CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC02089, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21NC02089
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC02089
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 10 février 2021, N° 200211, 2002112
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861279

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… et Mme C… B… ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler les arrêtés du 15 juin 2020 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 200211, 2002112 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2021, sous le n° 21NC02089, Mme C… B…, représentée par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 11 février 2021 ;

2°) d’annuler cet arrêté du 15 juin 2020 la concernant ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

 – sur la régularité du jugement : le jugement attaqué est irrégulier dans la mesure où le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l’erreur de droit en ce que la requérante pouvait bénéficier d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 311-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du d’asile ;

 – le tribunal n’a pas répondu à l’intégralité de son moyen tiré de la méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où l’obligation de quitter le territoire français a pour objet de la séparer de ses enfants qui ne peuvent être éloignés en vertu de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

 – l’arrêté pris dans son ensemble : est insuffisamment motivé en fait et en droit ; est entaché d’un défaut d’examen approfondi de sa situation personnelle ;

 – les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d’un vice de procédure dans la mesure où elle n’a pas été en mesure de produire des observations préalablement à leur édiction ; les juges ont commis une erreur de droit en considérant qu’elle ne pouvait pas bénéficier d’un titre de séjour sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; les décisions attaquées sont entachées d’une erreur de droit au regard de l’article L. 311-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; sont entachées d’une erreur de droit et d’appréciation dans la mesure où le préfet n’a ni procédé à un examen complet de sa situation médicale, ni examiné si elle pouvait bénéficier de soins appropriés dans son pays d’origine : sont entachées d’une erreur de droit sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce que les décisions attaquées portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où l’obligation de quitter le territoire français a pour objet de la séparer de ses enfants qui ne peuvent être éloignés en vertu de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; ces décisions sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

 – la décision fixant le pays de destination : méconnaît l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en raison de ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine ; est entachée d’une erreur de droit au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en raison de ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine ; méconnaît l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2011, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête de Mme B… est tardive et donc irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme B… ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2021, sous le n° 21NC02090, M. A… B…, représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 11 février 2021 ;

2°) d’annuler cet arrêté du 15 juin 2020 le concernant ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

 – la régularité du jugement : le tribunal n’a pas répondu à l’intégralité de son moyen tiré de la méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où l’obligation de quitter le territoire français a pour objet de le séparer de ses enfants qui ne peuvent être éloignés en vertu de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – l’arrêté pris dans son ensemble est insuffisamment motivé en fait et en droit ; est entaché d’un défaut d’examen approfondi de sa situation personnelle ;

 – les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français: sont entachées d’un vice de procédure dans la mesure où il n’a pas été en mesure de produire des observations préalablement à leur édiction ; sont entachées d’une erreur de droit au regard de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en ce que le préfet n’a pas examiné sa situation professionnelle ; sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de son intégration et de sa promesse d’embauche ; sont entachées d’une erreur de droit sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce que ces décisions portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où l’obligation de quitter le territoire français a pour objet de le séparer de ses enfants qui ne peuvent être éloignés en vertu de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; ces décisions sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

 – la décision fixant le pays de destination méconnaît l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en raison de ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine ; est entachée d’une erreur de droit au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en raison de ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine ; méconnaît l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2011, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête de M. B… est tardive et donc irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. B… ne sont pas fondés.

M. B… et Mme B… ont été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par des décisions du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention internationale des droits de l’enfant ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B…, nés respectivement en 1981 et en 1983, de nationalité kosovare, déclarent être entrés en France avec leur enfant le 16 janvier 2013 et ont sollicité leur admission au séjour au titre de l’asile. Leurs demandes d’asile ont été rejetées par des décisions de l’Office français de protection des réfugiés (OFPRA) du 31 octobre 2013, confirmées par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) le 15 juillet 2014. Les requérants ont alors fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Mme B… a bénéficié d’une autorisation de séjour temporaire en raison de son état de santé du 31 janvier au 5 octobre 2017 qui n’a pas été renouvelée. Le 9 avril 2020, M. et Mme B… ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par arrêté du 15 juin 2020, le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B… relèvent appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l’annulation de ces arrêtés du 15 juin 2020.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°21NC02089 et 20NC02090, présentées respectivement par Mme B… et M. B… sont relatives à la situation de membres d’une même famille et ont fait l’objet d’une instruction commune, il y a lieu de les joindre pout statuer par un seul jugement.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne le moyen soulevé par Mme B… :

3. Mme B… soutient que le tribunal administratif n’a pas statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 311-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or cet article était abrogé à la date de l’arrêté attaqué. Mme B… doit être regardée comme se prévalant de l’article L. 311-8-1 du même code. Toutefois, cette dernière n’entrait pas dans le champ de cet article qui concerne la fin du statut de réfugié puisqu’il est constant qu’elle n’a jamais bénéficié de ce statut. Par suite, elle ne pouvait utilement se prévaloir du fait que le préfet aurait méconnu ces dispositions. Dès lors, les premiers juges n’étaient pas tenus de statuer sur ce moyen qui n’était pas opérant. Par suite, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que ce jugement serait irrégulier à raison du défaut d’examen de ce moyen.

En ce qui concerne les moyens communs :

4. M. et Mme B… soutiennent que le tribunal administratif n’a pas statué sur le moyen tiré de ce que l’obligation de quitter le territoire français ayant pour objet de les séparer de leurs enfants qui ne peuvent être éloignés en vertu de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile méconnaît leur droit au respect de sa vie privée et familiale. Or, au point 6 du jugement, les premiers juges qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments des requêtes ont indiqué que M. et Mme B… n’étaient pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaissaient les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par cette motivation, les premiers juges ont répondu au moyen soulevé par les requérants.

5. Si M. et Mme B… soutiennent que les premiers juges ont entaché leur jugement d’erreurs de droit, de telles erreurs, à les supposer établies, sont seulement susceptibles de remettre en cause, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, les motifs retenus par le tribunal administratif pour rejeter leur demande d’annulation. Par suite, les erreurs alléguées qui se rapportent au bien-fondé du jugement attaqué sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce même jugement.

Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :

6. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B…, les décisions attaquées énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Marne s’est fondé pour adopter les arrêtés du 15 juin 2020. Cette motivation n’est pas stéréotypée et démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés. Par suite, les moyens tirés d’une insuffisante motivation et d’une erreur de droit liée au défaut d’examen de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

Sur les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen commun tiré du vice de procédure :

7. M. et Mme B… reprenant en appel, sans apporter d’élément nouveau, le moyen tiré du vice de procédure dans la mesure où ils n’ont pas été en mesure de produire des observations préalablement à l’édiction des décisions portant refus de séjour et les obligeant à quitter le territoire français, il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre, par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 11 février 2021.

En ce qui concerne les moyens soulevés en particulier par Mme B… :

8. Mme B… n’établit pas avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi, le préfet n’était pas tenu d’examiner d’office si l’intéressée pouvait prétendre à la délivrance d’un titre de séjour sur ce fondement. Par suite, les moyens soulevés par Mme B… tirés de ce que le préfet de la Marne aurait entaché ses décisions d’une erreur de droit et d’appréciation au regard du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne peuvent qu’être écartés comme inopérants. Pour les mêmes raisons, Mme B… ne peut utilement soutenir que le préfet n’a ni procédé à un examen complet de sa situation médicale ni examiné si elle pouvait bénéficier de soins appropriés dans son pays d’origine.

9. Aux termes de l’article L. 311-8-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’il est mis fin au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire par décision définitive de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l’étranger renonce à ce statut ou à ce bénéfice, la carte de résident mentionnée au 8° de l’article L. 314-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-13 est retirée. / Dans les cas prévus au premier alinéa du présent article, l’autorité administrative statue, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre. / La carte de résident ou la carte de séjour temporaire ne peut être retirée en application du même premier alinéa quand l’étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans. »

10. Si Mme B… soutient qu’elle peut prétendre à un titre sur le fondement de l’article L. 311-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, cet article était abrogé à la date de l’arrêté attaqué. Ainsi qu’il a été dit au point 3, Mme B… doit être regardée comme se prévalant de l’article L. 311-8-1 du même code. Toutefois, cette dernière n’entrait pas dans le champ de cet article qui concerne la fin du statut de réfugié puisqu’il est constant qu’elle n’a jamais bénéficié de ce statut. Par suite, elle ne saurait utilement soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions.

En ce qui concerne le moyen soulevé en particulier par M. B… :

11. Aux termes de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée à l’étranger : / 1° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention » salarié « . (…) / 2° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d’un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention » travailleur temporaire » ; (…) "

12. M. B… ne démontre pas avoir demandé l’octroi d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, ni détenir un contrat de travail visé par l’autorité administrative ou avoir sollicité une autorisation de travail en application de l’article L. 5221-1 du code de travail. Dans ces conditions, il ne peut utilement soutenir que le préfet a entaché ses décisions d’erreurs de droit et d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

En ce qui concerne les autres moyens communs :

13. D’une part, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Et aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : «  Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (…) 7° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l’article L. 313-2 soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (…) » ;

14. D’autre part, aux termes de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : / 1° L’étranger mineur de dix-huit ans ; (…) » ;

15. Si M. B… et Mme B… soulignent l’ancienneté de leur séjour en France à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier qu’ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français après le refus de renouvellement du titre de séjour de Mme B… en raison de son état de santé en octobre 2017. Les époux se prévalent de la présence et de la scolarisation en France de leur enfant et de la grossesse de Mme B… à la date des décisions attaquées et soutiennent que dans la mesure où leur fils ainé ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 511-4 précité, les mesures d’éloignement dont ils font l’objet portent atteinte à leur cellule familiale. Toutefois, les dispositions précitées de l’article L. 511-4 ne font pas obstacle à ce que leur fils mineur dont la situation administrative dépend de leur droit au séjour soit éloigné avec eux et rien ne s’oppose à la reconstitution de la cellule familiale au Kosovo où il pourra poursuivre sa scolarité. Par ailleurs, les requérants ne sont pas dépourvus d’attaches dans leur pays d’origine où ils ont vécu jusqu’à l’âge respectivement de 32 et 30 ans. Dans ces conditions, M. et Mme B… ne démontrent pas avoir fixé en France le centre de leurs intérêts familiaux. S’ils se prévalent par ailleurs de leur insertion sociale et professionnelle et produisent des promesses d’embauche de M. B… régulièrement renouvelées pour un poste d’ouvrier poseur en aménagement intérieur et plusieurs attestations de suivi de cours de français et participation à diverses activités dans des structures associatives, ces éléments ne sauraient caractériser une intégration suffisante dans la société française justifiant que les requérants auraient établi en France le centre de leurs intérêts personnels. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France, les décisions contestées n’ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

16. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées, M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

17. Aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : «   » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. « . Aux termes du second alinéa de l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

18. En dehors des récits et documents joints à leur demande d’asile, M. et Mme B… n’apportent aucun nouvel élément permettant d’établir qu’ils risqueraient d’être exposés, en cas de retour au Kosovo, à des traitements prohibés par les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et par les dispositions du second alinéa de l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite et alors d’ailleurs que leurs demandes d’asile ont été rejetées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d’asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions ainsi invoquées ne peuvent qu’être écartés.

19. Si M. et Mme B… soutiennent que les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant, ils n’assortissent pas leur moyen d’éléments suffisants pour en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen ne peut qu’être écarté.

20. Eu égard à ce qui a été dit au point 15, M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de des libertés fondamentales.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M.et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions à fin d’annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d’injonction et celles tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 21NC02089 et 21NC2090 présentées respectivement par Mme B… et M. B… sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et Mme C… B… et au ministre de l’intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

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N°21NC02089, 21NC02090

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