Cour d'appel de Paris, 27 mai 2020, n° 19/12444

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 mai 2020, n° 19/12444
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/12444

Texte intégral

Dossier n°19/12444 Arrêt n°

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 14 (79 pages)

Prononcé publiquement le mercredi 27 mai 2020, par le Pôle 5 – Chambre 14 des appels correctionnels, Sur appel d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris – 32e chambre – du 18 octobre 2019, (P13309000273).

PARTIES EN CAUSE : Prévenus A, DV X Né le […] à Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine (92) Fils de Gyula X et de BN BO De nationalité française Maire, marié Demeurant Y de Cossy – Route de la Falaise – 27620 Giverny Sous contrôle judiciaire Mesures de sûreté : – demande de mainlevée de l’immunité parlementaire du 11/02/2015 – journal officiel relatant la réunion du bureau de l’Assemblée Nationale du 18/03/2015 DN autorité le placement sous contrôle judiciaire du 11/05/2015 (appel du 11/05/2015 – arrêt confirmatif de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 02/07/2015) – demande de modification de contrôle judiciaire du 17/11/2015 – ordonnance de rejet du 27/11/2015 – demande de modification de contrôle judiciaire du 24/02/2017 – ordonnance de rejet du 09/03/2017 (appel du 14/03/2017 – arrêt confirmatif de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 11/05/2017) – ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire du 06/07/2018 – jugement de maintien sous contrôle judiciaire du 16/10/2018 – mandat de dépôt du 13/09/2019 – 32e chambre TGI de Paris (CP Paris La Santé – écrou n° 305912) – arrêt de mise en liberté sous contrôle judiciaire du 12/02/2020 – pôle 5 chambre 14 CA Paris Appelant

Non comparant, représenté par Maître BV G, avocat au barreau de Paris, vestiaire T 10, muni d’un pouvoir de représentation en date du 1er février 2020 et DN déposé des conclusions visées à l’audience du 12 février 2020

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Z BP épouse X Née le […] à Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine (92) Fille de DG BP et de Dorothée Gillet de Bazevelt De nationalité française Première adjointe au maire, mariée Demeurant Y de Cossy – Route de la Falaise – 27620 Giverny Libre Mesures de sûreté : – ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 22/05/2014 (appel du 30/05/2014 – arrêt confirmation de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 03/07/2014) – cautionnement de 1.000.000 euros versé le 08/08/2014 – demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire du 09/12/2014 – ordonnance de rejet du 17/12/2014 – demande d’autorisation de quitter le territoire du 18/09/2014 au 21/09/2014 du 11/09/2014, modifiée le 16/09/2014 – autorisation accordée le 16/09/2014 – demande d’autorisation de quitter le territoire du 21/04/2015 au 27/04/2015 du 15/04/2015 – autorisation accordée le 15/04/2015 – demande de modification du contrôle judiciaire du 17/11/2015 – ordonnance de rejet partiel du 27/11/2015 – demande de modification du contrôle judiciaire du 24/02/2017 – ordonnance de rejet du 09/03/2017 – appel du 14/03/2017 – arrêt confirmatif de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 11/05/2017 – demande d’autorisation de quitter le territoire du 09/03/2018 au 11/03/2018 du 19/01/2018 – autorisation accordée le 19/01/2018 – ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire du 06/07/2018 – jugement de maintien sous contrôle judiciaire du 16/10/2018 Appelante

Comparante, assistée de Maître EH-DI Sur, avocat au barreau de Paris, vestiaire P 147, et Maître Clara DS DT, avocat au barreau de Paris, vestiaire P 147, DN déposé des conclusions visées à l’audience du 11 février 2020

C X Né le […] à Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine (92) Fils de A X et de Z BP De nationalité française Chef d’entreprise, divorcé DN élu domicile chez Me Y, demeurant […] de sûreté : – ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 04/05/2016 (appel du 10/05/2016 – arrêt confirmatif de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 30/06/2016 – pourvoi en cassation du 30/06/2016 – arrêt de rejet du 04/10/2016) – demande de révocation du contrôle judiciaire à la demande du parquet le 16/07/2016 pour non versement du cautionnement – ordonnance de refus de saisine du juge des libertés et de la détention du 25/07/2016 – ordonnance du 25/07/2016 modifiant le contrôle judiciaire (appel du 26/07/2016 – arrêt infirmatif de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 12/09/2016)

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— demande de révocation du contrôle judiciaire à la demande du parquet le 13/01/2017 pour non versement du cautionnement – ordonnance de refus de saisine du juge des libertés et de la détention du 17/01/2017 – appel du PNF du 17/01/2017 – arrêt infirmatif de la 2e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 20/02/2017 (révocation du contrôle judiciaire, placement en détention provisoire et mandat de dépôt) – cautionnement : 10.000 euros le 06/02/2017 – 50.000 euros le 07/02/2017 – 10.000 euros le 21/02/2017 et 30.000 le 22/02/2017 – ordonnance de mise en liberté assortie du contrôle judiciaire avec versement préalable de la totalité du cautionnement en date du 22/02/2017 – ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire du 06/07/2018 – jugement de maintien sous contrôle judiciaire du 16/10/2018 Appelant

Comparant, assisté de Maître Robin I, avocat au barreau de Paris, vestiaire E 185, de Maître Emmanuel Y, avocat au barreau de Paris, vestiaire R 016 et de Maître J H, avocat au barreau de Paris, vestiaire R 016, DN déposé des conclusions relatives à la demande de restitution et aux intérêts civils à l’audience du 12 février 2020

Ministère public Appelant incident

Partie civile L’Etat français Représenté par Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics DN élu domicile chez Maître DL-DM – […]

Non comparant, représenté par Maître Xavier DL-DM, avocat au barreau de Paris, vestiaire P 141, DN déposé des conclusions visées à l’audience du 11 février 2020

Partie intervenante P X DN élu domicile chez Me Y, demeurant […]

Non comparante, représentée par Maître Robin I, avocat au barreau de Paris, vestiaire E 185, Maître Emmanuel Y, avocat au barreau de Paris, vestiaire R 016 et de Maître J H, avocat au barreau de Paris, vestiaire R 016, DN déposé des conclusions visées à l’audience du 12 février 2020

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Composition de la cour lors des débats et du délibéré : présidente : Sophie Clément conseillers : Florence Perret Pascal Cladière

Greffiers ED EE-EF et BQ BR aux débats et BQ BR au prononcé,

Ministère public représenté aux débats par Bruno F et Serge Roques et au prononcé de l’arrêt par Muriel Fusina, avocats généraux.

LA PROCÉDURE : La saisine du tribunal et la prévention C X, A X et Z BP épouse X ont été poursuivis devant le tribunal par ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et de non-lieu partiel en date du 06 juillet 2018, pour les faits de :

* C X • DO de fraude fiscale En l’espèce, pour avoir à Neuilly-sur-Seine, Paris et en tout autre lieu du territoire national, à Londres et au Maroc, du 16 mars 2011 et jusqu’en janvier 2015, en tout cas depuis temps non prescrit, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou conversion du produit direct ou indirect du délit de fraude fiscale EI par Z et A X, en signant les 16 mars 2011 et 24 avril 2014 avec la SCI Dar Gyucy, détenue à 99% par la société panaméenne BJ et propriétaire apparent de la villa Dar Gyucy, deux contrats de baux fictifs d’une durée de 3 ans chacun destinés à le faire apparaître comme locataire de cette villa, propriété en réalité de A et Z X, pour dissimuler à l’administration fiscale la qualité de propriétaire de ses parents et de titulaire du compte associé à la SCI Dar Gyucy ouvert à l’CL CM de E. Faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1750 du code général des impôts, 324-1, 324-3 et 324-7 du code pénal

* A X • DO EI EJ EK du délit de fraude fiscale aggravée En l’espèce, pour avoir à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, en Suisse, à Saint-J, à Singapour, au Liechtenstein, au Panama, au Maroc, depuis au moins le 1er janvier 2007 et jusqu’à décembre 2014 en tout cas depuis temps non prescrit, apporté son concours au placement, à la dissimulation et à la conversion de revenus dissimulés à la connaissance de l’administration fiscale, en déposant ces revenus sur des comptes non déclarés à l’administration fiscale ouverts aux noms de sociétés établies à l’étranger, en l’espèce sur les comptes LGT CM (Liechtenstein), Neue CM (Liechtenstein) CommerzBank (Singapour), DZ EA CM (Singapour) CL CM (Maroc), associés aux structures off-shore Real Estate French West Indies (Liechtenstein), CN L (Liechtenstein), SA Himola Company Corp (Panama), […]

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Développement (Seychelles) et en convertissant par ce moyen le produit direct ou indirect de sa fraude fiscale au travers d’opérations de perception et transferts de fonds, d’acquisition et d’embellissement de biens mobiliers et immobiliers à Saint J et au Maroc, avec cette circonstance que les faits ont été EI de manière EK, le montant total des avoirs concernés étant évalué au minimum à 13 006 052 euros. Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2,324-3,324-4 et 324-7 du code pénal et par les articles 1741 et 1750 du code général des impôts • Corruption passive : sollicitation ou acceptation d’avantage par une personne dépositaire de l’autorité publique et chargée d’une mission de service public En l’espèce, pour avoir à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, et au Maroc, de janvier 2009 à avril 2010, en tout cas depuis temps non prescrit, étant maire de la commune de Levallois-Perret, à ce titre investi d’un mandat électif public et dépositaire de l’autorité publique, et président de la SA SEMARELP, à ce titre chargé d’une mission de service public, sollicité ou agréé sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour lui-même ou pour autrui, en l’espèce en bénéficiant de voyages en jet privé, de présents et de fonds destinés à financer l’acquisition d’une villa à E de la part du promoteur immobilier BT CD CE à travers les sociétés DW for DX Co (Egypte) et le courtier DD DE, pour accomplir ou avoir accompli un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, en l’espèce en faisant accorder des délais de paiement et des reports d’échéances par la SA SEMARELP et sa filiale la SARL SCRIM, aux sociétés dirigées par BT CD CE dans le cadre du projet immobilier Tours de Levallois. Faits prévus et réprimés par les articles 432-11 applicable du 14 novembre 2007 au 19 mai 2011 et 432-17 applicable du 6 août 2008 au 13 octobre 2013 du code pénal • DO de corruption par une personne dépositaire de l’autorité publique et chargée d’une mission de service public En l’espèce, pour avoir à à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, au Maroc, au Panama, à Singapour et en Suisse, de juin 2009 à janvier 2010, depuis temps non prescrit, apporté son concours au placement, à la dissimulation et à la conversion du produit direct ou indirect du délit de corruption passive qu’il a EI, en faisant procéder, grâce aux fonds issus du délit de corruption active EI par BT CD CE pour obtenir des délais de paiement dans le cadre du projet immobilier Tours de Levallois, à l’acquisition d’une villa à E à travers la SCI Dar Gyucy, par l’interposition de EG-EH AD et des sociétés panaméennes Himola et Haydrige. Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-3, 324-4, 324-7,432-11 applicable du 14 novembre 2007 au 19 mai 2011 et 432-17 applicable du 6 août 2008 au 13 octobre 2013 du code pénal • Prise illégale d’intérêt par personne dépositaire de l’autorité publique et chargée d’une mission de service public En l’espèce, pour avoir à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, de janvier 2009 à avril 2010, en tout cas depuis temps non prescrit, étant maire de Levallois-Perret, à ce titre dépositaire de l’autorité publique, et président de la SA SEMARELP, à ce titre chargé d’une mission de service public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une opération en lien avec le projet de construction des Tours de Levallois, attribué aux sociétés du groupe MBI dirigé par BT CD CE, dont il avait, au moment de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration, l’intérêt consistant en l’espèce en l’octroi d’avantages personnels par le promoteur immobilier, notamment des voyages en jet privé et des fonds destinés à l’acquisition d’une villa au Maroc (villa Dar Gyucy à E). Faits prévus et réprimés par les articles 432-12, applicable du 1er janvier 2002 au 8 février 2013, et 432-17, applicable du 6 août 2008 au 13 octobre 2013, du code pénal

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• Déclaration incomplète ou mensongère de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) par un parlementaire En l’espèce, pour avoir à Paris et en tout autre lieu du territoire national, courant janvier 2014, en tout cas depuis temps non prescrit, étant député : – volontairement omis de déclarer une part substantielle de son patrimoine en omettant de déclarer tous ses avoirs (villa Pamplemousse, villa Dar Gyucy, comptes bancaires) détenus à l’étranger par des sociétés off-shore, notamment à travers les sociétés Real Estate FWI (Liechtenstein), Himola et BJ (Panama), Unicom Business Développement (Seychelles) ainsi qu’à travers la SCI Dar Gyucy, et leurs comptes associés à la LGT CM (Liechtenstein), Neue CM (Liechtenstein), Commerzbank (Singapour), DZ EA CM (Singapour), CL CM (Maroc). – fourni une évaluation mensongère de son patrimoine à la HATPV, en sous-évaluant la valeur du Y de Cossy à Giverny. Faits prévus et réprimés par l’article LO 135-1, alinéa 5 du code électoral et l’article 131-26-1 du code pénal

Z BP épouse X • DO aggravé par le caractère habituel de fraude fiscale aggravée En l’espèce, pour avoir à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, en Suisse, à Saint-J, à Singapour, au Liechtenstein, au Panama, au Maroc, depuis au moins le 1er janvier 2007 et jusqu’à décembre 2014 en tout cas depuis temps non prescrit, apporté son concours au placement, à la dissimulation et à la conversion de revenus dissimulés à la connaissance de l’administration fiscale, en déposant ces revenus sur des comptes non déclarés à l’administration fiscale ouverts aux noms de sociétés établies à l’étranger, en l’espèce sur les comptes LGT CM (Liechtenstein), Neue CM (Liechtenstein) CommerzBank (Singapour), DZ EA CM (Singapour) CL CM (Maroc), associés aux structures off-shore Real Estate French West Indies (Liechtenstein), CN L (Liechtenstein), SA Himola Company Corp (Panama), SA Haydrige Investments Group Corp, (Panama), Unicom Business Développement (Seychelles) et en convertissant par ce moyen le produit direct ou indirect de sa fraude fiscale au travers d’opérations de perception et transferts de fonds, d’acquisition et d’embellissement de biens mobiliers et immobiliers à Saint J et au Maroc, avec cette circonstance que les faits ont été EI de manière EK, le montant total des avoirs concernés étant évalué au minimum à 13 006 052 euros. Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-4 et 324-7 du code pénal et par les articles 1741 et 1750 du code général des impôt • Déclaration incomplète ou mensongère de situation patrimoniale à la HATVP par une personne titulaire ou délégataire d’une fonction exécutive locale En l’espèce, pour avoir à Paris et en tout autre lieu du territoire national, courant juillet 2014, en tout cas depuis temps non prescrit, étant présidente du conseil d’administration de la SEMARELP : – volontairement omis de déclarer une partie substantielle de son patrimoine à la HATPV, en omettant de déclarer tous ses avoirs détenus à l’étranger à travers des sociétés off-shore, notamment à travers les sociétés Real Estate FWI (Liechtenstein), BJ (Panama), Unicom Business Développement (Seychelles) ainsi qu’à travers la SCI Dar Gyucy et leurs comptes associés à la LGT CM (Liechtenstein), Neue CM (Liechtenstein), DZ EA CM (Singapour), CL CM (Maroc), – fourni une évaluation mensongère de son patrimoine à la HATPV en sous-évaluant la valeur du Y de Cossy à Giverny.. Faits prévus et réprimés par les articles 4, 11 et 26 de la loi du 11 octobre 2013 et l’article 1 du décret n°2013-1212 du 23 décembre 2013

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Le jugement Le tribunal de grande instance de Paris – 32e chambre – par jugement contradictoire, en date du 18 octobre 2019, a :

I – Sur les demandes de renvoi, de sursis à statuer et les conclusions in limine litis : – rejeté les demandes de renvoi de l’affaire présentées par A X et C X, – rejeté la demande de sursis à statuer présentée par C X, – joint les incidents au fond, – rejeté les conclusions à fin d’annulation déposées par Z BP épouse X et A X.

II – Sur les exceptions de prescription de l’action publique : – rejeté les conclusions tendant à la constatation de la prescription de l’action publique présentées par A X, – constaté la prescription de l’action publique s’agissant du délit de prise illégale d’intérêt daté du 29 décembre 2010 (appartement sis 105 rue Rivay Wilson à Levallois-Perret) et reproché à EG-AE AD, – constaté en conséquence l’extinction de l’action publique de ce chef sur le fondement des dispositions de l’article 6 du code de procédure pénale.

III – Sur l’action publique : A X : – relaxé partiellement A X, pour les faits de : • CORRUPTION PASSIVE : SOLLICITATION OU ACCEPTATION D’AVANTAGE PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE EI de janvier 2009 à avril 2010 à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, et au Maroc, • DO : CONCOURS A UNE OPÉRATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT DU DÉLIT DE CORRUPTION EI de juin 2009 à janvier 2010 à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, au Maroc, au Panama, à Singapour et en Suisse, • PRISE ILLÉGALE D’INTÉRÊT PAR DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE DANS UNE AFFAIRE DONT IL ASSURE L’ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE EI de janvier 2009 à avril 2010 à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, – déclaré A X coupable des faits de : • DO, EI EJ EK, DE BIENS OU FONDS PROVENANT D’UN DÉLIT DE FRAUDE FISCALE AGGRAVÉE EI depuis au moins le 1er janvier 2007 et jusqu’à décembre 2014 à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, en Suisse, à Saint-J, à Singapour, au Liechtenstein, au Panama, au Maroc, faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-4 et 324-7 du code pénal et par les articles 1741 et 1750 du code général des impôt,

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[…] DE SA SITUATION PATRIMONIALE A LA HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE PAR PARLEMENTAIRE EI courant janvier 2014 à Paris et en tout autre lieu du territoire national, faits prévus et réprimés par l’article LO 135-1, alinéa 5 du Code électoral et l’article 131-26-1 du Code pénal, – condamné A X à un emprisonnement délictuel de 5 ans, Vu l’article 465 du code de procédure pénale, – décerné mandat de dépôt à l’encontre de A X, – prononcé, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de A X, l’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de 10 ans, – prononcé, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de A X, la privation de son droit d’éligibilité pour une durée de 10 ans. Z BP épouse X : – déclaré Z BP épouse X coupable des faits de : • DO, EI EJ EK, DE BIENS OU FONDS PROVENANT D’UN DÉLIT DE FRAUDE FISCALE AGGRAVÉE EI depuis au moins le 1er janvier 2007 et jusqu’à décembre 2014 à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, en Suisse, à Saint-J, à Singapour, au Liechtenstein, au Panama, au Maroc, faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-4 et 324-7 du code pénal et par les articles 1741 et 1750 du code général des impôts, […] DE SA SITUATION PATRIMONIALE A LA HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE PAR TITULAIRE OU DÉLÉGATAIRE DUNE FONCTION EXÉCUTIVE LOCALE EI courant juillet 2014 à Paris et en tout autre lieu du territoire national, faits prévus et réprimés par les articles 4, 11 et 26 de la loi du 11 octobre 2013 et l’article 1 du décret n°2013-1212 du 23 décembre 2013, – condamné Z BP épouse X à un emprisonnement délictuel de 4 ans, – prononcé, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de Z BP épouse X , l’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de 10 ans, – prononcé, à titre de peine complémentaire, à l’encontre d’Z BP épouse X , la privation de son droit d’éligibilité pour une durée de 10 ans. Epoux X : – ordonné, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de Z BP épouse X et A X sur le fondement des dispositions de l’article 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du code pénal, la confiscation de la pleine propriété et en intégralité du bien immobilier “Y de Cossy” dont les références sont les suivantes :

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Désignation Propriétaire Commune Section N° Lots du bien Maison sise sur Bien acquis par […] le territoire de la donation V i l l e z ,82,84 commune de partage avec (78270) Limetz-Villez aliénation de la (78270) nue prorpiété du 13/03/1997, par acte de Maître B, notaire à Levallois Perret (92), et publié le 13/05/1997 au service de la publicité foncière de Mantes la Jolie sous le numéro volume 1997P n°2086. Bien grevé par une hypothèque légale au profit du trésor public concernant Mme et M. B a l k a n y usufruitiers dont sont propriétaires pour la nue propriété pour moitié indivise chacun : B a l k a n y C, né le […] et X P, D n é e l e […] à N e u i l l y- s u r – Sei ne (92) , Pour l’usufruit pour moitié indivise chacun B a l k a n y A né le […] à N e u i l l y-s u r – Seine et I s a b e l l e BP épouse X née le […] à […]

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[…] acquis par […], 226, Néant de la falaise à donation […], 229, […] de la d e v e n u e nue propriété domaine public du 13/03/1997, par PV n° 207 par acte de publié le Maître B, 19/03/1993 sous notaire à le volume 1993 Levallois 676 Perret (92) et publié les 23/05/1997 et 08/09/1997 au service de la publicité foncière de Les Andelys sous le numéro volume 1997P n° 1263. R é s e r ve de l’usufruit. Attestation rectificative de pacte du 13/03/1997 de Maître B, n o t a i r e , enregistré sous le numéro volume 1997P n° 1263 du 04/09/1997 publié le 08/09/1997 sous le numéro volume 1997P n° 2094. Au profit des donateurs avec r é ve r s i b i l i t é réciproque au profit du survivant d’eux. Dont sont propriétaires : Pour la nue- propriété pour moitié indivise chacun : B a l k a n y C, né le […] et X P, née le […]. Pour l’usufruit pour moitié indivise à B a l k a n y A né le […] et I s a b e l l e BP épouse X

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— rejeté en conséquence les demandes de restitution du bien immobilier dénommé “Y de Cossy” présentées par Z BP épouse X et C X, – ordonné, à titre de peine complémentaire à l’encontre de Z BP épouse X et A X, sur le fondement de l’article 131-21 alinéa 9 du code pénal, la confiscation du prix issu de la vente de la villa dite “Pamplemousse” située à Saint- J, soit la somme de 1.357.767, 70 euros déjà consignée entre les mains de l’Agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et confisqués, – ordonné, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de Z BP épouse X et A X, sur le fondement de l’article 131-21 alinéa 3 du code pénal, la confiscation des biens ci-dessous évoqués situés à Sidi Youssef DP DQ DR […] à E, acquis le […] par la SCI Dar Gyucy, en l’étude de Me BS BT, notaire à E, et saisis à titre conservatoire par les autorités du Royaume du Maroc : – la propriété dénommée « Menzeh DR 4 », d’une superficie de 01 ha 00 a 29 ca, située à E Sidi Youssef DP DQ DR […], consistant en un terrain sur lequel sont édifiées des constructions à usage d’habitation comprenant une petite cave, au rez-de-chaussée : salon marocain, salon Européen, salle à manger, cuisine, 3 chambres à coucher, 3 salles de bain, cour de service et jardin, maison de gardien avec 2 petites pièces, cuisine et douche et à l’étage 2 chambres à coucher, 2 salles de bain. Le tout faisant l’objet du titre foncier n° 10.556143, – la propriété dénommée « Menzeh DR 5 »,consistant en un terrain d’une superficie de 01 ha 00a 50ca, située à E Sidi Youssef DP DQ DR […], consistant en un terrain nu. Le tout faisant l’objet du titre foncier n° 10.557143, – rappelé que, conformément aux articles 706-151 et 707-1 du code de procédure pénale, les formalités de publication des saisies et des confiscations immobilières sont réalisées par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), – ordonné, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de Z BP épouse X et A X, sur le fondement de l’article 131-21 alinéa 3 du code pénal, la confiscation du solde du compte créditeur du compte bancaire n° 5250691400200 ouverts dans les livres de l’CL CM à E au nom de la SCI Dar Gyucy, – ordonné, à titre de peine complémentaire, à l’encontre de Z BP épouse X et A X, sur le fondement de l’article 131-21 alinéa 3 du code pénal, la confiscation du titre au porteur de la société BJ Investments Group Corp. composé de 100 actions pour un capital de 10.000 dollars américains saisi pénalement par ordonnance du 8 janvier 2015 et placé sous scellé. C X : – déclaré C X coupable des faits de DO : CONCOURS A UNE OPÉRATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D’UN DÉLIT DE FRAUDE FISCALE EI du 16 mars 2011 et jusqu’en janvier 2015 à Neuilly-sur-Seine, Paris et en tout autre lieu du territoire national, à Londres et au Maroc, faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1750 du code général des impôts, 324-1, 324-3 et 324-7 du code pénal, – condamné C X à un emprisonnement délictuel de 6 mois, Vu l’article 132-31 CD.l du code pénal, – dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine.

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IV – Sur l’action civile : – reçu l’Etat français en sa constitution de partie civile, – déclaré A X, Z BP épouse X, C X, AE BU et AD EG-EH solidairement responsables du préjudice matériel subi par l’Etat français, partie civile, – condamné solidairement A X, Z BP épouse X, C X, BU AE et EG-EH AD à payer à l’État français, partie civile, la somme d’un million euros (1. 000. 000 d’euros) en réparation de son préjudice matériel, – condamné in solidum A X, Z BP épouse X, C X, BU AE et EG-EH AD à payer à l’État français, partie civile, la somme de trente mille euros (30.000 euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Les appels Appel a été interjeté par : – A X, le 18 octobre 2019, par l’intermédiaire de son conseil, précisant que son appel porte sur l’entier dispositif, étant précisé que l’appel ne porte pas sur la relaxe, – Z BP épouse X, le 18 octobre 2019, par l’intermédiaire de son conseil, précisant que son appel porte sur l’entier dispositif

— Le procureur de la République, le 21 octobre 2019, contre A X et Z BP épouse X, – P X, le […], par l’intermédiaire de son conseil, étant précisé que l’appel porte sur la décision de non-restitution, – C X, le […], par l’intermédiaire de son conseil, précisant que son appel porte sur l’action civile uniquement, – C X, le 28 octobre 2019, par l’intermédiaire de son conseil, précisant que son appel porte sur l’action civile et sur le rejet de la demande de restitution; cet acte modifie l’acte numéro 19006287 en ce que l’appelant fait également appel du rejet de la demande de restitution et pas seulement de l’action civile. – l’Etat français, le 29 octobre 2019, par l’intermédiaire de son conseil.

DÉROULEMENT DES DÉBATS : À l’audience publique du 03 février 2020, la présidente a constaté la présence d’Z BP épouse X, l’absence de A X et d’C X, prévenus, et l’absence des autres parties. La présidente a constaté la présence d’un dessinateur de presse et a demandé aux parties si cela leur posait problème. Chaque personne a manifesté son accord à la présence de cette personne.

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La présidente a nommé les parties à l’affaire et décliné l’identité respective des prévenus A X et Z BP épouse X. La présidente a donné lecture du pouvoir de représentation établi par A X pour son conseil Maître BV G, justifiant son absence à l’audience par son état de santé. La présidente a informé la prévenue Z BP épouse X de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. La prévenue Z BP épouse X a déclaré qu’elle garderait le silence. La présidente a procédé à la lecture de la prévention. Maître Sur a déclaré qu’il sollicitait le renvoi de l’affaire en raison de la grève des avocats, au nom de tous les avocats de la défense. La présidente a évoqué la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée au greffe de la cour et inscrite au rôle de l’audience. Ont été entendus sur la demande de renvoi : Maître Sur en ses observations, Maître G en ses observations, Maître Y a déclaré qu’il se DB à la demande de renvoi de ses confrères, s’agissant de l’examen de la QPC, Maître DL-DM a déclaré qu’il s’en rapportait, Monsieur F, avocat général, ne s’est pas opposé à la demande, Maître Sur, qui a déclaré ne rien avoir à ajouter, Madame X qui a déclaré soutenir la demande de son conseil. Après en avoir délibéré sur le siège, la cour a prononcé la suspension des débats jusqu’au 04 février 2020 à 13 heures 30.

À la reprise de l’audience publique le 04 février 2020, la présidente a constaté l’absence d’Z BP épouse X, de A X, représenté par Maître G muni d’un pouvoir en date du 1er février 2020 et d’C X, représenté par ses conseils, non munis d’un pouvoir de représentation. La présidente a décliné l’identité d’C X et donné connaissance de son casier judiciaire. La présidente a constaté l’absence de P X et la représentation par ses conseils, non munis d’un pouvoir de représentation. La présidente a demandé aux parties si elles maintenaient leur appel. Maître G a déclaré que son client A X maintenait son appel et précisé l’étendue de son appel.

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Maître Sur a déclaré que sa cliente Z BP épouse X maintenait son appel et précisé l’étendue de son appel. Maître H a déclaré que son client C X maintenait son appel et précisé l’étendue de son appel. Maître I a déclaré que sa cliente P X maintenait son appel et précisé l’étendue de son appel. Maître DL-DM a déclaré que son client l’Etat français maintenait son appel. Monsieur F, avocat général, a déclaré le maintien de l’appel incident du ministère public sur les infractions de DO de fraude fiscale et de prise illégale d’intérêt et son désistement sur celles de corruption et de DO de corruption. La présidente a donné la parole aux parties sur laQPC déposée au greffe de la cour par Maîtres H et J, pour C et P X. Ont été entendus sur la QPC : Maître I, avocat d’C et P X, en ses observations, a demandé la transmission de la QPC à la Cour de cassation, Maître Sur, avocat d’Z BP épouse X, en ses observations. Maître G, avocat de A X, n’a pas fait d’observations. Maître DL-DM, avocat de l’Etat français partie civile, en ses observations écrites et orales. Monsieur Roques, avocat général, en ses réquisitions écrites et orales. Maître Sur en ses observations sur la place de la partie civile dans cette affaire. Maître DL-DM en ses observations en réponse. Maître I en ses observations en réponse à la partie civile et au ministère public. La cour a suspendu l’audience et s’est retirée pour délibérer sur cette question. A la reprise de l’audience, La cour a constaté la présence d’Z BP épouse X à l’audience. La présidente a donné lecture de l’arrêt statuant sur l’irrecevabilité et la non transmission de la QPC à la Cour de cassation. Ont été entendus sur le fond : La présidente en son rapport sur les faits et la procédure : Sur les revenus et le patrimoine apparent des époux X Sur le patrimoine révélé par l’enquête La présidente a indiqué à la prévenue Z BP épouse X qu’elle pouvait si elle le souhaitait faire des déclarations malgré la mise en oeuvre de son droit au silence.

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La prévenue Z BP épouse X en ses déclarations sur l’état de santé de son mari. La présidente a déclaré avoir ordonné une expertise médicale. Maître Sur en ses observations. Sur les dépenses et les ressources du couple X Maître G en ses observations. Sur la déclaration des experts concernant la vente par des actions RETY Maître G en ses observations sur l’absence de son client et le fait qu’il n’a pas pour rôle de répondre aux questions de la cour à sa place. Monsieur F, avocat général, en ses observations sur la fraude fiscale et son DO. Maître G en ses observations. Sur les comptes off-shores des époux X dans des sociétés étrangères Maître G en ses observations. Sur l’absence de A X Maître G en ses observations. Maître Sur en ses observations. Monsieur F, avocat général, en ses observations. Maître G en ses observations. Sur la villa Pamplemousse Maître G en ses observations. Maître Sur en ses observations. Maître I en ses observations. Maître Y en ses observations. Maître DL-DM en ses observations. Monsieur F, avocat général, en ses observations. Maître G en ses observations. Maître Sur en ses observations. La présidente a prononcé la suspension de l’audience et sa reprise le mercredi 05 février 2020 à 9 heures.

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À la reprise de l’audience publique le 05 février 2020, la cour a constaté l’absence des prévenus. Ont été entendus : Sur la villa Dar Gyucy La présidente en son rapport. Maître DL-DM en ses observations. Maître G en ses observations. Sur la prise illégale d’intérêt Sur l’opération immobilière “ Tours de Levallois” La présidente en son rapport. Maître G en ses observations. Sur les virements de la même période La présidente en son rapport. Maître DL-DM en ses observations. Le ministère public en ses observations. Maître G en ses observations. Sur les voyages en jet privé La présidente en son rapport. Maître G en ses observations. Le ministère public en ses observations. Maître G en ses observations. Sur les faits de déclaration incomplète ou mensongère à la Haute autorité publique La présidente en son rapport. Maître G en ses observations. Maître Sur en ses observations. La présidente a donné connaissance des éléments de personnalité concernant A X. Maître G a précisé que son client ne se présenterait pas aux prochaines élections municipales. La cour a renvoyé le dossier en continuation au mardi 11 février 2020 à 13h30.

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À la reprise de l’audience publique du 11 février 2020, la présidente a constaté la présence d’Z BP épouse X et d’C X et l’absence et de A X. La présidente a constaté le dépôt de conclusions de remise en liberté d’office de A X, par son conseil Maître G. La présidente a donné lecture des conclusions du rapport d’expertise médicale établi par le docteur K. Ont été entendus sur la demande de remise en liberté d’office : Maître G en ses observations. Le ministère public en ses observations. Maître G qui a eu la parole en dernier. La cour a suspendu l’audience pour délibérer sur la demande. A la reprise de l’audience, après en avoir délibéré, la cour a demandé à Maître G de faire une demande de mise en liberté déposée officiellement au greffe de la cour d’appel. Ont été entendus sur le fond : La présidente a donné la parole à Z BP épouse X pour l’entendre sur sa personnalité. Z BP épouse X a donné lecture d’un courrier de son époux BW X relatif à son absence. Z BP épouse X a donné lecture d’un texte qu’elle a rédigé, sur sa personnalité. La présidente a fait lecture du casier judiciaire d’Z BP épouse X. Z BP épouse X en ses observations. La présidente a informé C X de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. C X a indiqué les motifs de son appel. C X en son interrogatoire et ses moyens de défense. Z BP épouse X en ses observations. Maître H en ses observations. Maître Sur, en ses observations. Maître Y en ses observations. Plaidoiries et réquisitions : Maître DL-DM, avocat de la partie civile, en ses conclusions et sa plaidoirie.

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Monsieur F, avocat général, en ses réquisitions l’étendue de l’appel du parquet. Monsieur Roques, avocat général, en ses réquisitions sur la culpabilité. Monsieur F, avocat général, en ses réquisitions sur les peines.

À la reprise de l’audience publique du 12 février 2020, la présidente a constaté la présence d’Z BP épouse X et d’C X et l’absence de A X, ce dernier DN refusé son extraction. Maître Y, conseil d’C X et de P X, en ses conclusions et plaidoirie sur la restitution et les intérêts civils. Maître I, conseil d’C X et deVanessa X, en ses conclusions et plaidoirie sur la restitution et les intérêts civils. Maître H, conseil d’C X et de P X, en ses conclusions et plaidoirie sur la restitution et les intérêts civils. Maître DL-DM n’a rien ajouté. Le ministère public s’est opposé à la restitution. Les conseils d’C X et de P X n’ont rien ajouté. C X qui a eu la parole en dernier sur la demande de restitution et les intérêts civils. Maître BV G, conseil de A X, en ses conclusions et plaidoirie. Maître DL-DM en ses observations en réponse sur la représentation de l’Etat français par le ministre de l’action et des comptes publics. Maître BV G qui déclare maintenir ses conclusions et plaidoirie. Maître DS-DT, conseil d’Z BP épouse X, en ses conclusions et plaidoirie. Maître Sur, conseil d’Z BP épouse X, en ses conclusions et plaidoirie. Z BP épouse X et C X qui ont eu la parole en dernier. Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu à l’audience publique du 22 avril 2020. A l’audience publique du 22 avril 2020, le président a déclaré que le prononcé de l’arrêt serait prorogé à l’audience publique du 27 mai 2020 en raison de l’épidémie de COVID- 19, les conseils des parties en DN été avisés. Et ce jour, le 27 mai 2020, en application des articles 485, 486 et 512 du code de procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Sophie Clément, président DN assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l’arrêt.

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DÉCISION : Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Les faits dont la cour est saisie : Entendu le 24 octobre 2013 en qualité de témoin dans une affaire distincte, M. BX V, ancien directeur général de l’office des HLM des Hauts de Seine de 1986 à mars 1994 remettait un certain nombre de pièces au juge d’instruction qui l’interrogeait et déclarait : “J’ai payé ma dette, je constate aujourd’hui que le président de l’office des HLM de l’époque, M. X a été relaxé. Il s’en est bien mieux sorti que moi… M. X, comme la presse le relate, et comme [semblent] le confirmer les documents que je vous ai remis en copie et qui étaient à la disposition de la justice, aurait à sa disposition un palais à E, une résidence de luxe à Saint-J, et l’usufruit du Y de Giverny. Je suis heureux de voir que ce que je pensais être du financement politique a pu profiter à d’autres fins et sans doute personnelles”. Une information était ouverte du chef de DO de fraude fiscale . A la suite de quatre signalements de la cellule “Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins” (ci-après T) des 2 mai, 9 juillet, 29 septembre 2014 et 30 juin 2016, l’information était étendue, s’agissant des époux X et de leur fils C aux faits de : – corruption passive par personne chargée d’une fonction publique (M. A X), – prise illégale d’intérêt par personne dépositaire de l’autorité publique et chargée d’une mission de service public (M. A X), – DO aggravé par le caractère habituel de fraude fiscale aggravée (M. A X et Mme Z X), – DO de fraude fiscale (M. C X). Elle était aussi étendue, par réquisitoire supplétif du 21 mai 2015 aux délits d’omissions déclaratives et évaluations mensongères de patrimoine à la suite d’une dénonciation de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ( ci-après HATVP). A l’issue de l’instruction, il était reproché aux époux X de s’être constitué au fil des ans un important patrimoine financier et immobilier dissimulé à l’administration fiscale, détenu pour partie par des sociétés établies dans des “ paradis fiscaux ”, gérées par des sociétés fiduciaires et disposant chacune d’un compte bancaire. Les fonds, parfois versés à l’étranger, proviendraient pour partie de personnes en relation d’affaires avec la mairie de Levallois-Perret ou avec M. X. Ils auraient été utilisés pour acheter, transformer et administrer les propriétés acquises et assurer le train de vie des époux X.

Les investigations relatives au DO de fraude fiscale Les sociétés établies au Liechtenstein BELEC ETABLISSEMENT, HMF, L et la villa Serena à Saint-J Il ressort de documents remis par la société O, fiduciaire suisse, que M. X avait été bénéficiaire économique de la société BELEC ETABLISSEMENT (ci-après BELEC), créée le 21 mai 1986 au Liechtenstein. Cette société avait acquis un terrain situé à Saint- J le 8 avril 1989 pour un prix de 1.294.472,50 francs. Elle y avait fait construire la “villa Serena” qu’elle a revendue le 31 juillet 2002 pour la somme de 3.584.000 euros.

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Les fonds de cette société provenaient au moins pour partie de la CN FRONTENAC dont M. X était bénéficiaire, représentée par la société liechtensteinoise INDUSTRIE UND FINANZKONTOR ETABLISSEMENT (ci-après IFE), qui a été chargée par courrier de l’intéressé en date du 12 avril 2000 “de liquider la CN FRONTENAC et virer les produits de liquidation en faveur de sa filiale BELEC ”. M. X confiait également la gestion de BELEC à la société IFE représentée par MM. M et N par contrat de mandat du 6 avril 2000. Dans un courrier du 18 avril 2001, intitulé pouvoir de supervision et d’administration, M. X précisait à la société IFE que : “Dans le cadre du mandat que je vous ai confié le 6 avril 2000, je vous informe du fait suivant : J’ai prié la société O, en tant que mon agent légal (dénommé ci-dessous « mandataire ») de porter, pour mon compte, les droits de cession de l’établissement BELEC et de superviser le conseil d’administration dans ses activités. Le mandataire exercera ce mandat à titre fiduciaire selon les instructions générales ou spéciales que je lui transmettrai au fur et à mesure. Si l’intérêt de la société exige une action immédiate, il est autorisé à agir, au mieux, de son propre jugement, conformément à mes intentions présumées”. Des statuts complémentaires étaient adoptés le 23 février 2001, dans lesquels, il était précisé qu’en cas de décès de M. X : “seront bénéficiaires de la fortune et des revenus de la société, à parts égales et conformément aux modalités du présent règlement, ses enfants”. Lors de son interrogatoire du 5 octobre 2016, M. X déclarait : “J’ai acheté le terrain sur lequel a été construite la Villa Serena en 1989 avec l’argent que m’avait laissé mon père en Suisse (. .. ) J’ai acheté ce terrain et financé les travaux avec des avoirs de mon père en Suisse qu’il détenait sous forme d’actions”. La société BELEC avait confié la gestion de la villa Serena à l’agence immobilière CARIMO qui lui transmettait un décompte mensuel reprenant les charges et les recettes de location de la villa Serena. Le compte bancaire de la société BELEC avait été ouvert à la LGT CM au Liechtenstein. L’exploitation des documents relatifs à ce compte permettait la découverte de la copie du passeport de M. X, ainsi qu’une déclaration de personne politiquement exposée. Ce compte était crédité en 2001 par des revenus d’origine indéterminée pour un montant total de 622.000 euros (avec mention “héritage de la mère du mandant”) et 260.600 dollars. Il recevait en août 2002 le produit de la vente de la villa Serena soit un virement de 2.054.322 dollars, montant du prix de cession (3.584.000 euros) diminué de l’ensemble des dettes fiscales dues par la société BELEC en raison de son refus de livrer à l’administration le nom de son bénéficiaire économique. Il était débité pour le paiement des charges de la villa Serena puis des travaux de la villa Pamplemousse. Ainsi, des sommes importantes étaient transférées en 2001, 2003 et 2004 à des sociétés écrans dont le bénéficiaire économique était M. X, ou à des entreprises de construction. Etaient virées :

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• à la société HMF de nationalité panaméenne, créée le 27 mars 2001, dont les époux X étaient bénéficiaires et qui possédait un compte bancaire à la LGT CM au Liechtenstein : – 572.000 euros le 20 juin 2001 – 181.080 euros le 21 juin 2001 • à M. BY BZ : – 50.000 dollars le 25 juillet 2003 • à la société SEAWIND INVESTMENT ESTABLISHMENT : – 92.000 dollars le 6 mars 2003 – 125.000 euros le 5 mai 2003 – 100.000 euros le 15 juillet 2003 – 127.000 euros le 11 août 2003 – 20.000 CHF le 5 novembre 2003 – 72.000 euros le 11 novembre 2003 afin de payer une facture émise par la société JB CONCEPT d’un montant de 71.957,90 euros pour des travaux dans la cuisine de la villa Pamplemousse – 230.818,50 euros le 5 juillet 2004 Les débits au profit de la société SEAWIND INVESTMENT ESTABLISHMENT avaient pour objet de financer les travaux effectués dans la villa Pamplemousse, ainsi qu’en attestaient les instructions suivantes : “Le client nous a mandatés de nouveau pour financer un agrandissement de la maison de son épouse” ou “Suite à notre entretien d’hier, je vous adresse un ordre de paiement de 127.000 euros que vous voudrez bien transmettre à la banque après signature (…) le WB a consenti à ce paiement, afin que la société de son épouse puisse financer les frais de construction”. Dans un courrier en date du 7 juillet 2004, M. X demandait au représentant de la société BELEC de liquider la société et de transférer le bonus de liquidation à la société HMF : “Dans le cadre du mandat que je vous ai confié le 6 avril 2000, j’approuve la liquidation de la société et vous prie de la radier au registre du commerce. Selon mes instructions que vous avez obtenues de la part de mon gérant de fortune O, les produits de liquidation sont à rassembler avec la fortune de la société HMF. Elle-même devient la filiale de la nouvelle CN de famille L que vous avez entre-temps déjà créée”. Ainsi, la société BELEC transférait, juste avant sa liquidation du 12 août 2004, les montants suivants à la société HMF : – 5.595,09 euros le 22 juillet 2004 – 3.027,49 dollars le 22 juillet 2004 – 95.679,75 francs suisses le 22 juillet 2004 Elle transférait également la créance de 2.573.758 francs suisses (soit 2.132.741 euros) détenue sur la société liechtensteinoise REAL ESTATE FWI ESTABLISHMENT (ci- après FWI) dont les époux X étaient bénéficiaires économiques et qui avait acheté le 3 juin 1997 la villa Pamplemousse à Saint-J. En effet, suite à la vente de la villa Serena, cette somme avait fait l’objet d’une avance de fonds à la société FWI. Ces montants ont contribué au paiement des travaux d’embellissement et des charges d’entretien de la villa Pamplemousse. La CN L, domiciliée au Liechtenstein, était créée le 8 août 2003 au vu d’instructions écrites signées de M. X. Il en apparaissait à cette date le seul bénéficiaire économique dans les documents transmis par la fiduciaire suisse O, parmi lesquels figurait la copie de son passeport.

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Des statuts complémentaires, datés du 11 mai 2004, stipulaient que M. et Mme X étaient premiers bénéficiaires, à vie et sans restriction, du produit intégral du patrimoine ainsi que du produit éventuel de la liquidation de la CN L. Au décès de l’un d’eux, le conjoint survivant bénéficiait de ces droits. Au décès des deux, il était acté que leurs enfants P et C CA bénéficiaires à parts égales. Le 7 juillet 2004, M. X signait une déclaration de donation qui affectait irrévocablement la société HMF et tous les biens que détenaient cette dernière à la CN L. Le 12 mars 2013, un document de la banque de celle-ci – LGT CM au Liechtenstein – mentionnait que M. et Mme X étaient les deux bénéficiaires de la CN L. Le passeport de M. X était annexé à cet écrit. Le compte LGT CM était débité de : – 21.753 francs suisses le 5 mars 2010 en faveur de FWI (NEUE CM) – 15.000 francs suisses le 16 août 2010 en faveur de FWI (NEUE CM) – 10.000 francs suisses le 6 décembre 2010 en faveur de FWI (NEUE CM) – 5.000 euros le 24 janvier 2011 en faveur de FWI (NEUE CM) Le 31 janvier 2014, la fiduciaire IFE adressait une “facture finale” d’honoraires à la CN L, mise en liquidation. Ses frais annuels de gestion de la CN étaient de l’ordre de 7/8.000 francs suisses. Le 20 décembre 2013, la CN L transférait ses “non interest bearing advances” – prêt sans intérêts de 2.132.741 euros accordé à FWI – à la société des Seychelles UNICORN Business Development SA (ci-après UNICORN) avec effet immédiat.

La société seychelloise UNICORN Business Development SA La « Seychelles Revenues Commission » remettait aux autorités fiscales françaises la déclaration de constitution de la CN UNICORN, ses statuts, le registre des administrateurs, copie certifiée du passeport du propriétaire effectif (en l’occurrence la copie du passeport de M. X) et une note sur l’origine des fonds ainsi que divers documents retraçant le contexte de la création de la société en juin 2013. La CN seychelloise UNICORN était détenue par une société panaméenne MESWICK CS. Son seul actif était la créance de 2.132.741 euros sur la société FWI, que lui avait cédée la CN L, afin d’échapper aux nouvelles dispositions fiscales du Liechtenstein. Les factures relatives aux formalités légales accomplies pour le compte de la société UNICORN par la société OVERSEAS MANAGEMENT COMPANY SEYCHELLES LIMITED, tout comme les pièces comptables et les relevés bancaires d’UNICORN, devaient être adressées au siège de la fiduciaire suisse O. M. X déclarait au cours de l’instruction qu’il n’était “ni au courant de l’existence de cette CN, ni de la créance qu’elle détenait sur FWI, les mandataires à qui il avait donné mandat de gestion DN agi de leur propre initiative et sans l’avoir avisé de ce qu’ils entendaient faire ni lui rendre compte de leurs actes”.. En première instance, il a reconnu être le bénéficiaire économique de l’ensemble de ces structures tout en précisant être dans l’ignorance de la réalité des montages opérés, se contentant “de signer de manière mécanique, sans en prendre connaissance, les documents qui lui étaient présentés ».

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[…] et la Villa Pamplemousse à Saint-J

Il ressort des investigations et des informations communiquées le 21 août 2014 par l’administration fiscale de la collectivité d’outre-mer de Saint-J ainsi que de la réponse du 20 janvier 2015 des autorités fiscales liechtensteinoises à une demande d’assistance administrative internationale, les éléments suivants : Le 12 février 1997, Mme X mandatait la société fiduciaire liechtensteinoise KIMAR représentée par M. Q et Mme R pour administrer FWI. Mme X était jusqu’au 8 juillet 2004 l’unique bénéficiaire économique de la société FWI constituée le 16 septembre 1988 et domiciliée au Liechtenstein. La société FWI acquérait le 3 juin 1997 un bien immobilier appelé « villa Pamplemousse » situé à Saint-J au prix de 3.500.000 francs, soit 533.571 euros. Le 8 juillet 2004, le conseil d’administration de la société FWI adoptait des statuts complémentaires rédigés ainsi : “Premiers bénéficiaires : De leur vivant, Madame Z DU X, née le […] et son mari Monsieur A DV X, né le […], possèdent exclusivement, leur vie durant, tous les droits sur la fortune et sur les revenus de l’établissement, dont ils peuvent disposer individuellement, absolument librement. Au décès de l’un d’entre eux, le conjoint survivant continuera de jouir pleinement, à titre individuel, des droits précités”. Un compte était ouvert au Liechtenstein à la NEUE CM au nom de FWI. Les destinataires des relevés bancaires de ce compte étaient la société FWI mais aussi la fiduciaire suisse O et la société KIMAR. La villa Pamplemousse avait une surface de 445 m² sur deux niveaux (5 chambres avec dressing, 5 salles de bains, une salle de massage) avec une piscine à l’extérieur et une maison de gardien. La villa était gérée par l’agence CARIMO qui la mettait en location et adressait régulièrement des états de situation à la société FWI, qui prenait en charge les frais d’entretien et les travaux. M. S, qui avait assuré le gardiennage de la villa Pamplemousse de 1986 à 2009, déclarait que les époux X l’appelaient de la métropole pour lui demander si l’entretien de la villa était bien fait. Il les décrivait comme ses patrons : “(…) M. X était propriétaire puisqu’il se comportait de la sorte en nous donnant des instructions. C’est la vérité, je ne peux pas le cacher. (…) Il y avait dans la villa de grosses voitures de marque Nissan Infînity (…) seuls les X s’en servaient. Je m’en occupais, les entretenais et les nettoyais pour qu’elles soient en bon état à l’arrivée des X. Elles étaient stationnées sous la villa. Les locataires n’en avaient pas l’usage. Ils louaient eux- même leur propre véhicule”. L’examen des comptes de M. X par T montrait qu’il payait les assurances de type « multi-risques habitation » pour la villa Pamplemousse. Il en ressortait également que les époux X effectuaient des séjours fréquents et réguliers à Saint-J. Dans un premier temps, Mme X a soutenu qu’elle était, avec son époux, locataire de la villa Pamplemousse : “Je reconnais ma signature sur ce contrat. Je ne reconnais pas la signature du représentant de CARIMO. (…) Cela confirme ce que je vous ai dit tout à l’heure. Nous étions locataires de la villa. Ce contrat a été renouvelé tacitement jusqu’en 2000, je crois”.

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En cours d’instruction, Mme X a reconnu être propriétaire de la villa Pamplemousse, qu’elle avait acquise avec de l’argent provenant de sa famille. Elle CB que son frère et sa sœur lui avaient donné les fonds lui permettant d’acheter la villa (10 millions de francs) en 1995, en lui demandant expressément qu’il n’y ait aucun lien fiscal avec la France qu’ils avaient quittée depuis plus de 20 ans. C’est ainsi qu’elle serait entrée en contact avec M. U, associé au sein de la fiduciaire suisse O avant d’acquérir au prix de 3,5 millions de francs, le 3 juin 1997, la villa Pamplemousse par le truchement de la société de droit liechtensteinois FWI . Mme X CB avoir financé avec les 10 millions de francs, outre l’achat de la villa, son entretien et d’importants travaux. Elle précisait que tout était géré par l’agence immobilière CARIMO de Saint-J qui était en contact avec les gestionnaires suisses. “CARIMO donnait tout aux gestionnaires. Je faisais le choix des travaux et ne m’occupais pas du reste”. CARIMO faisait des appels de fonds régulièrement auprès de la fiduciaire suisse O. Par exemple, le 25 juin 2012, le compte ouvert au Liechtenstein à la NEUE CM au nom de FWI était débité de 30.000 euros. AU ce compte avait été crédité d’un virement équivalent intitulé “Bonification par clearing bancaire O”. Les époux X pouvaient ainsi bénéficier de cette villa sans que les dépenses d’entretien apparaissent au débit de leurs propres comptes bancaires. Le compte de FWI ouvert au Liechtenstein à la NEUE CM était crédité le 22 mars 2011 de 259.553 francs suisses venant de la CN suisse SPRINGPARK. Mme X CB que ce virement avait eu lieu du fait du partage du produit de la vente d’un bijou de famille. Son frère avait vendu le brillant de sa mère et avait procédé de la même manière que lorsqu’il lui avait versé les 10 millions de francs, en exigeant que les fonds n’apparaissent pas en France. Les époux X bénéficiaient également des revenus de la location de la villa Pamplemousse, versés par les locataires à l’agence CARIMO. Un mandat de gestion confié par la société FWI le 27 avril 2012 à l’agence CARIMO fixait la valeur locative pour une semaine à 10.500 dollars (haute saison), 7.500 dollars (basse saison) et 21.000 dollars (Noël) pour l’année 2012. Les investigations se portaient également sur les biens que les époux X pouvaient détenir au Maroc.

Les sociétés panaméennes BJ INVESTMENTS CORPORATION Corp., […] et la villa Dar Gyucy Les premières informations sur l’acquisition de la villa Dar Gyucy provenaient de M. V qui déclarait : “J’en ai beaucoup entendu parler par des personnes qui y sont allées, (…) C’est un palais oriental luxueux”. Le conseil de M. V versait au dossier des documents issus du site de Mediapart : deux actes d’achat de la propriété de E et d’un terrain appartenant à M. W, établis par un notaire marocain Maître CC BS le […], pour le prix de 2.000.000 euros et 750.000 euros, par la SCI Dar Gyucy et les statuts de cette dernière. La SCI Dar Gyucy avait été créée le 20 juillet 2009 par deux actionnaires, Mme AA, détenant 1% des parts et la société panaméenne BJ INVESTMENTS CORPORATION Corp. (ci-après BJ), qui détenait 99% des parts.

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La société BJ était administrée par M. AB, directeur associé de la financière suisse BL. Sa représentante avait donné procuration le 20 juillet 2009 à Mme AC (société Invest Europe Maghreb) pour accomplir les formalités relatives à la constitution de la SCI. Ces informations transmises par M. V étaient confirmées dans un premier temps par plusieurs notes T, puis dans un second temps, par les déclarations du responsable de la fiduciaire suisse BL. Lors de l’exécution d’une commission rogatoire internationale au Maroc, il était procédé à la saisie conservatoire de la villa Dar Gyucy ainsi que du solde du compte de la SCI Dar Gyucy ouvert à l’CL CM. Il ressortait des documents sociaux transmis par les autorités du Panama que M. AD était le bénéficiaire économique de la société BJ dont l’objet social était les investissements immobiliers et que la correspondance devait être adressée au cabinet de Maître AE, avocat, à Paris 8e. M. AB, directeur de la société fiduciaire suisse BL, indiquait avoir été indirectement mandaté par les époux X pour créer deux structures de droit panaméen , la société BJ en vue d’une acquisition immobilière au Maroc et la société HIMOLA COMPANY Corp (ci-après HIMOLA) aux fins de percevoir une commission : “Nous avons pris rendez-vous à notre cabinet où étaient présents M. AD ainsi que son avocat parisien Maître AE. M. AD nous a expliqué qu’il est un homme d’affaires indépendant à Paris notamment dans le secteur immobilier et qu’il avait un gros projet immobilier dont il nous a présenté les plans, les Tours de Levallois. Ce projet immobilier était financé par un Saoudien, M. CD CE et s’élevait à environ 950 millions d’euros. M. AD nous a expliqué qu’il avait mis en relation ce Saoudien et qu’il devait toucher une commission de 5 millions de dollars qui devait lui être versée par M. CD CE. M. AD voulait utiliser cette somme pour acheter une villa à E ( …) Par la suite, une fois que les structures ont été mises en place et une fois que les 5 millions de dollars sont arrivés en deux fois sur le compte HIMOLA (deux fois 2,5 millions de dollars), Maître AE et M. AD nous ont fixé un rendez-vous chez Mme AC pour aller signer les documents d’acquisition de la villa (…) Ces fonds venaient de M. AF. Nous avons été surpris de voir que l’argent ne venait pas du saoudien. Nous avons alors questionné Maître AE qui nous a indiqué qu’il y avait eu un changement et que finalement c’était M. AF qui payait. 3,6 millions de dollars ont été débités du compte HIMOLA à Singapour en faveur du vendeur de la villa M. W, qui disposait d’un compte à Beyrouth à la In BLOOM CM…”. Il précisait que Maître AE lui avait avoué à Genève que M. X était bien l’DN- droit d’ BJ et HIMOLA et non M. AD, ce que ce dernier lui avait confirmé dans le cabinet de Maître AE “Vous savez BY que je porte pour mon CY M. X (… ) Je sais, j’ai fait une erreur d’avoir aidé mon CY X mais je lui dois beaucoup et je vais le défendre jusqu’au bout en disant que c’est moi le propriétaire malgré les conséquences que cela peut avoir pour moi”. La société BL effectuait une dénonciation le 13 janvier 2014 au bureau de communication de l’office fédéral de la police de Berne, concernant le montage effectué dans le cadre de l’acquisition de la villa « Dar Gyucy ». Mme AA déclarait qu’elle était intervenue à titre professionnel pour le compte de la fiduciaire suisse BL et que les époux X étaient les véritables détenteurs des parts sociales de la SCI Dar Gyucy, à travers un montage faisant intervenir les sociétés panaméennes BJ et HIMOLA et leur CY et collaborateur M. AD ; elle faisait remarquer aux enquêteurs que la propre raison sociale de la SCI Dar Gyucy

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était composée de la contraction des prénoms des deux petits enfants des époux X (“Gyula” et “Lucie”). M. AD était directeur général depuis le 3 avril 2008 de la SEMARELP, société d’économie mixte en charge de l’aménagement de la ville de Levallois-Perret, présidée par M. X. Il était également gérant de la SARL SCRIM (société de promotion immobilière), filiale de la SEMARELP à 100 %. Il déclarait ne pas être le propriétaire de la villa marocaine et n’avoir strictement rien retiré de cette opération. M. AF précisait que M. X l’avait contacté en septembre 2008 pour lui proposer d’investir dans l’uranium en achetant la société FORSYS METAL corp, ce qu’il avait fait, pour la somme de 500 millions de dollars. Il avait versé ensuite une commission de 1 % – soit 5 millions de dollars – à M X, en tant qu’apporteur d’affaire. A la question de savoir qui lui avait remis le numéro du compte d’HIMOLA à Singapour il répondait : “M. X lui-même un peu avant les virements. Il me l’a noté sur un bout de papier. C’était à Levallois. Cela se passait dans son bureau à la mairie (…) Il y a eu une série d’avenants échelonnés jusqu’en mai 2009. Là comme tout est réglé, je règle la commission prévue pour M. X. Je fais deux virements pour des raisons de disponibilités sur mon compte (…) Au début, il a apporté l’affaire avec le feu vert du gouvernement namibien. M. X a obtenu de ce gouvernement qu’il ne s’oppose pas à la transaction. Il nous a également mis en contact avec le CEO [PDG] de Forsys, M. CF AH, canadien”. M. AF remettait à l’appui de ses dires des documents relatifs à l’OPA lancée par son groupe pour tenter de racheter FORSYS, plusieurs photographies datant du mois de septembre 2008 sur lesquelles figuraient M. X, M. AG (ancien Président de la Namibie), M. AH (président de la société FORSYS) ainsi que le ministre des mines de Namibie. Les dates de prises de photographies correspondaient à celles d’un voyage effectué par M. X en Afrique du Sud, retracé dans ses dépenses bancaires. A l’appui de ses dires, il remettait également copie de deux ordres de virement depuis son compte personnel en Suisse vers le compte ouvert au nom d’HIMOLA dans les livres de la COMMERZBANK Singapour. M. AF précisait que : “Au final, l’affaire n’a pu être conclue car je n’ai pu mobiliser les fonds du fait de la crise financière en 2009 et de la chute du cours de l’uranium (…) Nous continuions la prospection et l’OPA était en cours. C’est au cours du dernier trimestre 2009 que l’OPA a échoué. Je précise que c’est en juin 2009 que M. X m’a remis les références du compte HIMOLA”. Une note T du 29 septembre 2014 révélait que suite au versement par M. AF de la somme de 5 millions de dollars sur le compte bancaire d’ HIMOLA, la somme de 3,6 millions de dollars, soit 2,5 millions d’euros, était virée sur un compte de M. W (vendeur de la villa Dar Gyucy) à la BLOOM CM de Beyrouth le 6 janvier 2009, soit deux jours avant l’achat devant notaire de la villa par la SCI Dar Gyucy. Maître AE CG avoir transmis le 5 janvier 2010 depuis le fax de Maître Nicolas, avocat partageant ses locaux professionnels, les références du compte bancaire de M. W au Liban à la société BL afin de payer la partie dissimulée du prix de cession de la villa.

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En outre, plusieurs virements au débit du compte de la société HIMOLA étaient en lien avec la SCI Dar Gyucy et l’ameublement de la villa Dar Gyucy. Un virement de 200.000 dollars était ordonné le 8 juin 2010 sur un compte de M. CH CI, neveu de Maître AE. Il était noté dans la comptabilité de la société BL que ce virement correspondait à “une partie des honoraires de Maître AE”. Il ressortait des investigations menées au Maroc que les époux X avaient visité plusieurs villas à E présentées par deux agents immobiliers – MM. AI et AJ et rencontré le vendeur de la propriété acquise par la SCI Dar Gyucy, M. W, avec lequel M. X s’était entretenu confidentiellement durant une vingtaine de minutes afin d’évoquer le prix d’acquisition. M. AJ déclarait : “Un de mes collègues, BY AI, qui a une agence immobilière, m’a indiqué qu’il avait un bon client qui allait arriver les jours suivants et qui cherchait des propriétés à E sans limitation de budget (…) Le client est arrivé avec un chauffeur (…) nous avons visité quelques villas, nous étions deux ou trois voitures, c’était un client qui se décidait très BH, il rentrait dans la pièce principale, ça ne lui plaisait pas, et il ressortait, (…) J’ai alors compris que le client était Monsieur X. D’ailleurs, comme j’étais avec BY AI, il m’a confirmé que Monsieur X était bien son client (…)”. Une note de T mettait à jour la possession par Mme X d’un compte dans une banque marocaine. Les relevés bancaires des époux X, faisant apparaître de nombreuses dépenses à E. T soulignait que les transactions au Maroc étaient : “effectuées à destination de boutiques d’habillement, de restaurants, mais aussi de supermarchés et d’enseignes de décoration et d’ameublement. Aucune dépense n’a été identifiée dans ce pays en dehors de la ville de E. Aucun paiement susceptible de correspondre à des dépenses d’hébergement (hôtel, location…) n’a, d’ailleurs, été mis en évidence (…)”. Mme AK, gérante de la société MOON GARDEN, précisait : “Je ne connais pas la SCI Dar Gyucy, mais je connais Mme Z X qui est venue acheter à plusieurs reprises des mobiliers de jardin pour sa villa, et j’ai livré ce mobilier dans sa villa à E (…) Les premières relations ont débuté en 2009, lorsqu’elle est venue me voir, elle m’a dit qu’elle n’avait pas encore acheté la maison, mais cela allait se faire, lors de cette visite elle était accompagnée de M. W”. Elle remettait de nombreuses factures toutes au nom de Mme X dont une avait été réglée par un virement provenant de la société HIMOLA. Lors de la perquisition menée au bureau de Mme X à la SEMARELP, des documents personnels de Mme AC, qui disposait d’une procuration sur le compte bancaire de la SCI Dar Gyucy, étaient découverts. M. CD, majordome, confirmait la présence régulière des époux X et déclarait qu’il n’avait jamais vu ni M. AD, ni M. CD CE. À la question de savoir quelles personnes avaient accès à la villa depuis janvier 2010, il précisait : “à part la famille X, personne n’est venu. Personne n’avait le droit de venir sans ces personnes. Quand eux ne sont pas là, personne ne vient, tout est rangé et la maison fermée”.

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Les époux X expliquaient que leur fils C louait la villa Dar Gyucy à la SCI du même nom depuis quelques années, ce qui CB la fréquence de leur présence dans cette propriété ainsi que les dépenses réalisées pour son embellissement. M. C X adressait aux enquêteurs deux contrats de bail chacun pour trois ans, l’un en date du 16 mars 2011, l’autre du 24 avril 2014, signés par Mme AC représentant la SCI Dar Gyucy et prévoyant un loyer mensuel de 45.000 dirhams (2011) puis 30.000 dirhams (2014). Il CB la baisse sensible du loyer en 2014 par le fait qu’il prenait lui-même en charge – en les payant en espèces et sans établir de fiches de paie – les cinq employés de la villa. Il déclarait retirer les espèces de son compte HSBC à Londres et les déposer dans un coffre de la villa. Mme AC précisait : “Je n’ai pas demandé le paiement des loyers à M. C X à la demande de M. AD. Il m’a dit j’en fais mon affaire. M. AD m’avait également demandé de signer un deuxième bail malgré les impayés. Je ne suis qu’une exécutante”. M. C X déclarait aux juges d’instruction qu’il avait fait découvrir la villa Dar Gyucy à ses parents et qu’il était possible que ceux-ci soient allés fin 2010 dans cette propriété qu’il allait louer sans l’occuper et dans le cadre de l’ameublement de la maison. À la question : “N’êtes-vous pas surpris d’apprendre que votre mère [en juillet 2009] est venue acheter des meubles en compagnie du vendeur de la villa, meubles payés par une société panaméenne, alors que vous dites qu’elle n’est venue dans la villa qu’à partir du moment où vous êtes devenu locataire en 2011, voire fin 2010 ?”. Il répondait : “J’en tombe de ma chaise”. Les perquisitions effectuées à la villa Dar Gyucy permettaient la saisie de nombreux documents et objets appartenant aux époux X. En revanche, aucun effet personnel de leur fils M. C X n’était découvert. M. et Mme X ont toujours contesté formellement être les véritables propriétaires des parts de la SCI Dar Gyucy et ont mentionné que les éléments recueillis n’étaient que des déclarations de tiers relatant de simples ouï-dire. Ils ajoutaient que M. X n’avait aucun lien avec la société HIMOLA. M. X CJ en outre qu’il n’avait jamais servi d’apporteur d’affaires à M. AF.

Les investigations relatives à la prise illégale d’intérêt Le financement de l’achat de la villa Dar Gyucy Une note T du 9 juillet 2014 s’intéressait au financement de l’achat de la villa Dar Gyucy devant le notaire. Elle précisait que le paiement du prix officiel de cession de la villa Dar Gyucy avait été effectué par 3 virements provenant de deux sociétés égyptiennes : DW DX DY Co. EGYPT (ci-après DW) et la société de courtage DD DE et que le EL BT EM EN CD-CE, président de la société DW avait “entretenu une relation d’affaires avec la ville de Levallois-Perret, au travers de sa société MBI International and Partners”. Des investigations étaient menées sur cette relation d’affaire. Il en ressortait les éléments suivants :

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Le 18 décembre 2006, la société d’économie mixte pour l’aménagement, la rénovation et l’équipement de Levallois-Perret, la SEMARELP, gérée par M. AD, était désignée en qualité d’aménageur de la ZAC du Front de Seine par la commune de Levallois-Perret. Ce projet prévoyait la construction de deux tours susceptibles d’accueillir des bureaux, des commerces et des hôtels. Dans cette optique, la SEMARELP créait la SARL SCRIM, dont M. AD devenait gérant et dont l’objet social était l’activité de promoteur-constructeur. La SARL SCRIM avait deux filiales : – la société TOURS DE LEVALLOIS, bénéficiaire d’une promesse de vente de plusieurs parcelles de la ZAC Front de Seine, – la société HOTEL TOURS DE LEVALLOIS, créée en vue de l’activité d’exploitation hôtelière. Des négociations étaient engagées avec M. CD CE, investisseur important dans le milieu de l’hôtellerie, en vue du rachat des deux filiales de la SARL SCRIM. Elles aboutissaient à une promesse de cession d’actions conclue le 30 juin 2008 entre la société JJW IMMOBILIER détenue par M. CD CE, la SARL SCRIM et la SEMARELP, aux termes de laquelle la société JJW IMMOBILIER devait racheter la société TOURS DE LEVALLOIS pour 6.196.000 euros et la société HOTEL TOURS DE LEVALLOIS pour 200.000 euros. Par ailleurs, le compte courant de la société SCRIM dans la société TOURS DE LEVALLOIS était également cédé pour un montant de 13.150.000 euros. Des recherches étaient menées afin de connaître les liens de M. CD CE avec les sociétés égyptiennes DW et DD DE. L’enquête confirmait leur existence. Par ailleurs il était découvert des fax émis par la SEMARELP et son avocat Maître AE CK le notaire Maître CC BS chargé de la vente de la villa Dar Gyucy de l’émission des virements de ces sociétés. M. W, vendeur du bien, déclarait avoir perçu une partie du prix par le biais du compte-client de Me CC BS – ce que ce dernier confirmait tout en remettant aux enquêteurs des documents l’attestant – et un “dessous de table” de 2.500.000 euros sur son compte au Liban deux jours avant la vente officielle.

Les voyages des époux X dans le jet privé de M. CD CE Différents mails de M. AD, sa secrétaire Mme AM et M. AN (pilote du jet privé de M. CD CE) évoquaient des trajets Paris/Saint-J du 11 avril au 2 mai et des vols de Paris/E le 20 décembre 2009, du 8 février au 7 mars 2010, du 16 avril au 16 mai 2010.

Leurs auteurs ne démentaient pas être intervenus pour permettre à M. X et ses proches de se rendre dans la Villa de Saint-J et à E dans le jet privé de M. CD CE.

M. X CG avoir bénéficié d’un voyage Paris/Saint-J et de voyages Paris/E “une ou deux fois”.

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M. CD CE déclarait que M. AO, son collaborateur, ne l’avait pas informé de ces libéralités. Il ajoutait qu’après vérification, les vols vers E n’avaient pas eu lieu car l’avion n’était pas en France au moment des faits.

Les vols Paris/E de l’avion possédé par M. CD CE – BOMBARDIER modèle BD-700 GLOBAL 500 immatriculé N171JJ – cités par les témoins et dans les messages électroniques ne figuraient pas sur le tableau des vols effectués à cette période transmis par la direction générale de l’aviation civile (ci-après DGAC).

Les investigations relatives au délit d’omission déclarative et évaluations mensongères de patrimoine à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ( HATVP) Le […], les époux X ont donné la nue-propriété de leur résidence principale, le Y de Cossy, à leurs enfants, P et C, pour la somme de 4 880 000 francs (743.951 euros), en conservant l’usufruit de ce bien, évalué à 1.952.000 francs (297.580 euros). M. X adressait en janvier 2014 en qualité de député une déclaration de situation patrimoniale à la HATVP. Il ne déclarait au titre des immeubles bâtis et non bâtis que la moitié de l’usufruit du Y de Giverny pour un montant de 148.790 euros, en se référant à la valeur figurant dans l’acte de donation du […]. Il ne déclarait aucun bien ou compte détenu à l’étranger. Mme X adressait sa déclaration de situation patrimoniale à la HATVP le 3 juillet 2014, en sa qualité de présidente du conseil d’administration de la SEMARELP, société d’économie mixte de la ville de Levallois-Perret. Les omissions étaient les mêmes que celles faites par son mari – sous réserve de la déclara tion de la villa Pamplemousse – qu’il s’agisse de la minoration de l’usufruit de Giverny ou de la dissimulation des comptes et biens dont elle était propriétaire à l’étranger. Les investigations relatives aux biens immobiliers et avoirs à l’étranger ont déjà été décrites. S’agissant du domicile des intéressés à Giverny : La HATVP rappelait dans sa délibération du 5 mars 2015, transmise au procureur de la République financier, que l’évolution de l’indice notaires-insee entre 1997 (indice de 48,8) et 2014 (indice de 103,6) portait à 1.577.000 euros la valeur vénale du Y de Cossy en 2014, soit celle d’une quote-part de l’usufruit à au moins 394.000 euros. Elle considérait par conséquent que la minoration déclarative pour chacun des époux X était d’environ 62%. Elle ajoutait que si l’estimation fournie en dernier lieu par l’administration fiscale devait être retenue, l’insuffisance de déclaration serait alors de 846 209 € en valeur absolue et de 85 % en valeur relative. Le Y de Cossy à Giverny a été acquis par les époux X en trois achats successifs, en 1986, 1988 et 1990. Le montant total des travaux TTC réalisés sur le bien immobilier de Giverny depuis son acquisition était fixé à la somme actualisée de 1.826.910, 49 euros en septembre 2014 et à celle de 829.422,28 euros à la date de leur réalisation par deux experts judiciaires désignés en cours d’instruction.

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Le dossier de permis de construire, réalisé par M. AP, architecte, avait été déposé le 1er mars 1986 en mairie de Giverny. M. AP a précisé que : “Un jour, en 1986, A X m’a dit qu’il était en passe d’acheter une maison à GIVERNY et qu’avant de l’acheter il voulait obtenir l’avis d’un architecte sur l’état de la construction et ses potentialités. Je suis donc allé à Giverny. (…) après en avoir référé à A X, il m’a demandé de réaliser un projet. (…) Il n’y a jamais eu de contrat de signé. Je n’ai pas demandé de contrat, ni d’honoraires. (…) . J’ai fait ces études à titre amical parce que M. X m 'a dit qu’il allait me donner le contrat de la ZAC du Front de Seine que j’ai effectivement obtenu en 1987. Pour tout vous dire, le marché du Front de Seine était un contrat qui devait durer sur 20 ans jusqu’à la fin des travaux de la ZAC et donc générer beaucoup d’honoraires. M. X m’avait dit que j’allais être nommé architecte en chef sur ce marché du Front de Seine”. Les enquêteurs ont établi un état descriptif des meubles et bijoux découverts au Y de Cossy, dont la valeur globale a été estimée par des commissaires-priseurs à 542.880 euros. Se fondant sur des transactions réalisées de 2008 à 2013 pour des biens immobiliers de valeur équivalente dans la région, l’administration fiscale a évalué la propriété de Giverny pour chaque année, allant de 4.580.000 euros en 2010 (soit 3.206.000 euros après abattement lié à la résidence principale) à 4.795.000 euros en 2013 (soit 3.356.000 euros après abattement lié à la résidence principale). Les époux X ont contesté cette évaluation et produit une expertise effectuée à leur demande devant la cour. Celle-ci fixait la valeur du bien à 1.770.000 euros en 2014.

DEVANT LA COUR : L’avocat de Mme Z X a demandé en début d’audience du 3 février 2020 le renvoi en continuité des débats à l’audience au lendemain, au nom de tous les avocats de la défense, en raison de la grève des avocats. L’avocat de la partie civile a déclaré qu’il s’en rapportait. Les avocats généraux ont précisé ne pas être opposés à la demande. Mme Z X a déclaré soutenir la demande de son conseil. Après s’être retirée pour délibérer sur cette demande, la cour a ordonné le renvoi des débats en continuation à l’audience du 4 février.

M. A X a refusé d’être extrait pendant les débats en raison de son état de santé et a remis un pouvoir à son avocat pour le représenter.

Mme Z X a donné lecture d’un courrier de son époux, par lequel il CG le manquement à ses obligations vis à vis du fisc, mais confirmait que les montants de la valeur du Y de Cossy et de la villa Pamplemousse avaient été sur- évalués par l’administration fiscale et qu’il n’était pas propriétaire avec son épouse de la maison de E. Il ajoutait que ses fautes fiscales étaient personnelles, et sollicitait l’indulgence de la cour. Elle a déclaré vouloir garder le silence pendant les débats et ne s’est exprimée par la suite que pour décrire son inquiétude en raison de la dégradation de l’état de santé de son mari.

M. C X a rappelé que son appel ne concernait que les dispositions civiles du jugement et le refus de restitution de sa quote-part indivise de la nue-propriété du Y de Cossy. Il a ajouté que sa situation financière était catastrophique.

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Il a soutenu être dans l’incapacité de régler solidairement avec ses deux parents, ainsi que MM. AE et AD, un million d’euros de dommages-intérêts à l’Etat français. Il a ajouté que le Y de Giverny était sa maison d’enfance. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait été saisie alors que la donation dont il avait bénéficié n’avait jamais été remise en cause. Il voulait, avec sa soeur, transformer la partie en ruine de la propriété en maison d’hôtes.

Les avocats généraux ont précisé que leur appel portait sur les infractions de DO aggravé, de prise illégale d’intérêt et de déclaration incomplète ou mensongère à la HATVP, mais qu’ils se désistaient de leur appel sur les infractions de corruption et de DO de corruption.

L’avocat de la partie civile a soutenu que le délit de DO de fraude fiscale était parfaitement caractérisé à l’encontre des deux prévenus. Selon lui, la prévention ne se limitait pas à la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2014 et n’excluait pas les actes non prescrits EI antérieurement au 1er janvier 2007, notamment l’acquisition de la villa Pamplemousse. Il rappelait que l’ordonnance de renvoi visait des faits EI : “Depuis au moins le 1er janvier 2007 et jusqu’au 31 décembre 2014 en tout cas depuis temps non prescrit” et elle visait expressément des faits de “conversion … au travers d’opérations d’acquisition … de biens immobiliers à Saint J…”. Il a demandé à la cour de confirmer la condamnation des prévenus avec leur fils C à verser solidairement à son client la somme de 1.000.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de DO et la somme de 30.000 euros in solidum sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, les divers procédés utilisés, constitutifs de DO, DN obligé l’Etat à la mise en œuvre de multiples recherches, investigations et procédures pour espérer pouvoir recouvrer les impositions éludées. En outre, il a sollicité de la cour la condamnation in solidum de Mme Z X, M. A X et M. C X à verser à l’Etat français la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

Les avocats généraux ont soutenu que les époux X formant un couple au sens fiscal, les faits de DO aggravé devaient leur être reprochés en termes identiques. Ils ont ajouté que le DO étant une infraction clandestine, la date de la dénonciation de M. V devait être le point de départ de la prescription de 12 ans dans la présente affaire. S’agissant de l’infraction de prise illégale d’intérêt, ils ont affirmé que le délit était constitué, M. CD CE, par l’intermédiaire d’une société de son groupe et du courtier DD DE, DN participé au paiement d’une partie de la villa acquise par M. X via un montage opaque. Il aurait en outre mis à disposition de M. X son jet privé, alors que ce dernier avait en charge la surveillance de l’opération immobilière confiée par la SEMARELP à cet entrepreneur. Ajoutant que le délit de déclaration incomplète ou mensongère à la HATVP avait également été EI par les deux prévenus, ils ont demandé à la cour de déclarer les époux X coupables de ces infractions. Ils ont requis une peine de 5 ans d’emprisonnement assortie du sursis pour une durée de un an contre M. X et une peine de 4 ans d’emprisonnement contre Mme X assortie du sursis pour une durée de deux ans.

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Ils ont demandé à la cour de confirmer les peines complémentaires d’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de dix ans et d’inéligibilité pendant dix ans, en assortissant cette dernière de l’exécution provisoire. Ils ont rappelé que la donation du Y de Cossy était encadrée par des modalités aboutissant à ne pas priver les donateurs des attributs inhérents au droit de propriété. Ces derniers avaient en effet interdit aux donataires de vendre, aliéner, hypothéquer ou nantir sans leur accord les biens donnés. Ils ont souligné que l’acte était intervenu très curieusement quelques mois après la condamnation de Mme et M. X pour prise illégale d’intérêt en mai 1996. Selon eux, M. et Mme X s’étaient toujours comportés comme les propriétaires des lieux, établissant ainsi qu’ C et P X étaient des donataires de complaisance, analyse qu’aurait partagée la Cour de cassation qui, dans le cadre du contentieux sur la saisie, a retenu que le couple X, même après la donation-partage, conservait en réalité la propriété du bien. Dans ces conditions, eu égard au préjudice financier subi par la collectivité, il leur apparaissait nécessaire que la propriété entière du Y de Cossy soit confisquée, comme les autres biens des condamnés. Ils ont sollicité par conséquent la confirmation de l’ensemble des confiscations ordonnées en première instance.

Les avocats de Mme P X et M. C X ont affirmé que la donation-partage du Y de Cossy consentie le […] par M. A X et Mme Z X à leurs clients ne présentait aucun caractère frauduleux. Dès lors, la confiscation du bien, qui porterait une atteinte manifeste et disproportionnée au droit à la vie privée et familiale, léserait en outre les droits de Mme P X et de M. C X en leur qualité de nus-propriétaires de bonne foi. Ils ont demandé à la cour de restituer par conséquent à leurs clients leurs quotes-parts de nue-propriété indivises portant sur le bien. Les avocats de M. C X ont soutenu par ailleurs que l’Etat ne rapportait pas la preuve qu’il avait subi un préjudice personnel, certain et direct du fait de l’infraction dont leur client avait été reconnu coupable. Ils ont ajouté que les frais liés aux procédures mises en œuvre pour faire valoir les droits de l’Etat français étaient indemnisées par les sommes allouées au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale et ont demandé à la cour de débouter l’Etat français de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de M. C X. A titre subsidiaire, ils ont sollicité la condamnation de leur client à verser à l’Etat des sommes qui ne soient pas supérieures à 100.000 euros à titre de dommages-intérêts et 5.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

L’avocat de M. A X a rappelé que le délit de DO était une infraction instantanée. L’accusation devait par conséquent démontrer l’existence d’actes positifs de DO intervenus durant la période de prévention. Il a affirmé que tous les faits antérieurs aux 24 octobre 2001 (délai de 12 ans calculé à compter des déclarations de M. BX V) seraient prescrits. La relaxe définitive dont avait bénéficié M. X du chef de corruption empêcherait selon lui que ces mêmes faits soient examinés à nouveau ou « requalifiés » sous l’angle du délit de prise illégale d’intérêt, en raison du principe ne bis in idem. Il a soutenu que le délit allégué de prise illégale d’intérêt imputé à M. X ne serait en outre pas caractérisé, ce que les juges de première instance avaient constaté.

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S’agissant des faits de déclaration incomplète à la HATVP, il a affirmé que M. X ignorait être bénéficiaire de la société FWI et avait toujours nié avoir été bénéficiaire de sociétés en lien avec la villa Dar Gyucy. Il a ajouté que l’agent judiciaire de l’Etat disposait d’un monopole pour représenter l’Etat dans les actions judiciaires tendant à le faire déclarer créancier. Le ministre de l’action et des comptes publics ne pouvait représenter l’Etat et faire valablement des demandes indemnitaires dans la présente procédure, lesquelles ne seraient en tout état de cause pas fondées. Enfin il a rappelé que la situation médicale de M. X était particulièrement inquiétante et incompatible avec un emprisonnement.

Les avocats de Mme Z X ont déclaré que leur cliente était née AQ, dans une famille puissante. Le destin qui lui était promis était celui d’une héritière, grande bourgeoise parisienne, mère au foyer. Pourtant, son goût pour la liberté et l’indépendance, son intelligence et son travail, lui auraient permis d’accéder très vite à une carrière qui n’avait jamais cessé puisque, cinquante ans plus tard, elle continuait à travailler. Ils ont ajouté que les faits de fraude fiscale à l’origine du DO reconnu étaient extrêmement anciens. Ils ont expliqué que la vente chez Christie’s en 2007 des meubles et bijoux de la mère de Mme X avait rapporté 2,2 millions d’euros à celle-ci. Cela lui aurait permis, d’une part de régler à l’administration fiscale 500 000 euros, montant du débet prononcé au profit de la commune de Levallois-Perret à la suite du jugement correctionnel du 7 mai 1996, d’autre part d’assurer le train de vie du couple – qui pouvait dès lors être supérieur à leurs revenus – par des virements réguliers vers le compte de son mari. Ils ont affirmé que le calcul de la valeur de l’usufruit du Y de Cossy par la HATVP serait erroné et que les valeurs du Y de Cossy et de la villa Pamplemousse auraient été largement surestimées par l’administration fiscale. Ils ont affirmé que la peine d’emprisonnement prononcée par le tribunal était disproportionnée en regard de la personnalité de la prévenue, de l’ancienneté des faits et du contexte familial dans lequel ils avaient été EI. L’âge et l’état de santé de Mme X ne seraient pas compatibles avec une mesure de détention. La peine complémentaire de confiscation du Y de Cossy, qui constituait la seule résidence de leur cliente, serait selon eux excessive. Enfin, ils ont soutenu que les frais liés aux procédures mises en œuvre pour faire valoir les droits de l’Etat français étant indemnisés par les sommes allouées au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, il y avait lieu de rejeter la demande de l’Etat français à titre de dommages-intérêts.

SUR CE, LA COUR Les appels interjetés à titre principal par Mme Z X et M. A X sur les dispositions pénales et civiles du jugement, de M. C X sur les dispositions civiles et sur la confiscation de sa quote-part indivise de la nue-propriété du Y de Cossy, formés selon les formes et délais requis par la loi, sont recevables. Les appels à titre incident de l’Etat français partie civile et du ministère public sont également réguliers.

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L’intervention en appel de Mme P X sur la confiscation de sa quote-part indivise de la nue-propriété du Y de Cossy, formée en application de l’article 479 du code de procédure pénale, est recevable. La cour statuera par arrêt contradictoire à l’égard de toutes les parties présentes ou représentées. Les avocats de Mme P X et de M. C X ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle il a été statué par arrêt séparé. La cour donne acte au ministère public de son désistement d’appel s’agissant des chefs de corruption et DO de corruption dont M. X a été relaxé.

Sur l’action publique Sur la culpabilité Sur le DO aggravé de fraude fiscale Il est reproché à M. et Mme X d’avoir “apporté leur concours au placement, à la dissimulation et à la conversion de revenus dissimulés à l’administration fiscale en déposant ces revenus sur des comptes non déclarés ouverts aux noms de personnes morales établies à l’étranger à savoir les comptes ouverts dans les livres de la LGT CM, NEUE CM, COMMERZBANK, DZ EA CM et CL CM et associés aux sociétés extra-territoriales REAL ESTATE FRENCH WEST INDIES ESTABLISHMENT, CN L, SA HIMOLA COMPANY CORP., SA BJ INVESTMENTS GROUP CORP. et UNICORN BUSINESS DEVELOPMENT SA et d’avoir converti, par ce moyen, le produit direct ou indirect de leur fraude fiscale par le truchement d’opérations de perception et transferts de fonds, d’acquisition et d’embellissement de biens mobiliers et immobiliers sis à Saint-J et au Maroc, pour un montant total des avoirs concernés évalué au minimum à 13.006.052 euros, l’ensemble de ces faits DN été EI, de manière EK, depuis au moins le 1er janvier 2007 et jusqu’à décembre 2014 en tout cas depuis temps non prescrit”. L’article 324-1 du code pénal dispose : “Le DO est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit DN procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un DO le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Le DO est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ”. L’article 324-2 du même code ajoute : “Le DO est puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende : 1° Lorsqu’il est EI EJ EK ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ; (…)”. L’article 1741 du code général des impôts énonce : “(…) quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit qu’il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 500 000 euros et d’un emprisonnement de cinq ans (…)”.

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Arguments de la défense La défense a rappelé que deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 11 septembre 2019 ont posé le principe que le délit de DO, qui s’exécutait en un trait de temps, constituait une infraction instantanée. Ainsi, la seule détention de fonds sur des comptes bancaires à l’étranger ne saurait caractériser le délit de DO de fraude fiscale. L’identification d’actes positifs de DO intervenus durant la période de prévention, soit du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2014, était nécessaire en vue d’établir la matérialité de l’infraction. La formulation “et depuis temps non prescrit”, apparaissant dans l’ensemble des préventions visées dans les ordonnances de renvoi, ne saurait selon elle étendre au-delà des dates précisément visées la période de prévention. Elle a soutenu que M. X n’était pas poursuivi au titre d’un DO de fraude fiscale EI en lien avec la villa “Serena”, cédée en 2002, ni en lien avec la CN FRONTENAC ou avec la société BELEC, puisqu’elles avaient été respectivement liquidées en 2000 et 2004, soit avant le début de la période de prévention. Selon elle, M. et Mme X n’étaient pas davantage poursuivis au titre d’un DO de fraude fiscale en lien avec l’acte d’acquisition de la villa “Pamplemousse” intervenu en 1997. Seules les opérations financières intervenues entre le 1er janvier 2007 et le 1er décembre 2014 sur les comptes bancaires de la société FWI, propriétaire de la villa, pourraient éventuellement être envisagées au titre d’un DO de fraude fiscale. Elle a ajouté qu’aucun fait en lien avec la société UNICORN ne pourrait être reproché aux prévenus. Le seul actif de cette société était un prêt consenti à la société FWI, initialement accordé par la CN L. Or la décision de transférer la créance de cette structure à la société UNICORN avait été prise en dehors de toute intervention de M. X, ainsi que le confirmait la société O. En outre, la prévention visait des actes de DO qui auraient été EI en déposant des revenus issus d’une fraude fiscale sur des comptes bancaires non déclarés, or la société UNICORN ne disposait d’aucun compte bancaire. Elle a affirmé que la loi du 27 février 2017, d’application immédiate, fixait un délai butoir de prescription de 12 ans pour les infractions dites occultes. Ainsi, tous les faits antérieurs au 24 octobre 2001 (délai de 12 ans calculé à compter des déclarations de M. BX V) seraient prescrits. En retenant que la fraude fiscale à l’origine du DO reconnu par M. et Mme X serait celle constatée par jugement du 13 septembre 2019, le tribunal correctionnel aurait fait une lecture erronée des faits, comme de la prévention. La fraude d’origine serait en réalité très ancienne, consistant en l’absence de déclaration d’actif successoral il y a plus de vingt ans et non la souscription de déclarations minorées en matière d’impôts sur le revenu entre 2009 et 2014 et l’absence de déclaration à l’ISF entre 2010 et 2015 sur lesquels portait la condamnation des prévenus pour fraude fiscale. Le DO serait quant à lui constitué par la conversion du produit de cette fraude. Elle a affirmé que le produit de la vente chez Christie’s en 2007 des meubles et bijoux de la mère de la prévenue avait permis à M. et Mme X d’avoir un train de vie supérieur à leurs revenus, et non ainsi que le considère la justice grâce à des “valises de billets”, ou de “comptes offshore introuvables”. Elle a rappelé que M. X avait toujours contesté être propriétaire de la villa “Dar Gyucy” située à E et avoir bénéficié d’une commission d’apporteur d’affaire de la part de M. CO AF.

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Mme X n’aurait eu aucune maîtrise des termes et des moyens choisis pour acquérir la villa “Pamplemousse”. Ceux-ci avaient été mis en place par M. CP U (Atlas Finances Services) et ses partenaires, sans que Mme Z X n’y soit associée. Elle a ajouté que ni le dossier d’instruction ni les débats n’avaient permis d’établir que Mme X aurait déposé, placé, dissimulé ou converti le produit d’une fraude fiscale via les comptes bancaires ouverts au nom des sociétés HIMOLA, BJ ou SCI Dar Gyucy, lesquels auraient servi à acheter et meubler la villa “Dar Gyucy”. Si des factures ponctuelles d’achats de meubles, choisis par l’intéressée pour la maison de E – comme elle a pu autrefois meubler la maison qu’avait louée le couple dans le Var – ont été réglées par la société HIMOLA, ce fut sans qu’elle n’en sache rien.

Analyse de la cour Sur la prescription et le périmètre de la saisine L’article 9-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à compter de février 2017, dispose que “(…) Par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise. Est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire. Est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte”. La cour rappelle que si par deux arrêts en date du 11 septembre 2019, la Cour de cassation a précisé que le délit de DO constituait une infraction instantanée, elle n’a pas exclu que des opérations répétées de dissimulation, de placement ou de conversion, portant en particulier sur des mêmes fonds, exécutées sur une longue période, puissent être considérées comme formant un tout indivisible, la prescription ne commençant alors à courir qu’à partir de la dernière opération. Il n’est pas contesté que le premier acte interruptif de prescription permettant l’engagement des poursuites dans la présente procédure est la déclaration de M. V du 24 octobre 2013. Les actes de dissimulation – occultes par nature – EI après le 24 octobre 2001 ne sont par conséquent pas prescrits, DN été EI moins de 12 années avant leur révélation. Les opérations de placement ou de conversion commises après le 24 octobre 2001 ne sont pas prescrites si elles ont été sciemment cachées et sont par conséquent des infractions dissimulées au sens de l’article 9-1 alinéa 5 du code de procédure pénale. Pour la période antérieure au 24 octobre 2001, la cour constate que M. et Mme X revendiquent être poursuivis pour des faits de DO de deux actifs successoraux, qui leur auraient été versés après le décès du père de M. X et de la vente de la société du père de Mme X. Les fonds litigieux ont fait l’objet d’opérations de placement sur les comptes des sociétés BELEC, HMF, L, ouverts respectivement en 1996, 2001 et 2003 à la LGT CM (Liechstenstein) et sur celui de la société FWI ouvert en 1997 à la NEUE CM (Liechtenstein).

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Ils ont été dissimulés depuis lors aux yeux de l’administration fiscale française par le transfert d’un compte de l’une des sociétés-écrans à celui d’une autre. Ils ont fait l’objet d’opérations de conversion notamment le 8 avril 1989 par l’achat du terrain de la villa “Serena”, par les travaux de construction de cette villa entre 1991 et 1993, et sa revente le 31 juillet 2002, ainsi que par l’achat de la villa “Pamplemousse” le 3 juin 1997. Ils ont donné lieu à des opérations de placement et de conversion par les virements réguliers tant pour l’entretien des villas que pour des motifs restés obscurs. Ces opérations de placement et de conversion – immobilières ou non – ont été sciemment cachées par l’utilisation de sociétés-écrans situées dans des “paradis fiscaux”. Les époux X n’apparaissaient nullement pour la propriété et la gestion de ces structures, qui avaient toutes des gérants nommément désignés. Ces opérations de placement et de conversion sont ainsi des infractions dissimulées au sens de l’article 9-1, alinéa 5 du code de procédure pénale. La cour constate que les actifs ont fait l’objet d’opérations successives qui forment entre elles un tout indivisible qui n’est par conséquent pas prescrit, le dernier fait DN été EI en 2014, soit postérieurement au premier acte interruptif. Les époux X eux-mêmes ont analysé ces opérations comme un ensemble indivisible, invoquant l’origine successorale de l’ensemble des fonds. Au vu de ces éléments, la cour considère que l’ensemble des opérations de DO, commises depuis au moins le 8 avril 1989 – date de l’achat du terrain de la Villa “Serena” – n’est pas prescrit. Toutes ces faits auraient pu être poursuivis s’ils avaient été inclus dans la période de prévention visée par l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ce qui n’est cependant pas le cas. La partie civile soutient que les faits non prescrits, antérieurs à 2007, font partie de la prévention. Elle rappelle que l’ordonnance de renvoi vise des faits EI : “depuis au moins le 1 er janvier 2007 et jusqu’au 31 décembre 2014 en tout cas depuis temps non prescrit » et elle vise expressément des faits de « conversion … au travers d’opérations … d’acquisition … de biens immobiliers à Saint-J … ”. Elle fait valoir que M. et Mme X ont été interrogés sur les faits antérieurs à 2007, longuement évoqués dans l’ordonnance de renvoi et dans le réquisitoire définitif, l’un et l’autre faisant référence aux villas “Serena” et “Pamplemousse”, et aux diverses sociétés-écrans (BELEC, HMF, CN L, FWI, etc.). Elle ajoute que devant le tribunal correctionnel, les prévenus n’auraient pas contesté l’étendue de la prévention, mais auraient seulement évoqué la prescription des faits anciens. La cour ne peut faire droit à cette argumentation. La prévention vise explicitement les faits EI du 1er janvier 2007 au mois de décembre 2014, même si la formule “ faits EI depuis au moins le … en tout cas depuis temps non couvert par la prescription” est ajoutée. La prévention exclut par conséquent les faits EI avant le 1er janvier 2007, notamment les actes de conversion constitués par les achats des villas “Serena” et “Pamplemousse”. La détention de cette dernière postérieurement au 1er janvier 2007 demeure toutefois le fondement d’une poursuite pour DO.

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Il ne pourrait en être autrement que si les prévenus avaient accepté expressément d’être jugés sur ces faits, ce qui n’a pas été le cas, même s’ils ont estimé à tort en première instance que ces faits étaient inclus dans la prévention.

Sur le délit primaire de fraude fiscale L’infraction de DO étant une infraction de conséquence, il incombe à la cour de rechercher, premièrement, l’existence des fraudes fiscales, délits d’origine. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l’article 324-1 du code pénal n’impose pas que le délit d’origine ait donné lieu à une condamnation, ni même que des poursuites aient été AU engagées du chef de ce délit, ni enfin que ce délit ne soit pas prescrit. D’autre part, il a été décidé que ce texte était applicable à l’auteur du DO d’une infraction qu’il a lui-même commise, s’agissant d’une conséquence du caractère distinct et autonome du délit de DO. En l’espèce, les fraudes fiscales dont les produits directs ou indirects ont été blanchis par les époux X résultent de la non-déclaration des sommes perçues et déposées, tant avant 2007 que depuis lors, sur des comptes bancaires détenus à l’étranger, eux-mêmes non déclarés. Le délit primaire est constitué par l’absence de déclaration par M. X des sommes détenues en Suisse, qui proviendraient selon lui de la succession de son père, DN servi à l’acquisition de la villa “Serena” en 1989 puis, après la revente de celle-ci en 2002, à l’embellissement et à l’entretien de la villa “Pamplemousse”. Il ressort des investigations les éléments suivants, contredisant l’origine exclusivement successorale des fonds : L’examen des comptes bancaires ouverts par M. X à la BANQUE GENERALE DU COMMERCE (ci-après BGC), révélait trois encaissements entre le 22 août 1989 et le 05 mars 1991 d’un montant total de 31 505 000 francs, représentant le prix de cession à la société CR CS de 49 % des titres d’une société, LAINE ET SOIE RETY (ci- après RETY), société dont M. X et son frère AR avaient hérité de leur père. Une instruction avait été ouverte à Paris le 1er juin 1999 des chefs d’abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux à l’encontre de M. X. Des experts désignés par le magistrat instructeur s’étaient interrogés sur la réalité de la vente des actions au prix déclaré du fait que : – l’activité de la société était structurellement déficitaire entre 1989 et 1992, – en 1994, les autres actionnaires ont cédé leurs titres pour un franc , – la société a déposé son bilan le 19 juillet 1996. Les pertes enregistrées de 1989 à 1992 s’élevaient à 21.441.000 francs alors que le droit au bail valait 20 millions de francs. Autrement dit, les pertes couvraient intégralement la valeur du droit au bail. AR X a confirmé que la société connaissait de graves difficultés. Le fonds a été cédé en mai 1992, les banques ont abandonné leurs créances à hauteur d’un million de francs. Après la cession du fonds, la société est devenue une coquille vide jusqu’à sa cession en 1994 pour un franc symbolique. Il a ajouté que CR CS ne s’était jamais fait représenter lors des assemblées générales et qu’il n’avait jamais eu affaire à aucune personne physique, de sorte que le supposé investisseur de 31,5 millions de francs se serait dès le départ désintéressé de son placement. CR CS qui avait acheté les titres de la société plus de 30 millions de francs devait les céder, comme les autres actionnaires de RETY, pour 1 franc symbolique en 1994, ce qui confirmait que ces titres n’avaient aucune valeur.

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CR CS avait depuis 1965 son siège social à Zurich et était représentée par M. AS. Le 27 février 1997, son siège social était transféré à Baar. Les enquêteurs constataient sur place que sa domiciliation correspondait à la maison habitée par M. AT, devenu gérant. Aucune plaque ou boîte aux lettres au nom de la société n’y figurait. D’après le bureau d’enregistrement de la population de Baar, M. AT demeurait à cette adresse depuis le 28 mars 1980. Il n’y avait jamais eu de ligne téléphonique au nom de la société CR CS, ni immatriculation de véhicule. Les virements DN crédité le compte BCG de M. X du montant de la vente provenaient de : -la société LISTIME Ltd. sise à Londres et représentée en Suisse par Monsieur AT. AU, la même somme avait été virée sur le compte de LISTIME par la Banque du Liechtenstein à Vaduz sur ordre de la société LECAYA (Liechtenstein), -la société CR CS représentée par Monsieur AT. CR CS avait reçu AU un virement de montant équivalent de LECAYA avec la référence « pour les actions RETY selon contrat 17.01.1991 ». La société LECAYA avait par conséquent financé entièrement l’achat des actions RETY. Le compte de LISTIME à l 'UBS Lucerne était géré par MM. CT AT et EB CP U. Toutefois, les deux commissions rogatoires internationales délivrées le 7 mars 2002, l’une aux autorités du Liechtenstein et l’autre aux autorités helvétiques, afin d’obtenir des informations à propos de la société LECAYA étant revenues non exécutées, un non-lieu était rendu le 3 décembre 2003. Entendu dans le cadre de la présente procédure, M. V déclarait : “Durant les années 87 à 94, j’ai effectué des voyages à l’étranger pour le compte de A X et j’ai ainsi déposé des sommes d’argent en espèces dont j’évalue le montant global entre 7 et 10 millions de francs sur un compte ouvert au nom de LECAYA Anstalt Vaduz à la banque IN Liechtenstein dans son établissement de Zurich. Ces sommes m’étaient remises par de très grandes entreprises des BTP dont les sociétés de M. AV (OGER International) et la SAE (Société Auxiliaire d’entreprises). Ces sommes correspondaient à des aides destinées au RPR des Hauts de Seine (…) A l’époque, A X occupait dans les Hauts de Seine un poste stratégique et était considéré comme le trésorier officieux du RPR. J’étais en quelque sorte le sous-trésorier. La SAE s’assurait d’un regard bienveillant du RPR des Hauts de Seine. Cette entreprise comme d’autres était intéressée par la passation des marchés publics notamment dans les Hauts de Seine. Cela dépassait largement le cadre de l’Office des HLM, affaire dans laquelle j’ai été condamné. Il faut savoir en effet qu’il y avait plusieurs sociétés d’économie mixte dans le département, contrôlées par le RPR. Il existait, par exemple, à Levallois la SEMARELP en charge de l’ensemble de l’immobilier. Elle a eu pour directeur général M. AW de Coster de 1983 à 1995, nommé par P. X (…) je transportais ces espèces à Zurich dans des avions privés. (…) Question : Qui vous a donné les références du compte de Zurich? Réponse : A X”. M. V remettait aux juges d’instruction des documents bancaires de l’établissement de Zurich de la banque IN Liechtenstein relatifs à la société LECAYA à l’appui de ses déclarations. M. X n’apportait aucune explication permettant de contredire les résultats des investigations et les déclarations de M. V.

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Ainsi, il apparaissait que la “vente des actions RETY” avait permis à M. X de faire revenir de Suisse, avec une apparence de légalité, grâce à l’intervention de la société- écran liechtensteinoise LECAYA, une somme de 31.505.000 francs entre le 22 août 1989 et le 5 mars 1991 qui avait été AU placée en Suisse et ne pouvait représenter la contre-valeur des actions RETY. M. X a déclaré : “Les fonds provenant de la vente de mes parts sont revenus en France en trois virements de 11 millions de Francs français chacun crédités sur mon compte CCF de Levallois. A la même époque, M. AX étant ministre des finances et une amnistie DN été décidée, j’ai en même temps fait revenir en France, sur mon compte BGC ouvert rue Marbeuf, une somme importante que j’avais reçue de mon père sur ses avoirs en Suisse. L’Etat a prélevé les droits de l’époque auprès de ma banque et a délivré à la Banque BGC un quitus fiscal. Cela représentait plusieurs millions de francs. J’ai utilisé cet argent pour acheter un appartement à Levallois que nous avons revendu par la suite lors de ma séparation avec mon épouse AY. J’ai aidé mes enfants à acheter chacun un appartement qu’ils ont revendus depuis. Question : Avez-vous lors de cette amnistie rapatrié l’ensemble des avoirs que vous avez reçus de votre père? Réponse : Je n’ai rapatrié que ce qui était liquide. Avec l’argent de mon père que j’ai rapatrié de Suisse, j’ai financé les travaux de Giverny, sous déduction des droits prélevés par le fisc lors du rapatriement. J’ai acheté le terrain sur lequel a été construit la villa “Serena” en 1989 avec l’argent que m’avait laissé mon père en Suisse. (…) J’ai acheté ce terrain et financé les travaux avec des avoirs de mon père en Suisse qu’il détenait sous forme d’actions”. Contrairement aux déclarations du prévenu, les sommes reçues lors de la “vente RETY” n’ont pas été versées sur le compte du CCF de Levallois mais sur le compte ouvert à la banque BGC dont son cousin par alliance, M. EG-BY BP, était directeur avant d’être nommé directeur général de la SEMARELP en 2001, date à laquelle il a été remplacé par M. AD. La cour constate que M. X n’a fourni aucune pièce prouvant l’existence de fonds détenus par son père en Suisse. Il allègue avoir rapatrié une partie de ces fonds dans le cadre de l’amnistie dite “AX” sans pouvoir fournir la moindre preuve, que ce soit un récepissé ou quitus fiscal, prétendument perdu, ou la copie des comptes bancaires de l’époque. Les fonds blanchis dont il a disposé depuis 1989 ont par conséquent une origine presque entièrement indéterminée. Le terrain de la villa “Serena” a été acheté le 8 avril 1989 pour un prix de 1.294.472,50 francs par la société BELEC qui a fait construire la villa et l’a revendue le 31 juillet 2002 pour la somme de 3.584.000 euros. M. X a reçu sur le compte de la société BELEC en 2001 des fonds d’origine indéterminée pour un montant total de 622.000 euros (avec mention “héritage de la mère du mandant”) et 260.600 dollars. Ces sommes ont été dissimulées à l’administration fiscale. Mme X a reconnu ne pas avoir déclaré la somme de 10 millions de francs que son frère et sa soeur lui ont versée en 1995 sur le compte de la société FWI dont elle était bénéficiaire économique, ouvert au Liechtenstein à la NEUE CM, dont une partie (3,5 millions de francs) lui a permis d’acquérir la “ Pamplemousse” le 3 juin 1997.

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Elle a reconnu ne pas avoir davantage déclaré la somme de 259.553 francs suisses provenant de la vente d’un bijou de famille, versée par son frère le 22 mars 2011 sur le même compte. L’absence de déclaration des sommes provenant de la location de la villa “Pamplemousse” constitue également une fraude fiscale. La fraude fiscale dont le produit direct ou indirect a été blanchi par les époux X porte également sur les sommes perçues de M. AF sur le compte de la société panaméenne HIMOLA, courant 2009, pour un montant total de près de 5 millions de dollars, ainsi que sur les sommes DN abondé le compte ouvert à l’CL CM au nom de la SCI Dar Gyucy, de diverses provenances, dont des versements en espèces. Le délit primaire est également caractérisé par la non-déclaration des fonds versés par les sociétés égyptiennes DW et DD DE respectivement les 10 juin, 27 octobre et 17 novembre 2009 DN servi à payer devant le notaire la partie officielle du prix d’achat de la villa “Dar Gyucy” à son propriétaire M. W. La cour note par conséquent que les faits de fraude fiscale à l’origine du DO ne sont pas tous aussi anciens que Mme X le soutient. M. X conteste avoir reçu des sommes de M. AF, bénéficié de sommes provenant des sociétés DW et DD DE et avoir été propriétaire de la “ Dar Gyucy”. Toutefois, par arrêt définitif du 4 mars 2020, la cour d’appel de Paris n’a pas retenu ses dénégations et a confirmé la déclaration de culpabilité des époux X du chef de délit de fraude fiscale EI à Giverny et Levallois-Perret, sur le territoire national, entre 2009 et 2015 pour avoir notamment dissimulé à l’administration française être bénéficiaires économiques des sociétés BJ et HIMOLA et être propriétaires de la villa “Dar Gyucy” à E.

Sur les actes de dissimulation, conversion et placement L’instruction a établi l’existence de sociétés-écrans dont les bénéficiaires économiques uniques étaient les époux X. Ces structures détentrices, sauf UNICORN, de comptes bancaires non déclarés, leur ont permis de dissimuler les sommes DN servi notamment à l’accroissement et l’embellissement de leur patrimoine immobilier. La gestion des sociétés et fondations L (Liechtenstein), UNICORN (Seychelles) et FWI (Liechtenstein) a été confiée par les époux X à la fiduciaire suisse O représentée par M. U et celle des sociétés panaméennes BJ et HIMOLA à la fiduciaire suisse BL représentée par M. AB. M. et Mme X étaient les bénéficiaires économiques de l’ensemble des structures. Le 16 décembre 2009, les comptes des sociétés L et FWI, ouverts respectivement dans les livres de la LGT CM (Leichtenstein) et la NEUE CM (Liechtenstein) recevaient deux virements de la société HMF, qui était liquidée. Le 4 juin 2013, la CN UNICORN était créée. Le 20 décembre 2013, la société L cédait sa créance de 2 062 873 euros sur FWI à la CN UNICORN. Ainsi, même en ne détenant pas de compte bancaire, la CN UNICORN participait aux opérations de DO en permettant aux époux X de rendre encore plus opaque le versement antérieur de la somme précitée à FWI.

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M. X soutient qu’il ignorait l’existence de la CN UNICORN. La cour ne pourra retenir cette dénégation, le mandat de fiducie en vue de la constitution de la CN, signé de sa main, DN été confié en nom propre par l’intéressé à la société liechtensteinoise INDUSTRIE UND FINANZ KONTOR. Par ailleurs, courant 2009, M. X mandatait indirectement – par l’intermédiaire de M. AD assisté de Maître AE – la fiduciaire suisse BL représentée par M. AB afin de créer les sociétés de droit panaméen BJ et HIMOLA. BJ disposait d’un compte à l’CL CM de E. HIMOLA disposait de deux comptes à Singapour, le premier à la COMMERZBANK, le second à la STANDART EA CM. En juin 2009, M. AF versait 5 millions de dollars sur le compte ouvert à la COMMERZBANK . Le compte de la COMMERZBANK était clôturé le 6 août 2010 par un virement de 188.069 dollars effectué au profit de celui ouvert à la STANDART EA CM. BJ procédait le 20 juillet 2009 à la création de la SCI Dar Gyucy et lui faisait ouvrir un compte à l’CL CM de E. Les virements sur les comptes des sociétés HIMOLA et BJ étaient des opérations de placement sciemment cachées par les époux X à l’administration fiscale par la création de sociétés off-shore administrées par des prête-noms et sont par conséquent des infractions occultes. Les transferts de fonds d’un compte à l’autre ont constitué des opérations de dissimulation. En effet, le résultat de ces transferts a été de masquer l’identité des bénéficiaires des comptes, M.et Mme X, par le recours à des sociétés-écrans et des comptes bancaires situés au Liechtenstein et au Panama.

Ces sociétés-écrans ont permis aux époux X d’acquérir la villa “Dar Gyucy” et d’entretenir leur patrimoine immobilier sis à Saint-J et à E. La villa “Pamplemousse” a fait l’objet d’importants travaux, financés notamment par des virements effectués sur le compte de la société FWI par la CN L : 31.000 dollars, 101.000 euros et 101.753 francs suisses du 1er janvier 2007 au 25 janvier 2011. Du mois de janvier 2007 au mois de mai 2013, la société FWI a versé 204.865 euros et 144.085 dollars à l’agence CARIMO chargée de l’entretien et de la location de la villa “Pamplemousse”. M. X a remis également des espèces à l’agence CARIMO, notamment 30.000 euros le 15 juillet 2008 et 15.000 euros le 30 août 2012. La somme totale de 378 692 dollars était versée par les locataires de la villa de 2010 à 2012. La SCI Dar Gyucy détenue par la société BJ a acquis le 8 janvier 2009 la villa “Dar Gyucy” qui appartenait à M. W grâce à des versements sur le compte du notaire : un virement de 193.141,50 dollars le 10 juin 2009, provenant de la société DW, et deux virements de 2.999.969,20 dollars le 27 octobre 2009 et 1.399.969,20 dollars le 17 novembre 2009, provenant de la société DD DE.

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La somme de 3,5 millions de dollars a été virée du compte de la société HIMOLA à la COMMERZBANK le 6 janvier 2009 directement sur le compte libanais du vendeur de la villa “Dar Gyucy” en complément du prix d’achat (“dessous de table”). Tous ces flux constituaient des opérations de placement et de conversion parfaitement occultes, cachées à l’administration fiscale par la création de structures off-shore, de prête-noms et d’intermédiaires permettant aux époux X de posséder, entretenir et percevoir les fruits de villas luxueuses à Saint-J et à E.

D’autres flux de devises ont également été enregistrés dans ces différents comptes. M. CU CV, titulaire de marchés publics conclus avec la ville de Levallois-Perret, a versé à CARIMO 30.000 dollars le14 mars 2011 puis 31.684 dollars le 29 juin 2011. Il a expliqué avoir eu le projet de louer la villa “Pamplemousse” mais finalement avoir décidé de ne pas partir en vacances, avant même d’avoir envoyé les arrhes à CARIMO. Il n’a pas réclamé de remboursement. La société UNION EUROPA ISRAEL INVESTMENTS dont M. CU CV était co- dirigeant a versé 50.000 euros le 7 juillet 2010 à la SCI Dar Gyucy. La même SCI a reçu un virement de10.000 euros le 11 août 2010 de la société CV CW CHALOM de M. CW CV, frère de M. CU CV. M. CU CV a déclaré que Mme AC, qu’il ne connaissait pas auparavant, lui avait proposé un investissement à E. Il avait accepté et proposé à son frère de s’associer avec lui, ce que ce dernier a confirmé. Il ne pouvait expliquer pourquoi les fonds avaient été versés sur le compte bancaire de la SCI Dar Gyucy. Il n’avait plus eu de nouvelles de Mme AC par la suite mais ne l’avait pas relancée. La cour s’interroge sur l’objet réel de ces contributions à l’entretien des deux villas, de E en 2010 et de Saint J en 2011, à hauteur de près de 100.000 euros, sans aucune contrepartie, par un entrepreneur en lien d’affaire avec la ville de Levallois-Perret. Ces opérations de placement ont été réalisées en toute opacité. Le compte bancaire de la société FWI a également été débité par de nombreux virements au profit des sociétés O et KIMAR au cours de la période, correspondant à la rémunération des gestionnaires de fortune, qui étaient autant d’opérations de conversion parfaitement dissimulées : – 99.756,85 francs suisses étaient versés du 9 février 2010 au 16 octobre 2012 à O, – 1.8913,35 francs suisses étaient versés à KIMAR de décembre 2010 à septembre 2012. Le compte de la société HIMOLA était débité des montants suivants : – 8.716 dollars soit l’équivalent de 6.090 euros et 58.522 dollars, soit l’équivalent de 41.000 euros, le 24 juillet 2009 en faveur de Via Notti et Moon Garden, pour l’acquisition de meubles à E par Mme X. – 91.270 dollars soit l’équivalent de 60.000 euros, le 2 décembre 2009, en faveur de la SCI Dar Gyucy sur son compte ouvert à l’CL CM à Casablanca. Ces opérations sont une preuve de plus des liens entre la société HIMOLA et la SCI Dar Gyucy détenue par la société BJ. – 182.939 dollars le 15 janvier 2010 sur le compte suisse de M. AI, agent immobilier intervenu pour l’achat de la villa “Dar Gyucy”. Ce paiement corrobore les déclarations de M. AI selon lesquelles les époux X avaient négocié avec son assistance l’achat de la villa “Dar Gyucy”, – 250.000 dollars le 24 juillet 2009 en faveur de M. AZ agent immobilier résidant à Saint-Domingue, au titre d’une commission rétroactive, selon l’ordre de virement,

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—  250.000 dollars au crédit du compte le 10 août 2009 (opération qui pourrait annuler la précédente), -250.000 dollars le 14 septembre 2009 sur le compte au Panama de M. AZ. M. AZ, entendu à Saint Domingue sur commission rogatoire internationale, a déclaré bien connaître M. X. Il a expliqué s’être rendu en Centrafrique lors des discussions entre le président Bozizé et M. AF dans le dossier Uramin à la demande du président Bozizé. Il s’y est rendu 3 fois. M. X était présent la première fois. Il s’est aussi rendu avec M. X en Namibie à l’occasion d’un déplacement en Afrique du Sud pour y rencontrer M. BA. Il a reconnu avoir déjeuné avec l’ancien président de Namibie et M. X, ainsi que cela apparaît sur l’une des photos remises par M. AF. Les virements en sa faveur à partir du compte dont les époux X étaient bénéficiaires confortent les affirmations de M. AF sur la participation de M. X à la négociation de l’achat de la société FORSYS. L’ensemble de ces versements constituait également des opérations de placement, dissimulation et conversion parfaitement occultes. M. et Mme X ont toujours nié avoir été bénéficiaires économiques des sociétés BJ et HIMOLA. Ils ont en revanche fini par admettre les faits de DO de fraude fiscale en lien avec la villa “Pamplemousse”, ainsi que le rôle de leur gestionnaire de fortune, M. U, dirigeant de la fiduciaire suisse O, chargé de la création et de la gestion des structures. Lors de son interrogatoire du 5 octobre 2016, M. X a reconnu avoir été l’DN-droit des sociétés-écrans L et UNICORN. “J’ai l’impression que les dirigeants d’O (M. U), qui avaient le mandat, aimaient beaucoup jouer les vases communicants et changer de sociétés, je ne sais pas pourquoi, peut-être pour gonfler leurs honoraires. J’ajoute néanmoins, Monsieur le Juge, que vous vous étonnez devant une cascade de sociétés alors qu’il s’agit d’une société qui remplaçait une autre”. Mme X a avoué être la bénéficiaire économique de la société FWI et de son compte bancaire. “C’est une société propriétaire d’une maison qui encaisse des loyers et paye les frais d’entretien (personnel, jardinage, travaux, impôts)”. A la question de savoir si son mari était au courant de l’existence de ce compte elle répondait : “Oui, évidemment. Il l’a su a posteriori car à l’époque nous étions séparés”. La cour rappelle que cette séparation a duré un an, en 1995. Cette déclaration venait contredire l’affirmation de M. X selon laquelle, au mépris de toute vraisemblance, il ignorait être bénéficiaire de la société FWI – et donc propriétaire de la villa “Pamplemousse” – structure au bénéfice de laquelle il a autorisé de nombreux versements en provenance de L et dont il a reçu des virements, notamment le 26 mai 2014, pour un montant de 35.000 francs suisses en faveur de O pour « avance honoraires pour le compte d’UNICORN ». Mme X a reconnu l’intervention de Monsieur U et la société O dans la gestion de la société FWI : “J’imagine que cet argent a été remis sur le compte de la fiducie FWI, je crois. J’ai un correspondant dans cette fiducie. Je l’ai eu une fois par an au téléphone. Il est à Zug en Suisse. Il s’appelle EB CP U. Il est retraité. QUESTION : Qui s’est occupé de la création de la fiducie FWI ? REPONSE : Mon frère et/ou ma sœur car ils résident tous les deux en Suisse, ou leurs chargés d’affaires ou mandataires”.

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Mme X affirme que ses frère et soeur auraient exigé que l’administration fiscale française n’ait pas connaissance de leur donation de 10 millions de francs français en 1995 et du versement sur le compte de FWI de la somme de 259.553 francs suisses en mars 2011. Ils lui auraient présenté M. U et elle n’aurait eu aucune maîtrise des termes et des moyens choisis pour acquérir la villa “Pamplemousse” par ce dernier. La cour ne peut accorder foi à ces arguments, la prévenue n’expliquant pas pourquoi sa fratrie, qui a quitté la France pour la Suisse et qui n’y a plus d’avoirs depuis 20 ans et n’a par conséquent rien à craindre de l’administration fiscale française, aurait exigé que la somme donnée soit cachée à celle-ci. De plus, son frère M. EG-AE BP a démenti avoir choisi le compte sur lequel les fonds devaient être versés et lui avoir présenté M. U : “ Nous avons versé 5 millions chacun à notre soeur Z. Cet argent lui a été versé par virement bancaire mais je n’ai plus le souvenir de comment et sur quel compte, si ce n’est que c’est elle qui nous l’a désigné et qu’il n’était pas en France (…) Je ne me souviens plus si O est intervenue dans le versement des 10 millions (…) je suis par contre certain que nous ne lui avons pas présenté cette fiduciaire”. En revanche M. U était déjà le gestionnaire de fortune de son mari depuis de nombreuses années, DN déjà été l’artisan de la création de la société BELEC le 21 mai 1986 et du rapatriement des sommes de la “vente RETY”par les trois virements de 1989 à 1991. La cour considère qu’il avait été ainsi présenté à Mme X bien avant le versement de 10 millions de francs par sa famille. A minima durant la période de sept ans visée par la prévention, les époux X ont eu la libre disposition de la villa “Pamplemousse”, l’ont occupée, entretenue, louée. Pour cela ils ont effectué de nombreux virements à partir des comptes des sociétés L et FWI. M. X a autorisé les virements de la société L vers la société FWI ainsi que le “prêt sans intérêts” de 2.062.873 euros à cette société, créancière de ce fait de la CN L de 2009 à 2013, puis de la CN UNICORN. Mme X a sciemment donné son accord pour que l’entretien et la perception des loyers de la villa “Pamplemousse” soient parfaitement opaques grâce à la société-écran liechtensteinoise FWI, représentée par un prête-nom M. Q, gérée par la société KIMAR de même nationalité, sous la supervision de la fiduciaire suisse O. La gestion de la villa a été entourée de ces précautions d’anonymat jusqu’à sa saisie dans la présente procédure. En 2009 les époux X ont acquis la villa “Dar Gyucy” et ont opéré de nombreux virements à partir des comptes des sociétés HIMOLA et BJ. Mme X n’explique pas comment elle aurait pu débiter le compte d’HIMOLA pour acheter des meubles au Maroc “sans qu’elle n’en sache rien”. Lors de la perquisition menée au bureau de Mme X à la SEMARELP, des documents personnels de Mme AC, gérante de la SCI Dar Gyucy, disposant d’une procuration sur le compte bancaire de cette structure, étaient découverts, attestant de la connaissance, voire de la proximité, des deux femmes. En outre, d’autres indices de propriété véritable des époux X étaient recueillis avec les témoignages de salariés DN réalisé des prestations pour la SCI, et les interceptions téléphoniques sur la ligne de Mme X.

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La cour retiendra la circonstance aggravante de DO EI de manière EK, les faits de dissimulation DN eu lieu en continu des années 2007 à 2014 et les faits de placement et conversion DN été EI à un rythme soutenu pendant l’ensemble de la période. La cour considère que la culpabilité des prévenus doit être déclarée en des termes identiques. M. et Mme X constituent un couple au sens fiscal. Le DO des fraudes fiscales les concernait par conséquent autant l’un que l’autre. En outre, depuis le 8 juillet 2004, M. X était bénéficiaire économique de WFI, propriétaire de la villa “Pamplemousse”, comme Mme X était, au côté de son mari, bénéficiaire du compte de la CN L et utilisait le compte de la société HIMOLA, ce qui a été démontré par les achats de meubles pour la villa “Dar Gyucy”. Vivant ensemble, les deux époux ont profité pleinement des villas de St J et du Maroc et ont contribué en commun à leur entretien. Ils avaient le même intérêt dans la dissimulation des fonds. La cour confirmera par conséquent la déclaration de culpabilité de M. A X et de Mme Z BP épouse X pour l’ensemble des faits de DO de fraude fiscale EI EJ EK reprochés du 1er janvier 2007 au mois de décembre 2014.

Sur la prise illégale d’intérêt Arguments de la défense La défense a soutenu que les faits visés du chef de prise illégale d’intérêt étaient identiques à ceux poursuivis du chef de corruption passive. Dans les deux cas, il serait finalement reproché à M. X d’avoir bénéficié de voyages en avion privé et de fonds destinés à une acquisition immobilière, ces avantages DN été consentis en échange de délais de paiement favorables accordés dans le cadre de l’opération dite des “Tours de Levallois”. Selon elle, la relaxe définitive dont a bénéficié M. X du chef de corruption empêche que ces mêmes faits soient examinés de nouveau ou “requalifiés” sous l’angle du délit de prise illégale d’intérêt, en raison du principe ne bis in idem. Elle a ajouté que le délit allégué de prise illégale d’intérêt imputé à M. X ne serait pas caractérisé. L’ensemble des interlocuteurs de la SCRIM et de la SEMARELP, M. X compris, DN entrepris de multiples diligences pré-contentieuses et contentieuses afin que le groupe MBI/JJW, dirigé par M. CD CE, respecte les engagements contractuels pris dans le cadre de cette opération immobilière. Selon elle, aucun délai de paiement qui ne relèverait pas de considérations juridiques et économiques justifiées n’aurait été accordé par les intervenants de la SCRIM et de la SEMARELP dans le cadre de l’opération “Tours de Levallois”. S’agissant des avantages prétendument perçus par M. X, elle a soutenu que seul le voyage en date du 3 mai 2009 organisé par M. BB avait eu lieu, étant précisé que l’avion, dont le coût de déplacement n’était pas forcément supérieur au coût du maintien au sol, devait se rendre au Canada pour effectuer une révision générale. M. X n’aurait pas bénéficié d’autre vol dans le jet privé de M. CD CE, ainsi que le démontre l’examen du tableau établi par la direction de l’aviation civile.

Analyse de la cour Il est reproché à M. X d’avoir, “à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, de janvier 2009 à avril 2010, en tout cas depuis temps non prescrit, étant maire

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de Levallois-Perret, à ce titre dépositaire de l’autorité publique, et président de la SA SEMARELP, à ce titre chargé d’une mission de service public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une opération en lien avec le projet de construction des Tours de Levallois, attribué aux sociétés du groupe MBI dirigé par BT CD CE, dont il avait, au moment de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration, l’intérêt consistant en l’espèce en l’octroi d’avantages personnels par le promoteur immobilier, notamment des voyages en jet privé et des fonds destinés à l’acquisition de la villa “Dar Gyucy” à E”. L’article 432-12 du code pénal dispose : “Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (…)”.

Sur la règle ne bis in idem Il avait été reproché à M. X d’avoir EI l’infraction de corruption passive, à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national et au Maroc, de janvier 2009 à avril 2010, en tout cas depuis temps non prescrit, “pour avoir, étant maire de la commune de Levallois-Perret, à ce titre investi d’un mandat électif public et dépositaire de l’autorité publique, et président de la SA SEMARELP, à ce titre chargé d’une mission de service public, sollicité ou agréé sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour lui-même ou pour autrui, en l’espèce en bénéficiant de voyages en jet privé, de présents et de fonds destinés à financer l’acquisition d’une villa à E de la part du promoteur immobilier BT CD CE à travers les sociétés DW for DX Co (Egypte) et le courtier DD DE, pour accomplir ou avoir accompli un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, en l’espèce en faisant accorder des délais de paiement et des reports d’échéances par la SA SEMARELP et sa filiale la SARL SCRIM, aux sociétés dirigées par BT CD CE dans le cadre du projet immobilier Tours de Levallois”. L’article 432-11 du code pénal dispose : “Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui : 1 ° Soit pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat (…)”. M. X a bénéficié d’une relaxe du chef de corruption passive par jugement du 18 octobre 2019. Cette décision est définitive, le ministère public ne l’DN pas incluse dans le périmètre de son appel. La cour rappelle que les faits de corruption passive et de prise illégale d’intérêt sont différents et ne procèdent pas de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable, condition nécessaire pour l’application du principe ne bis in idem au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet les éléments constitutifs des deux délits de corruption passive et de prise illégale d’intérêt ne sont pas semblables.

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L’élément matériel est différent : Celui constituant la prise illégale d’intérêt ne nécessite pas la démonstration d’un pacte de corruption entre M. X et M. CD CE pour que le premier fasse accorder des délais de paiement et des reports d’échéances par la SA SEMARELP et sa filiale la SARL SCRIM, aux sociétés dirigées par BT CD CE dans le cadre du projet immobilier Tours de Levallois, en contrepartie d’un avantage sollicité ou agréé. S’agissant de l’acte de prise d’intérêt, l’article 432-12 vise le fait “de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque…”. Seule est requise la démontration que M. X a reçu et/ou conservé un intérêt – en l’espèce matériel et personnel – de l’opération “Tours de Levallois”. Aucune décision, aucune faveur accordée au promoteur n’est à rechercher. L’intention coupable est différente : En matière de corruption, au dol général, correspondant – pour l’agent public – à la conscience d’agir en violation de son devoir de probité, il faut ajouter un dol spécial consistant en la volonté d’obtenir un avantage déterminé. S’agissant du délit de prise illégale d’intérêt, il n’y a pas de dol spécial à démontrer mais seulement un dol général. Il suffit que l’agent ait accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit. Le principe ne bis in idem en cas de concours d’infraction n’a par conséquent pas lieu de s’appliquer en l’espèce et la culpabilité de M. X pour les faits de prise illégale d’intérêt pourra être recherchée malgré la décision de relaxe dont il a bénéficié du chef de corruption passive.

M. X était une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. La cour rappelle que M. X était le maire de la commune de Levallois-Perret et à ce titre personne dépositaire de l’autorité publique, titulaire d’un mandat électif. Il était également le président de la SEMARELP et à ce titre, personne chargée d’une mission de service public à la date des faits.

M. X avait la charge d’assurer la surveillance de l’opération “Tours de Levallois”. La SEMARELP est une société d’économie mixte en charge de l’aménagement de la ville de Levallois Perret, en particulier de la ZAC du Front de Seine. La commune détient 80 % de la SEMARELP. La SEMARELP et la SCRIM – sa filiale à 100 % qui détenait la totalité des actions composant le capital social de la Société “Tours de Levallois” – ont confié au groupe MBI dirigé par M. CD CE la construction des Tours de Levallois. Le 18 août 2009, la SEMARELP vendait le terrain et les droits à construire de la SAS Tours de Levallois à la société JJW immobilier du groupe MBI de M. CD CE pour un prix de 243.640.800 euros, à verser en cinq échéances. M. X, maire et président du conseil d’administration de la SEMARELP, avait un pouvoir de surveillance de l’opération. Au demeurant, M. X est intervenu directement dans le projet immobilier “Tours de Levallois” dans le cadre duquel La SEMARELP et la SCRIM ont confié au groupe

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MBI dirigé par M. CD CE la construction des Tours de Levallois. Il prenait les décisions essentielles. Par courrier du 28 octobre 2009, il écrivait à M. CD CE : “(…) en conséquence, je tenais à vous faire part de l’attention toute particulière que je porte au bon déroulement de cette opération qui, tant par son envergure que par son prestige, suscite attentes et intérêts qui dépassent largement le simple cadre de notre ville. Ainsi je vous remercie par avance de bien vouloir veiller au respect des engagements souscrits le 18 août dernier, lors de la signature de l’acte authentique de cession du terrain d’emprise des Tours de Levallois. A ce titre, j’ai été au regret de constater que vos lettres du 23 septembre 2009 n’avaient, à ce jour, pas fait l’objet d’une parfaite exécution notamment au titre de l’échéance du 5 octobre dernier. Aussi, je compte cordialement mais fermement sur votre soutien et votre autorité afin d’éviter toutes difficultés lors des échéances des 5 novembre et 30 novembre prochains aux fins d’éviter de porter atteinte à la réalisation dans les termes convenus de l’opération engagée (…)”. Le 4 décembre 2009, il écrivait à nouveau à M. CD CE : “ (…) vous indiquez être dans l’obligation de nous proposer un report de l’échéance financière du 30 novembre 2009 au 10 janvier 2010, et ce, alors que je viens d’apprendre que celle du 5 novembre n’a pas été honorée. Je me permets de vous rappeler ma lettre du 28 octobre 2009 à l’occasion de laquelle j’avais accepté une nouvelle fois le report des échéances convenues dans les engagements souscrits le 18 août 2009, en insistant sur l’importance que devait revêtir le respect de ces nouvelles échéances, dès lors et au surplus que, dans l’intervalle, le permis de construire modificatif déposé à votre demande était devenu définitif. J’avais d’ailleurs noté que votre demande de report d’échéance était consécutive au dénouement d’opérations financières qui, pour des raisons d’ordre purement techniques, devait intervenir dans les jours suivant I’échéance du 5 octobre 2009, elle-même initialement fixée au 15 septembre 2009. Les raisons invoquées dans votre dernier courrier diffèrent substantiellement et ne me semblent avoir aucun lien avec l’objet de l’échéance dont le report est aujourd’hui demandé. Au regard de la volonté que nous avons toujours démontrée de mener à bien cette réalisation conformément aux accords passés, vous comprendrez que je suis dans l’obligation de demander à mes services d’apprécier les conséquences de votre nouvelle demande de report (…)”. Le 18 décembre 2009, M. CD CE lui répondait : “Monsieur le Maire et CX CY, Je fais suite à votre lettre du 4 décembre et vous confirme, ma volonté de maintenir notre partenariat en vue de mener à bien le projet de développement des Tours de Levallois, projet qui nous tient beaucoup à coeur. Cet engagement maintenu et renouvelé, malgré des conditions de marché particulièrement difficiles, se traduira notamment par un versement complémentaire de 11 M€ le 15 janvier prochain. Au-delà, il me serait agréable que vous acceptiez de reporter l’échéance des 16M€ initialement prévue le 31 janvier 2010 au 31 mars 2010 (…)”. Le 12 janvier 2010, M. CD CE écrivait à nouveau à M. X. Le 25 mars 2010 M. X écrivait à M. CD CE : “A l’occasion de notre rencontre du 28 janvier dernier, nous avions convenu que cette somme devrait être soldée au plus tard le 31 mars 2010 (…) Je vous rappelle que ces aménagements avaient été mis en place à votre demande expresse, dans l’attente de l’obtention de fonds provenant de la titrisation de Jadawel. Ces fonds étant désormais en votre possession, j’entends dorénavant qu’il soit procédé, comme convenu, au règlement des sommes dues aux échéances de mars, d’avril et de septembre.

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En effet, si nous avions pu procéder à titre exceptionnel – et au regard de la confiance que nous entretenons – à des aménagements de l’échéancier des paiements, cela n’est désormais plus possible : nous devons aujourd’hui faire face sans plus attendre aux engagements que nous avons contractés auprès de nos partenaires financiers. Par conséquent, tout autre retard nous plongerait immanquablement dans une situation juridique et financière particulièrement délicate et mettrait en péril l’ensemble du projet EOLLYS (…)”. Ainsi que le rappelle la défense, l’ensemble des interlocuteurs de la SCRIM et de la SEMARELP, M. X compris, ont entrepris de multiples diligences pré-contentieuses et contentieuses afin que le groupe MBI/JJW, dirigé par M. CD CE, respecte les engagements contractuels pris dans le cadre de cette opération immobilière. La cour rappelle toutefois qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le délit est pleinement consommé dès que l’agent public a pris ou reçu un intérêt dans une opération, dont il avait, au temps de l’action, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration. “Il importe peu que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l’opération en cause n’ait pas abouti” (Cass, crim., 21 févr. 2001). Il est par conséquent indifférent que l’opération des Tours de Levallois ait dû être interrompue, M. CD CE n’DN pas respecté ses engagements. Il n’y a pas lieu de rechercher si tous les délais de paiement accordés aux sociétés de M. CD CE par les intervenants de la SCRIM et de la SEMARELP relevaient de considérations juridiques et économiques justifiées, la constitution du délit de prise illégale d’intérêt ne nécessitant pas l’octroi d’une décision ou faveur au bénéfice de M. CD CE. En outre, la chambre criminelle a jugé en 2008 qu’il n’est pas nécessaire que l’intérêt pris par l’auteur soit en contradiction avec l’intérêt de la collectivité.

M. X a reçu et conservé des intérêts matériels de l’opération entreprise. Il ressort des investigations que M. CD CE, par l’intermédiaire d’une société de son groupe et du courtier DD DE, a participé au paiement d’une partie de la villa “Dar Gyucy” acquise par M. X via un montage opaque. Il a en outre mis à disposition de M. X son jet privé. – Le financement de la villa “Dar Gyucy” La note T du 9 juillet 2014 indique que le compte client du notaire marocain, Maître CC BS, intervenu lors de la vente de la villa “Dar Gyuc”y qui appartenait à M. W, a été crédité de 3 virements : – un virement de 193.141,50 dollars le 10 juin 2009, provenant de la société DW ; – un virement de 2.999.969,20 dollars le 27 octobre 2009, provenant de la société de courtage DD DE ; – un virement de 1.399.969,20 dollars le 17 novembre 2009, provenant de la société DD DE. Le montant total des sommes ainsi transmises était de 4.593.079,90 dollars, soit 3.095.057,15 euros. Les investigations démontrent que les deux sociétés DN effectué ces virements étaient liées à Monsieur CD CE.

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La société DW était dirigée par M. CD CE qui en était également l’actionnaire majoritaire, à hauteur de 60%. Il ressort de la commission rogatoire internationale exécutée par les autorités égyptiennes que M. CD CE a bénéficié de virements importants provenant de la société DD DE en octobre et novembre 2009. Ces virements sont attestés par la note T du 30 juin 2016 dans laquelle il est indiqué que : “il apparaît que BT EM EN CD CE avait à l’époque de l’acquisition de la villa marocaine fin 2009, des relations financières avec la société DD DE. Il a ainsi reçu près de 16,8 millions d’USD de cette société entre octobre et novembre 2011. Les fonds ont été émis à partir du compte n°14740451 ouvert à la PIRAEUS CM EGYPT SAE, correspondant au compte également à l’origine du versement de 4,4 millions d’USD vers le notaire marocain. Les fonds reçus par BT EM EN CD CE ont été justifiés par la cession d’un portefeuille titres détenus dans la société de courtage égyptienne DD DE”. Etaient annexés à la note les avis de débits de la société DD DE ainsi que les relevés bancaires de M. CD CE au sein de la banque HSBC. La cour considère que le versement sur le compte n° 14740451 de DD DE des fonds issus de la vente des actions de M. CD CE démontre que ce dernier était bénéficiaire de ce compte. M. CD CE est par conséquent à l’origine des deux versements sur le compte de Maître CC BS en provenance de ce compte n° 14740451 de DD DE. Il ressort en outre de l’enquête la démonstration d’un lien entre le projet immobilier “Tours de Levallois” et l’achat de la villa “Dar Gyucy” par les époux X. En effet, plusieurs acteurs de ce projet de construction ont été directement en contact avec le notaire marocain chargé de la vente de la villa “Dar Gyucy”, notamment pour l’informer des virements émis par M. CD CE, ainsi que le précisent des fax découverts à l’étude du notaire : – un fax du 11 juin 2016 émis par la SEMARELP CK Maître CC BS du premier virement du 10 juin 2016 en provenance de la société DW, – un fax du 15 juillet 2009 de Maître AE, avocat de la SEMARELP, transmettant au notaire “le justificatif du virement opéré au profit de votre compte en attente de la régularisation de l’opération immobilière envisagée par ma cliente. Je vous informerai de ma venue à E probablement entre le 31 juillet et le 7 août prochain”. Maître AE DB un document émanant de la banque égyptienne CD Watany agissant pour le compte d’DW attestant de l’existence d’un ordre de virement daté du 7 juillet 2009 d’un montant de 4.050.000 dollars en faveur du compte de l’étude de Me CC BS. Finalement, ce n’était pas la société DW qui était instrumentée pour adresser ces sommes au notaire mais la société DD DE. A nouveau, Maître AE DC pour en aviser le notaire : Deux fax de Maître AE – utilisant le fax de l’un de ses amis, Monsieur BC, ainsi que le fax du bureau de poste le plus proche de son cabinet – transmettaient au notaire les preuves des virements en provenance de la société DD DE en octobre et novembre 2009. Maître CC BS précisait avoir communiqué le numéro de compte de son étude à Maître AE, AU aux virements.

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Le vendeur de la villa, M. W, a perçu une partie du montant de la vente par le biais du compte-client du notaire : M. W a déclaré avoir perçu le montant du prix de vente officiel de la villa “Dar Gyucy” par des chèques du notaire : “Le notaire m’a réglé le prix en plusieurs fois. Le temps d’avoir le quitus fiscal, il m’a réglé la totalité du prix de vente (…) 2.750.000 euros ont été payés chez le notaire et 2.500.000 euros au Liban [dessous de table versé 2 jours avant la vente chez le notaire]. Le prix s’est réparti en 5.000.000 euros pour la maison et 250.000 euros pour les travaux et les meubles”. Le notaire a remis aux enquêteurs les documents corroborant ses déclarations ainsi que celles de M. W : – le relevé de compte de la vente qui mentionne pour le paiement du prix de la villa les virements reçus en juin, octobre et novembre 2009, d’DW et de DD DE, – une attestation de la banque de son étude qui confirme la réception des fonds virés par ces sociétés sur le compte de Maître CC BS, – la copie des quatre chèques à l’ordre de M. W d’un montant total de 28.824.460 dirhams, – quatre décharges de remises de chèques toutes signées par M. W, – les déclarations de profits fonciers établies par M. W ainsi que les deux avis de versements au Trésor Public marocain de cet impôt. Maître CC-BS a indiqué avoir remboursé à la SCI Dar Gyucy le “trop-perçu” correspondant à l’écart entre les sommes versées par les sociétés DW et DD DE et le prix de vente officiel de la villa “Dar Gyucy” : « Sur mon compte client la somme de 35 238 412, 08 DH a été versée. Il y a eu un trop perçu de 1 984 206.00 DH. Ce trop perçu a été remis à la société Dar Gyucy par un chèque barré non endossable remis à Madame AC le 9 février 2010 dont je vous remets une copie de décharge ». Ce chèque, effectivement daté du 9 février 2010, a été encaissé le 12 février 2010 par la SCI Dar Gyucy. Au vu de ces éléments matériels et de ces déclarations, malgré les dénégations de M. X, la cour a acquis la conviction que le prix de vente officiel de la villa “Dar Gyucy” a été payé au moyen de fonds provenant de M. CD CE et versés à M. W en transitant par le compte-client du notaire Maître CC BS. M. CD CE, qui ne nie pas l’existence de ces virements, indique qu’ils auraient été ordonnés par son collaborateur M. BB, chargé de l’administration de l’opération immobilière menée avec la SEMARELP. Cette circonstance – qui au demeurant n’est pas établie – est indifférente s’agissant de la culpabilité de M. X. Ces virements sont intervenus alors qu’il devait assurer l’administration et la surveillance de l’opération immobilière « Tours de Levallois » menée avec M. CD CE et M. BB. Ainsi, M. X s’est rendu coupable de l’infraction de prise illégale d’intérêt en recevant et conservant des fonds provenant du promoteur immobilier chargé de l’opération “Tours de Levallois”. – Les mises à disposition du jet privé de M. CD CE La cour rappelle la découverte de nombreux mails attestant de l’existence de la mise à disposition de M. X par M. CD CE de son jet privé : – un mail du 17 mars 2009 de M. AD remerciant M. BB “pour la mise à disposition de l’avion du Sheik à M. Le député-maire ” pour un voyage à Saint-J du 11 avril au 2 mai 2009,

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— le 30 mars 2009, M. AD adressait un nouveau mail à M. BB avec une liste de dix personnes, dont M. et Mme X, ainsi que leurs numéros de passeport, -le 15 décembre 2009, le capitaine Naïm AN, pilote de l’avion privé, adressait un mail à M. CD CE pour l’informer de la réception d’un appel et d’un mail de l’assistante de M. AD, Mme AM, pour un voyage à E le 20 décembre 2009, – le 15 décembre 2009, le capitaine AN envoyait un courriel à MBI CD CE pour l’informer de la réception d’un appel téléphonique et d’un courriel de Mme AM, assistante de M. AD, concernant un voyage à E le 20 décembre 2009, – le 26 janvier 2010, le pilote adressait un nouveau mail à Mme BD, assistante de M. CD CE, l’informant d’une demande de M. X qui souhaitait se rendre en avion à E du 8 février au 7 mars 2010. M. CD CE a soutenu que son assistante ne lui avait pas parlé de ce voyage, estimant que ce n’était pas important, – le 7 avril 2010, Mme AM adressait un mail à M. AN pour la prise en charge d’un voyage à E de M. X accompagné de sept personnes, du 16 avril au 16 mai 2010 ; le lendemain elle adressait la liste des passagers parmi lesquels figuraient les époux X et M. DF X, demi-frère de M. A X. Le 9 avril 2010, M. AN adressait à M. CD CE un mail ainsi libellé : “Dear Sir, […]. Best regards, Naïm”. L’ensemble des personnes concernées, hormis M. CD CE pour les vols en direction de E, reconnaissent en audition la réalité de la mise à disposition du jet privé de celui-ci à M. X pour lui-même, sa famille et ses amis. M. X a déclaré : “Si j’ai pris son avion, c’est que je ne voulais pas le vexer. Un jour il m’a demandé où je partais en vacances. Je lui ai répondu à Saint-J. Il m’a proposé son avion. Je ne voulais pas. J’ai toujours pris Air France. Il a insisté en disant que l’avion allait au Canada à vide pour la grande révision. Le Canada étant à une heure de Saint-J, nous avons pris cet avion. Pour E, il nous disait de prendre son avion. Je l’ai pris une ou deux fois”. La secrétaire de M. X, Mme BE, CB que celui-ci lui indiquait qu’un vol privé aurait lieu. Elle contactait alors Mme AM ou M. AD pour connaître les horaires et le lieu précis du rendez-vous au Bourget afin de les préciser à M. X. M. AD a reconnu avoir sollicité M. CD CE pour permettre à M. X et ses proches de se rendre dans la villa de Saint-J et à E et ce, à plusieurs reprises. Mme AM, assistante de direction de M. AD, a expliqué son rôle : “De mémoire, je faisais le go between entre le pilote M. AN et Mme BE, l’ex secrétaire particulière de M. X. C’est M. AD qui m’avait demandé de contacter M. AN, qui parle uniquement l’anglais, afin de lui demander si l’avion était disponible pour certaines dates et le lieu d’embarquement au Bourget (…)”. Selon elle, aucune personne de la SEMARELP n’était au courant des mises à disposition de l’avion en dehors de M. AD et d’elle-même. Elle a confirmé n’avoir vu aucune facture pour le règlement des voyages. Mme BF, dont le mari était architecte et CY de M. X, a déclaré qu’elle s’était rendue au Maroc du 21 au 27 avril 2010, invitée par M. X dans une villa avec piscine, à bord d’un jet privé.

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M. CD CE a déclaré : “L’avion a bien emmené M. X et d’autres personnes à Saint-J [ aller le 11 avril, retour le 2 mai 2009] mais il devait aller ensuite au Canada pour son entretien. Je n’ai eu aucune communication avec M. X à ce sujet. Il est possible que Salim[BB], voyant que l’avion allait au Canada, ait donné son accord. Je n’en ai pas été informé. Salim BB était le directeur général de la société qui gère l’avion. En ce qui concerne les deux autres voyages que vous avez mentionnés à E, l’appareil était au Canada, pas en France. Vous pouvez le vérifier à l’aéroport du Bourget. Il n’a pas pu emmener M. X à E”. Il ajoutait que le coût de déplacement de l’avion n’était pas forcément, en fonction de la destination choisie, supérieur à celui d’un maintien au sol. M. BB a expliqué qu’il n’avait fait que l’intermédiaire, transmettant les demandes de . M. AD ou de la secrétaire de M X à M. CD CE pour l’organisation des voyages. Il a précisé que le coût d’un déplacement de l’avion était de 20.000 dollars à 50.000 dollars. Seul M. CD CE pouvait donner le feu vert. Les dénégations de M. CD CE sont corroborées par le tableau établi par la direction générale de l’aviation civile (ci-après DGAC), sur lequel il apparaît que l’avion possédé par M. CD CE – BOMBARDIER modèle BD-700 GLOBAL 500 immatriculé N171JJ – a bien effectué le trajet Saint-J/Paris le Bourget le 3 mai 2009. En revanche les vols Paris/E cités par les témoins et dans les messages électroniques ne figurent pas sur ce tableau. La DGAC a précisé : “ En réponse à votre réquisition judiciaire, je vous informe qu’une seule compagnie est susceptible d’avoir effectué les vols pour lesquels vous avez demandé une identification. Au sens des redevances de navigation aérienne, la compagnie London Executive Aviation a effectué des vols Le Bourget-E aux dates fournies par vos services à l’exception du 16 avril 2010. Pour la liaison Le Bourget – Saint J, nous n’avons pas pu identifier de vol correspondant aux éléments transmis par vos services. Vous trouverez cependant en annexe les vols se rapprochant le plus des critères d’identification fournis”. En effet, si le trajet Saint-J/Paris du 3 mai 2009 figure sur le tableau transmis par la DGAC, ce n’est pas le cas du trajet Paris/Saint-J du 11 avril 2009, qui n’est pourtant pas contesté par M. CD CE. Les informations transmises par ce tableau ne sont par conséquent pas fiables et ne seront pas retenues par la cour. En revanche, il n’est pas crédible que toutes les personnes concernées, notamment M. X, aient pû se tromper en affirmant à tort que les voyages avaient eu lieu. Le fait que les voyages aient été organisés par M. BB, collaborateur de M. CD CE, ou par ce dernier, est indifférent s’agissant de la culpabilité de M. X. Compte tenu des fonctions qu’il exerçait, M. X ne pouvait ignorer que son comportement était répréhensible lorsqu’il a sciemment accepté d’utiliser le jet privé de M. CD CE et reçu de ce dernier des sommes lui permettant d’acheter une villa à E. Au vu de ces éléments, la cour infirme la relaxe prononcée par les premiers juges et déclare M. A X coupable d’avoir, de janvier 2009 à avril 2010, en tout cas depuis temps non prescrit, étant maire de Levallois-Perret, à ce titre dépositaire de l’autorité publique et président de la SEMARELP, à ce titre chargé d’une mission de service public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une opération en lien avec le projet de construction des Tours de Levallois, attribué aux sociétés du groupe MBI dirigé par M. BT CD CE, dont il avait, au moment

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de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration, l’intérêt consistant en l’espèce en l’octroi d’avantages personnels par le promoteur immobilier, notamment des voyages en jet privé et des fonds destinés à l’acquisition d’une villa au Maroc (villa “Dar Gyucy” à E).

Sur le délit d’omission déclarative et évaluations mensongères de patrimoine à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ( HATVP) Il est reproché à Mme X, “étant titulaire ou délégataire d’une fonction exécutive locale, d’avoir à Paris et en tout autre lieu du territoire national, courant juillet 2014, en tout cas depuis temps non prescrit, étant présidente du conseil d’administration de la SEMARELP : – volontairement omis de déclarer une partie substantielle de son patrimoine à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, en omettant de déclarer tous ses avoirs détenus à l’étranger à travers des sociétés off-shore, notamment à travers les sociétés Real Estate FWI (Liechtenstein), BJ (Panama), Unicorn Business Développement (Seychelles) ainsi qu’à travers la SCI Dar Gyucy et leurs comptes associés à la LGT CM (Liechtenstein), Neue CM (Liechtenstein), DZ EA CM (Singapour), CL CM (Maroc), – fourni une évaluation mensongère de son patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en sous-évaluant la valeur du Y de Cossy à Giverny”. Il est reproché à M. X d’avoir, à Paris et en tout autre lieu du territoire national, courant janvier 2014, en tout cas depuis temps non prescrit, étant député, EI les mêmes faits. L’article LO 135 du code électoral dispose : “ (…) Le fait pour un député d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code (…)”. L’article 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ajoute : “Le fait, pour une personne mentionnée aux articles 4 ou 11 de la présente loi, de ne pas déposer l’une des déclarations prévues à ces mêmes articles, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code (…)”. L’article 11 de ladite loi énonce : “ (…) III. – Les obligations et les dispenses prévues au présent article sont applicables aux présidents et aux directeurs généraux (…) 5° Des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, autres que celles mentionnées aux 1° et 3° du présent III, dont le chiffre d’affaires annuel, au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés, dépasse 750 175 000 €, dans lesquelles les collectivités régies par les titres XII et XIII de la Constitution, leurs groupements ou toute autre personne mentionnée aux 1° à 4° du présent III détiennent, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital social ou qui sont mentionnées au 1° de l’article L. 1525-1 du code général des collectivités territoriales (…)”.

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Arguments de la défense Les avocats de la défense ont affirmé que le calcul de la HATVP, selon lequel la somme déclarée par chacun des époux X au titre de leur usufruit du Y de Cossy – soit 148 790 euros – serait mensongère, serait erroné car la HATVP a considéré à tort que l’usufruit représentait 50% de la valeur totale du bien alors qu’il n’en constituait que 40% pour les personnes de moins de 71 ans révolus. Ils ont rappelé que l’expertise produite par les époux X a conclu à une valeur réelle du Y de Cossy de 1.239.000 euros (après abattement de 30% pour résidence principale), soit une valeur brute de 1.770.000 euros pour 2014, bien plus proche de celle qu’ils ont déclarée que de celle retenue par l’administration fiscale. Les travaux réalisés depuis l’acquisition du bien, évoqués par la partie civile pour augmenter la valeur du Y, ne sauraient selon eux être évalués à la somme 1.826.910,49 euros qui correspondait en réalité à la revalorisation des travaux à la date de l’expertise ordonnée par les juges d’instruction, soit en septembre 2014. Il conviendrait de plus de soustraire du montant total des travaux la somme de 42.631,39 euros correspondant à ceux faisant suite à la tempête de 1999, qui ont été pris en charge par les assureurs. Ainsi, le coût total des travaux n’aurait été que de 786.790,89 euros pour les époux X. Ils ont soutenu que la valeur de la villa “Pamplemousse” serait de deux millions de dollars, son prix de vente et non le double comme le prétendait l’administration fiscale. M. X n’aurait pas déclaré la propriété de la villa “Pamplemousse” car il ignorait qu’une disposition spécifique lui avait donné le statut de premier bénéficiaire de la société FWI qui possédait la villa, aux côtés de son épouse. Ils ont ajouté que les époux X ont toujours nié avoir été bénéficiaires de sociétés en lien avec la villa “Dar Gyucy” et de la villa elle-même.

Analyse de la cour La cour rappelle que la HATVP n’a pas repris l’estimation de l’administration fiscale ni considéré le montant des travaux réalisés sur la propriété mais s’est fondée sur l’évolution de l’indice notaires-insee entre 1997 (indice de 48,8) et 2014 (indice de 103,6) pour évaluer à 1.577.000 euros la valeur du Y de Cossy en 2014, soit celle d’une quote-part de l’usufruit à au moins 394 000 euros. Cette valeur retenue par la HATVP (1 577 000 euros) est moins élevée que celle fixée par les experts dont les prévenus ont produit les travaux devant la cour (1.770.000 euros) pour l’année 2014. En déclarant chacun la moitié de l’usufruit du Y de Giverny pour un montant de 148.790 euros, les époux X ont par conséquent manifestement minoré le montant de la valeur de l’usufruit du Y de Cossy, même s’il est exact que l’usufruit pour les personnes de moins de 71 ans révolus représente 40% et non de 50% de la valeur du bien. M. X a déclaré à la HATVP détenir pour seul bien la moitié de l’usufruit du Y de Cossy. Il n’a évoqué ni la propriété de la villa “Pamplemousse” ni celle de la villa “Dar Gyucy”. Mme X a déclaré posséder, outre un usufruit équivalent, la villa “Pamplemousse”. Les époux X contestent la valorisation de la villa “Pamplemousse” par l’administration fiscale. Ils estiment la valeur retenue (3.760.276 euros) beaucoup trop importante, la villa DN été vendue 2.000.000 dollars le 10 juillet 2015.

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La cour n’a pas compétence pour évaluer la villa “Pamplemousse”. Elle constate toutefois que la vente a été réalisée après saisie judiciaire et qu’elle devait intervenir BH, l’état de la propriété étant susceptible de se dégrader faute d’entretien des lieux. Ces circonstances n’étaient pas propices à garantir une vente au réel prix du marché que les deux agences immobilières chargées par Mme X en juin 2014, avant la saisie, d’évaluer avaient fixé à 3.190.000 euros et 3.100.000 euros. La fiduciaire suisse O représentée par M. U, qui a organisé le montage pour assurer la dissimulation de la propriété à Saint-J aux yeux de l’administration française, était le gestionnaire de fortune de Mme X mais aussi de M. X depuis de nombreuses années. Le prévenu réglait par virements ou en espèces l’assurance habitation de la villa “Pamplemousse”. Il se rendait très régulièrement avec son épouse dans cette résidence. Il a consenti le prêt sans intérêt à la société FWI de la somme provenant de la vente de la villa “Serena” qui lui appartenait antérieurement, soit 2.062.873 euros. Il a autorisé des virements réguliers des sociétés off-shore dont il était bénéficiaire économique au de la même société. La cour considère par conséquent qu’il ne pouvait ignorer qu’il était bénéficiaire de FWI et par conséquent propriétaire de la villa “Pamplemousse” aux côtés de Mme X. Par arrêt définitif du 4 mars 2020, la cour d’appel de Paris a condamné les époux X pour des faits de fraude fiscale EI notamment du fait de leur absence de déclaration à l’administration de la propriété de la villa “Dar Gyucy” ainsi que de ses sociétés et comptes associés. Ils ne peuvent dès lors contester valablement avoir été propriétaires de ces biens en 2014. Ainsi, M. X a minoré mensongèrement la valeur du Y de Cossy et a omis, sciemment, de déclarer en 2014 ses biens immobiliers situés à Saint-J (villa “Pamplemousse”) et au Maroc (villa “Dar Gyucy”) et ses avoirs mobiliers détenus dans des comptes ouverts à l’étranger : Comptes de FWI ( NEUE CM), de la CN L (LGT CM), de la société HIMOLA (COMMERZBANK et DZ EA CM), de la SCI Dar Gyucy (CL CM), et de la société BJ (CL CM). Mme X a EI les mêmes faits, exception faite de l’absence de déclaration de la villa “Pamplemousse” à Saint-J. La cour confirme par conséquent la déclaration de culpabilité de M. A X et de Mme Z BP épouse X du chef du délit d’omission déclarative et évaluations mensongères de patrimoine à la HATVP, faits EI par M. X en janvier 2014 en qualité de député et le 3 juillet 2014 par son épouse en sa qualité de présidente du conseil d’administration de la SEMARELP.

Sur les peines L’article 132-1 du code pénal dispose : “(…) Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée. Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1”. L’article 130-1 du code pénal énonce : “Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner l’auteur de l’infraction, 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion”.

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M. A X Né le […], M. X a été élu pour la première fois conseiller général du département des Hauts de Seine le 22 mars 1982. Il a connu une longue carrière politique au cours de laquelle il a été député entre le 23 juin 1988 et le 21 avril 1997 et entre le 19 juin 2002 et le 20 juin 2017. S’agissant de ses fonctions exécutives municipales, M. X a été élu maire le 14 mars 1983 puis a dû abandonner son mandat le 18 juin 1995 en raison d’une défaite électorale. Il a été réélu maire de Levallois-Perret le 19 mars 2001 et a assumé cette charge jusqu’au mois de mars 2020, une mesure d’inégibilité à son encontre DN été confirmée à son encontre avec exécution provisoire par arrêt de la cour d’appel de Paris par arrêt du 4 mars 2020. M. X est marié et père de deux enfants aujourd’hui majeurs et indépendants. M. X reconnaît partiellement les faits de DO. Il soutient que l’origine des fonds est strictement successorale. “C’est de l’argent de ma famille” (…) Toutes les insinuations qui sont faites auprès des médias sur mon absence de probité me rendent simplement ivre de rage car cela fait 33 ans que j’exerce la plus belle fonction qui soit, celle de maire, que je m’enorgueillis de ne jamais avoir pris un sou à personne. Ce que chacun sait à Levallois (…)”. Les investigations contredisent l’origine exclusivement successorale des fonds. Le bulletin n°l du casier judiciaire de M. X porte trace de deux mentions: une condamnation – réhabilitée de plein droit – prononcée le 30 janvier 1997 par la cour d’appel de Versailles à une peine de 15 mois d’emprisonnement avec sursis, au paiement d’une amende délictuelle de 200.000 francs et à une mesure de privation du droit d’éligibilité durant deux ans, du chef de prise illégale d’intérêt par personne dépositaire de l’autorité publique. Il a également été condamné, le 1er mars 2016, par le tribunal correctionnel de Nanterre au paiement d’une amende délictuelle de 3.000 euros assortie de sursis du chef de diffamation envers un fonctionnaire, une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Il a en outre été définitivement condamné pour des faits de fraude fiscale par arrêt de la cour d’appel de Paris, le 4 mars 2020, à un emprisonnement de quatre ans, dont un an assorti de sursis, une interdiction de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, pour une durée de dix ans et une privation de son droit d’éligibilité pour une durée de dix ans, assortie de l’exécution provisoire. L’avis d’imposition du couple X pour l’année 2018 mentionne un revenu imposable de deux cents vingt deux mille euros. Des avis à tiers détenteurs de l’administration fiscale viennent impacter ces revenus. M. X a été détenu à la maison d’arrêt de la santé du 13 septembre 2019 au 12 février 2020. Sa libération a été ordonnée pour raisons de santé. Il a regagné son domicile de Giverny le même jour. La cour considère que M. X a EI des faits d’une particulière gravité, en raison de la commission de trois infractions différentes, des montants financiers très élevés en jeu et de la durée de la commission de l’infraction de DO. Il ressort des investigations qu’il a mis en oeuvre des moyens sophistiqués pour parvenir à ses fins, en faisant créer par des gestionnaires suisses expérimentés diverses structures off-shore qui étaient autant d’écrans pour ne pas apparaître aux yeux de l’administration fiscale et masquer l’origine des fonds. Ce faisant, il a agi sciemment, EJ méthodique et EK, ainsi que le retient la prévention. La commission des infractions de prise illégale d’intérêt et de déclaration incomplète ou mensongère de sa situation patrimoniale

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la HATVP est d’autant plus grave qu’il était maire de Levallois-Perret. Au titre de cette fonction, il était agent de l’Etat et officier de police judiciaire, placé sous la double autorité du préfet et du procureur de la République à qui il était au demeurant tenu de dénoncer les infractions dont il avait connaissance aux termes des articles 40 du code de procédure pénale et L.2211-2 du code des collectivités locales. Il était dépositaire de la confiance publique. Malgré le nombre et le caractère probant des éléments réunis lors de l’enquête, il a persisté dans ses dénégations, notamment s’agissant de la propriété de la villa “Dar Gyucy”, des versement de M. CD CE et de M. AF. Cette permanence dans le mensonge, si elle n’ajoute rien à la gravité intrinsèque des faits sur le plan pénal, est néanmoins révélatrice de la volonté de son auteur de continuer à dissimuler des agissements répréhensibles auxquels seul l’engagement de poursuites judiciaires est parvenu à mettre un terme. Il n’a jamais exprimé aucun regret de son comportement. M. X a déjà été condamné, notamment pour des faits de prise illégale d’intérêt. Il s’est pourtant à nouveau soustrait à ses obligations de probité. La peine décidée doit tenir compte de l’ensemble de ces éléments. La cour considère que seule une peine d’emprisonnement d’un quantum significatif peut- être prononcée, la gravité des infractions et la personnalité de leur auteur, égard pris de sa situation matérielle, familiale et sociale, rendant cette peine indispensable et toute autre sanction étant manifestement inadéquate. La cour confirme la peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée en première instance. Au vu des mêmes considérations et de son enrichissement indû au détriment de la collectivité publique par la commission des faits, l’intéressé, qui disposera avec son épouse, selon ses propres prévisions, d’un revenu de 10.095,68 euros par mois après retenue à la source s’il n’exerce plus aucune activité professionnelle, est condamné à payer une amende de 100.000 euros. Les faits de prise illégale d’intérêt ont été EI alors que M. X était président de la SEMALREP, société d’économie mixte détenue à 80 % par la commune de Levallois- Perret et gérant des fonds publics. En application des articles 432-17, 2° et 131-27 du code pénal, la cour prononce à l’encontre de M. A X l’interdiction définitive d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit l’interdiction de toute fonction ou emploi dans un organisme gérant des fonds publics. Pour assurer son exécution immédiate et son effectivité, cette interdiction d’exercice d’activité sera assortie de l’exécution provisoire, en application des articles 131-10 du code pénal et 471 alinéa 4 du code de procédure pénale. Afin d’éviter tout renouvellement des faits, le prévenu DN démontré qu’il se servait de telles structures pour opacifier des flux d’argent frauduleux, la cour confirme en outre l’interdiction faite à M. X durant 10 ans, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale en application des dispositions de l’article 324-7, 1°, du code pénal. Les faits dont M. X est déclaré coupable ont été EI alors que celui-ci était titulaire d’un mandat électif. La cour confirme par conséquent la peine complémentaire d’inéligibilité pour une durée de 10 ans prononcée par le tribunal, sur le fondement des dispositions des articles 324-7, 9°, 131-26 ,2° et 131-26-1 du code pénal, l’atteinte ainsi portée aux principes de la liberté d’être élu et de la libre expression définis par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 étant proportionnée à la gravité des faits sus-analysés et la personnalité de leur auteur sur lequel pesaient des devoirs de probité particuliers.

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L’inégibilité, ainsi que rappelé par l’article 131-26 du code pénal, emporte interdiction d’exercer une fonction publique. Afin d’assurer son exécution immédiate et son effectivité, cette mesure d’inéligibilité sera assortie de l’exécution provisoire, en application des articles 131-10 du code pénal et 471 alinéa 4 du code de procédure pénale.

Mme Z BP ép. X Née le […] et mère de deux enfants, l’intéressée a indiqué être issue d’une famille juive implantée en Tunisie particulièrement aisée, son père DG BP DN fait fortune dans le négoce de matières premières. Évoquant elle-même une “jeunesse dorée” dans un hôtel particulier du 16e arrondissement de Paris, Mme X relate le décès de son frère BG survenu en 1970 lors d’un accident de la circulation et le traumatisme qui en a résulté. Titulaire d’une maîtrise de droit et se décrivant comme possédant une culture littéraire, elle a été nommée directrice de la communication de la station de radio Europe n°l en 1968. Mme X dit être issue d’une famille AQ et puissante mais ne pas avoir accepté le destin de “grande bourgeoise” parisienne qui lui était promis. Après avoir épousé M. X le 13 avril 1976, elle s’est investie corps et âme dans la carrière politique de son mari et a toujours été présente à ses côtés – dans les bons et mauvais moments – mais sans oublier toutefois sa carrière politique personnelle, laquelle l’a conduite à exercer les fonctions de vice-présidente du conseil général des Hauts de Seine en charge de la vie scolaire entre 1988 et 2011 et de première adjointe au maire de Levallois-Perret du 19 mars 2001 au 5 mars 2020, également chargée des affaires scolaires. Chevalier de la Légion d’honneur et officier des palmes académiques, Mme X indique avoir énormément œuvré en faveur des enfants du département des Hauts-de-Seine au moyen notamment de la gratuité des manuels pour les collégiens, de l’application du quotient familial pour la tarification des repas scolaires, du développement des voyages scolaires et de l’insertion des jeunes enfants handicapés. Se disant serviteur de l’intérêt général, Mme X estime qu’il ne lui est pas reproché d’avoir détourné de l’argent public. S’agissant des fonctions départementales et communales exercées par Mme X dans le cadre des affaires scolaires, les investigations réunies lors de l’instruction ont apporté un éclairage moins univoque. Selon M. V, l’entreprise Fayolle aurait effectué d’importants travaux de rénovation au Y de Cossy de 2001 à 2004. Il faisait état des toitures, de la rénovation intérieure complète et de l’aménagement des jardins. Or, a-t-il déclaré : “l’entreprise Fayolle avait et aurait toujours des marchés à Levallois, notamment avec la SEMARELP”. Les experts désignés par le juge d’instruction pour évaluer les travaux réalisés à Giverny n’ont pas retrouvé de factures de la société Fayolle. L’entreprise Fayolle est titulaire du marché de travaux d’entretien des bâtiments scolaires du département des Hauts de Seine attribué le 2 octobre 2010. La chambre régionale des comptes d’Ile de France a effectué une enquête sur le contrat de partenariat public/privé conclu par le département des Hauts de Seine pour la reconstruction du collège G. Pompidou à Courbevoie, contrat accordé le 7 novembre 2008 à la société du Loir Exploitation, dont l’actionnaire majoritaire est l’entreprise Fayolle.

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Le rapport relève en premier lieu que Fayolle compte plusieurs marchés attribués par la ville, dont Mme X est première adjointe depuis 2002, sa société d’économie mixte SEMARELP ou son office HLM. Mais surtout cette enquête a révélé que les conditions de préparation, de passation et de conclusion de partenariat conclu présentaient des indices manifestes d’irrégularités. Plus précisément, il ressort de cette analyse que la procédure de partenariat public privé ne se justifiait manifestement pas. La reconstruction du collège ne revêtait pas, en elle-même, un degré de complexité tel qu’il justifiait une telle procédure dérogatoire aux règles de la commande publique auxquelles aurait dû, en définitive, être soumise cette opération. Force est de constater, conclut le procureur financier près la chambre régionale des comptes d’Ile de France, “que cette procédure menée, de surcroît, dans le cadre d’un dialogue compétitif qui laisse une grande latitude dans le choix de l’entreprise contractante, n’a été qu’un moyen de confier des prestations à des entreprises que Mme Z X, vice-présidente en charge des affaires scolaires jusqu 'en 2011, qui a joué un rôle de tout premier plan dans cette opération, connaissait au titre de ses mandats départementaux et municipaux”. Ces faits ont été dénoncés par la chambre régionale des comptes d’Ile de France au parquet de Nanterre pour des suspicions de favoritisme. Par ailleurs, M. BG DH, PDG de l’entreprise MCFE, interrogé le 6 octobre 2016 dans une instruction versée à la présente procédure, a confirmé que sa société avait réalisé d’importants travaux en 2001-2002 au Y de Cossy : – démontage de la toiture d’un bâtiment (deux semaines de travail à deux employés) puis réfection de la couverture de ce même bâtiment (deux mois de travail à trois employés), – réfection de la couverture de la cuisine du Y (une semaine et demi de travail à deux employés), – nettoyage des gouttières de la serre (une journée de travail à deux employés), – nettoyage de la couverture de la maison du gardien. A la question de savoir si l’ensemble de ces travaux avait été facturé aux époux X il répondait : “ A 80% j’ai décidé de moi-même de les bloquer. Pour vous préciser, c’est à dire que quand DI DJ m’a demandé si on pouvait déclencher la facture, je lui ai dit que je préférais qu’on attende qu’on me la demande, qu’on me la réclame. (…) Question : Les époux X n’ont donc pas réglé à la SA MCFE ces travaux? Réponse : A 80% non (…)”. La société MCFE a prospéré. La ville de Levallois-Perret et la SEMARELP sont devenus ses principaux clients. Ainsi, le contrat d’entretien des baux communaux lui a été confié par la SEMARELP. Elle a obtenu le marché de l’exploitation et maintenance avec garantie totale et intéressement des équipements de génie climatique des bâtiments municipaux concernant 2 lots (Levallois secteur Nord) pour un montant forfaitaire annuel de 306.686 euros HT, le 3 décembre 2009. Les travaux de reconstruction du groupe scolaire Paul Bert de Levallois-Perret, concernant le lot 3 (Plomberie couverture, étanchéité, équipements de cuisine, chauffage, ventilation, traitement d’air), lui a été également attribué – groupement MCFE/SAS Le Froid Bornet – pour un montant total de 4.235.682 euros HT, en 2010. Le bulletin n°l du casier judiciaire de Mme X porte trace d’une condamnation – réhabilitée de plein droit – prononcée le 7 mai 1996 par le tribunal correctionnel de Nanterre à une peine de 15 mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende délictuelle de 200.000 francs du chef de prise illégale d’intérêt par personne

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dépositaire de l’autorité publique. Par jugement du 17 janvier 2001, elle a été relevée de l’incapacité électorale prononcée à son encontre. Mme X a été définitivement condamnée pour des faits de fraude fiscale par arrêt de la cour d’appel de Paris, le 4 mars 2020, à un emprisonnement de trois ans, une interdiction de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, pour une durée de dix ans et une privation de son droit d’éligibilité pour une durée de dix ans, assortie de l’exécution provisoire. Dans ses écritures en défense, Mme Z X a rappelé avoir reconnu une faute qui, “si elle n’a pas d’excuses, a des explications”. La cour considère que Mme X a EI des faits d’une très grande gravité en raison de la commission de deux infractions différentes, des montants financiers élevés en jeu, de la durée et du caractère habituel de la commission de l’infraction de DO. Elle a mis en oeuvre des moyens sophistiqués pour commettre les faits, en utilisant des structures off-shore avec l’aide de fiduciaires suisses afin de dissimuler ses avoirs. Ce faisant, elle a agi sciemment, EJ organisée. Elle a utilisé en toute connaissance de cause le fruit des faits de prise illégale d’intérêt EI par son époux en se rendant régulièrement dans la villa “Dar Gyucy” et en l’aménageant. Il lui est reproché des agissements en tant que simple contribuable mais aussi ès qualités de personne investie d’un mandat électif local et de sa mission de présidente du conseil d’administration de la SEMARELP. Elle était, comme son mari, dépositaire de la confiance publique. Force est de constater qu’elle n’a tenu aucun compte de la condamnation prononcée à son encontre, le 7 mai 1996, par le tribunal correctionnel de Nanterre pour des faits de prise illégale d’intérêt. Mme X a reconnu avoir EI une faute mais n’a exprimé aucun regret, tentant dans ses écrits de minimiser la gravité des faits EI et d’expliquer avoir agi sur l’injonction de sa famille, sans apporter d’élément probatoire, sa version étant contredite par ses frère et soeur qui n’ont jamais reconnu avoir imposé à Z X le versement des 10 millions de francs dans un paradis fiscal. Elle déclare ne pas avoir reçu ce qui lui revenait lors de la répartition avec ses frère et soeur de l’héritage de son père. Son frère EG-AE BP a expliqué qu’au décès de leur père “BH, ma soeur Z a demandé à sortir de l’indivision (…) Le principal actif de feu mon père était une société d’équipements automobile DZ PRODUCT INDUSTRIEL. La production automobile était en difficulté en France au début des années 80. Elle a repris à partir de 1984. C’est pour cette raison que nous n’avons racheté les actions de notre soeur Z qu’en 1986, date à laquelle nous avions pu dégager les moyens pour le faire (…) De tête, je dirais que nous avons dû lui racheter ses actions pour 5 à 6 millions de francs français, que nous lui avons versés en France sur une relation bancaire. Ce prix nous paraissait juste, sincère et correct à l’époque. Il avait en outre été contrôlé par des auditeurs. Notre soeur n’a pas contesté ce prix ni estimé qu’il aurait été insuffisant (…) En décembre 1992, nous avons vendu le GROUPE DZ PRODUCT et l’ensemble de ses filiales à une société industrielle américaine THE DZ PRODUCT COMPANY cotée à New York. Notre soeur Z nous a réclamé une part sur ce prix

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de vente, considérant qu’elle avait revendu ses actions trop BH après le décès de notre père, dans une conjoncture difficile. J’en ai discuté avec ma soeur BI et nous avons BH accepté la demande de notre soeur Z. Nous avons estimé ce qu’il était raisonnable de lui verser (…) Nous en avons versé 5 millions chacun à notre soeur Z”. Sa soeur BI BP confirmait : “Avec mon frère nous avons été d’accord considérant que par rapport à l’époque à laquelle elle avait vendu ses parts nous avions réalisé une très belle affaire. (…) C’est mon frère qui m’a proposé que nous lui versions 5 millions de francs chacun dans l’idée de lui faire un cadeau, ce que j’ai tout de suite accepté”. Ainsi, en décidant de sortir de l’indivision à un moment où l’entreprise familiale connaissait des difficultés, elle n’a pu profiter ensuite de l’accroissement de la valeur de la société lorsque celle-ci a été revendue des années plus tard. Aucun dévouement à la cause des habitants de Levallois-Perret, aucune compensation avec les sommes dont elle aurait été prétendument spoliée par ses frère et soeur ne peut justifier les faits EI. Malgré le nombre et le caractère probant des éléments réunis lors de l’enquête, elle a persévéré dans ses dénégations, notamment s’agissant de la propriété de la villa “Dar Gyucy”. Ainsi qu’il a déjà été relevé pour son époux, cette persistance dans le mensonge, si elle n’ajoute rien à la gravité intrinsèque des faits sur le plan pénal, est néanmoins révélatrice de la volonté de leur auteur de continuer à dissimuler des agissements répréhensibles auxquels seul l’engagement de poursuites judiciaires est parvenu à mettre un terme. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour, considérant que seule une peine d’emprisonnement ferme peut-être prononcée, la gravité des infractions et la personnalité de leur auteur, égard pris de sa situation matérielle, familiale et sociale, rendant cette peine indispensable et toute autre sanction étant manifestement inadéquate, confirme la condamnation à quatre ans d’emprisonnement prononcée en première instance. Au vu des mêmes considérations et de son enrichissement indû au détriment de la collectivité publique par la commission des faits, l’intéressée, qui disposera avec son époux d’un revenu de 10.095,68 euros par mois après retenue à la source si elle n’exerce plus aucune activité professionnelle, est condamnée à payer une amende de 100.000 euros. Afin d’éviter tout renouvellement des faits, la prévenue DN démontré qu’elle se servait de telles structures pour opacifier des flux d’argent frauduleux, la cour confirme l’interdiction faite à Mme Z X durant 10 ans, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale en application des dispositions de l’article 324-7, 1°, du code pénal. Les faits dont Mme Z X est déclarée coupable ont été EI alors qu’elle était titulaire de mandats électifs publics locaux. La cour confirme par conséquent la peine complémentaire d’inéligibilité pour une durée de 10 ans prononcée par le tribunal, sur le fondement des dispositions des articles 131-26, 2°, 131-26-1 et 324-7 ,9°, du code pénal, l’atteinte ainsi portée aux principes de la liberté d’être élue et de la libre expression définis par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 étant proportionnée à la gravité des faits sus-analysés et la personnalité de leur auteur. L’inégibilité, ainsi que rappelé par l’article 131-26 du code pénal, emporte interdiction d’exercer une fonction publique.

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Afin d’en assurer l’exécution immédiate et l’effectivité, cette mesure d’inéligibilité sera assortie de l’exécution provisoire, en application des articles 131-10 du code pénal et 471 alinéa 4, du code de procédure pénale.

Sur la peine accessoire de confiscation Les avocats de Mme P X et M. C X ont rappelé qu’aux termes d’une donation-partage du […], M. A X et Mme Z X avaient transmis la nue-propriété du Y de Cossy à leurs enfants, Mme P X et M. C X et en avaient conservé l’usufruit. Ils ont affirmé que cette donation, passée par-devant notaire et enregistrée conformément à la loi, ne présentait aucun caractère frauduleux. En outre, la clause de l’acte de donation selon laquelle les consorts X DK à leurs enfants de vendre, aliéner, hypothéquer ou nantir sans leur accord les biens donnés, jusqu’à leur décès, serait classique et conforme aux dispositions de l’article 900-1 du code civil. La confiscation du bien léserait les droits de Mme P X et M. C X en leur qualité de nus-propriétaires de bonne foi. Alors que le Y de Cossy ne serait que pour une partie financé par le produit d’une prétendue infraction fermement contestée, la peine de confiscation concernerait pourtant le bien tout entier, portant ainsi atteinte aux droits de propriété de quatre personnes, dont deux non visées par la peine de confiscation. Or la peine devrait être individuelle et ne devrait pas constituer une peine collective, en application du principe de l’individualisation des peines, garanti par le droit européen et le droit français. Ils ont ajouté que la confiscation du bien priverait la famille X, parents, enfants et petits-enfants, de la résidence familiale et de l’ensemble des souvenirs accumulés. Elle serait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et n’apparaîtrait nullement nécessaire au regard des autres garanties financières prises par les magistrats instructeurs dans le cadre de cette procédure (caution, saisie de la villa Pamplemousse” puis vente avec remise des fonds à l’AGRASC). Ils ont demandé par conséquent à la cour de restituer à leurs clients leur quote-part de nue- propriété indivise portant sur le bien. Les avocats de Madame Z X et M. A X ont ajouté que la situation de leurs clients exclurait la confiscation de leur quote-part indivise de l’usufruit du Y de Cossy, bien acquis il y a plus de trente ans, donné à leurs enfants il y a plus de vingt ans, et qui constitue leur seule résidence. La confiscation serait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et n’apparaîtrait nullement nécessaire au regard des autres garanties financières prises durant l’instruction. La circonstance que les époux X auraient eu “la libre disposition” du Y de Cossy sans en être propriétaires serait sans objet, la confiscation de biens dont la personne condamnée aurait eu la libre disposition n’DN été rendue possible qu’aux termes d’une réforme intervenue le 27 mars 2012, inapplicable en l’espèce en raison de la commission des faits avant sa date d’application.

Analyse de la cour L’article 131-21 du code pénal dispose : “La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse [alinéa 1]. La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, DN servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la

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commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition [alinéa 2]. Elle porte également sur tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l’infraction a été mêlé à des fonds d’origine licite pour l’acquisition d’un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu’à concurrence de la valeur estimée de ce produit [alinéa 3]. (…) Lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis [alinéa 6]. (…) La peine complémentaire de confiscation s’applique dans les mêmes conditions à tous les droits incorporels, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis [alinéa 8]. La confiscation peut être ordonnée en valeur. La confiscation en valeur peut être exécutée sur tous biens, quelle qu’en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition [alinéa 9] (…)”. L’article 324-7 du code pénal, dans sa version applicable entre le 6 août 2008 et le 29 mars 2012, dispose que la confiscation des biens des personnes physiques coupables de l’infraction de DO peut notamment porter sur : “ La chose qui a servi à commettre l’infraction ou qui était destinée à la commettre ( 8°) ; le produit de l’infraction ( 8°) ; tout ou partie des biens du condamné qu’elle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis” (12°). A compter de la loi n°2012-409 du 27 mars 2012, l’article 324-7, 12°, a été rédigé ainsi : “La confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis”. La cour confirme la déclaration de culpabilité des époux X du chef de DO de fraude fiscale EI EJ EK, entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2014. La peine complémentaire de confiscation générale de tout ou partie de leur patrimoine peut par conséquent être ordonnée, conformément aux articles 131-21 CD 6 et 324-7 du code pénal. La pleine propriété du bien immobilier dit Y de Cossy a fait l’objet de deux ordonnances de saisie pénale rendues par le juge d’instruction le 9 juillet 2015, lesquelles ont été confirmées par deux arrêts de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris rendus le 3 novembre 2016. Par arrêt en date du 31 mai 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par M. A X, Mme Z BP épouse X, M. C X et Mme P X à l’encontre de ces arrêts. La pleine propriété de la villa “Dar Gyucy” sise à E et le solde créditeur du compte bancaire n° 5250691400200 ouvert dans les livres de l’CL CM à E au nom de la SCI Dar Gyucy ont fait l’objet d’une saisie conservatoire effectuée par les autorités judiciaires du Maroc sur commission rogatoire internationale (PV du 24 juin 2015). Le titre au porteur de la société BJ, composé de 100 actions pour un capital de 10.000 dollars américains a été saisi par ordonnance du juge d’instruction du 8 janvier 2015. La villa “Pamplemousse” a été saisie par ordonnance du magistrat instructeur en date du 14 mai 2014 puis vendue, après autorisation judiciaire du 9 juillet 2015, au prix de 2 millions de dollars américains. Cette vente a permis, après dédommagement des

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créanciers, le versement d’une somme de 1.357.767, 70 euros à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). – La villa “Pamplemousse” Il ressort de la procédure que la société FWI, officiellement propriétaire de la villa “Pamplemousse”, n’était qu’une société-écran et que les vrais propriétaires de ce bien étaient M. et Mme X. En effet il était acté dans les statuts complémentaires de la société FWI adoptés le 8 juillet 2004 que les époux X possédaient, leur vie durant, les droits sur la fortune et les revenus de la société FWI. Pendant la période de prévention, ils ont occupé cette villa en se comportant comme ses véritables propriétaires. Ils employaient le personnel attaché à la villa, payaient les factures, l’assurance habitation. Ils disposaient de la villa “Pamplemousse” ainsi qu’ils le souhaitaient, pour y séjourner, la donner en location, faire réaliser travaux et aménagements, l’entretenir. Suite à la saisie du bien, ils ont demandé aux juges d’instruction l’autorisation de pouvoir le vendre, démontrant leur capacité à en disposer. Les représentants de la société FWI ne pouvaient ignorer ces éléments; cette société ne saurait donc être propriétaire de bonne foi. Au vu de ces éléments, la propriété juridique apparente doit être requalifiée, les époux A et Z X étant les propriétaires réels de la villa “Pamplemousse”. – La villa “Dar Gyucy”, les parts de la société BJ et le compte de la SCI Dar Gyucy Les époux X ont fait créer par la fiduciaire suisse BL les sociétés panaméennes BJ et HIMOLA. La SCI Dar Gyucy était détenue à 99% par BJ et à 1% par Mme BK, salariée de BL. La SCI a acquis en 2010 la villa “Dar Gyucy” sise à E. Le compte bancaire d’HIMOLA a été débité afin de verser un “dessous de table” au vendeur de la villa deux jours avant la vente chez le notaire. Ainsi, les époux X étaient les vrais propriétaires de la villa “Dar Gyucy”. Ils ont choisi la villa, en ont négocié le prix avec son vendeur, l’ont meublée et entretenue, ont rémunéré l’agent immobilier intervenu pour son achat ; Ils se sont comportés comme les propriétaires de ce bien, l’occupant et la fermant en leur absence. M. AB, représentant BL, a fait une dénonciation au MROS, équivalent de T en Suisse, lorsqu’il a compris que les époux X étaient les véritables bénéficiaires économiques des sociétés BJ et HIMOLA et non M. AD. Mme BK a déclaré ne rien ignorer de cela. La SCI Dar Gyucy et la société BJ ne sauraient donc être considérées propriétaires de bonne foi de la villa. Au vu de ces éléments, la propriété juridique apparente doit être requalifiée, les époux A et Z X étant les propriétaires réels de la Villa “Dar Gyucy”, et les seuls bénéficiaires des parts des sociétés BJ, HIMOLA et de la SCI Dar Gyucy. -Le Y de Cossy M. et Mme X ont acquis cet ensemble immobilier sis à Giverny (27) et Limetz (78) de 1986 à 1990. Ils en sont les usufruitiers légaux depuis la donation-partage, consentie à leurs enfants P et C le […], de la nue-propriété dudit bien. Le Y de Cossy est grevé par une hypothèque légale au profit du Trésor public concernant l’usufruit des époux X.

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L’article 112-1 alinéas 1 et 2, du code pénal énonce le principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère. A la différence de la saisie qui est une mesure procédurale, la confiscation revêt la nature d’une peine. Des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 27 mars 2012 ne pourront donc donner lieu à des confiscations sur le fondement de l’article 131-21, alinéa 6, du code pénal que sur les biens dont les personnes condamnées sont propriétaires, à l’exclusion des biens dont elles ont simplement la libre disposition. En revanche, les faits EI après l’entrée en vigueur de la loi du 27 mars 2012 pourraient justifier l’application de celle-ci dans sa version actuelle.

La cour raisonnera par analogie, en considérant que la loi prévoyant la réserve des droits des propriétaires indivis de bonne foi lors de la confiscation d’un bien commande de réserver les droits des nus-propriétaires de bonne foi en cas de démembrement de la propriété du bien. Dans les deux cas, les personnes qui ne sont pas visées par la peine complémentaire doivent recevoir les sommes représentant la valeur de leurs droits après confiscation du bien.

La donation du Y de Cossy, passée par-devant notaire et enregistrée conformément à la loi, ne présente pas de caractère frauduleux. La clause de l’acte de donation selon laquelle les consorts X interdisent à leurs enfants de vendre, aliéner, hypothéquer ou nantir sans leur accord les biens donnés, jusqu’à leur décès, est courante et conforme aux dispositions de l’article 900-1 du code civil.

La cour considère que l’enquête ne démontre pas que les époux X avaient une intention frauduleuse lors de la donation de leur bien à leurs enfants ni que Mme P X et M. C X ne seraient pas nus-propriétaires de bonne foi. Ainsi la confiscation de la propriété entière de ce bien, incluant sa nue-propriété, léserait leurs droits.

La gravité des infractions de DO commises EJ EK est manifeste : Il est prouvé sur la période de sept ans retenue par la prévention , les faits se sont poursuivis sans discontinuité, en lien avec des opérations initiées dans un temps plus lointain. Ils ont consisté en la dissimulation, le placement et la conversion de sommes issues de fraudes fiscales parfois très anciennes, parfois récentes, sur des fonds dont l’origine familiale n’est jamais démontrée, parfois contestable, parfois totalement fausse, s’agissant notamment de ceux DN permis l’achat de la villa “Dar Gyucy”. Ils sont l’illustration d’un système parfaitement ancré dans le couple formé par M. et Mme X, qui en a tiré un profit considérable consistant à éluder de très importantes sommes d’impôt. Ils ont été EI avec l’aide de gestionnaires de fortune, pour partie avec l’intervention de tiers, leur fils C ainsi que MM. AD et AE, définitivement condamnés par jugement du 18 octobre 2019. Ils ont tous été réalisés avec l’emploi de moyens sophistiqués, soit l’usage de plusieurs sociétés-écrans situées dans des paradis fiscaux et représentées par des prête-noms.

La défense de M. et Mme X, s’agissant de leur personnalité, évoque leur appartenance à des familles riches et leur dévouement à la cause des habitants de Levallois-Perret. Ces éléments ne sont pas de nature à justifier leur fraude persistante.

Les prévenus ont maintenu leurs dénégations. L’audience d’appel ne les a pas conduits à démontrer, notamment dans leurs écrits, une prise de conscience de la gravité de leurs actes ni à exprimer des regrets. Ils ont déjà été condamnés et la cour les reconnaît coupables aujourd’hui de plusieurs infractions. Il y a lieu de prévenir toute réitération des faits.

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Ils sont âgés de 71 ans et 72 ans. L’avocat de Mme X soutient que la santé de sa cliente serait fragile mais n’apporte pas d’élément à l’appui de cette assertion. L’état de santé de M. X n’était pas compatible au moment de son expertise en février 2020, avec la poursuite de sa détention. Sans être atteint d’une pathologie létale, il doit faire l’objet d’une surveillance médicale. Les villas “Pamplemousse” et “Dar Gyucy” étaient à usage de résidences secondaires. Le Y de Cossy est le domicile familial de M. et Mme X. L’avocat de M. X a fourni à la cour la prévision des ressources du couple. En raison de la mise en oeuvre de la mesure d’inéligibilité, le revenu familial évalué par les intéressés eux-mêmes sera de 10.095,68 euros par mois, après retenue à la source, s’ils n’exercent plus aucune activité. Mme X a déclaré à la HATVP en juin 2014 posséder des biens mobiliers (valeurs cotées en bourse, assurance-vie, mobilier) pour une valeur totale de 444.494 euros. M. X a déclaré en janvier 2014 à la HATVP ne pas posséder de biens mobiliers. Toutefois, suite à la perquisition du Y de Cossy en septembre 2016, les commmissaires-priseurs désignés par le juge d’instruction ont évalué les meubles et bijoux – qui n’ont fait l’objet d’aucune saisie – qui se trouvaient dans cette résidence à une somme totale de 542.880 euros. Au vu de ces éléments, la cour estime que la situation personnelle des époux X leur permettra de vivre dans des conditions dignes malgré la confiscation de l’usufruit de leur domicile actuel et de la pleine propriété de leurs résidences secondaires.

L’atteinte portée au droit de propriété et au droit au respect de la vie privée et familiale par la confiscation de ces biens apparaît ainsi proportionnée, compte tenu de la gravité des faits, de la personnalité et de la situation personnelle des intéressés.

Cette peine complémentaire est nécessaire à l’effectivité de la loi pénale et à la cessation d’une situation gravement attentatoire aux intérêts de l’État, l’appauvrissant et le privant ainsi des moyens d’assurer aux citoyens le meilleur niveau possible de services publics.

Par conséquent, la cour : – infirme la peine complémentaire de confiscation de la pleine propriété du bien immobilier “Y de Cossy”, – confisque, en application des articles 131-21, alinéa 6 et 324-7, 12°, du code pénal, sous réserve des droits des nus-propriétaires, le bien immobilier “Y de Cossy”, – confirme, sur le fondement de l’article 131-21,alinéas 6 et 8, du code pénal, la peine complémentaire de confiscation à l’encontre de M. A X et de Mme Z BP épouse X : – de la somme de 1.357.767,70 euros, montant de la vente de la villa dite “Pamplemousse” située à Saint-J, – de la pleine propriété en intégralité de la villa située à E, dite villa “Dar Gyucy”, – du solde créditeur du compte bancaire n° 5250691400200 ouvert dans les livres de l’CL CM à E au nom de la SCI Dar Gyucy, – du titre au porteur de la société BJ, détentrice à 99 % de la SCI Dar Gyucy, dont le capital social était composé de 100 actions pour un montant de 10.000 dollars américains.

La cour restitue ainsi à Mme P X et M. C X leurs quotes-parts de nue-propriété indivises portant sur le Y de Cossy, sans qu’il soit nécessaire de statuer par arrêt séparé.

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Sur l’action civile Arguments de la défense

Les avocats de la défense ont soutenu que les juges répressifs, saisis de poursuites de DO de fraude fiscale, pouvaient indemniser l’Etat français du dommage résultant du DO, mais n’avaient pas compétence pour réparer le préjudice subi par le Trésor public du fait du délit fiscal, qui est indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard.

La nature du préjudice subi par l’Etat français du fait du DO reproché serait ainsi selon eux à tout le plus constitué par les frais liés aux procédures judiciaires qu’il a dû mettre en œuvre pour faire valoir ses droits et recouvrer ses créances. Or ceux-ci seraient indemnisés par les sommes allouées au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Aucune pièce n’DN été communiquée par la partie civile s’agissant de frais liés à d’autres procédures mises en œuvre pour faire valoir ses droits ou recouvrer des créances découlant des faits de DO de fraude fiscale, le préjudice, dont le montant invoqué résulterait d’un chiffrage discrétionnaire, ne serait pas démontré et ne saurait être considéré comme certain au sens des dispositions de l’article 2 du code de procédure pénale.

Ils ont soutenu en outre que l’Agent judiciaire de l’Etat disposait d’un monopole pour représenter l’Etat français dans les actions judiciaires tendant à le faire déclarer créancier. Le ministre de l’action et des comptes publics ne pouvait par conséquent représenter l’Etat français et faire valablement des demandes indemnitaires dans la présente procédure.

Durant l’information judiciaire, l’Etat français n’était pas représenté par un ministre mais par Monsieur le directeur général des finances publiques.

Ils ont précisé que l’exception relative aux matières fiscales ne saurait en l’espèce s’appliquer, la jurisprudence dissociant clairement le préjudice consécutif à un DO de fraude fiscale du préjudice issu d’une fraude fiscale.

Ils ont ajouté, s’agissant de la condamnation solidaire de M. C X avec ses deux parents, ainsi que de M. BU AE et M. EG-EH AD à payer à l’Etat français, partie civile, la somme de 1.000.000 d’euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 30.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, que l’Etat ne rapportait pas la preuve qu’il avait subi un préjudice personnel, certain et direct du fait de l’infraction dont M. C X a été reconnu coupable.

Selon eux en effet, M. C X a été condamné du chef de DO pour avoir signé deux baux fictifs afin de dissimuler que ses parents étaient les véritables propriétaires de la villa “Dar Gyucy”. Or, le délit EI par ses parents, à l’origine du préjudice invoqué par l’Etat français, aurait été définitivement constitué et consommé plus d’un an avant la signature du premier bail par M. C X, intervenue le 16 mars 2011.

Par conséquent, ils ont demandé à la cour de débouter l’Etat français de cette demande de dommages-intérêts à l’encontre de M. C X.

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A titre subsidiaire, ils ont fait valoir qu’il n’existait aucune proportion entre la demande de condamnation solidaire à hauteur de 1 million d’euros, avec d’une part, le niveau d’implication de M. C X dans la constitution du délit de DO de fraude fiscale qui lui est imputé, et d’autre part, le niveau de ses revenus actuels. Ils sollicitaient par conséquent la condamnation de ce dernier à verser à l’Etat des sommes qui ne soient pas supérieures à 100.000 euros à titre de dommages-intérêts et 5.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Analyse de la cour

Sur la recevabilité

Il résulte de la jurisprudence que si la cour n’a pas compétence pour réparer le préjudice subi par le Trésor public du fait du délit fiscal, qui est indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard, elle peut indemniser l’Etat français du dommage résultant du DO (Crim. 17 décembre 2014, n°14-86 560, Crim. 29 janvier 2020, n°17-83 577).

En application de l’article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 : “toute action portée devant les tribunaux de l’ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l’Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l’impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l’agent judiciaire du Trésor Public”.

Il a été jugé par la chambre criminelle que : “ne constituent pas une cause étrangère à l’impôt les faits EI en détournant l’application de dispositions du code général des impôts et qualifiés d’escroquerie à la TVA”(Crim. 16 juin 1966, Bull. crim. no 174. – Crim. 6 févr. 1969, no 66-91.594 Bull. crim. no 65). Dans cette décision, la Cour a jugé que le ministre des finances était fondé à se constituer partie civile sans recourir à l’assistance de l’agent judiciaire du Trésor, l’escroquerie qui motivait cette constitution de partie civile étant en relation étroite avec l’impôt.

Dans une autre espèce, elle a considéré que : “il se déduit de l’article 1741 du code général des impôts que le produit du DO est le montant des impôts éludés, les sommes imposables dissimulées à l’administration fiscale constituant l’objet de la fraude” (Crim. 17 décembre 2014, n°14-86 560). La cour estime qu’il se déduit de ces arrêts que le DO de fraude fiscale, dont le produit est le montant des impôts éludés et l’objet les sommes imposables dissimulées, n’est pas une cause étrangère à l’impôt. Le ministre de l’action et des comptes publics pouvait par conséquent représenter l’Etat et faire valablement des demandes indemnitaires dans la présente procédure.

L’intervention de l’administration fiscale représentée par le ministre chargé des finances publiques a d’ailleurs été validée par la Cour de cassation lors des arrêts précités.

La cour déclare par conséquent recevable la constitution de partie civile de l’Etat français représenté par le ministre de l’action et des comptes publics.

Sur le montant des dommages-intérêts et des sommes allouées au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale

Par ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 22 mai 2014, confirmée par arrêts de la chambre de l’instruction en date du 3 juillet 2014 et du 9 mars 2017, mesure maintenue par ordonnance du 6 juillet 2018, le juge d’instruction a ordonné le versement

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entre les mains du régisseur de recettes du tribunal de la somme d'1 million d’euros, par Mme Z BP ép. X, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 10.000 euros et le paiement de la réparation des dommages causés par l’infraction et les restitutions et les amendes à concurrence de 990.000 euros.

Par ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 4 mai 2016, confirmée par arrêts de la chambre de l’instruction en date du 30 juin 2016 et du 12 septembre 2016, mesure maintenue par ordonnance du 6 juillet 2018, le juge d’instruction a ordonné le versement entre les mains du régisseur de recettes du tribunal de la somme de 100 000 euros, par M. C X, ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure à concurrence de 10.000 euros et le paiement de la réparation des dommages causés par l’infraction et les restitutions et les amendes à concurrence de 90.000 euros. L’article 480-1 du code de procédure pénale dispose que “Les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts (…)”.

Il résulte d’une jurisprudence constante que d’une part, la solidarité entre les individus condamnés pour un même délit s’applique également à ceux déclarés coupables de différentes infractions rattachées entre elle par des liens d’indivisibilité ou de connexité, d’autre part il n’y a pas lieu de prononcer un partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage dont la réparation a été ordonnée.

Selon l’article 1317 du code civil : “Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part. Si l’un d’eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité ”.

Il appartiendra à M. C X, qui déclare ne pas être en mesure de s’acquitter de la condamnation à verser des dommages-intérêts au delà d’une somme de 100.000 euros, de diligenter toutes les actions qu’il estimera utiles après le présent procès. M. A X et Mme Z X ont mis en oeuvre pendant sept ans, EJ EK, des mécanismes sophistiqués de dissimulation, de conversion et de placement de leurs revenus et de leur patrimoine immobilier à Saint-J et au Maroc.

Ils ont fait procéder par des financiers suisses à la création de sociétés situées dans plusieurs paradis fiscaux ( Liechtenstein, Panama, Seychelles ). Ils ont bénéficié de l’action frauduleuse de proches qui ont EI également des faits de DO pour leur permettre de cacher à la justice et l’administration française leur fraude.

En signant et produisant en justice des contrats de bail fictifs en vue de permettre à ses parents de dissimuler la propriété de la villa “Dar Gyucy”, M. C X a EI des faits de DO de fraude fiscale pour lesquels il a été définitivement condamné par jugement du 18 octobre 2019.

MM. AE et AD ont été définitivement condamnés également par le même jugement pour les faits EI afin de permettre aux époux X de ne pas apparaître comme les véritables bénéficiaires économiques des société HIMOLA et BJ et les vrais propriétaires de la villa “Dar Gyucy” au Maroc.

L’ensemble des manoeuvres des prévenus et des condamnés a obligé l’Etat à la mobilisation de ses services afin d’identifier le patrimoine dissimulé à l’étranger, ce qui a

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nécessité un très important travail de ses agents outre les frais de fonctionnement correspondants. Ces dépenses sont différentes de celles engagées pour la représentation et le soutien de ses demandes de dommages-intérêts de l’Etat devant les juridictions de première instance et d’appel qui sont indemnisées par les sommes allouées au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Deux institutions ont été mobilisées : les Finances publiques et la police judiciaire, chacune dans leur domaine, même si les investigations de l’une, sous réserve du principe de spécialité, appuyaient les investigations de l’autre. Quatre ans d’investigations conduites par deux magistrats instructeurs ont été nécessaires, collectées dans quarante tomes de procédure. Vingt-deux commissions rogatoires internationales ont été délivrées sur quasiment les cinq continents pour démêler l’écheveau de sociétés off-shores, élaboré par M et Mme X et leurs gestionnaires de fortune.

Au vu de ces éléments, le préjudice direct subi par l’Etat français est incontestable. La dissimulation des biens et des droits éludés a nécessairement engendré pour l’Etat des frais financiers importants, compte tenu de la pérennité, de l’habitude et de l’importance de la fraude, entraînant la mise en œuvre de procédures judiciaires pour faire valoir ses droits et recouvrer ses créances, indépendamment du préjudice économique et budgétaire déjà actuel, caractérisé par l’absence de rentrée des recettes fiscales dues.

La cour considère par conséquent la demande de la partie civile justifiée tant dans son principe que dans son montant et confirme la condamnation des prévenus avec leur fils M. C X à verser solidairement à l’Etat la somme de 1.000.000 d’euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de DO et la somme de 30.000 euros in solidum sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, les divers procédés utilisés, constitutifs de DO, DN obligé l’Etat à la mise en œuvre de multiples recherches, investigations et procédures pour espérer pouvoir recouvrer les impositions éludées.

La cour condamne en outre in solidum Mme Z X, M. A X et M. C X à verser à l’Etat français la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevables les appels interjetés à titre principal par Mme Z X, M. A X, M. C X, et à titre incident par l’Etat français, partie civile, et le ministère public.

CONSTATE que le ministère public se désiste de son appel incident sur les infractions de corruption et DO de corruption.

DECLARE recevable l’intervention de Mme P X pour demander la restitution de sa quote-part de nue-propriété indivise portant sur le bien immobilier “Y de Cossy ”.

RENVOIE le début des débats prévu à l’audience du 3 février 2020 au 4 février 2020.

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Sur l’action publique

CONFIRME le jugement sur la déclaration de culpabilité de Mme Z BP épouse X des chefs de DO de fraude fiscale EI EJ EK et de déclaration mensongère et incomplète de situation patrimoniale à la HATVP par une personne titulaire ou délégataire d’une fonction exécutive locale,

CONFIRME le jugement sur la déclaration de culpabilité de M. A X des chefs de DO de fraude fiscale EI EJ EK et de déclaration mensongère et incomplète de situation patrimoniale à la HATVP par un parlementaire,

L’INFIRME sur la relaxe prononcée du chef de prise illégale d’intérêt et déclare M. A X coupable d’avoir, à Levallois-Perret et en tout autre lieu du territoire national, de janvier 2009 à avril 2010, en tout cas depuis temps non prescrit, étant maire de Levallois-Perret, à ce titre dépositaire de l’autorité publique et président de la SEMARELP, à ce titre chargé d’une mission de service public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une opération en lien avec le projet de construction des Tours de Levallois, attribué aux sociétés du groupe MBI dirigé par M. BT CD CE, dont il avait, au moment de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration, l’intérêt consistant en l’espèce en l’octroi d’avantages personnels par le promoteur immobilier, notamment des voyages en jet privé et des fonds destinés à l’acquisition d’une villa au Maroc (villa “Dar Gyucy” à E).

En répression

Vu les articles 131-10; 131-21, alinéas 6 et 8; 131-26, 2°; 131-26-1; 131-27; 324-1; 324-2; 324-7, 1°, 9° et 12°; 432-12; 432-17, 2°, du code pénal et l’article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale,

CONFIRME le jugement sur la peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée à l’encontre de M. A X,

CONFIRME le jugement sur la peine de quatre ans d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Mme Z BP épouse X,

Y AJOUTANT

CONDAMNE M. A X et Mme Z BP épouse X à verser chacun une amende de 100 000 (cent mille) euros,

CONFIRME la peine complémentaire d’interdiction de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, prononcée pour une durée de dix ans à l’encontre de M. A X et de Mme Z BP épouse X,

CONFIRME la peine complémentaire de privation de leur droit d’éligibilité pour une durée de dix ans prononcée à l’encontre de M. A X et de Mme Z BP épouse X,

RAPPELLE que cette peine d’inégibilité emporte interdiction d’exercer une fonction publique,

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Y AJOUTANT,

DIT que cette peine d’inéligibilité sera assortie de l’exécution provisoire en application des articles 131-10 du code pénal et 471, alinéa 4, du code de procédure pénale,

PRONONCE à titre de peine complémentaire à l’encontre de M. A X l’interdiction définitive de l’exercice de toute fonction ou tout emploi dans un organisme gérant des fonds publics en application de l’article 432-17, 2°, du code pénal,

DIT que cette interdiction sera assortie de l’exécution provisoire en application des articles 131-10 du code pénal et 471, alinéa 4, du code de procédure pénale,

INFIRME la peine complémentaire de confiscation du bien immobilier “Y de Cossy ”,

ET STATUANT A NOUVEAU à l’encontre de M. A X et de Mme Z BP épouse X,

CONFISQUE, en application des articles 131-21, alinéa 6 et 324-7, 12°, du code pénal, sous réserve des droits des nus-propriétaires, le bien immobilier “Y de Cossy ”, dont les références sont les suivantes :

Désignation Propriétaire Commune Section N° Lots du bien

Maison sise Bien acquis Limetz-Villez ZD sur le territoire par donation (78270) d e l a partage avec commune de aliénation de Limetz-Villez l a n u e (78270) prorpiété du 13/ 03/ 1997 , par acte de Maître B, notaire à Levallois Perret (92), et publié le 13/05/1997 au service de la publicité foncière de Mantes la Jolie sous le n u m é r o volume 1997P n°2086. Bien grevé par une hypothèque légale au profit du trésor p u b l i c concernant Mme et M. B a l k a n y u s u f r ui t i e r s dont sont propriétaires

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pour la nue propriété pour moitié indivise chacun : B a l k a n y C, né le […] et X P, D n é e l e […] à Neuilly-sur- Seine (92), Pour l’usufruit pour moitié indivise c h a c u n B a l k a n y A né le […] à Neuilly-sur- Seine et Z BP épouse X née le […] à […], 226, 227, Néant de la falaise à par donation […], […] partage avec […] D l a n u e 225 devenue propriété du domaine 13/ 03/ 1997 , public par PV par acte de n° 207 publié Maître B, le 19/03/1993 notaire à sous le Levallois volume 1993 Perret (92) et 676 publié les 23/05/1997 et 08/09/1997 au service de la publicité foncière de Les Andelys sous le numéro volume 1997P n° 1263. Réserve de l’usufruit. Attestation rectificative de pacte de Maître B, n o t a i r e enregistré sous le numéro volume 1997P n° 1263 du 04/09/1997

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publié le 08/09/1997 sous le numéro volume 1997P n° 2094. Au profit des donateurs avec réver sibilité réciproque au profit du survivant d’eux. Dont sont propriétaires : Pour la nue- propriété pour moitié indivise chacun : B a l k a n y C, né le […] et X P, née le […]. Pour l’usufruit pour moitié indivise à B a l k a n y A né le […] et Z BP épouse X

DIT que leurs quotes-parts indivises de la nue-propriété du bien immobilier “Y de Cossy ” seront restituées à Mme P X et M. C X,

CONFIRME les confiscations des autres biens ci-dessous évoqués, sauf à substituer aux fondements retenus par les premiers juges ceux des articles 131-21, alinéas 6 et 8, et 324- 7, 12°, du code pénal :

— les deux biens situés à Sidi Youssef DP DQ DR […] à E, acquis le […] par la SCI Dar Gyucy, en l’étude de Maître BT BS, notaire à E et saisis à titre conservatoire par les autorités du Royaume du Maroc : – la propriété dénommée “ Menzeh DR 4 ”, d’une superficie de 01 ha 00 a 29 ca, située à E Sidi Youssef DP DQ DR […], consistant en un terrain sur lequel sont édifiées des constructions à usage d’habitation comprenant une petite cave, au rez-de-chaussée : salon marocain, salon européen, salle à manger, cuisine, 3 chambres à coucher, 3 salles de bain, cour de service et jardin, maison de gardien avec 2 petites pièces, cuisine et douche et à l’étage 2 chambres à coucher, 2 salles de bain. Le tout faisant l’objet du titre foncier n° 10.556143, – la propriété dénommée “ Menzeh DR 5 ”, consistant en un terrain d’une superficie de 01 ha 00a 50ca, située à E Sidi Youssef DP DQ DR […], consistant en un terrain nu. Le tout faisant l’objet du titre foncier n° 10.557143,

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— le prix issu de la vente de la villa dite “ Pamplemousse” située à Saint- J, soit la somme de 1.357.767, 70 euros déjà consignée entre les mains de l’Agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et confisqués,

— le solde du compte créditeur du compte bancaire n° 5250691400200 ouvert dans les livres de l’CL CM à E au nom de la SCI Dar Gyucy,

— le titre au porteur de la société BJ Investments Group Corp. composé de 100 actions pour un capital de 10.000 dollars américains saisi pénalement par ordonnance du 8 janvier 2015 et placé sous scellé n°2015/100018.

RAPPELLE que, conformément aux articles 706-151 et 707-1 du code de procédure pénale, les formalités de publication des saisies et des confiscations immobilières sont réalisées par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

Dit que conformément aux dispositions des articles 707-3 et R 55-3 du code de procédure pénale : – si le prévenu s’acquitte du montant de l’amende et du droit fixe de procédure mentionné ci-dessous, dans un délai d’un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % (réduction maximale de 1.500 euros), – le paiement de l’amende ne prive pas le condamné du droit de former un pourvoi en cassation.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 euros, prévu par l’article 1018 A du code général des impôts, dont est redevable le condamné. Ce montant est diminué de 20 % en cas de paiement dans le délai d’un mois : – à compter du jour du prononcé de la décision si celle-ci est contradictoire, – à compter de la signification si l’arrêt est contradictoire à signifier ou de défaut.

Sur l’action civile

DECLARE recevable la constitution de partie civile de l’Etat français,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné solidairement Mme Z BP épouse X, M. A X et M. C X à payer à l’Etat français la somme de 1 000 000 (un million) d’ euros à titre de dommages-intérêts,

DIT que ces sommes seront acquittées solidairement avec M. BU AE et M. EG- EH AD dans les termes du jugement déféré devenu définitif à l’égard de ces derniers,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné in solidum Mme Z BP épouse X, M. A X et M. C X à payer à l’Etat français la somme de 30 000 (trente mille) euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

DIT que ces sommes seront acquittées in solidum avec M. BU AE et M. EG- EH AD dans les termes du jugement déféré devenu définitif à l’égard de ces derniers,

Y AJOUTANT,

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CONDAMNE in solidum Mme Z BP épouse X, M. A X et M. C X à payer la somme de 20 000 (vingt mille) euros à l’Etat français en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

Le présent arrêt est signé par Sophie Clément, présidente, et par BQ BR, greffier

LA PRÉSIDENTE LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, 27 mai 2020, n° 19/12444