Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 23 février 2021, n° 19/10293

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 8, 23 févr. 2021, n° 19/10293
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/10293
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Meaux, 8 avril 2019, N° 18/03178
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRET DU 23 FEVRIER 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10293 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B76VC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX – RG n° 18/03178

APPELANTE

Madame Y X

[…]

77177 BROU-SUR-CHANTEREINE / FRANCE

ayant pour avocat : Me Ronald SARAH, avocat au barreau de PARIS, toque : A441

INTIMEE

SA ACM IARD

[…]

[…]

N° SIRET : 352 406 748

ayant pour avocat : Me François MEURIN de la SCP TOURAUT & ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

M. Christian BYK, Conseiller

M. Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Le 22 septembre 2016, Mme Y X a souscrit un contrat d’assurance ' Formule Tous Risques Optimale’ n° AA10345564 pour son véhicule OPELINSIGNIA immatriculé AE-648-FD auprès de la compagnie ACM IARD (ci-après dénommée ACM) par l’intermédiaire de son agence bancaire CIC.

Le 14 novembre 2016, elle a déposé plainte auprès du commissariat de police de CHELLES (77) pour le vol de son véhicule, et a déclaré son sinistre auprès de son assureur le 27 novembre 2016.

Le 12 décembre 2016, l’assureur a informé Mme X du virement à son profit d’une indemnité d’un montant de 9 700 euros en règlement de ce sinistre.

Le 9 février 2017, le véhicule a été retrouvé puis remorqué vers le garage SPORT AUTO à PIERRELAYE (95).

Il a fait l’objet d’un premier examen le 16 février 2017 par un expert mandaté par l’assureur, puis d’un second le 16 mars suivant en présence de Mme Y X. Le rapport d’expertise a été déposé le 21 juin 2017.

Par courriers du 3 juillet puis du 1er août 2017, la compagnie ACM a sollicité le remboursement par Mme X de la somme de 9 700 euros. Par courrier du 20 août 2017, Mme X a refusé de rembourser la somme réclamée aux motifs notamment que l’expert a précisé qu’une intervention électronique ne pouvait être détectée sur ces véhicules et a signalé un défaut de fermeture du coffre.

A défaut d’accord, par acte d’huissier du 23 août 2018, la compagnie ACM a assigné Mme X en remboursement de la somme de 9 700 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 9 avril 2019, le tribunal de grande instance de MEAUX, a condamné Mme X à payer à la société ACM la somme de 9 700 euros à titre principal, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par déclaration électronique du 14 mai 2019, enregistrée au greffe le 12 juin 2019, Mme X a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 octobre 2019, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1104, 1119, 1171, 1172, 1353 et 2274 du code civil, de l’article R 212-2 du code de la consommation et des articles L.511-1 et L.521-4 du code des assurances, de :

* la déclarer recevable en son appel,

*INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

* dire que les conditions générales lui sont inopposables,

* dire abusive la clause afférente à la condition de garantie vol stipulée dans les conditions générales du contrat d’assurance souscrit par elle auprès des ACM et la réputer non écrite,

* dire que le vol de son véhicule est établi,

* dire nulle ladite clause en ce qu’elle constitue la condition d’une chose impossible,

En conséquence,

* débouter les ACM de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

* constater le défaut d’information et de conseil de l’agence CIC, courtier mandataire des ACM dans l’opération de souscription du contrat n° AA10345564,

En conséquence,

* condamner les ACM à lui régler la somme de 9 700 euros en réparation de son préjudice directement causé par la faute de son conseiller,

* ordonner la compensation des sommes dues par les parties,

En tout état de cause,

* condamner les ACM à lui régler la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 25 septembre 2019, l’intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1302 du code civil, de :

* CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions,

* condamner Mme X à lui rembourser la somme de 9 700 euros correspondant à l’indemnité par elle reçue, dès lors qu’il est apparu, suite à la découverte du véhicule après indemnisation, que les conditions contractuelles subordonnant cette indemnisation n’étaient pas remplies,

* lui donner acte que, après complet remboursement, elle tient le véhicule à la disposition de Mme X qui pourra le récupérer à ses frais dans les locaux de la société SPORT AUTO à PIERRELAYE (95).

Subsidiairement, ordonner une expertise,

* condamner Mme X à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, s’ajoutant à la condamnation prononcée de ce chef en première instance,

— condamner Mme X en tous les dépens de première instance et d’appel.

La clôture est intervenue le 23 novembre 2020

Il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile

MOTIFS DE LA DECISION

Mme X, qui n’a pas constitué avocat en première instance, sollicite l’infirmation du jugement tandis que l’assureur en sollicite la confirmation.

Sur l’opposabilité à Mme X des conditions générales de la société ACM

Mme X demande à titre principal, au visa de l’article 1119 du code civil, que les conditions générales lui soient déclarées inopposables dès lors qu’elle conteste en avoir reçu un exemplaire et en conséquence les avoir formellement acceptées.

La compagnie ACM réplique que sur le fondement de l’article 1103 du code civil, l’appelante a accepté les termes de son contrat d’assurance incluant les conditions générales.

En vertu de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1119 du code civil dispose que :

' Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En cas de discordance entre les conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties les clauses incompatibles sont sans effet.

En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières'.

Il en résulte que l’opposabilité à un assuré des conditions générales d’un contrat d’assurance est subordonnée à la double preuve de ce que ces conditions générales ont été portées à la connaissance de l’assuré et que l’assuré les a acceptées.

Au cas particulier, il est précisé aux conditions particulières du contrat du 22 septembre 2016 souscrit par Mme X, et signé par ses soins, que la souscriptrice déclare avoir reçu, préalablement à la souscription du contrat, notamment un exemplaire des documents contractuels énumérés et plus précisément les conditions générales 'Ref 43.24.88 millésime 04/2015' ainsi que différentes annexes, valant notice d’information et information précontractuelle au sens de l’article L 112-2 du code des assurances, de sorte que les conditions générales qui font ainsi partie intégrante du contrat, sont bien opposables à Mme X. Ce moyen sera rejeté.

Sur le caractère abusif de la clause prévues aux conditions générales

Mme X invoque, au visa des articles 1353 et 1171 du code civil et R 212-2 du code de la consommation, le caractère abusif de la clause prévue aux conditions générales qui met à sa charge la preuve du sinistre et limite les moyens d’en faire la preuve, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les parties dans la convention.

L’assureur répond que les conditions générales comprennent une clause définissant l’étendue de la garantie souscrite en cas de vol, l’assureur pouvant se prévaloir d’une clause exigeant des indices prédéterminés et cumulatifs ; qu’une clause claire, compréhensible et non sujette à interprétation, acceptée par l’assuré, qui constitue la définition des conditions de la garantie et non une exclusion de garantie, ne saurait être qualifiée d’abusive en ce qu’elle met à la charge de l’assuré la preuve de conditions posées pour la mise en oeuvre de la garantie qui ne sont pas impossibles à justifier ; qu’une telle clause n’a pas pour effet de créer, au détriment de l’assuré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que Mme X ne peut donc échapper à son obligation d’apporter la preuve des circonstances de la réalisation du risque en invoquant le caractère abusif de la clause ;que l’expertise du véhicule a démontré l’absence d’effraction mécanique sur les ouvrants et sur la colonne de direction ainsi que l’absence d’effraction électronique.

Sur ce,

L’article 1353 du code civil dispose que 'celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation'.

L’article R 212-2 du code de la consommation énonce que : ' Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l’article L 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur'.

L’article L 132-1 du code de la consommation détermine les clauses abusives qui ont pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Ce texte est d’ordre public et prévoit que les clauses abusives sont réputées non écrites.

Au cas particulier, les conditions générales Ref 43.24.88 millésime 04/2015 et plus particulièrement l’annexe intitulée 'garanties dommages au véhicule’prévoient au point A de la garantie Vol que sont garantis :

'Les dommages matériels consécutifs à la disparition totale du véhicule par :

* effraction mécanique du véhicule caractérisé par des traces matérielles constatées par une expertise , c’est à dire cumulativement l’effraction de l’habitacle ou du coffre et le forcement de la colonne de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d’un système antivaol en fonctionnnement, traces matérielles qui ont permis aux auteurs de démarrer le moteur et au véhicule de se déplacer de façon autonome

* effraction électronique du véhicule constatée et attestée par expertise, ayant permis aux auteurs de démarrer le moteur et au véhicule de se déplacer de façon autonome,

* effraction d’un garage privatif clos et verrouillé dans lequel le véhicule est stationné,

* acte de violence à l’encontre du conducteur ou du gardien.'

Il en résulte que la garantie vol ne s’applique pas sans effraction, que l’effraction mécanique doit être prouvée par deux éléments cumulatifs (effraction de l’habitacle ou du coffre et le forcement de la colonne de direction et la détérioration du faisceau de démarrage ou d’un système antivol en fonctionnement) et que l’effraction électronique, quant à elle, doit être prouvée par une attestation d’expert constatant l’effraction ayant permis aux auteurs de démarrer le moteur et au véhicule de se

déplacer de façon autonome.

Ainsi, par sa définition de l’effraction, l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. Outre leur caractère restrictif, ces modes de preuve ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratage électroniques actuels (notamment en vente libre sur Internet) mis en 'uvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile (vol de type mouse jacquing, technique de vol de voiture la plus utilisée depuis quelques années), vidant ainsi la garantie de sa substance.

Il s’agit donc d’une clause abusive en ce qu’elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur. Dans la mesure où l’assureur ne saurait promettre à l’assuré de garantir le vol tout en limitant l’application de la garantie à des hypothèses d’exécution matérielle de l’infraction trop précises, devenues totalement marginales ou dont la preuve est impossible à rapporter, elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit être réputée non écrite.

En l’espèce, la réalité du vol du véhicule de Mme X, dont la bonne foi est présumée, est suffisamment établie par les pièces produites aux débats. Dès lors, la garantie de l’assurance est due justifiant le versement de l’indemnisation par l’assureur et le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

La compagnie ACM qui succombe sera condamnée à payer à Mme X une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, en dernier ressort, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que les conditions générales, partie intégrante du contrat, sont opposables à Mme X,

Dit abusive la clause afférente à la condition de garantie vol stipulée dans les conditions générales du contrat d’assurance souscrit par Mme X auprès des ACM IARD créant un déséquilibre significatif entre les parties, et la répute non écrite,

Dit que le vol du véhicule est établi et que la garantie de l’assurance est due justifiant le versement de l’indemnisation par l’assureur,

Déboute en conséquence, les ACM IARD de toutes leurs demandes,

Condamne les ACM IARD à payer à Mme X une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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