Cour d'appel de Toulouse, 19 décembre 2014, n° 14/00944

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 19 déc. 2014, n° 14/00944
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 14/00944
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute-Garonne, 21 janvier 2014, N° 21101366

Sur les parties

Texte intégral

19/12/2014

ARRÊT N°

N° RG : 14/00944

XXX

Décision déférée du 22 Janvier 2014 – Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE – 21101366

C. MAUDUIT

Société ELIOR E

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

F X

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

***

APPELANTE

Société ELIOR E

XXX

XXX

représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Catherine ROSON-VALES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

XXX

XXX

représentée par Mme B C en vertu d’un pouvoir spécial

Madame F X

XXX

XXX

XXX

représentée par Melle A (FNATH)en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de:

C. LATRABE, président

N. BERGOUNIOU, conseiller

F. CROISILLE-CABROL, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. NEULAT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. LATRABE, président, et par C. NEULAT, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Mme X a été embauchée en qualité de responsable préparation par la SAS D E suivant CDI à compter du 2 octobre 1990 ; elle travaillait au restaurant de la cité administrative de TOULOUSE.

Mme X a été placée en arrêt de travail à compter du 22 décembre 2008.

Le 9 avril 2009, elle a effectué une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome du canal carpien avec mention d’une première constatation médicale du 30 décembre 2008.

Par courrier du 4 septembre 2009, la CPAM a informé Mme X de la prise en charge d’une maladie professionnelle du 31 mars 2009 au titre du tableau n° 57.

La CPAM a fixé un taux d’incapacité de 5 % ; par jugement du 21 décembre 2010, le tribunal du contentieux de l’incapacité a porté le taux à 10 % à compter du 24 mai 2010.

Mme X a fait l’objet de deux visites de reprise par le médecin du travail des 25 mai et 9 juin 2010 la déclarant inapte à son poste. Par LRAR du 9 juillet 2010, D E l’a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 16 février 2011, Mme X a saisi la CPAM aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

La tentative de conciliation entre employeur et salariée du 15 novembre 2011 ayant échoué, un procès-verbal de non conciliation a été établi le 18 novembre 2011 et, le 5 décembre 2011, Mme X a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance d’une faute inexcusable. L’employeur a demandé que la CPAM justifie avoir adressé à l’employeur le double de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial ainsi que le questionnaire, et avoir informé l’employeur de la fin de l’instruction en lui laissant un délai suffisant pour présenter ses observations, faute de quoi la décision de la CPAM de prise en charge de la maladie professionnelle serait inopposable à l’employeur.

Par jugement du 22 janvier 2014, rendu entre Mme X, la SAS D E et la CPAM, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a :

— dit que la maladie professionnelle dont Mme X avait été victime le 31 mars 2009 était due à la faute inexcusable de la SAS D E actuellement dénommée ELIOR E ;

— fixé au maximum la majoration de rente allouée à Mme X soit une majoration de 5 % ;

— alloué à Mme X une provision de 2.000 € ;

— avant dire droit sur la réparation des préjudices de Mme X, ordonné une expertise médicale, confiée au Dr Y, portant sur le déficit fonctionnel temporaire, l’assistance tierce personne, le pretium doloris, le préjudice d’agrément, le préjudice esthétique et la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle ;

— déclaré le jugement commun à la CPAM ;

— condamné la SAS ELIOR E à payer à Mme X une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par LRAR du 17 février 2014, la société ELIOR E a interjeté appel du jugement.

* *

*

Reprenant oralement ses conclusions écrites et ses observations additionnelles écrites, la société ELIOR E soutient que :

— sur la faute inexcusable :

* le tribunal des affaires de sécurité sociale ne pouvait pas se fonder sur le dossier du médecin du travail, qui était couvert par le secret médical et n’avait pas été communiqué à l’époque à l’employeur ; ainsi, l’employeur ne pouvait pas avoir connaissance d’un danger ;

* le tribunal des affaires de sécurité sociale ne pouvait, sans inverser la charge de la preuve, estimer que l’employeur n’établissait pas que la salariée ait bénéficié avant juin 2009 d’équipements ergonomiques ; en effet, il appartient à la salariée de prouver que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour la préserver ; de plus, dans son étude de poste, le médecin du travail ne mentionne aucune faute imputable à l’employeur ; l’employeur a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention pour faire face aux risques évalués par le médecin du travail en 2009 ;

* avant son arrêt de travail à compter du 22 décembre 2009, Mme X avait été déclarée par le médecin du travail apte à son poste ;

— sur les rapports entre l’employeur et la CPAM :

* l’inopposabilité de la décision de la CPAM est un moyen de défense qui peut être invoqué par l’employeur même s’il n’a pas été au préalable soumis à la commission de recours amiable ; elle prive la CPAM de son recours en remboursement à l’encontre de l’employeur pour les sommes qu’elle a avancées à la salariée ;

* en l’espèce, le délai de prise en charge de 30 jours à compter de la fin de l’exposition au risque (début de l’arrêt de travail du 22 décembre 2008) n’a pas été respecté : la première constatation médicale date du 31 mars 2009 ;

* la CPAM ne peut pas se fonder, pour justifier sa décision de prise en charge, sur des pièces médicales communiquées en première instance par Mme X, faisant grief à l’employeur ; de plus, elle ne justifie pas avoir communiqué à l’employeur le certificat médical initial au début de l’instruction ;

* le taux de 10 % n’est applicable que dans les rapports entre la salariée et la CPAM, parties au jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité, et non dans les rapports entre l’employeur et la CPAM, seul le taux initial de 5 % s’appliquant (article D 242-6-5 2e du code de la sécurité sociale).

Elle sollicite :

— sur la faute inexcusable :

* à titre principal, la réformation du jugement sur la faute ;

* à titre subsidiaire, si la cour d’appel confirmait le jugement :

° la fixation de la majoration de rente suivant la législation professionnelle ;

° une expertise judiciaire ;

° qu’il soit dit que la CPAM devra faire l’avance de la provision, de la majoration et des indemnités ;

— sur les rapports entre l’employeur et la CPAM :

* à titre principal :

° la réformation du jugement ;

° qu’il soit dit que la décision de la CPAM est inopposable à l’employeur ;

° que la CPAM soit privée de tout recours contre l’employeur ;

* à titre subsidiaire, qu’il soit dit que le recours de la CPAM à l’encontre de l’employeur sera limité sur la base du taux initial de 5 %.

Reprenant oralement ses conclusions écrites, Mme X soutient que :

— l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque auquel était exposée Mme X : le tableau de maladie professionnelle visant le syndrome du canal carpien date de 1972, et aucun employeur ne peut prétendre ignorer les risques pour la santé de ses salariés exposés à ces mouvements ; en l’espèce, l’étude de poste de juin 2009 ainsi que le dossier médical de Mme X depuis 2004 font apparaître des risques ;

— l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé de Mme X : il n’a fait aucune évaluation des risques et ne peut pas se contenter de l’étude de poste réalisée par le médecin du travail ;

— sa pathologie a été constatée alors qu’elle était encore en activité de sorte que le délai de prise en charge a été respecté.

Elle sollicite :

— la confirmation du jugement sur la faute inexcusable, la majoration de rente, la provision, et l’article 700 du code de procédure civile ;

— que le dossier soit renvoyé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour la mise en place de l’expertise médicale ;

— la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Reprenant oralement ses conclusions écrites, la CPAM soutient que :

— sur la maladie professionnelle : les conditions d’inscription de la maladie professionnelle au tableau et de l’exposition au risque sont remplies ; la condition de délai de prise en charge l’est également, le syndrome du canal carpien ayant été diagnostiqué dès décembre 2008 ; les comptes-rendus opératoires et d’IRM, couverts par le secret médical, n’avaient pas à figurer dans le dossier d’instruction consultable par l’employeur ; en tout cas, le courrier du Dr H-I du 10 décembre 2008 remis par la salariée à l’enquêteur de la CPAM y figurait ;

— sur la faute inexcusable, dans l’hypothèse d’une reconnaissance :

* la CPAM conserve son recours à l’encontre de l’employeur ; en effet, les textes imposent à la caisse d’adresser à l’employeur copie de la déclaration de maladie professionnelle mais pas le certificat médical initial, que l’employeur peut consulter en fin d’instruction ;

* le recours portera sur la majoration de rente de 10 %, l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale ne prévoyant pas un recours partiel ; de plus, la demande d’inopposabilité du taux à l’employeur relève de la compétences des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale, et non du tribunal des affaires de sécurité sociale ou de la cour d’appel.

Elle sollicite :

— qu’il soit dit que, dans les rapports salarié – employeur – caisse, Mme X remplit les conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles ;

— qu’il soit donné acte à la CPAM qu’elle s’en remet à justice sur la faute inexcusable ;

— à titre subsidiaire, si la cour d’appel estimait qu’il n’existe pas de maladie professionnelle car les conditions du tableau ne sont pas remplies, que l’action relative à la faute inexcusable soit déclarée sans objet, et la prise en charge de l’accident du travail (sic) inopposable à l’employeur ;

— dans l’hypothèse où une faute inexcusable serait retenue, la confirmation du jugement sur la majoration de rente calculée sur un taux de 10 %, l’expertise, la provision, et l’action récursoire de la CPAM à l’encontre de l’employeur.

SUR CE

Dans les rapports entre la CPAM et Mme X, la décision de prise en charge du 4 septembre 2009 par la CPAM d’une maladie professionnelle est acquise. L’employeur conteste simplement l’opposabilité de cette prise en charge à son encontre, ce qui ne prive pas la salariée de son droit de faire reconnaître une faute inexcusable de l’employeur, mais prive la CPAM de son recours à l’encontre de l’employeur en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable. La CPAM ne peut donc pas soutenir que, si la cour d’appel estimait qu’il n’existe pas de maladie professionnelle car les conditions du tableau ne sont pas remplies, alors l’action relative à la faute inexcusable serait sans objet.

Il convient donc d’examiner les deux questions l’une après l’autre, étant rappelé que la question de l’opposabilité de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle à l’encontre de l’employeur a aussi des incidences en dehors de toute faute inexcusable.

1 – Sur l’opposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de reconnaissance d’une maladie professionnelle :

Aux termes de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (alinéa 2). Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau des maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime (alinéa 3). Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau des maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé (alinéa 4). Dans les cas des alinéas 3 et 4, la CPAM reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, avis qui s’impose à la CPAM dans les conditions de l’article L 315-1 (alinéa 5).

Aux termes de l’article R 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction antérieure au décret du 29 juillet 2009, en vigueur au 1er janvier 2010, hors les cas de reconnaissance implicite, et en l’absence de réserves de l’employeur, la caisse assure l’information de la victime, de ses ayants droit et de l’employeur, préalablement à sa décision, sur sa procédure d’instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief ; en cas de réserves de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse hors le cas d’enquête de l’article L 442-1, envoie avant décision à l’employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés ; la victime adresse à la caisse une déclaration de maladie professionnelle dont un double est envoyé par la caisse à l’employeur.

L’article R 441-13 précise que le dossier constitué par la caisse doit comprendre la déclaration de maladie professionnelle, les divers certificats médicaux, les constats faits par la caisse, les informations parvenues à la caisse de chacune des parties, les éléments communiqués à la caisse régionale, et éventuellement le rapport de l’expert technique.

Par courrier du 4 septembre 2009, la CPAM a décidé de la prise en charge d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57, qui concerne les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, et en particulier le syndrome du canal carpien devant être pris en charge dans un délai de 30 jours, suite à des travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

Il n’est pas contesté que Mme X était exposée au risque jusqu’au 22 décembre 2008, date de début de son arrêt de travail. La maladie professionnelle doit donc avoir été constatée avant le 22 janvier 2009. Or, même si le courrier de la CPAM du 4 septembre 2009 visait une maladie du 31 mars 2009, date du certificat médical du Dr Z joint à la déclaration de maladie professionnelle, le syndrome du canal carpien a été diagnostiqué bien avant : un courrier du Dr H-I du 10 décembre 2008 le diagnostiquait déjà, une IRM du 26 décembre 2008 le confirmait, ainsi qu’un compte rendu opératoire du 15 janvier 2009. La condition de délai de prise en charge de 30 jours était donc remplie.

La société ELIOR E se plaint de ne pas avoir été destinataire de ces pièces médicales ; toutefois, l’article R 441-11 n’exigeait pas l’envoi de ces pièces par la CPAM à l’employeur, mais seulement que la caisse lui adresse une copie de la déclaration de maladie professionnelle et l’informe sur les éléments susceptibles de faire grief. En l’espèce, la CPAM a effectivement transmis à l’employeur une copie de la déclaration de maladie professionnelle et l’a informé d’une instruction par courrier du 30 avril 2009, puis l’a informé de la prolongation du délai d’instruction par courrier du 16 juillet 2009, et enfin de la possibilité de consulter le dossier par courrier du 13 août 2009. Ainsi, la société ELIOR E a pu prendre connaissance du rapport d’enquête réalisé par l’inspectrice le 13 août 2009, visant notamment le certificat médical du 10 décembre 2008. En ce qui concerne les comptes rendus (IRM et opération), ils avaient été transmis au médecin conseil de la CPAM mais n’avaient pas à figurer au dossier consultable par l’employeur (article 4 441-13) car il s’agissait d’éléments de diagnostic couverts par le secret médical.

Il convient donc de déclarer opposable à la société ELIOR E la décision de la CPAM de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme X.

2 – Sur l’existence d’une faute inexcusable :

Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En application de l’article L 461-1, ces dispositions sont également applicables aux maladies professionnelles.

Constitue une faute inexcusable le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il appartient au salarié d’établir la faute inexcusable commise par l’employeur : d’une part, le danger dont l’employeur avait conscience ou aurait dû avoir conscience, et, d’autre part, l’absence de mesures prises pour préserver le salarié.

En l’espèce, Mme X ne pourrait se borner, pour caractériser la conscience du danger, à rappeler que le tableau des maladies professionnelles visé date de 1972 et qu’aucun employeur ne peut l’ignorer : il faut que l’employeur ait eu ou ait dû avoir conscience que sa salariée était exposée au risque.

Mme X se fonde sur les pièces suivantes :

— un certificat du médecin du travail du 2 novembre 1999 indiquant que l’état de santé de Mme X pourrait sur le long terme rendre certaines tâches physiques difficiles (plonge, ménage…), ainsi que son dossier auprès de la médecine du travail, lequel mentionnait, dès 2004, un poignet droit douloureux ; néanmoins, il s’agit de certificat et dossier soumis au secret médical, or la salariée n’établit pas qu’elle-même ou le médecin du travail aurait dès 1999 ou 2004 informé l’employeur de ces difficultés ; jusqu’en 2007, elle était déclarée apte sans réserves ; le seul élément dont il est avéré que l’employeur a eu connaissance est qu’en 2007, le médecin du travail a déclaré Mme X apte avec restrictions (éviter le port de charges de plus de 5 kg) ; pour autant, Mme X ne précise pas quelles ont été ses conditions de travail effectives suite à ces avis d’aptitude partielle et ne produit aucune pièce à cet égard ; elle ne justifie donc pas que la société ELIOR E n’aurait pas respecté ces restrictions et aurait continué à lui imposer des ports de charges de plus de 5 kg ; il convient enfin de rappeler que ce n’est qu’en 2010 que Mme X a été déclarée inapte à son poste ;

— l’étude de poste réalisée les 12 juin 2009 et 3 juin 2010, décrivant les tâches confiées à Mme X ainsi que le risque de diverses maladies dont celle inscrite au tableau n° 57 en raison de contraintes posturales (gestes répétitifs, manutention et manipulation manuelle de charges) ; cette étude a été réalisée alors que Mme X se trouvait déjà en arrêt de travail et que la maladie professionnelle était déjà diagnostiquée ; l’étude indiquait que la salariée disposait d’équipements de protection individuelle (notamment sièges ergonomiques à la caisse) et d’équipements de protection collective (notamment transpalette, chariot à roulettes, monte charges, colonne vide ordures) ; elle ne fait pas ressortir une absence d’équipements avant que la salariée ne cesse définitivement le travail fin 2008, ni un manquement de l’employeur à son obligation générale d’évaluation des risques, ni une quelconque autre faute.

Il convient dès lors d’infirmer le jugement et d’écarter la faute inexcusable de l’employeur, avec toutes conséquences de droit quant à la majoration de rente, la réparation du préjudice, l’expertise médicale, la provision et le recours récursoire de la caisse à l’encontre de l’employeur.

3 – Sur l’article 700 du code de procédure civile :

La salariée succombant en son action en reconnaissance de faute inexcusable supportera ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

Déclare la décision de la CPAM de prise en charge de l’affection de Mme X au titre de la législation professionnelle, opposable à la société ELIOR E ;

Déboute Mme X de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de la société ELIOR E, et de ses demandes subséquentes (majoration de rente, provision, expertise médicale) ;

Déclare sans objet le recours de la CPAM à l’encontre de la société ELIOR E ;

Déboute Mme X de sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle qu’en la matière, la procédure est sans dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme C. LATRABE, président et par Mme C. NEULAT, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. NEULAT C. LATRABE

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