Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 4 février 2021, n° 18/05221

  • Incapacité·
  • Trouble·
  • Exclusion·
  • Clause·
  • Arrêt de travail·
  • Assurance groupe·
  • Information·
  • Garantie·
  • Contrat d'assurance·
  • Assureur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 4 févr. 2021, n° 18/05221
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/05221
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 11 juin 2018, N° 15/10465
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58D

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 FEVRIER 2021

N° RG 18/05221

N° Portalis DBV3-V-B7C-SRFK

AFFAIRE :

B X

C/

Société CACI NON LIFE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 2

N° RG : 15/10465

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Katell FERCHAUX-

LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS

Me Jade GUICHERD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur B X

né le […] à STRASBOURG

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629

Représentant : Me Olivier BEAUGRAND de l’AARPI OB£MA CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0457 -

APPELANT

****************

Société de droit irlandais CACI NON LIFE dont le siège est sis […], prise en sa succursale en France, CACI NON VIE

N° SIRET : 509 690 715

[…]

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Jade GUICHERD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 708

Représentant : Me Céline LEMOUX de l’AARPI LAWINS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0246

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Décembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZETet Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller , chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCEDURE

Le 14 décembre 2011, M. B X a souscrit auprès du Crédit Lyonnais devenu la société LCL deux prêts immobiliers, l’un d’un montant de 140 000 euros remboursable en 240 mois et le second d’un montant de 15 000 euros remboursable en 252 mois. Les échéances de remboursement s’élèvent respectivement à 890,56 euros et 95,44 euros, soit la somme totale mensuelle de 986,30 euros.

Afin de garantir ces prêts, il a adhéré aux contrats d’assurance groupe LCL, Assurance Emprunteur Immo, souscrits par la société LCL auprès de la société Caci Life prise en sa succursale en France Caci Non Vie pour le risque décès (contrat n°1001-01-25-101-01) et de la société Caci Non Life prise en sa succursale en France Caci Non Vie pour le risque perte totale et irréversible d’autonomie et arrêt de travail (contrat n°1001-01-25-101-02).

Depuis le 11 mai 2012, M. X est en arrêt de travail en raison de troubles bipolaires. Il a notamment été hospitalisé du 2 au 17 octobre 2014. Il a par ailleurs été admis en invalidité le 4 décembre 2014 à effet du 1er décembre 2014 avec un classement en catégorie 2.

Il a effectué une déclaration de sinistre auprès de l’assureur qui, par courrier du 5 septembre 2014, lui a opposé la prescription prévue à l’article L 114-1 du code des assurances. Il a réitéré sa demande et la société Caci lui a demandé des justificatifs par courrier du 2 février 2015 puis l’a informé de son refus de prise en charge au motif que son médecin-conseil l’informait que la pathologie justifiant son invalidité du 1er décembre 2014 entrait dans la définition de l’exclusion contractuelle.

M. X a contesté ce refus de prise en charge par courrier du 17 avril 2015 mais par lettre du 26 mai 2015, la société Caci Non Life a réitéré son refus de prise en charge.

Par acte du 9 décembre 2015, M. X a assigné la société Caci devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par jugement du 12 juin 2018, le tribunal a :

— donné acte à la société Caci Non Life de son intervention volontaire et mis la société Caci hors de cause,

— déclaré la demande de M. X recevable,

— dit que la société Caci Non Life lui doit sa garantie et ce, conformément à la notice d’information qu’elle a produite aux débats,

— l’a condamnée à lui payer la somme de 986,30 euros au titre du mois d’octobre 2014,

— sursis à statuer sur la demande d’indemnisation au titre des mois postérieurs et

sur le surplus de la demande à l’exception des demandes au titre des dépens déjà engagés et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné une mesure d’expertise et désigné pour y procéder le docteur Y,

— fixé à 1 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert,

— condamné la société Caci Non Life à payer à M. X la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’a condamnée aux dépens d’ores et déjà engagés,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— ordonné le retrait du rôle à charge pour la partie la plus diligente d’en demander le rétablissement par l’établissement de conclusions au fond suite au dépôt du rapport d’expertise.

Par acte du 19 juillet 2018, M. X a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :

— dit que la société Caci Non Life lui doit sa garantie et ce, conformément à la notice d’information qu’elle a produite aux débats,

— l’a condamnée à lui payer la somme de 986,30 euros au titre du mois d’octobre 2014,

— sursis à statuer sur la demande d’indemnisation au titre des mois postérieurs et sur le surplus de la demande à l’exception des demandes au titre des dépens déjà engagés et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné une mesure d’expertise,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par dernières écritures du 26 février 2020, M. X demande à la cour de :

— le juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes,

— dire qu’il y a lieu à la mise en oeuvre du pouvoir d’évocation de la cour et trancher le litige en son entier,

— débouter la société Caci Non Life de ses demandes comme irrecevables, à tout le moins comme infondées,

— juger que la société Caci Non Life doit sa 'garantie arrêt de travail’ à M. X et confirmer de ce chef le jugement

— infirmer le jugement pour le surplus et en particulier en ce qu’il a jugé :

• la notice d’information produite par la société Caci Non Life applicable,

• sursis à statuer sur la demande d’indemnisation au titre des mois postérieurs et sur le surplus de la demande à l’exception des demandes au titre des dépens déjà engagés et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ordonner une mesure d’expertise afin de fixer le taux d’incapacité fonctionnelle et le taux d’incapacité professionnelle de M. X en application d’une notice d’information du contrat d’assurance non remise à l’assuré,

— juger inopposable à M. X la notice d’information et la proposition d’assurance produites par la société Caci Non Life,

— juger la clause d’exclusion de la proposition d’assurance non apparente et nulle en application des articles L.113-1et L.114-1 du code des assurances,

— juger la clause d’exclusion de la proposition d’assurance non écrite et inopposable à M. X en application des articles L.113-1et L.114-1 du code des assurances,

— juger que le tableau des taux d’incapacité du contrat est une clause limitative non apparente, non formelle et non limitée, nulle, et le cas échéant inopposable à M. X en application des articles L.113-1et L.114-1 du code des assurances,

— le cas échéant juger que la société Caci Non Life a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de M. X et lui doit réparation du dommage causé à concurrence des prestations prévues au contrat d’assurance.

En conséquence, et statuant à nouveau :

— condamner la société Caci Non Life à lui verser la somme de 53 260,20 euros et subsidiairement, 52 471,63 euros au titre de la garantie contractuelle 'arrêt de travail’ pour la période de septembre 2014 à mars 2019,

— dire que la condamnation portera intérêt au taux légal à compter du 20 avril 2015 ou à défaut à compter de la date de délivrance de l’acte introductif de la présente instance,

— condamner la société Caci Non Life à le garantir à concurrence de 986,30 euros mensuels au titre de la garantie 'arrêt de travail’ souscrite pour les contrats de prêt n°4002351XH8EA11BH et 4002351XH8EA12BH, à compter des échéances d’amortissement des prêts d’avril 2019, ceci jusqu’au complet remboursement desdits prêts,

— condamner la société Caci Non Life à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l’inexécution fautive du contrat d’assurance,

— condamner la société Caci Non Life à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Caci Non Life aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 11 mars 2020, la société Caci Non Life demande à la cour de :

A titre principal :

— juger que la société Caci Non Life n’est tenue à aucune garantie en application de l’exclusion prévue dans la proposition d’assurance du contrat d’assurance groupe 'Assurance Emprunteur Immo',

En conséquence,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’application de l’exclusion prévue dans la proposition d’assurance du contrat d’assurance groupe ' Assurance Emprunteur Immo',

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la notice d’information applicable aux contrats d’assurance groupe 'Assurance Emprunteur Immo’ n°1001-01-25-101-01 et n°1001-01-25-101-02 est opposable à M. X,

— confirmer le jugement en ce qu’il a désigné le docteur Y en qualité d’expert judiciaire,

— juger que la garantie arrêt de travail ne saurait être délivrée à M. X que jusqu’au 10 mai 2015, à défaut de remplir les conditions de la garantie postérieurement à cette date et juger que les indemnités dues par l’assureur s’élèvent à la somme de 5 249,60 euros jusqu’à cette date.

A titre très subsidiaire :

— juger que le salaire de référence de M. X s’élève à la somme de 12 964,37 euros nets,

— juger que les prestations au titre de la garantie arrêt de travail ne peuvent être versées que si et tant que M. X présente un taux d’incapacité contractuel supérieur ou égal à 66%,

— juger que les prestations sont limitées à la diminution de rémunération de l’assuré.

En tout état de cause :

— débouter M. X de sa demande de condamnation de la société Caci Non Life à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts,

— condamner M. X à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2020.

SUR QUOI, LA COUR

Les développements de M. X tendant à démontrer que sa demande n’est pas prescrite sont sans objet puisque l’assureur ne lui oppose aucune fin de non-recevoir à ce titre.

Sur la clause d’exclusion de garantie

Le tribunal a constaté que la proposition d’assurance contenait une clause d’exclusion de garantie dans le cas d’un arrêt de travail et que la question était de savoir si les troubles bipolaires dont était atteint M. X constituaient ou non des troubles psychiques exclus par la dite clause qu’il avait signée. Le tribunal a retenu que si, dans certains cas, les troubles bipolaires constituaient des troubles psychiques, ils faisaient partie des troubles de l’humeur et ne pouvaient être qualifiés de manière générale de troubles psychiques. Le tribunal en a déduit qu’en l’absence de précisions complémentaires, il ne pouvait être considéré que la clause d’exclusion visait les troubles bipolaires et a ainsi jugé que la société Caci Non Life était tenue à garantie.

Affirmant que la clause d’exclusion dont la société Caci Non Life se prévaut lui est inopposable, M. X souligne que le trouble bipolaire n’est pas formellement exclu par les termes de la proposition d’assurance et de la notice d’information. Il fait valoir que la proposition d’assurance ne fait que reprendre parmi les troubles psychiques deux pathologies, à savoir les troubles anxieux et les syndromes dépressifs. Il avance qu’une clause d’exclusion doit être explicite et formelle, et qu’en l’état, il ne peut être considéré que les troubles bipolaires sont des risques exclus. Il soutient que le trouble bipolaire est une pathologie non visée à la clause d’exclusion et dont la définition incertaine ne permet pas de l’assimiler à l’une des affections visées à ladite clause, les troubles bipolaires étant des troubles de l’humeur qui se distinguent notamment de la dépression, des troubles anxieux et des troubles de la personnalité visés par la clause d’exclusion.

La société Caci Non Life souligne qu’elle ne se prévaut pas de la clause figurant dans la notice mais de celle mentionnée dans la proposition d’assurance que M. X a acceptée et qui est apparente puisqu’elle figure dans un tableau spécifiquement consacré aux garanties accordées. Elle fait valoir que le fait que la clause ne vise pas expressément les troubles bipolaires ne la rend pas pour autant imprécise, sujette à interprétation ou encore inapplicable, dès lors qu’elle vise de façon incontestable les troubles psychiques, lesquels englobent les troubles bipolaires. Elle précise que ceux-ci, qu’ils constituent ou non des troubles de l’humeur, appartiennent en tout état de cause à la catégorie plus large des troubles psychiques, et entrent donc dans l’exclusion de garantie.

* * *

M. X verse aux débats le rapport de l’expert désigné par le tribunal dans son jugement du 12 juin 2018 qui conclut qu’il souffre d’un trouble bi-polaire 'très grave, trés sévère'. Il indique que ce diagnostic n’a été posé qu’en mai 2012. Il a été alors orienté vers le docteur Z, psychiatre spécialiste de la bi-polarité à l’hôpital de Garches.

Il appartient à l’assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion. L’exclusion doit être explicite, clairement exprimée, et ne saurait vider la garantie de sa substance. Il est de principe que dés lors qu’elle est sujette à interprétation, elle ne peut être tenue pour formelle et limitée.

La CACI a informé M. X de son admission à l’assurance souscrite au titre de la garantie arrêt de travail, sous l’exclusion des sinistres résultant 'de toutes suites et conséquences des troubles psychiques, y compris les troubles anxieux et les syndromes dépressifs'.

Cette proposition d’assurance a été acceptée par M. X le 4 décembre 2011. Ce dernier y a apposé sa signature sous la mention : 'Je demande formellement à adhérer aux contrats d’assurance groupe (pour le produit indiqué en tête de la présente proposition d’assurance) dans les conditions qui me sont proposées dans la Notice d’information de ces contrats et dans la présente proposition d’assurance'.

La société Caci n’est pas contredite lorsqu’elle précise qu’antérieurement à l’établissement de la proposition d’assurance, M. X a rempli un premier questionnaire médical, que les réponses qu’il y a apportées ont conduit l’assureur à lui soumettre un questionnaire médical spécifique intitulé 'affections neuropsychiques’ à la suite duquel a été mentionnée sur la proposition d’assurance une exclusion spécifique.

La société Caci ne se prévaut donc pas de la clause d’exclusion de garantie insérée dans la notice d’information remise à l’assuré, dont l’assureur reconnaît qu’elle n’est pas applicable en l’espèce puisqu’elle exclut les sinistres résultant d’une dépression nerveuse ou d’un syndrome de fatigue chronique ou de fibromyalgie ou d’affection psychiatrique, neuro-psychiatrique ou psychique, sauf si une hospitalisation de plus de 15 jours continus a été nécessaire pendant cet arrêt de travail, ce qui a précisément été le cas de M. X. La seule exclusion invoquée par l’assureur est celle contenue dans la proposition acceptée par M. A, laquelle engage l’assureur et l’adhérent dés lors que ce dernier l’a acceptée.

Il importe donc peu à ce stade de déterminer quelle est la notice applicable. Ainsi que le tribunal l’a souligné, le débat porte sur l’étendue de l’exclusion mentionnée sur la proposition d’assurance.

La clause d’exclusion figure sur la proposition d’assurance qui est un document de deux pages. Elle est très apparente et ne peut échapper à un lecteur normalement attentif et a fortiori à M. X auquel il avait été préalablement demandé de compléter un questionnaire spécifique induit par les réponses apportées au premier questionnaire de santé.

L’exclusion porte sur 'les suites et conséquences des troubles psychiques y compris les troubles anxieux et les syndromes dépressifs'. Elle ne comprend aucune énumération des différentes pathologies que le terme 'troubles psychiques’ est susceptible d’englober. Elle ne donne par ailleurs aucune définition du trouble psychique.

A ce titre elle doit être tenue pour non formelle et non limitée et en conséquence inopposable à l’assuré.

Sur la notice d’information applicable

Observant que les conditions de la garantie étaient précisées par la notice d’information mais que les parties s’opposaient sur la détermination de la notice applicable, le tribunal a retenu qu’il n’était pas obligatoire que la notice ait été paraphée par l’assuré pour lui être opposable. Il a relevé que la notice produite par M. X mentionnait des références de contrat qui ne correspondaient pas à celles des contrats de prêt souscrits alors qu’il avait signé deux fiches standardisées d’information comportant les références de ses prêts et une mention selon laquelle il avait reconnu avoir reçu la notice d’information. Le tribunal a donc considéré que la notice d’information qui était opposable à M. X était celle qui comportait les bonnes références de contrats de prêt, soit celle produite par la société Caci Non Life.

Soutenant que la notice d’information produite par l’assureur lui est inopposable, M. X fait valoir que cette dernière n’est pas signée, que l’assureur ne justifie d’aucune manière lui avoir remis ladite notice, ni même seulement avoir porté à sa connaissance son existence. Il avance que la notice qu’il produit de son côté lui a nécessairement été remise par l’assureur. M. X souligne que certaines clauses qui figurent dans la notice produite par la société ne figurent pas dans celle qui lui a été remise, notamment la clause relative à une limitation de garantie en fonction de la diminution de la rémunération. M. X ajoute que le fait que les références de la notice qui lui a été remise ne correspondent pas aux références de l’assurance souscrite est sans incidence et ne fait pas échec à son application. Enfin, il rappelle qu’en cas de contradiction entre les documents contractuels détenus par l’assureur et l’assuré, c’est l’exemplaire de l’assuré qui doit être privilégié.

En réponse, la société Caci Non Life réplique qu’en apposant sa signature sur la demande d’adhésion aux contrats d’assurance groupe 'Assurance Emprunteur Immo', M. X a déclaré avoir reçu la notice d’information, en avoir pris connaissance et en accepter les termes. Elle avance que seule la notice d’information applicable aux contrats d’assurance groupe 'Assurance Emprunteur Immo’ n°1001-01-25-101-01 et n°1001-01-25-101-02 citée dans la fiche standardisée d’information est applicable. La société souligne que la notice qu’elle produit vise bien ces numéros de contrats, tandis que celle produite par M. X vise d’autres numéros de contrats. Elle ajoute que la notice que produit M. X est en libre accès et téléchargeable sur internet, et qu’il ne prouve donc aucunement que la notice qu’il verse aux débats serait celle qui lui aurait été remise. La société Caci Non Life fait valoir que l’argument selon lequel la notice d’information qu’elle produit est inopposable en l’absence d’une signature de M. X ne saurait prospérer car la jurisprudence n’exige nullement que la notice d’information du contrat d’assurance soit signée pour être opposable à l’assuré.

* * *

Aux termes de l’article L.112-2, alinéa 2, l’assureur doit, avant la conclusion du contrat, remettre à l’assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d’information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l’assuré .

M. X a apposé sa signature au bas du document intitulé 'demande d’adhésion aux contrats d’assurance groupe Assurance Emprunteur Immo’ et a reconnu avoir reçu ce jour (le 11 novembre

2011) 'la notice d’information, en avoir pris connaissance et en accepter les termes, notamment de l’objet du contrat, des conditions et exclusions de garanties, et des limitations d’indemnisation'.

Il a par ailleurs, le 4 décembre 2011, apposé sa signature au bas de la proposition d’assurance qui mentionne: 'je demande formellement à adhérer aux contrats d’assurance de groupe (pour le produit indiqué en tête de la présente proposition d’assurance) dans les conditions qui me sont proposées dans la Notice d’information de ces contrats et dans la présente proposition d’assurance'.

Dans l’offre de prêt que le LCL lui a soumise, M. X a apposé sa signature après la mention 'je déclare avoir été bien informé des caractéristiques et conditions de l’offre d’assurance groupe de LCL'.

Ces mentions suffisent à rapporter la preuve de la remise de la notice et de l’opposabilité à M. X des clauses contenues dans la notice, peu important que celui-ci n’ait pas signé ou apposé son paraphe sur chaque page de la notice.

Les deux fiches d’information correspondant aux deux emprunts, remises à M. X par la société LCL et signées de celui-ci le 11 novembre 2011 mentionnent : 'compte tenu des souhaits et besoins que vous avez exprimés, nous vous proposons d’adhérer au contrat d’assurance groupe Assurance Emprunteur Immo souscrit auprès de CACI VIE et CACI NON VIE, entreprises régies par le code des assurances (contrats n°1001-01-25-101-01 et n°1001-01-25-101-02)'.

Il sera relevé que la notice d’information dont M. X entend se prévaloir ne comporte pas de clause limitant les prestations à la diminution de rémunération, à la différence de celle dont l’assureur se prévaut. Or, les fiches d’information que M. X a signées le 11 janvier 2011 mentionnent qu’au titre de la garantie arrêt de travail, 'la prestation est indemnitaire (l’indemnisation est limitée à votre diminution de rémunération, correspondant à la différence entre votre rémunération de référence et celle perçue au cours de la période d’arrêt de travail)'.

Il en résulte que c’est à bon droit que le tribunal a jugé que seule la notice d’information applicable aux contrats d’assurance groupe 'Assurance Emprunteur Immo’ n°1001-01-25-101-01 et n°1001-01-25-101-02 citée dans les fiches d’information est opposable à M. X, soit celle produite par l’assureur. La notice produite par M. X vise en effet des contrats d’assurance groupe étrangers aux contrats d’assurance souscrits par le LCL applicables aux prêts souscrits par l’intéressé. La société Caci rapporte au demeurant la preuve que la notice produite par M. X, dont les numéros débutent par 2018-01-25, est librement téléchargeable sur Internet et il n’y a donc pas lieu de retenir qu’il s’agit de celle qui lui fut remise en 2011.

La société Caci n’a donc pas, comme le soutient M. X à titre subsidiaire, méconnu son obligation d’information et de conseil, en ne lui remettant pas la bonne notice d’information, étant rappelé qu’en tout état de cause ce devoir pèse, dans le cadre d’une assurance de groupe, sur le souscripteur, en l’occurrence le LCL, et non sur l’assureur.

Sur la garantie arrêt de travail

En cas d’arrêt de travail, la garantie oblige l’assureur à verser 100% de la base de calcul dans la limite de 160 euros par jour et par assuré et de 4800 euros par mois et par assuré, quelque soit le nombre de prêts assurés.

La déclaration d’arrêt de travail doit être faite dans les 12 mois qui suivent le 1er jour d’arrêt. Si la déclaration intervient après ce délai, l’arrêt est pris en charge à compter du jour de la réception par l’assureur de la déclaration sans application du délai de franchise.

M. X a été placé en arrêt de travail le 11 mai 2012, mais n’a fait de déclaration que très

tardivement, à une date non déterminée mais dont on sait que la société Caci y a répondu le 5 septembre 2014. Les parties ne discutent pas que si prise en charge il doit y avoir, elle ne peut débuter qu’en septembre 2014.

La notice opposable à M. X comporte une clause limitant les prestations à la diminution de rémunération. Il y est disposé : 'Si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé, les prestations sont limitées à votre diminution de rémunération.

Définition de la diminution de rémunération

Le montant mensuel des prestations est limité à la diminution des revenus mensuels induits par votre arrêt de travail, c’est-à-dire à la différence entre vos revenus mensuels précédant l’arrêt et la rémunération que vous percevez du fait de votre situation actuelle.

Votre rémunération de référence est égale à la moyenne mensuelle des rémunérations et indemnités imposables versées par votre employeur au cours des douze mois précédant votre arrêt de travail'.

La notice poursuit ainsi :

' À la date de consolidation de votre état de santé, et au plus tard trois ans après le début de votre arrêt de travail, le Médecin conseil de l’assurance fixe à partir du rapport

d’expertise médicale vos taux d’incapacité fonctionnelle et professionnelle'.

A la suite des définitions de l’incapacité fonctionnelle et de l’incapacité professionnelle, figure un tableau à double entrée qui croise les taux d’incapacité professionnelle (de 30 à 100%) et fonctionnelle (de 60 à 100%) pour faire apparaître le taux d’incapacité résultant de chacune des combinaisons ( de 48 à 100%). Il est ensuite précisé que 'si le taux d’incapacité fixé sur la base de ce tableau est égal ou supérieur à 66% les prestations de l’assureur sont maintenues. Si le taux d’incapacité fixé sur la base de ce tableau est inférieur à 66%, aucune prestation n’est due par l’assureur'.

Il en résulte sans ambiguïté que la garantie incapacité de travail de la notice d’assurance suppose un taux d’incapacité globale minimum de 66%, calculé en fonction du taux d’incapacité professionnelle combiné au taux d’incapacité fonctionnelle, tel qu’il ressort du tableau à double entrée intégré dans la notice d’assurance.

Selon ce tableau à double entrée, le plus faible taux d’incapacité professionnelle pouvant permettre d’atteindre le taux d’incapacité de 66% est de 30%, lorsqu’il est conjugué à un taux d’incapacité fonctionnelle de 100%. Le plus faible taux d’incapacité fonctionnelle pouvant permettre d’atteindre le taux d’incapacité requis est de 60% lorsqu’il est conjugué à un taux d’incapacité professionnelle de 80 %.

Cette clause litigieuse, qui stipule que la mise en oeuvre de la garantie incapacité de travail suppose un taux d’incapacité de 66 %, calculé en fonction du taux d’incapacité professionnelle combiné au taux d’incapacité fonctionnelle, ainsi qu’il résulte d’un tableau à double entrée dont la simple lecture permet de comprendre qu’aucune garantie n’est due lorsque l’un quelconque des taux à combiner est inférieur à un certain seuil, est rédigée de façon claire et compréhensible, sans laisser place au doute, et ne nécessite en conséquence aucune interprétation.

M. X soutient que la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les parties et est ainsi contraire aux dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil et de l’ article L. 132-1 du code de la consommation.

La référence aux articles 1170 et 1171 du code civil tels que cités par l’appelant n’est pas pertinente puisqu’ils sont issus de l’ordonnance du 10 février 2016 et ne sont pas applicables au présent litige.

Aux termes de l’article L132-1 du code de la consommation, dans sa rédation applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Au cas d’espèce, la clause critiquée définit l’objet principal du contrat, en ce qu’elle détermine le risque assuré en matière d’incapacité de travail qui est un élément essentiel de la police et caractérise celle-ci. Il a été jugé précédemment qu’elle était claire et compréhensible.

Ainsi, il n’y a pas lieu à appréciation du caractère abusif de la clause. Il sera de surcroît observé que quand bien même le contrôle de la clause devrait être exercé, le caractère abusif allégué n’est pas justifié. En effet, la garantie souscrite n’a pas pour seul objet de couvrir des incapacités de travail en lien avec les troubles dont souffre M. X mais concerne les risques d’incapacité de travail découlant de tout autre maladie ou accident si bien que l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties n’est pas caractérisée.

Enfin, il importe peu que la pathologie présentée par l’assuré figure expressément ou non au barème d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun (édition du Concours médical la plus récente au jour de l’expertise) puisqu’il s’agit d’apprécier la diminution de la capacité physique de l’assuré et de la quantifier ensuite par référence au barème d’évaluation, au besoin en la comparant à des pathologies de nature à entraîner une diminution similaire de la capacité physique.

Les dispositions litigieuses doivent donc trouver application.

Le tribunal a retenu que le fait que M. X ait été admis en invalidité de catégorie 2 à effet du 1er décembre 2014 pouvait rendre plausible une consolidation de son état mais en l’absence de certitude, il a à bon droit ordonné une mesure d’expertise sur ce point ainsi que sur la détermination des incapacités, fonctionnelle et professionnelle, de M. X.

Au regard des définitions et précisions apportées par la notice d’information, la moyenne des rémunérations perçues par M. X a été déterminée par le tribunal sur la base des salaires mensuels imposables des 12 mois précédant l’arrêt de travail, à savoir de mai 2011 à avril 2012 inclus. Le tribunal sera approuvé d’avoir fixé la moyenne mensuelle constituant le salaire de référence à 11 889 euros

Ainsi que l’a relevé le tribunal, il ne résulte d’aucun élément du dossier que l’état de M. X ait été consolidé avant le 1er décembre 2014.

Sur les mois de septembre, octobre et novembre 2014 susceptibles d’être concernés par la prise en charge au titre de l’arrêt de travail avant une éventuelle consolidation, M. X a perçu en rémunérations et prestations de la sécurité sociale ou de son organisme de prévoyance complémentaire les sommes de 13 166,11 euros, 10 502, 16 euros et 12988 euros. Il existe donc une diminution de la rémunération au regard du salaire de référence pour le mois d’octobre, de sorte que la société Caci est bien redevable de la somme de 986,30 euros (montant des deux mensualités des emprunts) au titre de ce mois.

Le tribunal sera en conséquence approuvé d’avoir condamné la société Caci à payer la dite somme et

sursis à statuer pour les mois postérieurs.

Les conditions d’application de la faculté d’évocation telles que définies par l’article 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies en l’espèce.

La cour ayant vidé sa saisine, les demandes que forme M. X devant la cour se rapportant à la période postérieure au 30 novembre 2014 doivent faire l’objet d’un examen par le tribunal. Il appartiendra à la partie la plus diligente, ainsi que le rappelle le tribunal, de demander le rétablissement de l’affaire, retirée du rôle.

M. X ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par la société Caci à l’origine d’un préjudice moral susceptible d’être indemnisé et la demande en dommages-intérêts qu’il forme à ce titre sera rejetée.

M. X, qui succombe dans l’essentiel de ses prétentions, sera condamné aux dépens d’appel.

L’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que les demandes que forme M. X devant la cour se rapportant à la période postérieure au 30 novembre 2014 doivent faire l’objet d’un examen par le tribunal et qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de demander le rétablissement de l’affaire.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X aux dépens d’appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 4 février 2021, n° 18/05221