Cour administrative d'appel de Nancy, 4e chambre, 27 décembre 2019, n° 18NC01080

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 4e ch., 27 déc. 2019, n° 18NC01080
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 18NC01080
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 23 janvier 2018, N° 1604131
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A H a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 20 mai 2016 par lequel le directeur général de l’Office national des forêts (ONF) lui a infligé la sanction disciplinaire de mise à la retraite d’office et l’a radié des cadres à compter du 1er juin 2016.

Par un jugement n° 1604131 du 24 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 20 mai 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 avril 2018, 11 avril, 17 juin, 7 et 29 octobre 2019, M. A H, représenté par Me E, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d’annuler l’arrêté du 20 mai 2016 par lequel le directeur général de l’Office national des forêts lui a infligé la sanction disciplinaire de mise à la retraite d’office et l’a radié des cadres à compter du 1er juin 2016 ;

3°) de constater la nullité de l’arrêté du 20 mai 2016 ou, à défaut, de surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal administratif de Strasbourg à intervenir sur sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration ;

4°) de constater la nullité de l’arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur général de l’Office national des forêts l’a réintégré dans un emploi d’agent patrimonial à Schoenbourg ou, à défaut, de surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal administratif de Strasbourg à intervenir sur sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

5°) d’enjoindre à l’ONF de le réintégrer dans son emploi antérieur de chef de triage à Schoenbourg et de procéder à sa réintégration juridique à compter de la date de sa mise à la retraite d’office, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

6°) d’enjoindre à l’ONF de procéder à la reconstitution de sa carrière, de ses droits sociaux et à pension de retraite à compter de la date de mise à la retraite d’office, dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

7°) de mettre à la charge de l’ONF le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l’incompétence du directeur général de l’ONF pour édicter l’arrêté litigieux, sur la privation de son droit de recours devant le conseil supérieur de la fonction publique et sur l’irrégularité de la procédure en l’absence de procès-verbal régulier ;

— le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute de préciser en quoi sa demande de report du conseil de discipline présentait un caractère dilatoire ;

— il est entaché d’insuffisance de motivation, faute de reproduire l’article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat et de préciser en quoi ses courriers ne constituaient pas des observations devant le conseil de discipline et de reproduire la teneur de ses observations devant ce conseil ;

— il est entaché d’omission à statuer et d’insuffisance de motivation sur le caractère partial de la procédure devant le conseil de discipline en l’absence de communication des procès-verbaux d’audition ;

— il est entaché d’insuffisance de motivation sur le moyen tiré de l’insuffisance de motivation en fait de l’arrêté litigieux et sur la réponse apportée au moyen soulevé, par voie d’exception, de l’illégalité de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration dans ses fonctions ;

— il est entaché d’insuffisance de motivation sur le moyen tiré de ce que la réalité des faits n’est pas suffisamment établie et que ces faits ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

— il est entaché d’insuffisance de motivation sur le moyen tiré de l’absence de réalité des faits qui ne pouvaient, en conséquence, justifier une sanction disciplinaire ;

— il est entaché d’insuffisance de motivation et d’omission à statuer sur le moyen tiré de ce qu’il a été victime de harcèlement moral de la part de la hiérarchie de l’ONF ;

— le tribunal n’a pas respecté le principe du caractère contradictoire de la procédure, le principe d’impartialité et le respect des droits de la défense en ne prenant pas en compte son argumentation en défense et les pièces qu’il produisait ;

— le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier, dès lors qu’il a été privé d’une garantie en l’absence de report de la séance du conseil de discipline ;

— le droit à communication de son dossier individuel a été méconnu ;

— le tribunal a commis une erreur de droit et a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu’il n’avait pas adressé d’observations écrites au conseil de discipline et n’avait pas été privé d’une garantie en l’absence de lecture de ses observations écrites ;

— le tribunal a commis une erreur de droit et a méconnu le principe d’impartialité en estimant que le conseil de discipline avait été régulièrement consulté ;

— le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et a méconnu le principe d’impartialité et le principe du caractère contradictoire de la procédure en estimant qu’il n’avait pas été privé de son droit au recours en l’absence d’information quant à la possibilité de saisir le conseil supérieur de la fonction publique ;

— le tribunal a commis une erreur de droit et méconnu le principe d’impartialité en écartant les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens et de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 ;

— il n’a pas été réintégré effectivement dans ses fonctions, dès lors que le poste qu’il occupait précédemment n’était pas vacant ;

— sa nomination sur un poste fictif est nulle et non avenue ;

— il appartient à la cour de surseoir à statuer jusqu’à ce que le tribunal administratif de Strasbourg statue sur la légalité de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration dans ses fonctions ;

— le directeur général de l’ONF a méconnu le champ d’application de la loi et était incompétent pour édicter l’arrêté litigieux, dès lors qu’en l’absence de réintégration effective, aucune sanction disciplinaire ne pouvait lui être infligée ;

— l’exception tirée de l’illégalité de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration est recevable ;

— l’arrêté du 20 mai 2016 est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

— le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit, de dénaturation des pièces du dossier et de méconnaissance de l’autorité de la chose jugée, dès lors qu’il a estimé que les faits étaient établis alors qu’il est réputé n’avoir jamais été placé en congé de longue maladie, ce placement ayant été annulé par le tribunal administratif de Strasbourg ;

— il est victime de harcèlement moral de la part de ses responsables hiérarchiques ;

— le directeur général de l’ONF fait preuve d’animosité à son égard.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 novembre 2018 et 8 octobre 2019, l’Office national des forêts (ONF), représenté par Me B, conclut au rejet la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. H au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les faits mentionnés par M. H ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ;

— les autres moyens soulevés par M. H ne sont pas fondés.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— le jugement n° 1402763 du 25 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg.

Vu :

— la Constitution, notamment son Préambule ;

— le code forestier ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

— la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

— le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

— le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat ;

— le décret n° 2013-1173 du 17 décembre 2013 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs forestiers de l’Office national des forêts ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme F, présidente assesseur,

— les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

— et les observations de Me I, représentant l’Office national des forêts.

Des notes en délibéré présentées pour M. H ont été enregistrées les 11 et 16 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. A H, né en 1953, est technicien forestier. Il exerçait, en dernier lieu, les fonctions de chef de triage de Schoenbourg au sein de l’unité territoriale de Saverne qui relève de l’agence Nord Alsace de l’Office national des forêts (ONF). Par un arrêté du 22 avril 2014, le directeur national de l’ONF lui a infligé la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office avec radiation des cadres à compter du 1er mai 2014. Par un jugement du 25 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’arrêté du 22 avril 2014 et a enjoint à l’ONF de réintégrer M. H et de procéder à la reconstitution administrative de sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par un arrêté du 24 mars 2016, M. H a été réintégré sur un poste d’agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l’agence Nord Alsace de l’ONF. Par un arrêté du 20 mai 2016, le directeur général de l’ONF lui a infligé la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office avec radiation des cadres à compter du 1er juin 2016. Par un jugement du 24 janvier 2018, dont M. H relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans son mémoire en réplique, enregistré le 9 octobre 2017 par le greffe du tribunal administratif de Strasbourg, M. H soulevait le moyen tiré de l’incompétence du directeur de l’ONF pour édicter l’arrêté du 20 mai 2016 lui infligeant une sanction disciplinaire, dès lors que, selon ses allégations, il ne faisait alors plus partie des effectifs de l’ONF. Si le jugement attaqué relève qu’il était bien un agent titulaire de l’ONF lorsqu’il a été sanctionné et écarte le moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi, il ne répond cependant pas au moyen distinct tiré de l’incompétence du directeur de l’ONF pour lui infliger la sanction litigieuse qu’il ne vise pas davantage.

3. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, le jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg doit être annulé. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. H devant le tribunal administratif de Strasbourg et sur ses conclusions, qui sont recevables, tendant à ce que l’inexistence de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration et de l’arrêté du 20 mai 2016 soit constatée ou qu’à défaut il soit sursis à statuer.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 20 mai 2016 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure devant le conseil de discipline :

4. En premier lieu, aux termes de l’article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : « Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. / Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l’examen de l’affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n’est possible qu’une seule fois. ».

5. Il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 12 mai 2016 que ses membres ne se sont pas prononcés sur la demande de report de la séance adressée, le 30 avril 2016 par M. H. Cependant il ressort de ce procès-verbal que M. H, qui était présent et assisté lors du conseil de discipline et n’a d’ailleurs pas réitéré sa demande de report, a pu s’exprimer, notamment sur les divers éléments qui, selon lui, manquaient au dossier et notamment l’intervention du SAMU à son domicile le 10 avril 2013, ses notations annuelles et ses griefs contre MM. G et D, ses précédents responsables hiérarchiques. Par suite, dans les circonstances de l’espèce, l’absence de report de la séance du conseil de discipline, qui n’a pas exercé d’influence sur le sens de la décision du directeur général de l’ONF, n’a pas privé M. H d’une garantie tendant au respect du principe de caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité () / Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi () ». L’article 19 de la même loi énonce que : « () Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier () ». Selon l’article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : « L’administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l’encontre d’un fonctionnaire informer l’intéressé qu’il a le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. ». Il résulte de ces dispositions que le dossier communiqué au fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit comporter l’ensemble des pièces intéressant la situation administrative de cet agent, y compris celles qui seraient favorables à l’intéressé et que ce dernier pourrait faire valoir au cours de la procédure engagée à son encontre.

7. D’une part, M. H a eu accès à son dossier individuel, le 21 avril 2016 et a pu prendre connaissance notamment du procès-verbal d’enquête disciplinaire et des pièces annexées à celui-ci. Il a, par ailleurs, communiqué plusieurs pièces à la procédure, le 28 avril 2016 et notamment la fiche d’intervention des pompiers à son domicile, le 10 avril 2013 ainsi que les courriers qu’il a adressés à sa hiérarchie, outre deux autres pièces supplémentaires au cours de la séance du conseil de discipline du 12 mai 2016. Ces pièces étaient de nature à éclairer les membres du conseil de discipline sur les allégations de harcèlement moral dont il se déclare victime de la part de ses responsables hiérarchiques.

8. D’autre part, par un courrier du 28 avril 2016, M. H a demandé au directeur de l’ONF la communication de plusieurs pièces. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que des témoignages écrits, autres que ceux joints au procès-verbal d’enquête disciplinaire, auraient été établis. Le rapporteur a en effet expliqué, au cours de la séance du conseil disciplinaire, qu’il avait été en mesure de recueillir seulement trois témoignages de collègues de M. H. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’ONF aurait été en possession des notes prises par M. C lors de l’incident du 2 décembre 2013 et des procès-verbaux d’audition du requérant à la gendarmerie à la suite de ces mêmes incidents. Enfin, les autres pièces sollicitées, relatives à l’intervention du SAMU au domicile du requérant, le 10 avril 2013, à la suspension de fonctions décidée à cette date et aux convocations devant le comité médical, dont il n’est nullement établi qu’elles seraient favorables à l’intéressé, sont dépourvues de lien direct avec la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de M. H, mais portent sur d’autres procédures contentieuses qu’il a engagées parallèlement devant le tribunal administratif de Strasbourg.

9. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à consultation du dossier individuel doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l’article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : « L’organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l’article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d’un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. ». Selon l’article 3 du même décret : « Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l’administration () ». En vertu de l’article 5 du même décret : « () Le rapport établi par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance / () Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l’autorisation d’intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d’ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ».

11. D’une part, si M. H a adressé à sa hiérarchie, le 24 juin 2013, deux courriers dénonçant les faits relatés dans le rapport du 5 mars 2013 et un autre, le 20 janvier 2014, relatif aux incidents du 2 décembre 2013, ces courriers, antérieurs à l’engagement des poursuites disciplinaires, ne peuvent être regardés comme constituant des observations écrites au conseil de discipline au sens de l’article 3 du décret du 25 octobre 1984 cité au point précédent. Il en va de même de la lettre du 4 juin 2013 relative à une convocation devant le comité médical et de celle du 19 avril 2013. Le courrier adressé par M. H au directeur général de l’ONF, le 28 avril 2016, avant la séance du conseil de discipline, par lequel il produit plusieurs pièces, demande à l’ONF de diligenter une enquête et sollicite la communication de plusieurs pièces supplémentaires ne peut davantage être regardé comme constituant des observations écrites pour l’application de l’article 3 du décret du 25 octobre 1984 cité au point précédent. Par suite, en l’absence d’observations écrites adressées par M. H au conseil de discipline, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 5 du décret du 25 octobre 1984 doit être écarté.

12. D’autre part, conformément aux dispositions de l’article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat, un rapport indiquant les faits reprochés à M. H et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits a été établi et lu lors de la séance du conseil de discipline du 12 mai 2016. M. H a également pu en prendre connaissance avant la séance du conseil de discipline. Il a pu relever, au cours de cette séance, les inexactitudes et imprécisions entachant, selon lui, ce rapport. Si le rapporteur ne faisait pas état de l’ensemble des pièces produites et de toutes ses contestations des faits qui lui sont opposés, le rapport prévu par l’article 2 du décret du 25 octobre 1984 a pour objet d’informer les membres du conseil de discipline sur les faits reprochés au fonctionnaire et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits et ne saurait, par suite, être exhaustif. En outre, M. H, qui était assisté d’un défenseur, a pu faire part de ses observations orales, notamment sur ce rapport au cours du conseil de discipline et ainsi apporter les éléments de contexte supplémentaires sur lesquels il estimait devoir informer les membres du conseil de discipline. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 5 du décret du 25 octobre 1984 relatifs au rapport et aux observations orales du fonctionnaire ou de son défenseur devant le conseil de discipline ne peut donc qu’être écarté.

13. En quatrième lieu, d’une part, ainsi qu’il est dit aux points précédents, M. H a produit un certain nombre de pièces au cours de la procédure devant le conseil de discipline. Son défenseur et lui-même ont également pu présenter leurs observations orales sur les fautes reprochées à M. H et faire part du contexte de harcèlement moral dont M. H aurait été victime, dans le cadre notamment de l’intervention du SAMU à son domicile, le 10 avril 2013, de la procédure de placement en congé de longue maladie à compter de cette même date ou encore de ses notations, entretiens professionnels annuels et de son avancement. Ils ont également pu contester la réalité des fautes qui lui sont reprochées.

14. D’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapport établi en vue de la séance du conseil de discipline aurait présenté les faits de manière partiale. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline que M. H et son défenseur ont pu relever les inexactitudes entachant, selon, eux, ce rapport, les membres du conseil de discipline étant ainsi parfaitement éclairés sur ce point. Le rapport ne constitue, en tout état de cause, que l’un des éléments de la procédure disciplinaire.

15. En outre, il ressort des explications apportées par le rapporteur au cours du conseil de discipline que celui-ci a sollicité le témoignage de tous les collègues de M. H, mais que plusieurs d’entre eux n’ont pas souhaité être entendus. Il a été en mesure d’entendre trois collègues de M. H qui ont souhaité conserver l’anonymat. Par suite, contrairement à ce que soutient M. H, une enquête interne a bien été diligentée sur les faits qui lui sont reprochés. Ainsi, l’absence de suite donnée à la demande d’enquête adressée par M. H, le 28 avril 2016, au surplus trois ans après les faits, n’a pas été de nature à le priver d’une garantie et n’a pas entaché la régularité de la procédure disciplinaire.

16. Par ailleurs, la seule circonstance que l’autorité administrative n’a pas saisi le procureur de la République en vue d’obtenir les procès-verbaux d’audition de M. H des 2 décembre 2013 et 27 mai 2014 n’établit pas la méconnaissance des droits de la défense, dès lors que le conseil de discipline a pu entendre les explications de M. H sur les incidents du 2 décembre 2013. L’absence de production des autres documents dont M. H demandait la communication dans son courrier du 28 avril 2016 et sur lesquels il a pu s’exprimer lors du conseil de discipline, n’a pas davantage été de nature à méconnaître le principe d’impartialité, les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure.

17. Il résulte de ce qui est dit aux points 13 à 16 du présent arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance du principe d’impartialité de la procédure devant le conseil de discipline, des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure doivent être écartés. Il en va de même, en tout état de cause, des moyens tirés de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » et de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel « Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité () ».

En ce qui concerne la régularité de l’avis du conseil de discipline :

18. L’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires énonce que : « () Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L’avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ». Aux termes de l’article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : « Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l’intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l’enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l’accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l’échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu’à ce que l’une d’elles recueille un tel accord. / La proposition ayant recueilli l’accord de la majorité des membres présents doit être motivée et être transmise par le président du conseil de discipline à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Lorsque cette autorité prend une décision autre que celle proposée par le conseil, elle doit informer celui-ci des motifs qui l’ont conduite à ne pas suivre sa proposition. / Dans l’hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n’obtient l’accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s’étant prononcé en faveur d’aucune de ces propositions. Son président informe alors de cette situation l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l’ont conduite à prononcer celle-ci. ». Selon l’article 29 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : « () Un procès-verbal est établi après chaque séance. Il est signé par le président et contresigné par le secrétaire et le secrétaire adjoint et transmis, dans le délai d’un mois, aux membres de la commission. Ce procès-verbal est soumis à l’approbation des membres de la commission lors de la séance suivante. ». En vertu de l’article 32 du même décret : « Les commissions administratives sont saisies par leur président ou sur demande écrite signée par la moitié au moins des représentants du personnel de toutes questions entrant dans leur compétence. Elles émettent leur avis à la majorité des membres présents. / S’il est procédé à un vote, celui-ci a lieu à main levée. Les abstentions sont admises. Toutefois, à la demande de l’un des membres titulaires de la commission, le vote a lieu à bulletin secret. En cas de partage des voix l’avis est réputé avoir été donné ou la proposition formulée () ».

19. Il ressort des énonciations du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 12 mai 2016 produit en défense, qu’au cours du délibéré, la sanction de la mise à la retraite d’office, sanction la plus élevée sur laquelle les membres du conseil de discipline se sont d’abord prononcés, a recueilli 5 voix favorables et 5 voix défavorables. Les sanctions de l’exclusion temporaire pour une durée de trois mois à deux ans et de la rétrogradation ont été rejetées à l’unanimité. Enfin, la sanction de la mutation d’office a recueilli 5 voix favorables et 5 voix défavorables. Il ressort également de ce procès-verbal, que les deux sanctions ayant recueilli un vote partagé ont été proposées au directeur général de l’ONF. Les motifs de ces deux sanctions disciplinaires sont également expressément mentionnés par ce procès-verbal.

20. Par suite, le conseil de discipline doit être regardé comme ayant été régulièrement consulté et ayant émis un avis en application des dispositions de l’article 8 du décret du 25 octobre 1984 et de l’article 32 du décret du 28 mai 1982 cités au point 18 du présent arrêt. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de celles de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 doit, par suite, être écarté. L’absence de preuve de l’approbation du procès-verbal de la séance du conseil de discipline lors d’une commission administrative paritaire ultérieure, ainsi que le prévoit l’article 29 du décret du 28 mai 1982 et l’absence de signature du secrétaire adjoint sont, par ailleurs, sans incidence sur la régularité de la consultation du conseil de discipline. En outre, si M. H relève plusieurs inexactitudes dans le procès-verbal de la séance du conseil de discipline, les inexactitudes alléguées, eu égard à leur portée, n’ont pas été de nature à exercer une influence sur l’arrêté du 20 mai 2016 du directeur général de l’ONF, ni à priver M. H d’une garantie. Enfin si M. H soutient que le principe du caractère contradictoire de la procédure et les droits de la défense ont été méconnus en l’absence de communication du procès-verbal approuvé par la commission administrative partiaire, le 24 novembre 2016, l’absence de communication de celui-ci est cependant sans incidence sur la légalité de l’arrêté du 20 mai 2016, seule en cause dans la présente instance.

En ce qui concerne le droit au recours de M. H :

21. Aux termes de l’article 10 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : « Lorsque l’autorité ayant pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction de mise à la retraite d’office ou de révocation alors que celle-ci n’a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents, l’intéressé peut saisir de la décision, dans le délai d’un mois à compter de la notification, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat () / L’administration lors de la notification au fonctionnaire poursuivi de la sanction dont il a fait l’objet doit communiquer à l’intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat se trouvent réunies. ».

22. Il ressort de ses termes mêmes que le courrier du 24 mai 2016, qui notifiait à M. H l’arrêté du 20 mai 2016 lui infligeant la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, l’informait de la possibilité de saisir le conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat dans le délai d’un mois à compter de cette notification. Par suite, le moyen tiré de ce que le droit au recours de M. H devant cette instance a été méconnu, qui manque en fait, doit être écarté.

En ce qui concerne l’exception tirée de l’illégalité de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration de M. H :

23. L’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale.

24. En premier lieu, l’article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable en l’espèce, dispose que : « Le grade est distinct de l’emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l’un des emplois qui lui correspondent. / Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n’intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d’exercer les fonctions correspondantes est nulle () ». Aux termes du I de l’article 3 du décret du 17 décembre 2013 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs forestiers de l’Office national des forêts : " I. ' Les membres du corps des techniciens supérieurs forestiers de l’Office national des forêts exercent les fonctions suivantes : / 1° Ils contribuent à la mise en oeuvre des missions de protection, de conservation et de surveillance de la forêt et des milieux naturels, dans le cadre du régime forestier ou des missions d’intérêt général qui sont confiées à l’Office national des forêts. Ils constatent les infractions énumérées à l’article L. 161-1 du code forestier. A cet effet, ils sont assermentés et commissionnés conformément à l’article R. 161-2 du code précité. Ils contribuent au bon déroulement des ventes publiques ; / 2° Ils participent, tant au titre du service de gestion que dans le cadre des conventions passées par l’établissement avec l’Etat, les autres personnes morales de droit public et les personnes privées, à toutes les tâches actives de technique forestière, d’exploitation, d’aménagement et d’équipement de la forêt et des milieux naturels associés. / Ils peuvent, pour tout ou partie de leurs fonctions, être en charge d’un secteur forestier dénommé triage et être spécialisés dans les différents domaines de compétence de l’Office national des forêts auprès de chacun de ses niveaux d’organisation. Ils peuvent se voir confier des missions particulières, notamment en matière de formation professionnelle, de recherche et développement, et de santé et sécurité au travail ainsi qu’en matière d’accueil du public dans les milieux naturels et forestiers () « . Selon le II de l’article 4 du décret du même décret : » II. ' Les techniciens supérieurs forestiers de l’Office national des forêts exercent leurs fonctions dans les différents services de l’Office national des forêts. ".

25. D’une part, ainsi qu’il est dit au point 1 du présent arrêt, l’arrêté du 22 avril 2014 du directeur général de l’ONF portant mise à la retraite d’office de M. H a été annulé par un jugement du 25 février 2016 devenu définitif du tribunal administratif de Strasbourg au motif que le délai de convocation de quinze jours au moins avant la séance du conseil de discipline prévu par l’article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat avait été méconnu, ce qui avait privé M. H d’une garantie.

26. D’autre part, en exécution de ce jugement qui enjoignait au directeur général de l’ONF de procéder à la réintégration de M. H au sein de cet établissement, M. H a été réintégré dans un poste d’agent patrimonial au sein des services fonctionnels de l’agence Nord-Alsace à Schoenbourg, par un arrêté du 24 mars 2016.

27. Le poste d’agent patrimonial est au nombre des emplois que les techniciens forestiers de l’ONF ont normalement vocation à occuper. M. H n’établit pas, en se bornant à invoquer la nomination d’un agent à Neuwiller-les-Saverne, entité distincte, que cet emploi au sein des services fonctionnels de l’agence Nord Alsace à Schoenbourg n’aurait pas été vacant. En tout état de cause, l’ONF n’était pas tenu de le réintégrer dans le poste de chef de triage qu’il occupait précédemment, les techniciens forestiers pouvant exercer leurs fonctions auprès de l’ensemble des services de l’ONF. Par suite, la réintégration de M. H dans un emploi d’agent patrimonial au sein des services fonctionnels de l’agence Nord Alsace à Schoenbourg ne revêt pas le caractère d’une nomination pour ordre nulle et non avenue.

28. En outre, à supposer même que l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration de M. H procède à une reconstitution incomplète de sa carrière, cette circonstance, au demeurant non établie, est sans incidence sur la légalité de la sanction disciplinaire qu’il conteste.

29. Il suit de là que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration de M. H doit, en tout état de cause, être écarté.

30. En second lieu, M. H ne saurait utilement invoquer les modalités d’exécution du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’arrêté du 22 avril 2014 lui infligeant la sanction de la mise à la retraite d’office, qui relève d’une procédure distincte et indépendante de celle tendant à l’annulation de l’arrêté du 20 mai 2016.

En ce qui concerne la compétence du directeur général de l’ONF :

31. L’article 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat énonce que : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination qui l’exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l’article 19 du titre Ier du statut général () ». Selon l’article L. 222-5 du code forestier : « Le directeur général de l’Office national des forêts nomme à tous les emplois, sous réserve des dispositions particulières applicables à certains emplois dont la liste est déterminée par décret. ». L’article L. 222-6 du même code énonce que : « Le directeur général dirige l’Office national des forêts et assure le fonctionnement de l’ensemble des services. Il gère les personnels dans les conditions prévues aux articles L. 222-6 et L. 222-7 () ». En vertu de l’article D. 222-12 du même code : « Le directeur général dirige l’Office national des forêts et assure le fonctionnement de l’ensemble des services. Il gère les personnels dans les conditions prévues aux articles L. 222-6 et L. 222-7 () ». Aux termes du I de l’article 4 du décret du 17 décembre 2013 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs forestiers de l’Office national des forêts : « I. ' Les techniciens supérieurs forestiers de l’Office national des forêts sont recrutés, nommés et gérés par le directeur général de l’Office national des forêts. ».

32. Il résulte de ces dispositions que le directeur général de l’ONF, investi du pouvoir de nomination à l’exception des emplois dont la liste est déterminée par décret au nombre desquels ne figure pas celui de M. H, est également l’autorité investie du pouvoir disciplinaire. Il était ainsi compétent pour infliger une sanction disciplinaire à M. H, régulièrement réintégré au sein de l’ONF par arrêté du 24 mars 2016, ainsi qu’il a été dit. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du directeur général de l’ONF doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance du champ d’application de la loi :

33. Aux termes de l’article 66 de loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, dans sa rédaction en vigueur, applicable aux techniciens forestier : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes () / Quatrième groupe : / – la mise à la retraite d’office ; / – la révocation () ".

34. Ainsi qu’il est dit aux points 26 et 27 du présent arrêt, M. H a été réintégré dans un emploi vacant correspondant à des fonctions qu’il a normalement vocation à occuper, sa réintégration ne revêtant pas le caractère d’une nomination pour ordre qui serait nulle et non avenue. Dès lors qu’il avait été régulièrement réintégré par arrêté du 24 mars 2016, l’une des sanctions disciplinaires prévues par l’article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat pouvait lui être infligée. Le moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la motivation de l’arrêté du 20 mai 2016 :

35. L’arrêté du 20 mai 2016, qui rappelle les dispositions juridiques sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé en droit. Cet arrêté énonce que la sanction de la mise à la retraite d’office est infligée à M. H en raison d’une part, des menaces de mort proférées, le 2 décembre 2013, à l’encontre du directeur de l’agence Nord Alsace de l’ONF et d’autre part, en raison de ses manquements réitérés au devoir d’obéissance hiérarchique, notamment en ne se soumettant pas à des examens médicaux et en ne restituant pas son véhicule et ses outils de travail. Cette motivation permettait à M. H de connaître les motifs de droit et de fait pour lesquels une sanction disciplinaire lui a été infligée. Si l’arrêté du 20 mai 2016 vise le procès-verbal d’enquête disciplinaire du 27 décembre 2013, ce procès-verbal, dont M. H a d’ailleurs eu connaissance, dès lors qu’il avait été évoqué au cours de la séance du conseil de discipline du 12 mai 2016 quelques jours auparavant, n’avait pas à être joint à l’arrêté du 20 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté du 20 mai 2016 doit être écarté.

En ce qui concerne la réalité des faits :

36. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d’enquête disciplinaire du 27 décembre 2013 et du procès-verbal d’audition de M. G, alors responsable de l’agence Nord Alsace de l’ONF, que, le 2 décembre 2013, alors qu’il était placé en congé de longue maladie, M. H s’est rendu à l’agence Nord Alsace en tenue de l’ONF et a proféré une menace de mort accompagnée d’un geste explicite à l’encontre de M. G. Si aucune autre personne n’a assisté à cette altercation, elle est cependant suffisamment établie par l’audition de M. C, présent ce jour-là, auquel M. G a immédiatement relaté cet incident ainsi que par l’appel de M. G à la direction des ressources humaines qui lui a conseillé de porter plainte, ce qu’il a fait le même jour, et enfin, par les témoignages, certes anonymes, recueillis dans le cadre de l’enquête du rapporteur devant le conseil de discipline. Dans son procès-verbal d’audition, M. C relate également d’autres menaces proférées par M. H à une date cependant non précisée. Au-delà de cet incident, le comportement agressif de M. H à l’égard de son responsable hiérarchique est également établi par un rapport du 5 mars 2013, faisant état de menaces similaires à l’encontre de M. G au cours d’une réunion du 4 mars 2013. Le comportement agressif de M. H a été confirmé au cours de l’enquête disciplinaire.

37. En deuxième lieu, les pièces du dossier établissent également que, le 2 décembre 2013, M. H a tenté de faire obstacle physiquement à la restitution de son véhicule de service, qui se trouvait chez le garagiste. La restitution de ce véhicule de service lui avait été demandée dès le 2 octobre 2013. Le procès-verbal d’enquête disciplinaire et les procès-verbaux d’audition de MM. G et C confirment que M. H a tenté de s’opposer à la restitution de son véhicule et a bousculé ses deux collègues. En se bornant à dire qu’il voulait seulement parler à M. C, M. H n’établit pas l’inexactitude des faits qui lui sont reprochés. Il est d’ailleurs constant que la gendarmerie a dû intervenir sur place, le 2 décembre 2013, pour obtenir la restitution du véhicule de service de M. H.

38. En troisième lieu, il ressort également des pièces du dossier que M. H souhaitait récupérer l’usage de son arme de service, qui lui avait été ôtée lors d’un précédent congé de maladie. C’est d’ailleurs cette demande qui a conduit à l’altercation du 4 mars 2013. M. G a en effet estimé qu’un avis médical était nécessaire avant une éventuelle restitution de son arme de service à M. H et lui a indiqué, dans un courrier du 14 mars 2013, qu’il serait prochainement convoqué pour la visite médicale annuelle de surveillance. Or, M. H, qui estimait que cette demande révélait l’acharnement poursuivi à son encontre, ne s’est pas présenté à cette visite, ni d’ailleurs aux suivantes, alors que cette demande apparaissait pourtant justifiée, le port d’arme étant soumis à un contrôle médical annuel. En se bornant à faire valoir qu’il n’a pas reçu certaines convocations, que ces convocations révèlent la volonté de son administration de lui nuire et qu’un examen médical serait inutile dès lors qu’il a fait l’objet d’un avis médical d’aptitude en octobre 2012 et s’est soumis à des séances de tirs en 2010 et 2011, M. H ne conteste pas sérieusement la réalité de ces faits.

39. En quatrième lieu, il ressort également des pièces du dossier que M. H n’a pas restitué le téléphone portable et l’ordinateur de service et n’a remis qu’avec retard un certain nombre de documents relatifs à la gestion du triage dont il avait la charge.

40. En dernier lieu, si l’arrêté du 16 mai 2013 le plaçant d’office en congé de longue maladie ordinaire et la décision du 10 avril 2013 le suspendant de ses fonctions pour raisons médicales avec effet immédiat ont été annulés par un jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg devenu définitif, il est constant qu’en 2013, année au cours de laquelle les faits litigieux se sont produits, M. H était placé en congé de longue maladie. Le directeur général de l’ONF pouvait, par suite, estimer qu’il avait manqué à son devoir d’obéissance hiérarchique, notamment en refusant de restituer son véhicule et d’autres outils de travail, dès lors qu’il n’appartenait pas à M. H, mais au tribunal, d’examiner la légalité de son placement en congé de longue maladie, jugement qui est intervenu le 29 février 2016, postérieurement aux manquements relevés à son encontre.

41. Par suite, la réalité des fautes commises par M. H de nature à justifier qu’une sanction disciplinaire lui soit infligée est suffisamment établie.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

42. Aux termes de l’article 6 quinquies de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel () ».

43. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

44. M. H fait valoir qu’il est victime de harcèlement moral de la part de ses responsables hiérarchiques, y compris, dans le dernier état de ses écritures, de la part du directeur général de l’ONF qui aurait fait preuve d’ « animosité » à son égard au cours de la procédure disciplinaire ayant donné lieu à la sanction du 20 mai 2016, en refusant notamment de lui communiquer un certain nombre de pièces.

45. D’une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les notations de M. H, qu’il conteste régulièrement, établiraient un harcèlement moral à son égard et non la juste appréciation de sa valeur professionnelle, en particulier de ses difficultés à travailler en équipe. Si plusieurs décisions de l’ONF en matière de notation, d’avancement et de congés ont été annulées par le tribunal administratif de Strasbourg et la cour, ces illégalités ne sont pas davantage constitutives de harcèlement moral au sens des dispositions citées au point 42.

46. D’autre part, s’il ressort des pièces du dossier que les pompiers sont intervenus au domicile de M. H, le 10 avril 2013, à la demande d’un membre du CHSCT, cette intervention, s’est produite dans le contexte du suicide d’un agent de l’ONF, faisant craindre d’autres passages à l’acte. Aussi malvenue soit-elle, cette intervention ne saurait constituer, à elle seule, une preuve de harcèlement moral de la hiérarchie de M. H. Il n’est pas davantage établi que les responsables hiérarchiques de M. H, qui pouvaient avoir des inquiétudes légitimes sur son état psychique, auraient fait preuve de harcèlement moral en le convoquant devant le comité médical, convocations auxquelles il ne s’est d’ailleurs pas rendu.

47. En outre, s’il est constant que M. D, qui a été responsable de l’agence Nord Alsace de l’ONF, a été muté d’office, il ressort cependant des pièces du dossier que M. H a eu des difficultés avec ses responsables hiérarchiques successifs ainsi qu’avec ses collègues, comme cela ressort notamment de ses notations faisant état de ses difficultés à travailler en équipe. Il a d’ailleurs déposé des plaintes en 2009 et 2012 à l’encontre de plusieurs agents de l’ONF. Les relations tendues avec ses collègues sont également suffisamment établies par les pièces du dossier. L’animosité dont ferait preuve le directeur général de l’ONF à son égard, dans le cadre de la procédure disciplinaire qu’il conteste, n’est pas établie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les responsables hiérarchiques de M. H auraient tenté de l’évincer médicalement et aurait fait preuve d’acharnement à son encontre, même si, ainsi qu’il a été dit, le contexte était conflictuel entre M. H et ses responsables hiérarchiques directs.

48. Enfin, la plainte déposée à son encontre, le 2 décembre 2013, ne saurait davantage constituer la preuve de harcèlement moral à son encontre, eu égard aux incidents qui se sont déroulés ce jour-là. Il en va de même du rapport du 5 mars 2013 relatant les incidents qui s’étaient déroulés le jour précédent. Si l’ONF a procédé, à tort, à des retenues sur traitement dans le cadre de son placement en congé de longue maladie, cette circonstance ne permet pas de caractériser le harcèlement moral dont il aurait été victime. Par ailleurs, il n’est pas établi que M. H aurait été victime d’une agression de son responsable hiérarchique, le 2 avril 2013, ni que M. G aurait proféré des menaces à son encontre en août 2012.

49. Par suite, le moyen tiré de ce que M. H serait victime de harcèlement moral doit être écarté.

Sur les conclusions tendant au constat de l’inexistence de l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration ou, à titre subsidiaire, au sursis à statuer :

50. Il résulte de ce qui est dit aux points 24 à 28 du présent arrêt que les conclusions de M. H tendant à ce que l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration soit déclaré nul et non avenu doivent être rejetées. Il n’y a pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal administratif de Strasbourg sur la demande de M. H tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 mars 2016.

51. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. H tendant à l’annulation de l’arrêté du 20 mai 2016 doit être rejetée, ainsi que les conclusions qu’il soulève en appel tendant à ce que soit constatée la nullité de cet arrêté. Les conclusions qu’il soulève également en appel, tendant à ce que soit constatée la nullité l’arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur général de l’Office national des forêts l’a réintégré dans un emploi d’agent patrimonial à Schoenbourg ou, à défaut, à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal administratif de Strasbourg sur sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté doivent également être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

52. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d’annulation et de nullité de M. H n’appelle aucune mesure d’exécution. Ses conclusions à fin d’injonction et d’astreinte ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

53. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’ONF qui n’est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement de la somme que M. H demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

54. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge M. H le versement de la somme de 1 000 euros à l’ONF sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. H tendant à l’annulation de l’arrêté du 20 mai 2016 lui infligeant la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, le surplus des conclusions de sa requête dirigées contre l’arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration et les conclusions qu’il présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : M. H versera à l’Office national des forêts une somme de 1 000 euros (mille) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A H et à l’Office national des forêts.

18NC01080

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Cour administrative d'appel de Nancy, 4e chambre, 27 décembre 2019, n° 18NC01080