Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 20 décembre 2018, n° 17/00883

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 20 déc. 2018, n° 17/00883
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/00883
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 25 janvier 2017, N° 16/01825
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 DECEMBRE 2018

N° RG 17/00883 – N° Portalis DBV3-V-B7B-RKFS

AFFAIRE :

Z X

C/

SA TELEVISION FRANCAISE 1 – TF1 SA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu) le 26 Janvier 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 16/01825

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

la SELARL CABINET KTORZA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Z X

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0053 substituée par Me Catherine HARNAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: T11

APPELANT

****************

SA TELEVISION FRANCAISE 1 – TF1 SA

[…]

[…]

représentée par Me Jocelyne CLERC KACZMAREK de l’AARPI ADER, JOLIBOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T11, Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 – N° du dossier 17/00883

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 05 Novembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame B C

Le 11 mai 2010, M. Z X était embauché par la SA TF1 en qualité de 'chef monteur’ par contrat à durée déterminée d’usage (CDDU d’un jour). M. Z X effectuait dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage (CDD) successifs un total de 18 jours de travail en 2010, 82 jours en 2011, 30 jours en 2012, 15 jours en 2013, 16 jours en 2014 et 63 jours en 2015.

La relation contractuelle s’est éteinte à la fin de l’année 2015.

Le 5 septembre 2016, M. Z X saisissait le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de voir requalifier sa relation de travail avec la SA TF1 en contrat à durée indéterminée (CDI) à compter du 11 mai 2010.

Vu le jugement du 26 janvier 2017 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a :

— dit qu’il n’y a pas lieu à requalification des CDD d’usage de M. Z X en contrat à durée indéterminée;

— débouté M. Z X de toutes ses demandes;

— condamné M. Z X aux éventuels dépens.

Vu la notification de ce jugement le 2 février 2017.

Vu l’appel interjeté par M. Z X le 17 février 2017.

Vu les conclusions de M. X notifiées le 29 septembre 2018 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d’appel de :

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 26 janvier 2017 en toutes ses dispositions.

En conséquence et statuant à nouveau,

— requalifier la relation de travail entre M. Z X et la société TF1 SA en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 11 mai 2010.

— dire et juger la rupture à l’initiative de la société TF1 SA constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— fixer la rémunération mensuelle de M. Z X à la somme de 3 176 euros.

— condamner la société TF1 SA à payer à M. Z X :

— au titre de l’indemnité de requalification :10 000 euros

— au titre du rappel de salaire sur 13e mois : 8 796 euros

— au titre de l’indemnité de préavis : 9 528 euros

— au titre des congés payés sur préavis : 952 euros

— au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 15 880 euros

— au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 80 000 euros

— au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 7 000 euros,

le tout avec intérêts légaux à compter de la date de réception de la convocation par la Société TF1 SA devant le Bureau de jugement adressé par le Greffe du Conseil de Prud’hommes de Boulogne Billancourt.

— condamner la société TF1 SA aux entiers dépens

Vu les écritures de la société TF1 notifiées le 5 octobre 2018 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d’appel de :

— confirmer la décision rendue le 26 janvier 2017 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en toutes ses dispositions

Par conséquent

Au fond

— débouter M. Z X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire, retenir :

— la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 2 666 euros

— une indemnité de requalification : 2 666 euros

— une indemnité conventionnelle de licenciement : 2 666 euros

— un rappel de 13e mois: 2 172,55 euros

— une indemnité de préavis : 7 998 euros

— une indemnité de congés payés sur préavis : 799 euros

— une indemnité pour rupture abusive : 1 euros

A titre infiniment subsidiaire, retenir :

— fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 2 666 euros

— une indemnité de requalification : 2 666 euros

— une indemnité conventionnelle de licenciement : 13 330 euros

— un rappel de 13e mois : 3 087,33 euros

— une indemnité de préavis : 7 998 euros

— une indemnité de congés payés sur préavis : 799 euros

— une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 13 184 euros

— débouter M. X du surplus.

En tout état de cause :

— condamner M. X à verser à la société TF1 SA la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— le condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est en date du 8 octobre 2018.

SUR CE,

M. X soutient que les dispositions prévues par le code du travail en matière de CDD d’usage sont irrégulières au regard du droit communautaire ; il fait valoir que la société TF1 s’est abritée derrière le motif de contrats à durée déterminée (CDD) dits d’usage pour 'couvrir’ artificiellement un emploi permanent ; il indique en ce sens qu’il occupait durablement les fonctions de réalisateur de journaux télévisés, correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise, estimant que sa collaboration devait faire l’objet d’un CDI ; il fait état d’une carence de l’employeur dans la production d’une partie des CDD ; il ajoute que le fait pour l’employeur de cesser d’employer un salarié sous CDD successifs, alors que la collaboration est constitutive d’un CDI, s’analyse, en l’absence de procédure et de lettre de rupture, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

La société TF1 réplique que la collaboration de M. X s’est inscrite dans le cadre et le respect du cadre légal, jurisprudentiel et conventionnel des conditions de recours au CDD d’usage dans le secteur de l’audiovisuel, dans le respect du droit communautaire ; elle estime justifié le recours aux CDD d’usage, par ailleurs réguliers en la forme, s’agissant d’un emploi par nature temporaire, tenant compte des éléments concrets de l’emploi du salarié ;

Si en application de la directive 1999/70 du 28 juin 1999 du Conseil de l’Union européenne et de l’accord-cadre du 18 mars 1999 qui figure en son annexe, sont sanctionnées les dispositions nationales qui se bornent à autoriser, de manière générale et abstraite, le recours à des contrats à

durée déterminée successifs, des raisons objectives, entendues comme des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée, peuvent justifier l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs ;

Selon l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;

L’article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié (1°), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°) ;

L’article D. 1242-1 vise l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels, en application du 3° de l’article L.1242-2, des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

Aux termes de l’article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée ;

Selon l’article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code ;

En application de l’ensemble des dispositions du code du travail susvisées, s’inscrivant dans le respect du droit communautaire, le contrat de travail à durée déterminée ne peut ainsi avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire, y compris lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L.1242-2.3° et D.1242-1 du code du travail ;

Outre que l’audiovisuel figure parmi les secteurs visés par l’article D. 1242-1 du code du travail, la possibilité de conclure des contrats à durée déterminée d’usage est prévue et encadrée par l’accord national interprofessionnel de branche de la télédiffusion en date du 12 octobre 1998, l’accord national de la branche de la télédiffusion du 22 décembre 2006 et l’accord d’entreprise du 16 mai 2007 relatif au recours au contrat à durée déterminée d’usage au sein de la société TF1 ;

Les emplois de chef monteur et/ou des fonctions de réalisation sont mentionnés en annexe de ces accords ;

Les CDD d’usage de M. X mentionnent la fonction de 'chef monteur’ avec le statut de cadre (cadre de réalisation) ;

L’appelant se réfère à un 'accord d’entreprise des réalisateurs’ au sein de la société TF1 dont il ne produit cependant que des extraits et dont la date n’est pas précisée, étant observé qu’y figure un montant exprimé en francs, soit antérieur à 2001 ;

L’intimée souligne en outre que les missions de M. X le conduisaient à la mise à l’antenne d’émissions non complexes, appliquant une procédure existante ; l’appelant admet que ce sont pas ses qualités de créativité et de mise en scène qui étaient requises, mais ses compétences techniques et d’encadrement d’équipe ;

Si la chaîne LCI se définit elle-même comme une chaîne d’information en continu, cette circonstance ne suffit pas à établir que son emploi était par nature temporaire ;

M. X rappelle avoir travaillé sur une période de 5 années ; toutefois, sa collaboration est demeurée variable au cours de ces années et surtout très ponctuelle ;

En effet, la moyenne pour les quatre dernières années de sa collaboration était de 31 jours par an, soit 2,58 jours par mois ; si en 2015, elle atteignait 63 jours, ce qui correspond à une moyenne de 5,25 jours par mois, elle n’était que de 1,25 jours par mois en moyenne en 2013 et 1,33 jours en 2014 ;

Il ressort aussi de l’attestation de Mme Y, responsable de production au sein de TF1 et du profil LinkedIn dressé par M. X que celui-ci, au moment de son embauche et durant la période de sa collaboration avec TF1, travaillait pour d’autres sociétés ou effectuait d’autres activités, notamment pour France 24, I Télévision, etc. ; M. X n’a pas donné suite à la sommation de communiquer délivrée par la société TF1 concernant ses revenus et autres contrats de travail ou bulletins de paie sur la période litigieuse ;

La société TF1 souligne en outre que les émissions internes de LCI étaient également soumises à des pics d’activité, liés à tel ou tel sujet ou événènement d’actualité ; les contrats, d’une durée d’un jour ou quelques jours, se rapportaient en effet à des 'news' ou magazines, liés à différents sujets ou événements d’actualité (sommets, élections, cérémonies, championnats, etc.), faisant ressortir les besoins variables de l’entreprise ;

Par ailleurs, s’il est constant qu’un badge d’accès aux locaux de l’entreprise lui a été remis, la société TF1 indique sans être contredite que diverses personnes, y compris des non-permanents et des prestataires doivent obligatoirement détenir un badge, pour des raisons de sécurité ;

M. X fait par ailleurs valoir en cause d’appel que l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la régularité de la couverture contractuelle, la société TF1 ne produisant pas la totalité des contrats à durée déterminée, s’affranchissant de produire les CDD pour une période de 9 jours en 2010, 5 jours en 2011, 3 jours en 2012, 2 jours en 2013, 2 jours en 2014 et 33 jours en 2015 ;

Toutefois, la société TF1 complète en cause d’appel la production aux débats des contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus avec M. X, à compter du 11 mai 2010 et jusqu’au 30 décembre 2015, étant souligné au surplus que, comme le fait justement observer l’intimée, M. X n’identifie pas les jours qui seraient soit-disant manquants, de sorte que cour n’est pas mise en situation de caractériser un manquement de l’employeur dans l’établissement et la production des contrats de travail ;

Enfin, comme l’ont relevé les premiers juges, M. X ne démontre pas avoir demandé, au cours de sa collaboration avec le groupe TF1, le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée ni, à l’expiration de son dernier contrat de travail, en avoir demandé le renouvellement ;

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter M. X de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 11 mai 2010 et de sa demande tendant à voir juger la rupture de la relation de travail constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Le jugement l’ayant débouté de toutes ses demandes sera confirmé ;

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. X, lequel sera débouté en sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure ;

Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société TF1 les frais irrépétibles par elle exposés ; sa demande formée à ce titre sera donc également rejetée ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. X aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme B C, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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