON ; 2 publicités datées de 2006 et 2007 relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; 20 publicités datées hors de la période de référence relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; et 14 publicités non datées relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE.

— concernant le Benelux : 1 attestation d’ASD en date du 28 janvier 2013 ; 18 factures de TAVOLA à ASD datées du 19 juin 2007 au 31 août 2011 ; 12 publicités datées de 2007 à 2009 relatives au désodorisant ARBRE MAGIQUE ; 4 photographies de points de vente, au Benelux, reproduisant des désodorisants ARBRE MAGIQUE et la décision du 27 novembre 2013 aux termes de laquelle le tribunal du district de la Haye a constaté l’usage réel et sérieux de la partie au Benelux de la marque internationale n° 612 525 qui protège le même sapin que la marque communautaire,

— concernant la Pologne : deux enquêtes de notoriété réalisées en 2007 et 2008,

— concernant la Roumanie : une attestation de WBA en date du 20 février 2012 relative, notamment, aux nombre d’ARBRE MAGIQUE vendus entre 2001 et 2010 à hauteur de 15 millions de désodorisants Arbre Magique.

Il résulte de l’examen de ces pièces effectuées par la cour que si certaines ne comportent pas de date ou, comme les films, n’établissent pas un usage à titre de marque, le rapprochement et les recoupements effectués entre toutes ces pièces font apparaître que pendant la période considérée la société Julius Sämann justifie avoir fait un usage sérieux, à titre de marque de ses trois marques déposées, y compris la seule représentation du sapin notamment sur le packaging des produits Neutrodor, en France et sur un large territoire de la communauté européenne, la mention Arbre Magique apposée sur certaines représentations du sapin n’en altère pas le caractère distinctif mais au contraire renforce l’identification du produit par rapport à son origine.

Le rapprochement entre les factures de la société WBA et ses revendeurs sur le territoire : SDAA et Avola font apparaître un volume important générant un chiffre d’affaires d’environ 5.000.000 d’euros par an en France, de produits commercialisés sur lesquels sont reproduits la représentation du sapin stylisé. Celui-ci étant d’ailleurs souvent doublement représenté sur le même produit.

Il est également justifié que ces produits sont directement offerts aux consommateurs notamment dans les magasins Norauto et super U.

C’est donc à tort que le Tribunal a prononcé la déchéance de ces trois marques et il y a lieu, le réformant de ce chef, de rejeter les demandes reconventionnelles de la société L&D tendant à la déchéance des droits de la société Julius Sämann sur la marque communautaire n° 000091 991, sur la partie français e des marques internationales n° 328 917 et 612 525.

Sur la contrefaçon des marques de la société Julius Sämann :

L’article L. 716-5 al. 4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Est irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi ».

L’article L. 714-3 al. 3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L. 711-4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans ».

Ces dispositions peuvent être interprétées à la lumière de l’article 9 de la Directive, concernant la marque communautaire, aux termes duquel : Le titulaire d’une marque antérieure telle que visée à l’article 4, paragraphe 2, qui a toléré, dans un État membre, l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

La tolérance, en connaissance de cause, de l’usage de la marque arguée de contrefaçon est donc exclusive de contrefaçon.

Il appartient à la société L&D de démontrer que la société Julius Sämann a, en connaissance de cause de l’usage de la marque n° 687 463 Aire Limpio (le sapin animé) désignant l a France, enregistrée le 24 novembre 1997 en classe 5, renouvelée le 24 novembre 2007, toléré l’usage de cette marque, et à la société Julius Sämann, de démontrer que cette marque a été déposée de mauvaise foi.

La société Julius Sämann soutient que les conditions de la forclusion par tolérance ne sont pas en l’espèce réunies aux motifs, d’une part, que la société L&D ne démontre pas qu’elle aurait eu une connaissance effective de son exploitation de la marque internationale Aire Limpio en France à compter de son enregistrement le 24 novembre 1997 et au moins cinq ans avant son action en justice du 16 décembre 2005, son assignation étant du 16 décembre 2010, et se serait volontairement abstenue, pendant plus de cinq années, d’agir en justice à l’encontre de cette exploitation et, d’autre part, que la société L&D a déposé la marque internationale Aire Limpio de mauvaise foi.

Elle indique qu’elle était dans l’ignorance de l’exploitation de la marque Aire Limpio en France avant le 19 novembre 2009 car le désodorisant Aire Limpio ne correspond pas à la marque Aire Limpio telle qu’enregistrée et sa commercialisation en France a été restreinte (406.502 produits vendus entre le 24 novembre 1997 et le 16 décembre 2005) sur un marché extrêmement concurrentiel et connaissant une grande diversité de produits. Les produits n’ont été livrés qu’à cinq sociétés françaises.

Elle n’est d’ailleurs pas restée sans agir puisqu’elle a immédiatement tenté d’obtenir la radiation de la marque internationale Aire Limpio en formant une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la demande de marque espagnole Aire Limpio ayant servi de base à son enregistrement et que l’enregistrement d’une marque n’établit pas son exploitation et qu’elle s’est systématiquement opposée aux dépôts de marques ou dessins et modèles contrefaisants le sapin stylisé dès qu’elle en avait connaissance.

Elle ajoute que la diffusion confidentielle des désodorisants Aire Limpio en France n’a été soutenue par aucune opération publicitaire ou promotionnelle de nature à la porter à sa connaissance entre le 24 novembre 1997 et le 16 décembre 2005.

Elle indique que les faits ne laissent en l’espèce aucun doute sur l’intention frauduleuse de la société L&D car elle a antérieurement à l’enregistrement de la marque internationale Aire Limpio, multiplié les demandes d’enregistrement de dessins et modèles et de marques protégeant un sapin, toutes visuellement similaires aux marques Arbre Magique et la société JSL s’est systématiquement opposée à ces dépôts sur le fondement de ses marques antérieures Arbre Magique, notamment celles invoquées dans le cadre de la présente procédure.

La société L&D qui avait ainsi nécessairement connaissance de l’existence des marques Arbre magique de la société Julius Sämann a néanmoins continué à procéder à de nouveaux dépôts contrefaisants, y compris à celui de la marque internationale Aire Limpio.

Cette obstination de la société L&D est, en soi, de nature à démontrer son intention frauduleuse de s’approprier des droits de propriété intellectuelle sur un sapin similaire à celui protégé par les marques Arbre Magique pour un désodorisant.

De plus le15 mai 1996 (soit antérieurement à l’enregistrement de la marque internationale Aire Limpio), la société Julius Sämann a demandé l’annulation du dessin et modèle espagnol No. 112 848 sur la base, notamment, de la partie espagnole de la marque internationale No. 328 915159 et par une décision de la Cour Suprême espagnole en date du 4 mars 2010 elle a obtenu gain de cause en raison du risque de confusion existant avec ses droits de marque antérieurs sur le Sapin.

Elle précise que l’intention frauduleuse de la société L&D est encore renforcée par le fait que le caractère distinctif du Sapin protégé par les marques Arbre Magique et sa connaissance par le consommateur moyen sont élevées en raison, notamment, de sa renommée.

Cependant, la société L&D justifie par les factures qu’elle communique, qu’entre 1994 et 2005 406.502 unités de désodorisants Aire Limpio comportant cette marque, même avant son dépôt de 1997, ont été diffusés en France par notamment la société Herba Cosmetica, filiale française de L&D par l’intermédiaire des grossistes situés en France, dont 111.171 unités ont été diffusés entre 1997 et 2005, période postérieure au dépôt de la marque.

Par lettre du mai 2011 dont il a fait certifier les déclarations le 4 novembre 2011 devant notaire, monsieur François C atteste en sa qualité de directeur de Publicité de la société Exclusif Design avoir vendu en 1997 des désodorisants Aire Limpio aux établissements Leclerc, Intermarché, Champion, Shopi et Système U.

En regard de la spécificité de ces produits ils sont nécessairement vendus dans les mêmes rayons que ceux des concurrents.

A cette diffusion, s’ajoute la présence de la société L&D au salon Equip’Auto qui se tient tous les deux ans à Paris où sont exposés ses produits comme cela ressort de ses catalogues officiels 1997, 1999 et 2005, salon où participent des distributeurs de la société Julius S tel que Car-Fresher Corporation.

Elle est par ailleurs référencée dans le guide Achat Automobile 1996, 1997, 1999, 2000 et 2001.

La société Julius Sämann connaissait le dépôt des marques Aire Limpio puisqu’elle les attaquait tant au niveau européen qu’en Espagne où son action a été rejetée par décison définitive du

15 octobre 2004 et engageait des actions en contrefaçon notamment en Allemagne qui ont été rejetées.

De plus, dans le cadre de la procédure d’opposition qu’elle avait engagée devant l’OHMI, la société L&D lui avait communiqué en avril 2001 un tableau de ses ventes en France des produits Aire Limpio pour les années 1994 et 1995.

Il ressort de ces éléments qu’elle a en toute connaissance de cause tolérer l’usage de la marque litigieuse.

Le dépôt en 1997 de la marque internationale n° 687 463 désignant la France pour conforter ses droits sur la dénomination Aire Limpio dont elle avait déjà l’usage, même en ayant connaissance de l’existence des marques de la société Julius Sämann dès lors qu’elle ne considérait pas que cette marque portait atteinte aux droits de la société Julius Sämann, et qu’il n’est pas démontré que ce dépôt avait pour objectif d’empêcher la société Julius Sämann, de continuer à utiliser ses marques, ne revêt pas de caractère frauduleux.

La société Julius Sämann ne démontre pas par ailleurs qu’au jour du dépôt de la marque internationale litigieuse, le 24 novembre 1997, ses propres marques étaient notoires en France.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal l’a déclarée irrecevable en ses demandes de contrefaçon en raison de cette tolérance pendant plus de cinq ans.

Sur l’atteinte à la renommée de la marque :

La société Julius Sämann soutient à titre subsidiaire que l’enregistrement de la partie française de la marque internationale Aire Limpio n° 687 463 et son usage en France porte nt atteinte à la renommée de la partie française des marques internationales n° 612 525 et 328 915 et de la marque communautaire n° 91 911.

L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose :

« La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature a porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l’alinéa précédents sont applicables à la reproduction ou à l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ».

L’article 9-1 c) du Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire dispose : 'La marque communautaire confère ci son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire de la marque communautaire pour des produits et des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment un profit du caractère distinctif de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice.'.

La société L&D soutient que les dispositions précitées sont inapplicables dès lors qu’en l’espèce il s’agit de produits similaires; mais comme l’a jugé avec pertinence le tribunal, la protection accordée aux marques renommées s’applique dès lors que le signe litigieux est identique ou similaire à la marque antérieure et susceptible de porter préjudice au propriétaire de la marque renommée ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière, il importe peu que les produits ou services désignés par le signe postérieur soient ou non identiques ou similaires ou différents de ceux protégés par la marque antérieure.

La société Julius Sämann n’est cependant pas fondée à soutenir que l’usage de la marque postérieure lui porte préjudice dès lors que comme mentionné ci-dessus elle en a toléré son usage pendant plus de cinq ans.

De plus, les documents qu’elle communique pour justifier de la renommée en France de ses marques internationales visant la France, ne sont pas actuels au dépôt de la marque litigieuse en 1997, aucun justificatif d’investissements, de publicité, de volumes de vente à cette époque et surtout qu’une partie significative du public concerné connaissait ses marques, à cette époque, de sorte qu’elle n’établit pas, à cette date, la renommée qu’elle invoque de ces marques internationales.

Si elle justifie de la notoriété de sa marque communautaire sur partie des Etats membres, à la date dont s’agit, elle n’établit pas, comme précisé ci-dessus, le préjudice résultant de l’usage toléré de la marque litigieuse.

C’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté ses demandes formées de ce chef.

Sur l’action en concurrence déloyale de la société SDAA :

La société SDAA est intervenue volontairement en cause d’appel pour obtenir réparation d’un préjudice résultant des actes de concurrence déloyale commis, selon elle, par la société L&D.

Elle lui reproche la commercialisation en France de désodorisants Aire Limpio dont la forme est fortement similaire à celle des désodorisants Arbre Magique commercialisés à titre exclusif par elle jusqu’à la fin de l’année 2010.

Cependant, aucun acte de contrefaçon n’étant retenu à l’encontre de la société L&D, la société SDAA n’est pas fondée à soutenir que ces actes de contrefaçon sont constitutifs à son égard d’actes distincts de concurrence déloyale.

Par ailleurs, la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle protégeables comme en l’espèce, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Pour que la vente d’un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale il convient de démonter que cette reproduction est fautive.

Or en l’espèce, si les produits commercialisés par les sociétés respectives sont identiques, les signes en présence apposés sur les produits sont la représentation stylisée d’un sapin pour la marque internationale et la marque communautaire de la société Julius Sämann et sa marque internationale représentant un sapin stylisée comportant deux cartouches blancs au pied et en son centre d’une part, et la marque internationale de la société L&D représentant un personnage souriant dont le corps est composé d’un sapin stylisé, ce personnage ayant des grands yeux, un grand nez, une bouche, des petits bras avec des mains gantés et des pieds chaussés avec de grandes chaussures comiques ouvertes selon un angle de 180°, sur lequel la dénomination Air Limpio est apposée sur sa partie basse, l’ensemble figurant dans un cartouche rectangulaire comportant sur ses parties supérieure et inférieure un décor strié.

La société SDAA ne définit pas la forme du produit qui aurait été reproduit alors que les signes sur lesquels ils ont apposés sont exclusifs de tout risque de confusion.

Il y a lieu de relever que cette dernière ne justifie pas d’un seul cas de confusion dans l’esprit du public pendant les années de cohabitation des produits ;

A défaut d’établir l’existence de faits fautifs caractérisés la société SDAA est infondée en cette demande qui doit être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale :

La société L&D reproche à la société Julius Sämann l’envoi de lettres à ses revendeurs.

Cependant comme relevé à juste titre par le tribunal les termes de ces courriers sont précis et mesurés, ils ne mettent pas en cause directement la société L&D et aucune publicité n’a été faite autour de la procédure de sorte que ces seules lettres ne sont pas constitutives d’une faute à l’égard de la société Julius Sämann et il convient de confirmer le jugement de ce chef de dispositif.

Sur les autres demandes :

Les circonstances de l’affaire ne justifient pas de faire droit aux demandes respectives de publication judiciaire formées par les parties

L’équité commande d’allouer à la société L&D la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société Julius Sämann et la société SDAA.

Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe en son action en contrefaçon de marques et radiation de la marque querellée et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Reçoit la société de Diffusion d’Accessoires Automobiles SDAA en son intervention volontaire,

Infirme le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits de la société Julius Sämann Ltd sur la marque communautaire n°000091 991 à compter du 1er décembre 2003, sur la partie française de la marque internationale n° 328 917 à compter du 30 novembre 1971 et sur la partie française de la marque internationale n° 612 525 à compter du 9 décembre 1 998, pour défaut d’usage sérieux,

En conséquence,

Rejette la demande reconventionnelle de la société L&D tendant à voir prononcer prononcé la déchéance des droits de la société Julius Sämann sur la marque communautaire n° 000091 991 à compter du 1er décembre 2003, sur la partie française de la marque internationale n° 328 917 à compter du 30 novembre 1971 et sur la partie française de la marque internationale n° 612 525 à compter du 9 décembre 1998, pour défaut d’usage sérieux,

Rejette l’ensemble des demandes de la société appelante et la demande reconventionnelle de la société intimée,

En conséquence,

Confirme le jugement pour le surplus,

Rejette l’ensemble des demandes de la société SDAA intervenante,

Condamne la société Julius Sämann Ltd à payer à la société intimée la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Julius Sämann Ltd aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par les avocats de la cause.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 28 février 2014, n° 2012/17880