Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 20 décembre 2019, n° 17/01208

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 20 déc. 2019, n° 17/01208
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 17/01208
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 25 janvier 2017, N° 15/01838
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

20/12/2019

ARRÊT N° 2019/769

N° RG 17/01208 – N° Portalis DBVI-V-B7B-LPND

M. D/K.SOUIFA

Décision déférée du 26 Janvier 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 15/01838)

Section Industrie

E X

C/

SAS AIRBUS ATR

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANT

Monsieur E X

[…]

[…]

Représenté par Me Pauline LE BOURGEOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SAS AIRBUS ATR

[…]

[…]

Représentée par Me N LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. D, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. D, président

C. PAGE, conseillère

C. KHAZNADAR, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par M. D, président, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS

M. E X a été embauché le 1er août 2000 par la SA Aérospatiale Matra ATR, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de technicien, niveau V, échelon 1, coefficient 305, régi par la convention collective régionale Midi-Pyrénées de la Métallurgie, avec reprise d’ancienneté au 1er avril 1992.

Au dernier état de la relation contractuelle M. X est salarié de la SAS Airbus ATR et bénéficie d’un statut de technicien de niveau V, échelon 2, coefficient 335, régi par la convention collective régionale Midi-Pyrénées de la Métallurgie

Selon avenant au contrat de travail du 1er janvier 2007, il a été convenu que le salarié travaillerait pour un an selon un horaire d’équipe dit dit VSD (Vendredi Samedi Dimanche). Cette modalité d’aménagement du temps de travail du salarié s’est ensuite poursuivie.

' plusieurs reprises, il a interrogé l’employeur sur le régime juridique du VSD soit directement, soit par l’intermédiaire des délégués du personnel.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 29 juin 2015 aux fins de voir constater l’exécution fautive de son contrat de travail et la violation du principe de bonne foi, de voir ordonner son repositionnement dans la grille de classification niveau V, échelon 400, et de voir condamner la SAS Airbus ATR au paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 26 janvier 2017, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section industrie, a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens de l’instance, déboutant l’employeur de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— :-:-:-:-

Par déclaration du 23 février 2017 parvenue au greffe de la cour d’appel de Toulouse, M. X a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 10 février 2017.

— :-:-:-:-

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique du 21 novembre 2019, M. E X sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande :

— que soit constaté l’exécution fautive de son contrat de travail et la violation du principe de bonne foi en application des articles 1104 et 1231-1 du code civil ;

— que soit ordonné son repositionnement sur la grille de classification niveau 5 Référence, coefficient 400 et, a minima 365, assorti de la rémunération moyenne appliquée au sein d’Airbus ATR ;

— que soit annulés l’avertissement du 17 juin 2015 et la mise à pied du 27 mars 2017 ;

— qu’il soit jugé que l’employeur a détourné son pouvoir disciplinaire et a méconnu son obligation de sécurité 'de résultat’ ;

— que la SAS Airbus ATR soit condamnée à lui payer les sommes de :

* 10 000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’accord de classification et des règles d’évolution professionnelle ;

* 10 000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour non-respect des droit des travailleurs ;

* 25 000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Sur la violation de la réglementation relative au régime dit VSD, M. X fait valoir que cette violation a eu pour conséquence un non-respect de ses droits en terme d’évolution et d’accès à la formation. Il indique que la mise en place du travail en équipe de suppléance durant 9 ans était illicite dès lors qu’il n’existait aucun accord encadrant le travail dit VSD, avant la signature de celui en date du 20 août 2015 et que l’employeur n’établit pas avoir sollicité l’autorisation de l’inspecteur du travail ni l’avis des délégués syndicaux et du comité d’entreprise. Il ajoute qu’en raison des réponses contradictoires fournies par l’employeur sur l’existence ou non d’un accord il a été contraint de saisir l’inspection du travail qui, le 6 mars 2014, lui a indiqué qu’il n’y avait pas d’accord spécifique VSD.

Il souligne également que l’employeur a mis en place certaines mesures uniquement à la suite de sollicitations et que l’accord adopté du 20 août 2015 est insuffisant à permettre le respect de l’ensemble de ses droits, aucune disposition n’étant ainsi prévue pour les entretiens annuels. Il soutient, en outre, avoir été pénalisé à plusieurs titres de 2006 à 2015 en raison notamment de l’absence d’évolution de son coefficient et de la rétorsion de l’employeur à la suite de ses protestations et avoir ainsi subi un préjudice.

Sur son absence d’évolution dans son emploi, il précise être resté depuis 12 ans au même coefficient alors que ses compétences lui permettent de prétendre à un coefficient supérieur en application de la convention collective de la métallurgie.

Sur le manquement dans l’organisation des entretiens annuels d’évaluation, le salarié indique n’avoir bénéficié que de deux entretiens annuels en 15 ans au sein de la société malgré ses réclamations relatives à son absence d’évolution professionnelle et que cette carence de l’employeur a eu des répercussions sur sa carrière, lui causant un préjudice. Il souligne que l’entretien du 29 juin 2015 organisé par l’employeur à la suite de la saisine du conseil des prud’hommes a été dévoyé dans son principe et que la mise en place d’une procédure dite de 'people review' ne saurait s’apparentait à des entretiens d’évaluation annuels.

Sur le non-respect par l’employeur de son obligation de formation, il fait valoir qu’il n’a pu bénéficier de formation technique correspondant aux besoins de son poste de travail, cette carence constituant tant une violation de la loi que des accords groupe qui prévoient notamment des dispositions spécifiques applicables aux salariés de plus de 50 ans. Aussi, il soutient qu’en tant que salarié âgé de 59 ans la violation par la société des accords d’entreprise et de groupe relatifs à l’évolution des salariés senior lui a causé un préjudice et que les carences de l’employeur l’ont conduit à lui appliquer une classification erronée ne correspondant pas à la réalité de ses fonctions de point fixeur, métier le plus hautement qualifié parmi les agents opérationnels qualité. Il précise qu’au regard de sa polyvalence, de son autonomie et de l’évaluation de ses compétences et aptitudes personnelles par l’employeur, il aurait dû bénéficier a minima du coefficient 365 depuis le mois d’octobre 2006 et qu’il devrait être à ce jour au coefficient 400 compte tenu de l’évolution professionnelle qui aurait dû être la sienne.

Sur le détournement par l’employeur de son pouvoir disciplinaire, M. X soutient que ses demandes collectives pour le compte des travailleurs en équipe supplémentaire de fin de semaine dite VSD ont conduit à la dégradation de ses conditions de travail. ' ce titre, il expose que l’employeur lui a notifié un avertissement injustifié le 17 juin 2015 qui doit être annulé, sa prétendue absence s’expliquant en réalité par le défaut d’enregistrement de sa demande de congé en raison de la défaillance du système informatique, cette absence ayant au surplus été régularisée. Il conteste également sa mise à pied disciplinaire du 27 mars 2017, indiquant que sa demande est recevable dès lors que cette mise à pied est un fait postérieur au litige de nature à faire évoluer celui-ci et que sa saisine du conseil de prud’hommes date du 29 juin 2015 de sorte qu’il peut toujours formuler des demandes nouvelles en cause d’appel. Il ajoute que du fait de la pression et des brimades de son employeur son état de santé s’est détérioré et qu’il a dû être placé en arrêt maladie de façon prolongée à compter du 7 septembre 2015 de sorte que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Il souligne enfin que l’ensemble de ses demandes indemnitaires sont fondées et que l’exécution fautive par l’employeur lui a notamment causé un préjudice moral.

****

Par dernières conclusions transmises par voie électronique du 6 décembre 2018, la SAS Airbus ATR sollicite la confirmation du jugement entrepris, le rejet de l’intégralité des demandes de M. X et la condamnation de ce dernier aux entiers dépens de l’instance, outre au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le travail dit en 'VSD', la SAS Airbus ATR soutient que cette modalité d’organisation du temps de travail a toujours été encadrée par un accord collectif sur la réduction du temps de travail du 29 novembre 1999 mais également par l’accord d’entreprise personnel cadre et non cadre du 3 juin 1999 et a fait l’objet de notes d’informations et de réponses apportées aux délégués du personnel. Elle ajoute que l’accord du 20 août 2015 portant spécifiquement sur le travail en VSD reprend pour l’essentiel le régime existant et ne réduit pas les droits des travailleurs. La société indique, en outre,

que M. X ne justifie pas de son préjudice et n’a pas sollicité, alors qu’il en avait la liberté, de retour au travail en équipe de semaine. Ainsi, elle expose que les salariés travaillant en VSD bénéficient de majoration au titre des jours fériés et d’une double contrepartie salariale, qu’ils n’ont pas de droits spécifiques en termes de formation ni de droits ouverts au titre de l’aménagement collectif du travail et que le décompte des congés payés et des jours du compte épargne temps ne leur était pas défavorable. Elle ajoute que si M. X faisait l’objet d’un dispositif de surveillance médicale renforcée, le médecin du travail n’a identifié aucun problème de santé justifiant un aménagement du poste de travail.

Sur les demandes attachées à l’absence alléguée d’évolution du salarié dans son emploi, la société fait valoir que les évolutions de rémunération des salariés ne dépendant pas des entretiens annuels et que faute de temps pour réaliser lesdits entretiens, il a été mis en place de nouveaux outils, le salarié ne pouvant dès lors soutenir que le défaut d’entretien annuel se traduit par une absence de formation et d’évolution professionnelle.

Sur la formation, elle précise qu’une application en ligne est mise à disposition des salariés, que le salarié en a bénéficié et qu’il avait en outre la possibilité de solliciter l’employeur d’une demande de formation.

Sur les promotions du salarié, elle souligne que la désignation de M. X en qualité de point fixeur constitue une évolution professionnelle, que ce dernier n’a manifesté aucune demande d’évolution quant à son poste et qu’en tout état de cause son évolution vers des postes d’animation d’équipe n’était pas envisageable eu égard à ses difficultés à travailler en équipe.

La société indique ainsi que la classification professionnelle du salarié est en adéquation avec le poste occupé, l’échelon 335 implication une grande autonomie dans l’exécution des fonctions et un certain niveau d’innovation et des responsabilités importantes et le salarié n’ayant jamais exercé les fonctions de responsable de l’équipe VSD. Elle précise qu’aucun salarié exerçant des fonctions de point fixeur ne dispose d’un coefficient 400, qu’un seul bénéficie du coefficient 365, étant précisé que ce dernier est entré au service de la société en 1977 et que M. X ne justifie pas d’un quelconque préjudice consécutif à l’erreur alléguée de classification eu égard à son salaire.

Par ailleurs, la SAS Airbus ATR soutient ne pas avoir détourné l’usage de son pouvoir disciplinaire. Elle fait valoir en ce sens que :

— l’avertissement du 17 juin 2015 est justifié dès lors que le salarié ne s’est pas présenté à son poste de travail le 6 juin 2015 sans avoir vérifié la validation de sa demande de congé dans le logiciel prévu à cet effet ;

— la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 27 mars 2017 est une demande nouvelle et partant irrecevable, qu’au demeurant la procédure disciplinaire a été respectée et que la sanction est également justifiée eu égard aux propos irrespectueux, grossiers et menaçants tenus par le salarié à l’égard de M. Y, responsable d’équipe.

Sur l’absence de violation de son obligation de sécurité, la société fait valoir que le salarié ne démontre pas la réalité d’un contexte de travail difficile et qu’il ne ressort des pièces versées aux débats aucune manifestation de violence ou de mépris de la part de la direction ou des ressources humaines et que des mesures ont été mises en place pour remédier à la situation de mal-être du salarié. Elle précise que l’état de santé du salarié n’est pas en lien avec ses conditions de travail et que la demande de ce dernier de reconnaissance de maladie professionnelle a d’ailleurs fait l’objet d’un refus notifié le 15 octobre 2018.

****

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date

du 7 décembre 2018. Conformément à l’accord des parties, la clôture a été reportée à la date de l’audience des plaidoiries.

MOTIVATION

Sur le non-respect de l’accord de classification et des règles d’évolution professionnelle

M. X soutient que sa classification est erronée, faute d’évolution de sa carrière, en raison de divers manquements de l’employeur qu’il y aura lieu d’étudier successivement.

' Sur le manquement de l’employeur dans l’organisation des entretiens annuels d’évaluation

L’employeur ne conteste pas que les entretiens d’évaluation du salarié n’ont pas été organisés annuellement, mais affirme que des 'people review’ étaient organisés régulièrement.

Toutefois, la cour relève qu’il n’est pas contesté par l’employeur que les 'people review' allégués ne sont pas contradictoires dès lors que le salarié n’y est pas associé. En conséquence, ces modalités d’évaluation ne sauraient s’apparenter à des entretiens annuels d’évaluation.

De plus, il ressort du mémo daté du 25 mai 2010 (pièce n° 124 produite par le salarié) que l’employeur est conscient de la distinction entre le 'People Review' et les entretiens annuels ainsi que des carences en terme de réalisation des entretiens annuels pour l’année 2009. En effet, sont mentionnés les éléments suivants : 'Le 'People Review’ et les Entretiens annuels sont deux outils charnières pour la gestion des ressources humaines chez ATR', 'En 2009, seulement 50 % des E.A [entretiens annuels] ont été effectués, avec de fortes disparités dans les taux de réalisation en fonction des Directions et secteurs'.

En conséquence, le manquement de la SAS Airbus ATR est établi.

' Sur le non-respect de l’obligation de formation

Il doit être rappelé que conformément aux dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille, par la proposition de formations, au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a satisfait à cette obligation.

En l’espèce, la SAS Airbus ATR produit notamment aux débats le passeport formation du salarié (pièce n° 7), ainsi qu’un tableau présentant les formations dont ce dernier a bénéficié depuis 2003.

À la lecture de ces éléments, il doit être relevé qu’à compter de son placement en équipe de suppléance, dit 'VSD', le salarié a été inscrit à 21 formations.

De plus, il doit être constaté que si le salarié indique ne pas avoir pu bénéficier d’une formation 'stage moteur PWC et formation B1" ainsi qu’il l’aurait sollicité lors de ses entretiens d’évaluation 2010 et 2014, il appert des éléments versés aux débats que seul l’entretien d’évaluation 2014 fait référence à ladite formation. En outre, il doit être rappelé que l’employeur dispose d’un pouvoir de décision unilatéral et discrétionnaire pour déterminer le type d’actions de formation qu’il entend organiser, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir fait droit à la demande du salarié, pour lequel il est au demeurant indiqué dans l’entretien annuel d’évaluation 2014 que si le salarié souhaitait effectuer un stage moteur pour se perfectionner, il a obtenu la note maximum quant aux compétences intitulées 'Connaissance systèmes avions' et qu’il est relevé qu’il 'est à l’aise sur tous les systèmes avions'.

En conséquence, il ne saurait être reproché à l’employeur de ne pas avoir fait droit, dans le respect de son pouvoir discrétionnaire, à la demande du salarié formulée en 2014 relativement au 'stage moteur PWC et formation B1" dès lors que ce refus n’est pas abusif et n’a pas eu de conséquence sur la carrière professionnelle de M. X.

Par ailleurs, le salarié fait grief à la SAS Airbus ATR de ne pas avoir reçu la formation Delta 500/600 alors qu’il a fait partie de l’équipe des essais spécifiques ATR 600 et qu’il est le seul salarié point fixeur à ne pas avoir bénéficié de cette formation.

Or, il doit être relevé que le salarié reconnaît lui-même avoir fait partie de l’équipe des essais spécifiques ATR 600, de sorte qu’il ne justifie pas d’un préjudice quant à son défaut de formation. De plus, il apparaît, à la lecture des pièces 7 et 7 bis produites par l’employeur, que par la suite M. X a bénéficié de plusieurs formations en 2011 intitulées : 'Série 600-ESD', 'Série 600 NAS', 'Série 600 – Engine Run up', de sorte qu’il ne saurait être reproché à la SAS Airbus ATR d’avoir manqué à son obligation de formation. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

' Sur le non-respect des accords d’entreprise sur l’évolution de carrière

Le salarié allègue la carence de l’employeur dans la réalisation du bilan d’étape professionnel, lequel est pourtant prévu par l’accord cadre du 20 novembre 2009 et par l’accord sur 'un disposition intergénérationnel’ de 2013.

La SAS Airbus ATR produit, quant à elle, un courriel du Service de Formation ATR du 16 mai 2014 indiquant que M. X a été convoqué à la formation 'Bilan d’étape professionnel’ se déroulant le 13 juin 2014.

Or, il doit être relevé que l’accord cadre du groupe EADS en France relatif au développement de la seconde partie de carrière du 20 novembre 2009 prévoit, en son article 3.1, que le bilan d’étape professionnel est effectué 'tous les ans à l’initiative de la fonction Ressources humaines du site où le salarié est inscrit et la hiérarchie en est tenue informée'.

En conséquence, dès lors qu’il n’est pas établi que le salarié ait bénéficié annuellement d’un bilan d’étape professionnel comme exigé par les dispositions conventionnels applicables, il y a lieu de retenir que la SAS Airbus ATR a manqué à son obligation.

' Sur la violation par l’employeur de l’accord de classification professionnelle et l’attribution d’un coefficeint erroné consécutivement aux manquements allégués

En premier lieu, il importe de constater, au regard des bulletins de paie de M. X sur la période de juillet 2005 à janvier 2015, que la classification de ce dernier est identique à savoir niveau V, échelon 2, coefficient 335.

Il doit ensuite être relevé que l’article 3 de l’accord national du 21 juillet 1975 sur la classification énonce, concernant les 'Administratifs-Techniciens, pour le niveau V les éléments suivants :

'3e échelon (coefficient 365)

' cet échelon, l’activité consiste, après avoir étudié, déterminé et proposé des spécifications destinées à compléter l’objectif initialement défini, à élaborer et mettre en oeuvre les solutions nouvelles qui en résultent.

2e échelon (coefficient 335)

' cet échelon, l’innovation consiste, en transposant des dispositions déjà éprouvées dans des conditions différentes, à rechercher et à adapter des solutions se traduisant par des résultats techniquement et économiquement valables

L’élaboration de ces solutions peut impliquer de proposer des modifications de certaines caractéristiques de l’objectif initialement défini. En cas de difficulté technique ou d’incompatibilité avec l’objectif, le recours à l’autorité technique ou hiérarchique compétente devra être accompagné de propositions de modifications de certaines caractéristiques de cet objectif'.

Il ressort de ces éléments que la distinction de classification entre les échelons 2 et 3 tient principalement à la différence en terme de degré d’innovation du salarié. En effet, l’échelon 2 correspond à un niveau d’innovation limitée en ce que cette dernière consiste à la transposition et l’adaptation de dispositions existantes accompagnées éventuellement de modifications pouvant imposer le recours à une autorité technique ou hiérarchique, alors que l’échelon 3 fait état d’une innovation plus importante reposant sur la proposition de spécifications et sur l’élaboration et la mise en oeuvre de solutions nouvelles dans une plus grande autonomie.

En l’espèce, il doit être relevé que les entretiens annuels d’appréciation et professionnel des 16 juillet 2010 et 11 juin 2014 du salarié (pièces n° 33 et 34 produites par ce dernier) indiquent respectivement, quant à l’évaluation de l’aptitude intitulée 'Innovation – Capacité d’utiliser une approche créative pour résoudre des problèmes et atteindre les objectifs fixés', les éléments suivants :

— pour l’entretien 2010 :

Degré de maîtrise : 4

Observations, exemples : En équipe VSD : travail en totale autonomie et pleine responsabilité sans les supports associés présent en semaine'

- pour l’entretien 2014 :

Degré de maîtrise : 4

Observations, exemples : Du fait de son ancienneté, connaît bien les défaillances du système et propose souvent des idées pour innover'.

La cour constate également que l’appréciation des compétences est évaluée de 1 à 4, le niveau 4 étant dit 'Expertise’ et correspondant au degré le plus élevé de notation.

Dès lors, l’autonomie du salarié et sa haute capacité à innover ont été reconnues dès 2010 par l’employeur. En revanche, M. X ne démontre pas qu’il avait de telles compétences dès le mois d’octobre 2006, alors même qu’il n’est pas contesté qu’il a été promu, au 1er juillet 2005, au niveau V, échelon 2, coefficient 335.

En conséquence, eu égard au niveau 4 attribué au salarié et aux observations des entretiens annuel précités, il doit être retenu que celui-ci aurait dû bénéficier à compter de juillet 2010 d’une classification professionnelle correspondant à l’échelon 3, coefficient 365.

M. X revendique, en outre, le bénéfice du coefficient 400 eu égard à l’ancienneté au coefficient 365 à laquelle il aurait pu prétendre si sa classification n’avait pas été erronée.

Il doit être constaté que l’accord d’entreprise du 3 juin 1999 prévoit, en son article 10.1 qu’ 'en ce qui concerne le personnel ATAM, l’échelon catégorie exceptionnelle du niveau V de la grille de classification est assorti du coefficient de l’échelon majoré de 35 points. Les conditions d’accès, sur proposition de la hiérarchie, sont :

- soit avoir 5 ans d’ancienneté au coefficient 365,

- soit appartenir à la maîtrise d’atelier de niveau et échelon V3".

Dès lors, la cour relève que si M. X avait, à compter du mois de juillet 2015, bénéficié des cinq ans d’ancienneté nécessaires au coefficient 365 pour prétendre à l’application des dispositions de l’article 10.1 de l’accord d’entreprise précisé, il doit toutefois être noté que ce changement de coefficient est également soumis à une seconde condition, à savoir la proposition de la hiérarchie.

En conséquence, dès lors qu’il n’est pas établi que le salarié aurait été proposé par sa hiérarchie pour bénéficier d’un échelon majoré, quand bien même il aurait rempli la condition d’ancienneté au coefficient 365, il ne peut être fait droit à se demande de classification à hauteur du coefficient 400. Il ne résulte d’aucun élément du dossier que cette absence de proposition ait été fautive.

Il doit ainsi être retenu que la classification professionnelle de M. X doit être fixée, en référence à la grille de classification applicable, au niveau V, échelon 3, coefficient 365. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Toutefois, la SAS Airbus ATR produit, en pièce 13, les appointements minima du personnel non cadre ATR dont il ressort que le minimum mensuel brut pour les personnels non-cadres de niveau V, échelon 3, coefficient 365 est de 2 391 euros. Or, il n’est pas contesté par le salarié que son salaire mensuel brut est supérieur au minimum de rémunération perçu par les salariés de l’échelon revendiqué. Le salarié produit d’ailleurs, en pièce 139, le détail de sa rémunération annuelle 2015, laquelle est de 61 969 euros bruts dont 48 897 euros d’éléments fixes incluant, hors la prime d’ancienneté et la prime annuelle, un appointement annuel s’élevant à 38 832 euros.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’ordonner la fixation de son salaire à la rémunération moyenne appliquée au sein d’Airbus ATS.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il doit également être retenu que M. X ne fait pas la démonstration d’un préjudice découlant de l’erreur portant sur sa classification professionnelle. Sa demande indemnitaire au titre du non-respect de l’accord de classification et des règles d’évolution professionnelle doit donc être rejetée. Le jugement entrepris sera, par ces motifs substitués, confirmé de ce chef.

- Sur les sanctions disciplinaires

' Sur l’avertissement du 17 juin 2015

Le courrier du 17 juin 2015 notifiant au salarié un avertissement énonce : 'vous vous êtes absenté le samedi 6 juin 2015 sans justifier votre absence ni informer préalablement votre hiérarchie (Mme G H) ou le responsable du VSD (Mr I J).

Le vendredi 5 juin 2015 après-midi, vous avez pourtant eu un entretien avec Mme G H au cours duquel vous auriez pu l’informer de votre absence le lendemain, et éventuellement, vous inquiéter de l’absence de validation de votre demande d’absence par le biais de l’outil de gestion du temps MyHR.

En effet, vous avez fait part à Mme G H, le 12 juin 2015 d’un demande d’absence que vous auriez effectuée par ce biais le 15 mai 2015.

Cependant, elle n’a pu retrouver aucune trace d’une telle demande qu’elle n’a donc pu valider.

Ces faits constituent un non-respect du règlement intérieur, et en particulier de l’article 3 du Chapitre 2 selon lequel :

'Toute absence pour maladie ou pour tout autre raison médicale, doit être signalée dans les 3 jours par l’envoi d’un certificat médical au service du personnel. Toute absence ayant une autre cause doit, qu’elle qu’en soit la durée, faire l’objet d’une demande approuvée par la hiérarchie et transmise au service du personnel au plus tard la veille et doit être justifiée. Si, pour un cas de force majeure, une telle demande n’a pas pu être présentée, l’absence doit être justifiée dans les 48 heures'.

Il est inacceptable que vous ne respectiez pas les délais pour signaler et justifier votre absence.

Nous vous notifions en conséquence par la présente un avertissement, conformément au règlement intérieur en vigueur dans notre entreprise.

Nous vous précisons, en outre, qu’à défaut de vous conformer à nos observations, nous nous verrons contraintes de prendre à votre encontre une nouvelle sanction appropriée'.

L’employeur produit notamment au soutien de sa demande le règlement intérieur qui fait état, en son article 3, de la nécessité de l’approbation par la hiérarchie de la demande de congé.

M. X ne conteste pas la réalité de l’absence qui lui est reprochée, mais conteste le caractère objectif de la sanction disciplinaire, alléguant une défectuosité du système informatique permettant la prise de congés.

Il verse notamment aux débats :

— un courriel du 26 juin 2015 par lequel il relève que son compteur reste en anomalie malgré deux régularisation de pointage,

— une copie d’écran de son espace professionnel relevant que sa demande de congé pour le 6 juin 2015 a été validée par modification du 27 juin 2015,

— un courriel de Mme K L du 22 juin 2015 par lequel celle-ci l’informe qu’il n’y a aucune trace dans le système de sa demande d’absence, qu’il y a peut être eu un problème du portail informatique, qui mentionne le fait qu’une autre collègue a eu un problème similaire et l’invite 'à vérifier avant chaque absence que la demande est bien visible dans [son] 'historique d’absence’ ainsi que de couleur verte 'validée’ dans le calendrier',

— son bulletin de paie pour la période du mois de juin 2015 faisant état du paiement de congés payés.

Il doit être relevé qu’il est notamment reproché au salarié de ne pas avoir vérifié que sa demande d’absence ait bien été validée par le biais du dispositif informatique mis à sa disposition et que l’article 3 du règlement intérieur versé aux débats par l’employeur fait état de la nécessité de l’approbation par la hiérarchie de la demande de congé formulée par le salarié.

En conséquence, dès lors que le dispositif informatique permet au salarié de formuler des demandes et qu’il lui appartient de vérifier, par ce même biais, que celles-ci ont été ou non acceptées par sa hiérarchie, il ne peut se prévaloir d’une défaillance dudit dispositif dans l’enregistrement de sa simple demande pour considérer que son absence était justifiée.

L’avertissement adressé par l’employeur, lequel au demeurant n’a pas sanctionné outre mesure le salarié dès lors qu’il a régularisé sa situation ultérieurement permettant ainsi le paiement de la

journée non travaillée, est donc justifié. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

' Sur la mise à pied disciplinaire du 27 mars 2017

'' Sur la recevabilité de la demande

Selon l’article 564 du code de procédure civile, 'à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait'.

Il doit cependant également être rappelé que l’article R. 1452-6 du code du travail, en sa applicable au litige, prévoyait que 'toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance. Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes’ et que l’article R. 1452-7 du code du travail énonçait que 'les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel'. Si, ces dispositions ont été abrogées par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, ce texte a prévu que les nouvelles dispositions du code du travail supprimant le principe de l’unicité de l’instance ne sont applicables qu’aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.

En l’espèce, M. X a saisi le conseil de prud’hommes le 29 juin 2015. Dès lors, les dispositions du code du travail modifiées par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ne sont pas applicables aux faits de l’espèce et la demande formulée par celui-ci relative à la mise à pied disciplinaire doit donc être jugée recevable.

'' Sur la validité de la sanction disciplinaire de mise à pied

La lettre du 27 mars 2017 par laquelle l’employeur a notifié au salarié la sanction de mise à pied disciplinaire est formulée en ces termes : 'Nous avons mené une enquête interne les 9 et 10 février 2017, pour recueillir différents témoignages afin d’éclaircir les faits survenus le 8 février 2017.

Celle-ci a permis de déterminer qu’à cette date vous avez tenu à deux occasions à l’égard de M. M Y des propos inappropriés et menaçants :

- A 16 h environ M. M Y est venu vous voir pour vous faire passer des indications et consignes de travail concernant le planning avion. Un échange s’en est suivi au cours duquel vous avez élevé la voix en lui disant : 'tu n’as pas voulu être chef donc tu n’es pas chef dégage'. Alors que M. M Y vous faisait part de sa volonté d’en référer à votre responsable N+2 M. N O, vous lui avez alors dit 'va pleurer chez ta mère, dégage'.

- Alors que vous nous aviez expressément indiqué ne plus avoir adressé la parole à M. M Y du reste de la journée, il nous a été confirmé que vous avez à nouveau rencontré ce dernier le soir aux alentours de 19h à la fin de sa journée de travail. Vous l’avez alors interpellé à travers le couloir en lui disant : 'c’est bon c’est fait ' Tu en as encore autour de la bouche. On se rencontrera encore, il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas'.

Aucun des éléments recueillis au cours de cette enquête ne permet de confirmer vos affirmations sur le comportement de M. M Y, qui se serait montré, selon votre courrier daté du 15 mars 2014, 'virulent’ et 'menaçant', ainsi que sur les propos que vous lui prêtez.

Nous sommes surpris quant aux contradictions relevées par rapport à la rencontre du 9 février 2017 avec M. P Z, juriste ATR, qui a eu lieu dans le cadre de notre enquête. En effet lors de cet échange, qui a donné lieu à un compte-rendu écrit et signé par M. Z et vous-même, vous avez notamment reconnu 'avoir levé la voix’ et 'vous être emporté'

Concernant votre précision sur le rôle hiérarchique de M. M Y sur cette journée du 8 février 2017 nous sommes surpris par vos explications.

En effet, les témoignages recueillis les 9 et 10 février 2017 lors de notre enquête nous ont permis d’établir que plusieurs salariés de votre équipe étaient au courant que M Y est amené à suppléer régulièrement G Q lorsqu’elle est absente, et que ce mode de fonctionnement est connu.

L’email du 10 février 2017 de Mme G Q, responsable de l’équipe, ne fait que confirmer, suite aux événements du 8 février 2017, que M. M Y assure bien son remplacement pour la durée de son absence.

De plus le compte-rendu rédigé lors de la rencontré précitée du 9 février avec M. Z mentionne que vous 'pensez que M Y prend son rôle en l’absence de G Q trop à coeur et qu’il veut en faire trop'. Nous nous interrogeons sur la signification de cette notion de 'rôle’ car selon vous et à la date de cet échange vous n’en étiez pas informé.

Ce comportement et ces propos sont parfaitement inacceptables dans le cadre de relations de travail au sein d’ATR et ne peuvent être toléré. Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Ces faits constituent un non-respect des dispositions du règlement intérieur actuellement en vigueur au sein d’Airbus ATR, à savoir son article 6 qui prévoit

l’interdiction d''avoir un comportement de nature à provoquer des incidents ou des accidents ou des difficultés notamment rixes ou altercations préjudiciables au bon fonctionnement de l’entreprise'.

Nous avons le regret de vous informer par la présente que nous prenons une mesure de mise à pied à titre disciplinaire d’une durée de 2 jours ouvrés, qui prendra effet à compter du jour ouvré suivant la date de votre visite de reprise auprès du médecin du travail, prévue à titre de sanciton par le règlement intérieur en vigueur dans l’entreprise'.

Il y a tout d’abord lieu de rappeler que conformément aux dispositions des articles L. 1332-2 et R. 1332-1 du code du travail, 'lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié' et que la lettre de convocation, remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée, doit indiquer l’objet de l’entretien entre le salarié et l’employeur, préciser la date, l’heure et le lieu de cet entretien, ainsi que rappeler au salarié qu’il peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

En l’espèce, M. X allègue avoir été convoqué par courriel du 9 février 2017 le soir même à 18h30, puis par courriel du 20 février 2017 qu’il verse aux débats.

La cour relève que ces courriels demandent au salarié de se rendre disponible pour un rendez-vous, le premier courriel faisant référence en objet à l’événement de la veille et le second à un rendez-vous avec M. P Z.

Il ressort, en outre, des comptes-rendus de ces entretiens, également produits aux débats, que ceux-ci ont porté sur l’altercation entre M. X et un autre salarié, M. M Y.

Cependant, il doit également être relevé que l’employeur verse aux débats une lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2017, dont M. X ne conteste ni la réalité ni la réception, qui a pour objet sa convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction et respecte les dispositions légales précitées.

Dès lors, il doit être retenu que les dispositions légales ont été respectées par l’employeur, lequel dispose, dans le cadre de son pouvoir d’enquête interne, de la possibilité de recueillir des explications du salarié en amont de sa convocation à un entretien préalable afin de vérifier le caractère avéré des faits qui lui ont été rapportés.

La procédure disciplinaire est donc régulière.

Il doit ensuite être rappeler qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve des griefs sur lesquels reposent la sanction disciplinaire notifiée au salarié.

En l’espèce, l’employeur produit aux débats les comptes-rendus signés des entretiens réalisés par M. Z, juriste, auprès de M. E X, de M. M Y et de trois témoins de l’altercation intervenus entre ces deux salariés, MM. N A, N B et R C.

Il doit être relevé qu’il ressort des comptes-rendus, dont l’authenticité n’est pas contestée par M. X, que si M. A n’a assisté qu’au début de l’altercation entre les deux salariés, MM. B et C ont été directement témoins des propos inappropriés tenus par M. X à l’endroit de M. Y.

En conséquence, il y a lieu de retenir que la mise à pied disciplinaire du salarié est justifiée. La demande étant nouvelle, il en sera fait ajout au dispositif du présent arrêt.

Il n’est donc pas démontré par le salarié, dès lors que les sanctions disciplinaires alléguées sont toutes deux fondées, que la SAS Airbus ATR ait détourné son pouvoir disciplinaire consécutivement à son activité de porte-parole de revendications de ses collègues.

- Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, la dégradation des conditions de travail du salarié

Il résulte des articles L. 4121-1 et R.4624-21 du code du travail que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise ; il doit en assurer l’effectivité.

M. X affirme que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité dès lors que ses conditions de travail se sont dégradées, à la fois en raison du détournement de l’employeur de son pouvoir disciplinaire, de brimades et de pression de l’employeur, ainsi que de son affectation en 'open space'.

Il doit, en premier lieu, être relevé qu’il a d’ores et déjà été établi que l’employeur n’a pas détourné son pouvoir disciplinaire en notifiant au salarié un avertissement en date du 17 juin 2015 et une mise à pied disciplinaire en date du 27 mars 2017 dès lors que ces deux sanctions étaient justifiées.

La pièce n° 159 produite aux débats par le salarié fait référence au fait qu’ATR a envisagé de réaménager les locaux en 'open space', la CFTC ayant répondu que la mise en place d’une telle organisation du travail ne saurait être réalisée avant que soit effectuées des études techniques, que le CHSCT soit consulté et le CE informé.

Or, il doit être souligné, qu’outre le fait que le document ne soit pas daté, il ne fait référence qu’à une

simple éventualité de réorganisation des locaux en 'open space', sans qu’il ne soit avéré que celle-ci ait eu lieu ni que le bureau de M. X ait été spécifiquement concerné.

La pièce n° 160 fait état, quant à elle, d’une question posée lors de la réunion des délégués du personnel du 9 février 2017 sur le management et plus précisément sur une pression intolérable sur les salariés.

Toutefois, ce document ne suffit pas à étayer les propos de M. X dès lors qu’il n’est pas indiqué quels salariés sont concernés et que M. X affirme seulement avoir subi des pressions et des brimades sans faire valoir des éléments de faits précis et circonstanciés permettant de vérifier la réalité d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

De plus, le seul fait que le salarié produise des documents médicaux faisant état d’une souffrance psychologique en lien avec son activité professionnelle ne suffit pas à établir le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dès lors que les constations médicales sont fondées sur les dires du salarié et que l’employeur verse, en outre, aux débats un courrier de l’assurance maladie du 15 octobre 2018 indiquant que la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie formulée par M. X a été rejetée.

Il doit, de plus, être relevé que l’employeur produit la réponse apportée, par lettre du 9 juin 2017, au courrier du salarié du 16 mai 2017 dans lequel ce dernier avait dénoncé ses conditions de travail et produit également le courriel du Dr S T indiquant que le salarié l’avait appelé le 22 février 2017 et qu’un rendez-vous médical avait été fixé.

En conséquence, aucun des faits allégués par le salarié au soutien de sa demande n’étant suffisamment étayé et eu égard à l’ensemble des éléments produits aux débats, aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ne saurait être caractérisé. La demande de M. X à ce titre doit être rejetée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- Sur la violation alléguée des droits des travailleurs en équipe de suppléance 'VSD’ de 2006 à août 2015

Il doit être rappelé que selon les dispositions de l’article L. 3132-16 et L. 3132-18 du code du travail, en leur rédaction applicable à la cause, dans les industries ou les entreprises industrielles, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que le personnel d’exécution fonctionne en deux groupes dont l’un, dénommé équipe de suppléance, a pour seule fonction de remplacer l’autre pendant le ou les jours de repos accordés au premier groupe et qu’à défaut de convention ou d’accord, le recours aux équipes de suppléance est subordonné à l’autorisation de l’inspecteur du travail donnée après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’ils existent, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat.

En outre, conformément à l’article L. 3132-17 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la convention ou l’accord prévoyant la mise en place de suppléance doit comporter des dispositions concernant notamment les conditions particulières de mise en oeuvre de la formation du personnel travaillant en équipe de suppléance et la rémunération du temps de formation.

En l’espèce, il est versé aux débats par la SAS Airbus ATR un accord sur la réduction du temps de travail en date du 29 novembre 1999 intervenu entre la société et les organisations syndicales représentant le personnel, après consultation du comité d’entreprise (pièce n° 14). La société indique également qu’un accord d’entreprise personnel cadre et non cadre du 3 juin 1999, produit par le salarié (pièce 54), autorisait le travail dit en 'VSD'. Est également produit un accord sur le travail en équipe le Vendredi, Samedi et Dimanche -VSD en date du 20 août 2015.

La cour relève toutefois que si le travail en équipe de suppléance, dit 'VSD', était effectivement prévu par les accords des 3 juin et 29 novembre 1999, aucune disposition relative à la formation du personnel travaillant en équipe de suppléance n’apparaît dans lesdits documents.

Dès lors, les accords de 1999 ne respectant les prescriptions de l’article L. 3132-17 du code du travail qui permettent de garantir le respect des droits des travailleurs en équipe de suppléance, il doit être retenu que l’employeur n’a pas pris les dispositions nécessaires à la mise en place du travail dit en 'VSD'.

Toutefois, si l’employeur a manqué à ses obligations, ce seul manquement ne saurait suffire à engager sa responsabilité, le salarié devant prouver l’existence d’un préjudice en découlant.

En l’espèce, le salarié sollicite, au titre du non-respect par l’employeur des droits des travailleurs en équipe de suppléance la somme de 10 000 euros, alléguant le fait d’avoir laissé les salariés travailler sans cadre juridique et le refus des contreparties financières dont ils auraient dû bénéficier. Il ajoute que du fait du non-respect des dispositions relatives à la mise en place des équipes de suppléance il a été pénalisé, sur la période de 2006 à 2015, en raison de la méconnaissance de ses droits, de l’absence d’évolution de son coefficient et de la rétorsion de l’employeur à la suite de ses protestations, eu égard notamment à son retour en équipe de semaine et aux sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées sans fondement.

Il doit, en premier lieu, être relevé qu’il a déjà été démontré que les erreurs relatives au coefficient appliqué au salarié n’ont causé à ce dernier aucun préjudice économique et que l’avertissement du 17 juin 2015 et la mise à pied disciplinaire du 27 mars 2017 étaient justifiées, de sorte que le salarié ne saurait se prévaloir d’un préjudice indemnisable sur ces fondements.

Ensuite, il doit être constaté que si M. X allègue que son retour en équipe de semaine constitue une mesure de rétorsion de l’employeur, il n’en apporte cependant aucunement la démonstration et n’étaye pas même ses demandes par des éléments concrets et circonstanciés.

De plus, dès lors que M. X ne fait pas la démonstration de la réalité des contreparties financières qu’il allègue et qu’il n’est pas démontré que le défaut de cadre juridique ou la méconnaissance de ses droits lui ait causé un préjudice certain et direct, celui-ci ayant notamment pu bénéficier de nombreuses formations, sa demande doit être rejetée.

- Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral consécutif à l’exécution fautive du contrat de travail

Il doit être rappelé que la dégradation des conditions de travail et le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur n’ayant pas été établis, le salarié ne peut alléguer d’un préjudice moral à ce titre.

M. X fait également valoir que la violation par l’employeur de l’accord de classification professionnelle et l’attribution consécutive d’un coefficient erroné lui ont causé un préjudice moral dès lors qu’il n’a pas reçu la reconnaissance professionnelle à laquelle il pouvait s’attendre.

Toutefois, dès lors que la réalité et l’ampleur de ce préjudice moral ne sont pas démontrés, la demande du salarié formulée à ce titre doit également être rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

- Sur les demandes annexes

La SAS Airbus ATR, partie partiellement perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’est pas inéquitable en l’espèce de laisser à la charge de M. X les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer à l’occasion de cette instance d’appel. Il sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil des prud’hommes de Toulouse du 26 janvier 2017 en ce qu’il a rejeté la demande de reclassification du salarié, jugé 'qu’aucune entorse au contrat de travail de M. E X ne peut être constatée' et condamné ce dernier aux dépens.

Le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe la classification professionnelle de M. E X au niveau V,

échelon 3, coefficient 365.

Constate que la rémunération du salarié est supérieure au minimum conventionnel.

Dit n’y avoir lieu à réévaluation du salaire.

Juge recevable la demande formulée par M. E X au titre de la validité de la mise à pied disciplinaire du 27 mars 2017.

Juge justifiée la mise à pied disciplinaire de M. E X en date

du 27 mars 2017.

Condamne la SAS Airbus ATR aux dépens de première instance et d’appel.

Déboute M. E X de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 al. 1er 1° du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. D, président et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,

C.DELVER M. D

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Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 20 décembre 2019, n° 17/01208