CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC01502, Inédit au recueil Lebon

  • Étrangers·
  • Carte de séjour·
  • Ressources propres·
  • Droit d'asile·
  • Séjour des étrangers·
  • Salaire minimum·
  • Tribunaux administratifs·
  • Demande·
  • Directive·
  • Liberté fondamentale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21NC01502
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC01502
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 22 mars 2021, N° 2002358
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861263

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 29 janvier 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2002358 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2021, Mme A… C…, représentée par Me Ceviz, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 23 mars 2021 ;

2°) d’annuler cet arrêté du 29 janvier 2020 ;

3°) d’enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de carte de résident de longue durée dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – l’arrêté est entaché d’un défaut de motivation au regard des articles L. 211-3 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

 – l’arrêté méconnaît les dispositions de l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

 – il méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C… ne sont pas fondés.

Mme C… a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle par une décision du 18 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C…, née en 1985 et de nationalité israélienne, est entrée régulièrement en France le 21 octobre 2009 sous couvert d’un visa long séjour « visiteur » pour accompagner son époux bénéficiant d’un titre de séjour étudiant. Le 19 décembre 2019, Mme C… a déposé une demande de carte de résident longue durée-UE. Par arrêté du 29 janvier 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer la carte de résident sollicitée au motif que ses ressources propres étaient insuffisantes et qu’elles n’étaient pas stables ou régulières. Mme C… relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté du 29 janvier 2020.

2. En premier lieu, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent. Quand bien même l’arrêté se présente sous la forme d’un formulaire, le préfet y indique de manière suffisamment précise les motifs qui l’ont conduit à ne pas réserver une suite favorable à la demande de carte de résident de Mme B… en mentionnant qu’elle ne disposait pas, sur la période réglementaire, de ressources stables et suffisantes. Par suite, l’arrêté attaqué est suffisamment motivé dès lors que le préfet n’était pas tenu de mentionner l’ensemble des éléments dont Mme B… entendait se prévaloir. Il s’ensuit que le moyen tiré d’un défaut de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction alors applicable, qui constitue la transposition en droit français de l’article 5 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée : « Une carte de résident portant la mention » résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l’étranger qui justifie : 1° D’une résidence régulière ininterrompue d’au moins cinq ans en France au titre de l’une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l’une des cartes de résident prévues au présent code, à l’exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l’article L. 313-20, de l’article L. 313-21 lorsqu’il s’agit du conjoint ou des enfants du couple de l’étranger titulaire de la carte de séjour délivrée en application du 3° de l’article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 313-24, L. 317-1 ou du 8° de l’article L. 314-11.(…) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi qu’aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n’est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l’allocation aux adultes handicapés mentionnée à l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l’allocation supplémentaire mentionnée à l’article L. 815-24 du même code ; / 3° D’une assurance maladie.« . L’article R. 314-1-1 du même code dans sa rédaction alors applicable dispose : » L’étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » doit justifier qu’il remplit les conditions prévues aux articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 en présentant, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 314-1, les pièces suivantes : 1° La justification qu’il réside légalement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq ans, sous couvert de l’une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 314-8 et L. 314-8-2 ou sous couvert d’un des visas mentionnés aux 4°, 5°, 7°, 8°, 9°, à l’exception de celui conférant les droits attachés à la carte de séjour pluriannuelle du 3° de l’article L. 313-20, et 11° de l’article R. 311-3 ; les périodes d’absence du territoire français sont prises en compte dans le calcul des cinq années de résidence régulière ininterrompue lorsque chacune ne dépasse pas six mois consécutifs et qu’elles ne dépassent pas un total de dix mois. (…) / 2° La justification qu’il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au 2° de l’article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l’évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande. / 3° La justification qu’il bénéficie d’une assurance maladie. (…) « . D’autre part, aux termes de l’article L. 313-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction alors applicable : » La carte de séjour temporaire délivrée à l’étranger qui apporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l’engagement de n’exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention « visiteur » ".

4. Pour rejeter la demande de délivrance d’une carte de résident présentée par Mme B…, le préfet du Haut-Rhin s’est exclusivement fondé sur l’absence de ressources stables, régulières et suffisantes de l’intéressée.

5. D’une part, il ressort des dispositions précitées que si la carte de résident ne peut pas être délivrée au titulaire d’une carte temporaire de séjour lorsque ses ressources ne sont pas au moins égales au salaire minimum de croissance et présentent un caractère stable et régulier, l’administration conserve toutefois la faculté de prendre une décision favorable notamment compte tenu de l’évolution favorable de la situation de l’intéressé quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande.

6. Cependant, en se bornant à produire une attestation de l’association Yeschivath or Hatalmoud du 25 octobre 2019 qui précise que Mme B… sera embauchée en tant que directrice de l’économat de son établissement de Saint-Louis, sans que soient indiquées les conditions financières et les caractéristiques du contrat, la requérante n’établit pas que ses ressources évolueraient favorablement après le dépôt de sa demande de carte de résident. En outre, Mme B… ne peut utilement se prévaloir de l’attestation de cette même association du 20 mai 2021, qui mentionne une rémunération au salaire minimum de croissance, dès lors qu’elle est postérieure à l’arrêté attaqué et n’est établie que pour les besoins de la cause, postérieurement au jugement contesté.

7. D’autre part, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 3 octobre 2019 dans l’affaire C-302/18, la notion de « ressources », visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109, ne concerne pas uniquement les « ressources propres » du demandeur du statut de résident de longue durée, mais peut également couvrir les ressources mises à la disposition de ce demandeur par un tiers pour autant que, compte tenu de la situation individuelle du demandeur concerné, elles sont considérées comme étant stables, régulières et suffisantes. Dès lors, la provenance des ressources visées à cette disposition n’est pas un critère déterminant pour les autorités compétentes aux fins de vérifier si celles-ci sont stables, régulières et suffisantes. Par suite, il appartient au préfet d’analyser concrètement la situation individuelle du demandeur du statut de résident de longue durée dans son ensemble et de tenir compte, notamment, du lien familial entre ce demandeur et le membre ou les membres de la famille disposés à le prendre en charge, puis d’examiner si ses ressources sont suffisantes ou non et présentent ou non une certaine permanence ainsi qu’une certaine continuité, afin que ce demandeur ne devienne pas une charge pour l’Etat membre d’accueil.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B… est mariée sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et que les époux ont déposé une déclaration commune de revenus sur les cinq années précédentes à la demande de carte de résident longue durée-UE. Les revenus perçus par M. B…, qui sont nécessairement mis à la disposition de son épouse, peuvent être ainsi intégrés dans les ressources visées par le 2° l’article L. 314-8 de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité, qui constitue la transposition en droit français de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003.

9. Toutefois, les ressources du couple sont constituées de la seule bourse étudiante perçue par M. B…, qui s’élèvent à 18 000 euros par an sur les cinq dernières années. Ces ressources ne présentent pas une certaine permanence et une certaine continuité dès lors qu’elles sont liées à la poursuite des études de M. B…. La condition de ressources ne peut, par suite, être regardée comme remplie eu égard à l’incertitude quant au maintien de ces ressources au-delà de la date de dépôt de cette demande. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le préfet du Haut-Rhin a considéré que les ressources de Mme B… ne pouvaient être considérées comme étant stables et régulières au sens du 2° de l’article L. 314-8 de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Eu égard à ce qui vient d’être dit s’agissant de la situation individuelle de Mme B…, le préfet du Haut-Rhin n’a pas entaché son arrêté d’une erreur manifeste d’appréciation.

10. En dernier lieu, aux termes de de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme B… réside en France depuis dix ans à la date de l’arrêté attaqué, sous couvert d’un titre de séjour portant la mention « visiteur », en tant qu’accompagnante de son époux poursuivant des études en France. Le couple est locataire de son logement depuis 2013. Mme B… démontre qu’elle maîtrise la langue française et se prévaut d’une promesse d’embauche. Si ces éléments justifient d’une volonté d’intégration, il n’en demeure pas moins que M. B… n’a pas vocation à demeurer en France dès lors qu’il ne bénéficie que d’un titre de séjour temporaire le temps de ses études. Par suite, nonobstant la durée de sa présence en France, eu égard aux conditions de séjour en France de Mme B…, liées exclusivement à la poursuite des études de son mari en France, la requérante n’est pas fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l’admettre au séjour. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C… n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d’injonction et celles tendant à l’application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… C… et au ministre de l’intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 21NC01502

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC01502, Inédit au recueil Lebon