Cour d'appel de Paris, 18 décembre 2015, n° 13/04815

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 18 déc. 2015, n° 13/04815
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/04815
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 18 avril 2013, N° 11/011889

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRÊT DU 18 Décembre 2015 après prorogation

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/04815

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Avril 2013 par le Conseil de prud’hommes de PARIS – RG n° 11/011889

APPELANTE

SAS LUXOTTICA FRANCE

XXX

XXX

représentée par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur H A né le XXX à BOULOGNE-BILLANCOURT (92)

XXX

comparant en personne, assisté de Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Valérie AMAND, Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme D E, Conseillère

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Valérie AMAND, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur F A né le XXX a été engagé à compter du 8 décembre 2008 par la SAS LUXOTTICA d’abord par contrats à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée en qualité d’attaché commercial, niveau IV, échelon 1 catégorie employé de la convention collective nationale du commerce de gros.

Sa rémunération était composée d’une partie fixe et d’une prime variable.

Après convocation le 8 novembre 2010 à un entretien préalable fixé au 29 novembre 2010, il est licencié le 10 décembre 2010 pour insuffisance de résultats et manquements répétés à l’égard de la clientèle.

Contestant son licenciement, Monsieur F A a saisi le 28 janvier 2011 le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, voir condamner la SAS LUXOTTICA au paiement d’indemnités de rupture, voir requalifier son contrat de travail en contrat de VRP, et obtenir notamment des rappels de commission et indemnité de clientèle.

Par jugement en date du 19 avril 2013, le conseil de prud’hommes de Paris a fait partiellement droit aux prétentions du salarié’et a':

— Dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse

— Dit que Monsieur F A devait bénéficier du statut de VRP durant l’exécution de son contrat de travail pour la SAS LUXOTTICA

— Condamné la SAS LUXOTTICA à payer à Monsieur F A':

—  161'253,98 euros à titre de rappel de commissions

—  16'125,39 euros au titre des congés payés afférents

—  21'391,69 euros à titre d’indemnité de retour sur échantillonnage

—  2500 euros au titre de l’occupation professionnelle d’une partie de son domicile personnel

—  45'000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  27'087,52 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis

—  2708,75 euros au titre des congés payés afférents.

— Dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 20 avril 2011 pour les créances salariales et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées

— Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile sous la réserve de l’exécution provisoire de plein droit en application des dispositions de l’article R 14 54 ' 28 du code du travail

— Condamné la SAS LUXOTTICA à verser à Monsieur F A la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de civile

— Débouté les parties du surplus de leurs prétentions

— Condamné la SAS LUXOTTICA aux entiers dépens.

La SAS LUXOTTICA a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffe le 1er octobre 2015, la SAS LUXOTTICA demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de débouter Monsieur F A de ses demandes, de condamner ce dernier au paiement de la somme de 86'898,80 euros nets réglés par la société en exécution du jugement déféré, et en tout état de cause :

— dire et juger légitime le bien-fondé le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur F A

— dire et juger que Monsieur F A ne saurait revendiquer le statut de VRP ni les indemnités attachées audit statut

— dire et juger que Monsieur F A a été réglé des primes sur objectif qui lui étaient dues, lesdits objectifs ayant été acceptés par lui étant réalisables

— dire et juger que le forfait annuel en heures insérées dans le contrat travail de Monsieur A est valable et qu’en tout état de cause le requérant ne saurait revendiquer le paiement d’heures supplémentaires ou de somme inhérente à celle-ci

— dire et juger que Monsieur A n’est pas fondé dans ses prétentions au titre de la rupture de l’exécution de son contrat de travail

— dire et juger, d’une manière générale, non fondées dans leurs principes et injustifiées dans leur montant les demandes de Monsieur A, et en conséquence

— débouter Monsieur F A de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions

— condamner Monsieur F A au paiement d’une somme de 7. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 1er octobre 2015, Monsieur F A demande à la cour la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a requalifié le contrat de travail en contrat de VRP et a condamné la SAS LUXOTTICA à payer à Monsieur F A les sommes suivantes':

—  161.253,98 euros à titre de rappels de commissions et de primes correspondant à 8% du chiffre d’affaires, et à titre subsidiaire, la somme de 80.223, 98 euros bruts

—  16'125,39 euros bruts en paiement des congés payés afférents et subsidiairement, la somme de 8022,39 euros bruts

—  139'045,99 euros nets en paiement de l’indemnité de clientèle

—  49'284 euros bruts en paiement de l’indemnité de retour sur échantillonnage

—  4928 euros bruts en paiement des congés payés afférents

—  19'642 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis

—  1964,20 euros bruts au paiement des congés payés afférents.

À titre subsidiaire, Monsieur F A demande de condamner la SAS LUXOTTICA à lui verser les sommes suivantes :

—  17'000 euros bruts à titre de rappel de primes sur objectif

—  1700 euros brut en paiement des congés payés afférents

—  41'974,19 euros bruts au paiement des heures supplémentaires

—  4197,14 euros bruts en paiement des congés payés afférents

—  29'219,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

En tout état de cause condamner la SAS LUXOTTICA à payer à Monsieur F A les sommes suivantes :

—  6830,76 euros nets à titre d’indemnisation de l’occupation professionnelle de son domicile personnel

—  3500 euros nets à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il demande à la cour de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal dans le cadre des dispositions des articles 1153 et suivants du Code civil, de condamner la SAS LUXOTTICA aux entiers dépens en ce compris les éventuels frais des exécutions forcées de la décision à intervenir.

À l’audience des débats les parties ont soutenu oralement les écritures susvisées auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige énonce les griefs de la manière suivante':

«'Nous sommes au regret par la présente de vous notifier votre licenciement pour les raisons qui vous ont été exposées de vive voix lors de l’entretien préalable qui s’est déroulé le 29 novembre dernier au show-room de la société à savoir :

En premier lieu votre incapacité à atteindre un niveau suffisant de performance par rapport aux objectifs fixés, et à faire progresser les ventes de votre zone d’intervention.

Votre taux d’atteinte des objectifs fixés depuis début 2010 laisse apparaître une grande irrégularité dans vos résultats : premier trimestre 2010:59 %, deuxième trimestre 2010 :96% ; troisième trimestre 2010:42 %.

Soit une atteinte de 68 % en moyenne sur les trois premiers trimestres de l’année 2010 et s’avère tout à fait insuffisant (contre 85 % en moyenne pour les autres attachés commerciaux de votre ligne).

Le quatrième trimestre 2010 (en cours) n’est guère plus satisfaisant puisque votre atteinte actuelle est de 41 % (à un mois de la fin du trimestre).

Les quantités commandées sont également en recul :

premier trimestre 2010 : vous avez commandé 4625 pièces soit 39 % de moins qu’en 2009 ; deuxième trimestre 2010 : vous avez commandé 8054 pièces, soit 3 % de moins qu’en 2009 ; troisième trimestre 2010 : vous avez commandé 2459 pièces, soit 54 % de moins qu’en 2009 ;

soit un recul de 29 % en moyenne sur les trois premiers trimestres de l’année 2010 (contre un recul de 6 % en moyenne pour les autres attachés commerciaux de votre ligne).

Au 29 novembre 2010, vous avez commandé depuis le début de l’année 19'656 pièces contre 26'809 en 2009, soit un recul de -27 % alors que, dans le même temps, vos collègues enregistrent un recul de – 7 % seulement.

La majorité de vos collègues D&G intervenant sur Paris et la région parisienne, pourtant rentrés dans l’entreprise courant 2010 et donc moins expérimentés que vous sur cette griffe, enregistrent de meilleurs résultats que vous alors même qu’ils sont toujours juniors soit ont repris des postes laissés vacants plusieurs semaines.

Plus généralement, le niveau de vos résultats est très en deçà de la force de vente sur Paris ' région parisienne, toutes marques confondues. En effet la croissance moyenne de vos collègues de toutes marques confondues y est de 14 %.

En particulier, une analyse de vos performances sur les cinq départements sur lesquels vous intervenez, comparées avec celles de vos collègues 'uvrant sur les mêmes départements pour trois griffes différentes mais similaires en termes de distribution et de cibles consommateurs, montre que, de septembre 2009 à octobre 2010 :

vous êtes en recul de -14 % ;

votre collègue représentant Polo Ralph Lauren est en progression de 19 % ;

celui de Ray-Ban Optique est en progression de 11 % ; celui de Vogue est en progression de 12 %.

Ces chiffres sont la preuve si besoin était que les clients basés sur votre territoire achètent des lunettes.

Le nombre de clients activés est également insuffisant :

Vous avez activé 286 clients depuis début de l’année, soit 41 de moins que l’année dernière ce qui représente une baisse de 12,5 %.

Le comparatif par rapport à l’année dernière fait ressortir que vos collègues ont enregistré dans le même temps une augmentation moyenne de 6,7 % du nombre de clients activés.

Ces éléments sont la démonstration de l’insuffisance de votre activité et de votre dynamisme commercial.

Cette situation se révèle très préjudiciable à la société dans la mesure notamment, où elle nous prive d’un démarchage commercial efficace sur la région sur laquelle vous intervenez à ce jour.

Elle se révèle d’autant moins acceptable que :

vous êtes un commercial expérimenté, travaillant en particulier dans l’entreprise depuis deux ans et ayant exercé dans l’optique pendant 11 années auparavant ;

vous oeuvrez, entre autres, sur les départements 27,60, 76,78 et 95, dont le potentiel est l’un des plus élevés de France ;

la marque D&G a bénéficié d’un soutien marketing et publicitaire constant. À titre d’exemple, les investissements réalisés en Relations Presse et Trade marketing ont représenté cette année un budget de plus de 340'000 euros, ce qui a permis de maintenir la forte visibilité médiatique de la marque D&G, qui se positionne toujours à la pointe de la tendance et bénéficie d’une demande soutenue des consommateurs ;

En deuxième lieu, vos manquements répétés à vos obligations professionnelles générant une vive insatisfaction de la part de nos clients.

Nous vous avions déjà alerté oralement et par écrit sur de vives insatisfactions du client à votre égard. Loin de s’améliorer, cette situation s’aggrave comme en attestent les nouveaux échanges et courriers que nous avons reçus récemment.

Ainsi, à titre d’exemple :

— Madame C, du magasin Alpha Optique à Saint-Germain, nous a relaté une entrevue avec vous dans son point de vente. Elle vous a décrit comme un personnage arrogant et agressif, tellement désagréable qu’elle vous a prié de sortir de son magasin très rapidement. Elle nous a fait part de sa décision de ne plus recommander de montures D&G en raison de votre comportement.

— Le client Optique Krys à Saint-Germain s’est plaint de ne pas avoir reçu de notre société l’avoir correspondant à 10 montures que vous aviez reprises en main propre à sa demande. Il nous précise que sa plainte est relative à une commande passée avec pour fin 2009 de plus de 40 pièces et nous explique :

regrettant le nombre un peu élevé de pièces commandées, il vous a téléphoné le lendemain pour diminuer la quantité à 30 pièces,

il a néanmoins reçu une commande de 40 pièces, qui plus est en double,

il a donc demandé un retour d’une des deux commandes et a accepté la deuxième uniquement avec la garantie que vous viendriez chercher en main propre les 10 montures de trop,

vous avez effectivement récupéré ces montures au début de l’année 2010,

depuis cette date, il reste dans l’attente de l’établissement par la société de l’avoir correspondant en dépit des différentes relances qu’il vous a adressées sur ce point,

et pour cause, puisque n’ayant jamais restitué les montures reprises ni même informé la société de cette reprise, de sorte que nous étions dans l’ignorance par votre faute qu’un avoir devait être établi.

Monsieur Z, du magasin Atol à Melun, nous a informés de votre engagement écrit à lui envoyer en « dépôt-vente » (avec reprise possible à 100 %) un pack de dix modèles solaires D&G.

Vous avez ainsi agi au mépris total de la politique commerciale de Luxottica, qui interdit notamment la pratique du dépôt-vente, sans compter le fait qu’il ne vous appartient pas de vous engager par écrit sur une possibilité de « reprise invendus ». Vous avez de plus provoqué le mécontentement de ce client, qui n’a pas compris de recevoir une facture alors que vous lui aviez certifié qu’il n’en recevrait pas. Par votre faute, ce client réclame aujourd’hui un avoir sur les modèles invendus.

Vous donnez ainsi une image très négative de Luxottica vis-à-vis des clients, ce que nous ne saurions accepter sans compter le préjudice lié, en particulier, à la non restitution des montures reprises au magasin Krys.

Nous vous mettons d’ailleurs en demeure par la présente de restituer ces dix montures.

Or, ni votre comportement ni les explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien ne nous ont permis de modifier notre appréciation de la situation.

À aucun moment, vous n’avez en effet montré une quelconque volonté d’améliorer la situation, restant passif et comme indifférent aux reproches qui vous étaient formulés.

En l’état des éléments ci-dessus, et en l’absence de perspectives d’amélioration, la rupture de nos relations contractuelles est inéluctable.

La date de première présentation du présent courrier recommandé fixera le point de départ de votre préavis de deux mois que vous êtes toutefois dispensé d’exécuter’ ».

A l’appui de l’insuffisance de résultats, l’employeur produit ses tableaux 11-1 à 11-4 qui font état des objectifs effectivement atteints à chacun des quatre trimestres qui comparés aux objectifs assignés au salarié et détaillés dans ses pièces 1 à 4 ( objectifs quantitatifs et objectifs qualitatifs ) démontrent que le salarié n’a pas atteint ses objectifs’et ce dans les termes exactement précisés dans la lettre de licenciement ; le salarié ne critique pas sérieusement ces tableaux se bornant à déduire du montant de primes perçues pour le deuxième trimestre une atteinte à 100% de ses objectifs'; or cela est inexact'; il ressort de l’avenant du 8 avril 2010 fixant les objectifs du 1er avril au 30 juin 2010 , soit 8400 pièces, objectif quantitatif et 6600 pièces objectif qualitatif alors que les objectifs atteints sont de 8054 pièces, soit 96% et s’est accompagné du versement d’une prime quantitative de 4000 euros au lieu de 5000 euros en cas de 100% des objectifs atteints ainsi que le prévoit expressément l’article 5 de son contrat et une prime qualitative de 1000 euros et non de 2000 euros en cas de 100% des objectifs atteints (article 5 du contrat).

La non réalisation des objectifs assignés étant avérée sur les quatre trimestres de l’année 2010, le salarié soutient que ce fait ne peut fonder son licenciement dès lors que':

— malgré ces résultats, il était le meilleur vendeur de France

— les objectifs imposés n’ont pas été acceptés

— les objectifs ont été fixés postérieurement à la période à laquelle ils se rapportent.

Mais le salarié qui soutient avoir été le meilleur vendeur de France ne le démontre pas': les lettres de clients déclarant avoir été satisfaits de M A (pièce 47) étant insuffisantes; quant au courriel entre Mme X et M. B, le supérieur hiérarchique du salarié intimé pour faire le point sur le dossier de M. A après consultation de l’avocat de la société ne saurait avoir la portée que lui attribue le salarié’dès lors que seule la question est posée de savoir s’il était le meilleur de France et que la réponse à cette question n’est pas donnée.

En revanche force est de constater que l’article 5 du contrat de travail fixe les objectifs qualitatifs et les objectifs quantitatifs du trimestre en cours et précise que «' les objectifs des trimestres ultérieurs seront arrêtés par lettres-avenants'», qu’ils soient qualitatifs ou quantitatifs';

En l’espèce si la SAS LUXOTTICA produit les lettres avenants des objectifs trimestriels de 2010 laissant un mois au salarié pour les contester, force est de constater que ces lettres avenants portent tous une date postérieure au début du trimestre auxquels ils se rapportent, que les objectifs du dernier trimestre ont été contestés expressément par le salarié par lettre d’ octobre 2010'; que la société qui explique qu’adressés tardivement ces objectifs étaient négociés avec le salarié avant leur formalisation ne le démontre pas en ne fournissant aucun élément sur ce point.

Dès lors ces objectifs ne peuvent être opposés au salarié pour caractériser une insuffisance professionnelle, alors qu’au surplus la non atteinte de la totalité des objectifs au deuxième trimestre s’explique par le fait que le salarié a été en arrêt maladie un mois en mars 2010 ce qui n’est pas contesté.

Par ailleurs, s’agissant du nombre insuffisant d’activation de clients il convient d’observer que la comparaison avec celle effectuée l’année précédente n’est pas pertinente': en effet rapporté à dix mois (durée de travail à prendre en compte en 2010 compte tenu de l’arrêt maladie d’un mois en mars et comptes arrêtes fin novembre 2010 par l’employeur), le nombre d’activations clients en 2010 est supérieur à celui de 2009.

Enfin quels que soient les résultats et l’activité de Monsieur F A en 2010, il n’est pas discuté qu’il était fin 2010 le troisième meilleur attaché commercial sur les 16 commerciaux de la SAS LUXOTTICA'; en effet, le courriel du 3 janvier 2011 et le tableau de classement n’est pas contesté par l’employeur qui se borne à indiquer que le salarié se serait efforcé de combler ce retard après l’entretien préalable, reconnaissant ainsi qu’en toute hypothèse c’est un des meilleurs commerciaux qu’elle a licencié (page 23 de ses écritures).

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que l’insuffisance professionnelle de Monsieur F A n’est pas caractérisée.

S’agissant des manquements à ses obligations professionnelles conduisant à l’insatisfaction de clients, la cour observe que':

— l’incident relatif à Madame C ne résulte que d’un courriel d’un salarié de la SAS LUXOTTICA auquel M. C se serait plaint du comportement agressif de Monsieur F A'; mais ce seul courriel émanant du supérieur hiérarchique de Monsieur F A toujours en poste et en l’absence d’attestation au sens de l’article 202 du code civil de ce salarié et du client reste insuffisant à prouver la réalité de cet incident et les circonstances réelles dans lesquelles il est intervenu, incident contesté formellement par Monsieur F A.

Le grief de la non reprise de 10 montures envoyées à tort à un client est effectivement prescrit dès lors qu’il résulte du courriel du client concerné avec la SAS LUXOTTICA que ce dernier a averti expressément directement la SAS LUXOTTICA de sa réclamation le 28 août 2010'; la prescription du grief s’évince ainsi de la propre pièce 22 produite par l’employeur'; l’employeur qui allègue n’avoir pris la mesure du manquement du salarié qu’en octobre 2010 par le courriel du 28 octobre 2010 ne sera pas suivi dans ses explications qui ne sont corroborées par aucun élément et alors qu’il n’est pas établi que la société a traité la réclamation reçue par elle le 28 août 2010 ni cherché à s’informer sur ce fait auprès du salarié intimé.

S’agissant de la mise en 'uvre d’un dépôt-vente en contradiction avec la politique de la société, sa réalité résulte de l’affirmation de l’opticien Atol dans un document manuscrit peu lisible sur lequel à côté de l’envoi des 10 montures en dépôt vente par le salarié, il est également porté reprises invendues entre le 15 et 30 septembre 2009 comme le soutient le salarié'; au vu de ces mentions contradictoires, le grief de dépôt-vente interdit pratiqué n’est pas établi’et qu’à tout le moins il existe un doute sérieux sur ce grief, doute qui doit profiter au salarié.

Enfin il sera observé que le seul incident reconnu par le salarié concernant son comportement avec la cliente Mme Y en juin 2009 et pour lequel le salarié s’est immédiatement excusé et qui n’a pas été réitéré doit être mis en perspective avec les nombreux autres clients de Monsieur F A qui attestent du professionnalisme du salarié et de la satisfaction qu’ils ont eu à travailler avec lui.

Dans ces conditions, la cour retient que les manquements professionnels ayant conduit à l’insatisfaction des clients ne sont pas établis.

Le jugement qui a considéré que le licenciement de Monsieur F A était dépourvu de cause réelle et sérieuse est confirmé de ce chef, sans qu’il soit besoin de répondre au moyen surabondant tiré de ce que la cause du licenciement aurait son origine dans le port par le salarié lors d’une réunion interne d’une paire de lunettes non commercialisées par la société.

En considération de son âge, de son ancienneté, de l’effectif de l’entreprise et des justificatifs de sa situation professionnelle (chômage indemnisé jusqu’en 2013), les premiers juges ont intégralement réparé son préjudice par une indemnité de 45.000 euros'; à cet égard, contrairement à ce qu’indique le salarié sans en justifier, son salaire mensuel brut est fixé par la cour à 4.050,56 euros sur la base de l’attestation Assedic produite par l’employeur et non critiquée'; le salarié qui indique que le salaire mensuel du salarié serait de 11.587,16 euros n’en justifie pas'; le minimum légal étant respecté, le salarié qui ne justifie pas de l’ampleur de son dommage à la hauteur de la somme qu’il réclame est débouté du surplus de sa demande.

Les conditions de l’article L. 1235-4 du code du travail étant réunies, la cour ordonne à la SAS LUXOTTICA de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Monsieur F A dans la limite de six mois.

Le jugement est confirmé sur ces points.

Sur le statut de VRP

Conformément aux dispositions de l’article L 73 11 ' 3 du code du travail, pour bénéficier du statut de VRP, le salarié doit prospecter une clientèle dans une zone géographique déterminée prendre des commandes pour le compte d’un plusieurs ou employeurs ; le statut d’ordre public de VRP doit s’appliquer dès lors que les conditions d’exercice sont réunies nonobstant les dispositions contractuelles contraires et en cas de litige il appartient au salarié qui revendique le statut de VRP et de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions cumulatives de l’article susvisé.

Or en l’espèce le salarié échoue dans l’administration de la preuve qui lui incombe.

En effet le salarié ne démontre nullement qu’il exerçait les missions confiées aux termes de son contrat de travail dans des conditions différentes de celles qui lui étaient assignées par le dit contrat '; en particulier il est avéré que le salarié a été recruté pour présenter et faire la promotion des produits commercialisés par la SAS LUXOTTICA , d’enregistrer les quantités demandées par les clients prédéterminés et désignés par la société, d’assurer le suivi de sa mission sur le plan administratif et commercial assurer une activité de merchandising soutenu régulier et contribuer au développement de l’image de marque de la société.

Contrairement à ce qu’il affirme, le salarié ne démontre pas qu’il disposait d’une réelle marge de man’uvre individuelle puisque son rôle se limitait à rendre visite aux seuls clients désignés par ses supérieurs hiérarchiques au terme d’une liste prédéterminée sans pouvoir prospecter des clients non répertoriés.

En outre, il résulte des pièces 53 et 55 que le salarié a été amené à changer de zone d’affectation durant son engagement notamment lors de ses contrats à durée déterminée en 2008 et que cette mobilité était d’ailleurs expressément prévue à l’article quatre de son contrat.

Les attestations de quatre collègues VRP qui se bornent à indiquer de manière vague et générale que les attachés commerciaux exerceraient leur mission dans les mêmes conditions qu’eux ne sont pas convaincantes des lors qu’ils ne rapportent aucun fait précis dont ils auraient été témoins concernant l’exercice effectif de sa profession par le salarié ; de même les procès-verbaux de réunions de comité d’entreprise produits aux débats qui contiennent des affirmations générales sur les orientations choisies par la direction de la société manquent de pertinence des lors qu’ils ne contiennent aucune information précise sur les modalités effectives d’exécution de son travail par Monsieur F A et alors que les propos effectivement tenus lors de ces comités d’entreprise par l’employeur sont contestées.

Il doit être retenu de l’ensemble de ces éléments que le salarié qui n’avait pas de véritable fonction de prospection d’une clientèle et de recherche de clients propres et n’avait pas un secteur d’affectation fixe ne peut bénéficier du statut légal de VRP.

Le jugement doit être infirmé de ce chef. Le jugement sera également infirmé en ses dispositions qui sont la conséquence de la reconnaissance du statut de VRP en sorte que le salarié doit être débouté de ses demandes en principal et intérêt en paiement de rappels de commissions et de primes de congés payés, d’indemnité de clientèle, d’indemnité de retour sur échantillonnage et congés payés y afférents et d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents.

Sur la demande subsidiaire de rappel de primes sur objectifs et congés payés y afférents

Retenant que seuls les objectifs acceptés de 2009 lui seraient opposables, le salarié réclame sur la base des objectifs acceptés au premier, deuxième et troisième trimestres 2009 un rappel de salaire pour les objectifs réalisés au premier, deuxième et troisième trimestre 2010.

Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, les objectifs des premier, deuxième et troisième trimestres 2010 ont été imposés au salarié sans négociation préalable et alors que l’exercice auquel l’objectif se rapportait était déjà commencé.

Le salarié conclut donc utilement que ces objectifs 2010 lui sont inopposables, d’autant plus qu’il justifie des difficultés du service après-vente de la société (pièces 34, 36 et 37 du salarié) rendant difficile voire impossible l’atteinte des objectifs assignés.

Par suite, le salarié est fondé à obtenir les rappels de primes sur la base des objectifs assignés en 2009 qui lui sont seuls opposables'; au vu des objectifs effectivement atteints en 2010 non contestés et des primes effectivement perçues en 2010, le salarié justifie qu’il lui reste dû la somme de 17.000 euros à titre de rappels de primes sur objectifs, outre la somme de 1'700 euros à titre de congés payés y afférents.

La SAS LUXOTTICA est condamnée au paiement de cette somme.

Sur la demande relative aux heures supplémentaires et à l’indemnité pour travail dissimulé

Conformément l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, le contrat de travail du salarié indiquait un horaire de travail annuel de 1730 heures dans les limites quotidiennes et hebdomadaires conventionnelles et légales, donc 123 heures supplémentaires annuelles contractuellement convenues.

Le salarié qui ne conteste pas la validité de ce forfait est fondé à obtenir le paiement d’heures supplémentaires accomplies en sus du forfait.

À cet égard contrairement à ce qu’indique la société employeur les salariés ayant convenu une convention de forfait en heures sont soumis aux dispositions relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire, aux durées maximales quotidiennes hebdomadaire de travail, aux jours fériés et congés payés et au contrôle de leur temps de travail, l’existence d’une convention de forfait annuel d’heures de travail n’excluant pas l’accomplissement d’heures supplémentaires en sus du forfait convenu et ne dispensant pas l’employeur de la mise en place un système de contrôle des heures effectuées par les salariés.

Pour étayer sa demande, le salarié produit un tableau Excel indiquant jour par jour et semaine par semaine les heures de départ de son domicile, les heures d’arrivée chez le premier opticien les heures de départ du dernier opticien et l’heure d’arrivée à son domicile pour en déduire un volume d’heure supplémentaire journalier puis hebdomadaire (pièce 41 du salarié).

La société appelante ne critique pas sérieusement ce tableau, le seul fait de ne pas avoir réclamé d’heures supplémentaires pendant l’exécution de son contrat de travail n’étant pas de nature à démontrer qu’il avait renoncé à son droit.

Les pièces 29 et 30 relatives à d’autres salariés ne sont pas utilement invoquées par la société pour retirer toute force probante au tableau produit par l’appelant.

Le seul document produit par la société (sa pièce 27) est un tableau relatif à quelques semaines sur la période considérée comprenant des informations très partielles sur les comptes ouverts'; ce document ne saurait contredire en rien le volume horaire invoqué par le salarié et établit au contraire les lieux éloignés les uns des autres des clients visités par le salarié et accrédite ce faisant le volume horaire allégué faisant apparaître un nombre annuel dépassant les 123 heures prévues au forfait.

Par suite, la SAS LUXOTTICA doit être condamnée à payer à Monsieur F A la somme de 41.974, 19 euros à titre d’heures supplémentaires effectuées entre décembre 2008 et décembre 2010, outre la somme de 4.197, 14 euros de congés payés y afférents.

En revanche, le salarié doit être débouté de sa demande d’indemnité de travail dissimulé faute de démontrer que c’est de manière intentionnelle qu’il n’a pas fait figurer les heures supplémentaires réclamées pour la première fois lors de l’action contentieuse.

Sur l’indemnisation au titre de l’occupation professionnelle de son domicile personnel

Le salarié justifie avoir dû occuper partie de son domicile personnel à des fins professionnelles pour y détenir notamment les collections de montures de lunettes qu’il avait pour mission de présenter aux clients et des outils informatiques professionnels tels que tablette portable.

À cet égard l’employeur qui reconnaît ne pas avoir mis à la disposition du salarié un quelconque bureau professionnel ne conteste pas sérieusement les sujétions particulières imposées à son salarié nonobstant l’utilisation d’un portable.

Pas plus qu’en première instance, le salarié ne justifie de la surface de son domicile ni du loyer éventuellement payé en se bornant à fournir un loyer d’un appartement parisien indiqué sur un site internet de ventes et locations d’appartements.

Par suite l’indemnisation allouée par le premier juge est considérée comme satisfactoire et le salarié est débouté du surplus de sa demande.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

L’employeur sollicite la restitution des sommes versées au titre de l’indemnisation de la rupture du contrat travail en vertu du jugement de première instance ; cependant la présente décision partiellement confirmative constitue le titre ouvrant droit le cas échéant à la restitution des sommes versées.

Les créances salariales (rappels d’heures supplémentaires et congés payés afférents, rappels de primes d’objectifs et congés payés afférents portent intérêt à compter du 20 avril 2011) ; les autres sommes allouées au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnisation pour occupation du domicile portent intérêts au taux légal à compter du jugement confirmé.

L’issue du litige commande de condamner la SAS LUXOTTICA à payer la somme de 2500 euros à Monsieur F A au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de la débouter de sa propre demande de ce chef.

La SAS LUXOTTICA qui succombe largement en ses prétentions est condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur F A est dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la SAS LUXOTTICA à payer des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement payées à Monsieur F A dans la limite de six mois, a alloué des dommages intérêts pour occupation de son domicile, a dit que les intérêts au taux légal courent à compter du jugement pour les sommes indemnitaires allouées, a condamné la SAS LUXOTTICA à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et condamné la SAS LUXOTTICA aux dépens de première instance,

L’infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Rejette la demande de Monsieur F A de bénéficier du statut de VRP,

Déboute en conséquence Monsieur F A de de ses demandes en paiement de rappels de commissions et congés payés afférents, d’indemnité de retour sur échantillonnage, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

Condamne la SAS LUXOTTICA à payer à Monsieur F A la somme de 17'000 euros brut à titre de rappel de primes sur objectifs et 1700 euros en paiement des congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2011,

Condamne la SAS LUXOTTICA à payer à Monsieur F A la somme de 45'974,19 euros bruts à titre d’heures supplémentaires et celle de 4197,14 euros bruts en paiement des congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2011,

Déboute Monsieur F A de sa demande à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande en restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire du jugement déféré,

Condamne la SAS LUXOTTICA à payer la somme de 2500 euros à Monsieur F A sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS LUXOTTICA de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SAS LUXOTTICA aux dépens d’appel en ce compris les frais éventuels d’exécution forcée de la décision à intervenir .

Le Greffier, Conseillère faisant fonction de présidente,

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Cour d'appel de Paris, 18 décembre 2015, n° 13/04815