CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC01982, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21NC01982
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC01982
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 25 février 2021
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861273

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 11 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d’un an.

Par un jugement numéro 2100326 du 26 février 2021 le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 27 octobre 2021, Mme B…, représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la décision contestée ;

3°) d’enjoindre à l’autorité préfectorale compétente de procéder à l’effacement de son signalement dans le système d’information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son avocat d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

 – elle n’a pas été mise à même de présenter ses observations préalables en violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne alors qu’elle aurait pu faire état de l’aggravation de son état de santé ;

 – la décision est insuffisamment motivée ;

 – l’autorité administrative s’est refusée à examiner l’ensemble de sa situation ;

 – l’administration a commis une erreur de droit en lui faisant interdiction de retour au motif qu’elle n’avait pas le droit de se maintenir sur le territoire alors qu’elle lui a délivré une attestation de demande d’asile dès le lendemain ;

 – cette interdiction de retour repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation compte tenu de son état de santé et de l’impossibilité d’accéder à des soins en Géorgie et alors que son fils a été admis en qualité de réfugié sur le territoire français ;

 – la mesure attaquée méconnaît le 10° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – elle viole l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient aussi qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la requête dès lors que l’interdiction de retour a été abrogée par la délivrance le 9 mars 2021 d’un récépissé de demande de titre de séjour.

Mme B… a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision du bureau d’aide juridictionnelle du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

 – la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 – la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B…, de nationalité géorgienne, née le 28 mars 1972, est entrée en France le 26 mars 2017. Elle a déposé une demande d’asile qui a été rejetée le 27 février 2019 par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 18 juillet 2019 par la Cour nationale du droit d’asile. Le 9 mai 2019, elle a demandé à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 10 juin 2020, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d’être éloignée. Le recours de Mme B… contre ces arrêtés a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 décembre 2020. Par une décision du 11 janvier 2021, la préfète du Bas-Rhin a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français édictée le 10 juin 2020. Mme B… relève appel du jugement du 26 février 2021 par lequel le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision, ladite demande conservant un objet nonobstant le récépissé de demande de titre de séjour délivré en cours d’instance.

Sur la légalité externe :

2. L’arrêté attaqué mentionne de manière suffisante et non stéréotypée les motifs de droit et de fait sur lesquels l’autorité administrative s’est fondée afin de prendre à l’encontre de Mme B… les décisions qu’il comporte. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation sera écarté.

3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d’être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque

celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Mme B… a sollicité son admission au séjour au titre de l’asile puis pour des raisons de santé et a pu à ces deux occasions préciser à l’administration les motifs pour lesquels elle présentait ces demandes et produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de celles-ci. En outre, la requérante ne se prévaut d’aucun élément pertinent qu’elle n’aurait pas été à même de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision contestée. Par suite, elle ne peut pas être regardée comme ayant été privée de son droit à être entendue garanti par le droit de l’Union.

Sur la légalité interne :

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorité administrative, se méprenant sur l’étendue de sa compétence à l’occasion de l’édiction d’une mesure d’interdiction de retour sur le territoire, se serait refusée à examiner l’ensemble de la situation personnelle de la requérante. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit sera écarté.

5. Aux termes du III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors applicable : " (…) Lorsque l’étranger ne faisant pas l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prononce pas d’interdiction de retour (…) La durée de l’interdiction de retour [est décidée] par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

6. La circonstance qu’une attestation de demande d’asile a été délivrée à l’intéressée le lendemain de la décision attaquée ne saurait révéler que l’autorité administrative a commis une erreur sur le droit de la requérante de séjourner sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit sera écarté.

7. Mme B… souffre d’une insuffisance rénale chronique terminale, d’hypertension artérielle, d’hépatites B et C, de tuberculose et d’une cardiopathie et qu’elle fait l’objet de trois dialyses hebdomadaires. Toutefois, les documents produits par la requérante ne permettent pas d’établir qu’à la date de la décision attaquée elle ne pourrait bénéficier de soins appropriés à son état de santé ailleurs qu’en France. Une telle circonstance ne saurait être regardée comme établie par le fait qu’elle s’est vue délivrer un récépissé de demande de titre de séjour le 9 mars 2021. Par suite, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

8. Ainsi qu’il vient d’être dit, Mme B… n’établit pas, à la date de la décision, qu’elle ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans un autre pays que la France, notamment en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

9. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

10. En se bornant à faire valoir que son fils est admis au séjour en France en qualité de demandeur d’asile, Mme B…, qui n’est entrée en France que le 26 mars 2017 et n’allègue pas être dépourvue de toute attache privée ou familiale dans un autre pays, notamment en Géorgie, n’établit pas que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur d’appréciation en lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d’un an doit également être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d’appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B… et au ministre de l’intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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N°21NC01982

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