CAA de NANTES, 2ème chambre, 29 décembre 2017, 15NT03898, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 29 déc. 2017, n° 15NT03898
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 15NT03898
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 2 novembre 2015, N° 1402015
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036396617

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société fromagère d’Orbec a demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler l’arrêté du 28 avril 2014 du préfet du Calvados, l’autorisant à exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement, en tant qu’il a modifié les valeurs limites d’émission des eaux résiduaires de la fromagerie, ainsi que la décision de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie du 20 août 2014 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n°1402015 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 décembre 2015, le 25 octobre 2016 et le 20 novembre 2017, la société fromagère d’Orbec, représentée par Me A…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 novembre 2015 ;

2°) d’annuler cet arrêté du 28 avril 2014, en tant qu’il a modifié les valeurs limites d’émission des eaux résiduaires de la fromagerie ;

3°) de rétablir l’article 4.3.9 de l’arrêté préfectoral dans la situation antérieure à cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la décision ministérielle est insuffisamment motivée ;

 – cette décision est entachée d’erreur de droit, le ministre devant se prononcer sur le recours hiérarchique, qui est de droit, même sans texte ; le ministre n’a pas contrôlé la proportionnalité de la mesure prise par le préfet et les intérêts protégés au titre de la police des installations classées ;

 – l’article 4.3.9 de l’arrêté contesté est dépourvu de base légale  ; s’agissant d’une installation déjà raccordée, il convenait de faire application du second alinéa de l’article 35 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998, relatif aux installations déjà raccordées faisant l’objet d’une extension ;

 – en prévoyant la limitation d’autres charges polluantes que celle en DCO, l’article 4.3.9 de l’arrêté contesté méconnaît le premier alinéa de l’article 35 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998, qui impose la limitation de la charge polluante en DCO à l’exclusion des autres charges polluantes ;

 – les prescriptions techniques particulières de l’article 4.3.9 sont disproportionnées au regard de l’article L. 511-1 du code de l’environnement puisque la station d’épuration a la capacité technique d’absorber les flux à hauteur de 60 % ; le juge administratif exerce sur ce point un contrôle normal ; l’application stricte de l’article 4.3.9 revient à réduire le potentiel d’activité du site de 38% ; ces prescriptions sont techniquement et financièrement irréalisables ;

 – le préfet a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas la proportionnalité de la mesure à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement ;

 – l’article 4.3.9 de l’arrêté méconnaît les dispositions de l’arrêté du syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) du 25 juin 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société fromagère d’Orbec ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 octobre 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 6 novembre 2017.

Par une ordonnance du 2 novembre 2017, la réouverture de l’instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée le 21 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

 – l’arrêté ministériel du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Degommier,

 – les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

 – et les observations de Me B…, substituant Me A…, représentant la société fromagère d’Orbec.

1. Considérant que la société fromagère d’Orbec (SFO) exploite une fromagerie dont l’exploitation a été autorisée par arrêté préfectoral du 17 mars 1994 délivré à la fromagerie Pierre Lanquetot dont elle succède aux droits, au titre du régime des installations classées pour la protection de l’environnement, pour une activité de stockage et de transformation de lait soumise à autorisation et déclaration au titre des rubriques 2230-1, 3642-1 ,1185-2, 1432-2, 2910-A2, 1435, 1530, 1532, 1611 , 1630, et 2925 de la nomenclature des installations classées ; que les activités de la SFO la conduisent à rejeter ses eaux résiduaires dans la station d’épuration des eaux usées (STEU) du Syndicat Intercommunal d’alimentation en eau potable et d’assainissement (SIAEPA) d’Orbec ; qu’à cet effet, par arrêté du 25 juin 2008, la SFO a été autorisée à déverser ses eaux usées autres que domestiques, issues de son activité de fromagerie, dans le réseau aboutissant à la station d’épuration des eaux usées précitée, en application de l’article L. 1331-10 du code de la santé publique ; que par arrêté du 28 avril 2014, faisant suite à une visite de l’inspecteur des installations classées, le préfet du Calvados a autorisé cette société à poursuivre l’exploitation de son établissement, l’article 4.3.9 de cet arrêté fixant les valeurs limites d’émission des eaux résiduaires avant rejet dans la station d’épuration ; que la SFO relève appel du jugement du 3 novembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté du 28 avril 2014 du préfet du Calvados, en tant qu’il concerne les prescriptions de l’article 4.3.9 , ainsi que de la décision de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie du 20 août 2014, rejetant son recours hiérarchique ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit (..)soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, (…) soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 512-28 de ce code : « L’arrêté d’autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1. Ces prescriptions tiennent compte notamment, d’une part, de l’efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, d’autre part, de la qualité, de la vocation et de l’utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau. Pour les installations soumises à des règles techniques fixées par un arrêté ministériel pris en application de l’article L. 512-5, l’arrêté d’autorisation peut créer des modalités d’application particulières de ces règles » ; qu’aux termes de l’article 34 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998, relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation : " (…)Lorsque le flux maximal apporté par l’effluent est susceptible de dépasser 15 kg/j de MEST ou 15 kg/j de DBO5 ou 45 kg/j de DCO, les valeurs limites de concentration imposées à l’effluent à la sortie de l’installation avant raccordement à une station d’épuration urbaine ne dépassent pas :- MEST : 600 mg/l ;- DBO5 : 800 mg/l ;- DCO : 2 000 mg/l ;- Azote global (exprimé en N) : 150 mg/l ;- Phosphore total (exprimé en P) : 50 mg/l. Toutefois, l’arrêté d’autorisation peut prescrire des valeurs limites en concentration supérieures si l’étude d’impact démontre, à partir d’une argumentation de nature technique et, le cas échéant, économique, que de telles dispositions peuvent être retenues sans qu’il en résulte pour autant des garanties moindres vis-à-vis des impératifs de bon fonctionnement de la station d’épuration urbaine et de protection de l’environnement. » ;

3. Considérant que les dispositions précitées du code de l’environnement permettaient au ministre en charge des installations classées pour la protection de l’environnement, ainsi qu’il l’a fait par son arrêté du 2 février 1998, de fixer des valeurs minimales de rejet en vue d’harmoniser les prescriptions des arrêtés préfectoraux et de déterminer un seuil de sécurité ; que si le préfet conservait la possibilité de prescrire des valeurs limites de rejet inférieures à celles fixées par l’arrêté ministériel du 2 février 1998, il ne pouvait autoriser leur dépassement que par la dérogation prévue à l’article 34 de cet arrêté et sous réserve qu’une étude d’impact démontre des garanties suffisantes pour le bon fonctionnement de la station d’épuration et la protection de l’environnement ; que les prescriptions techniques particulières de l’article 4.3.9 contestées par la société requérante reprennent les valeurs limites établies par cet arrêté ministériel, sans que le préfet puisse y déroger, faute d’étude d’impact actualisée démontrant, à partir d’une argumentation de nature technique et, le cas échéant, économique, que de telles dispositions peuvent être retenues sans qu’il en résulte pour autant des garanties moindres vis-à-vis des impératifs de bon fonctionnement de la station d’épuration urbaine et de protection de l’environnement ;

4. Considérant, par ailleurs, que la SFO invoque le caractère disproportionné des prescriptions contenues dans l’article 4.3.9 de l’arrêté contesté, arguant du fait que les prescriptions contestées réduiraient le potentiel d’activité du site de 38%, et se prévaut des conclusions de l’expertise réalisée par la société Saunier et associés, qui indique que la station d’épuration a été calculée pour traiter les flux polluants correspondant à plus de 60% de la capacité totale prévue ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que, outre le fait que ces prescriptions ne font que reprendre les dispositions précitées de l’article 34 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998, l’autosurveillance réalisée depuis mai 2014 a mis en évidence, ainsi que l’a indiqué l’inspecteur des installations classées dans son inspection du 10 septembre 2015, des dépassements récurrents en DCO, DBO 5 et phosphore total, y compris par rapport aux valeurs limites prévues dans la convention conclue entre la société et le syndicat intercommunal ; que le rapport de l’inspecteur des installations classées en date du 27 février 2014 conclut à la possibilité pour la SFO, au vu des auto-contrôles réalisés au dernier semestre 2013, de respecter les valeurs limites considérées ; qu’ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que les prescriptions litigieuses seraient disproportionnées et techniquement irréalistes, aux regard des intérêts édictés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement ni que le préfet aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 35 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998 précité : « Une installation classée peut être raccordée à un réseau public équipé d’une station d’épuration urbaine si la charge polluante en DCO apportée par le raccordement reste inférieure à la moitié de la charge en DCO reçue par la station d’épuration urbaine. / Pour les installations déjà raccordées faisant l’objet d’extensions, l’étude d’impact comporte un volet spécifique relatif au raccordement. Ce volet atteste de l’aptitude de l’infrastructure d’assainissement à acheminer et traiter les effluents industriels dans de bonnes conditions, détermine les caractéristiques des effluents qui peuvent être admis sur le réseau et précise la nature ainsi que le dimensionnement des ouvrages de prétraitement prévus, le cas échéant, pour réduire la pollution à la source et minimiser les flux de pollution et les débits raccordés. » ;

6. Considérant, d’une part, que la société fromagère d’Orbec soutient qu’elle bénéficie d’un droit d’antériorité et que le préfet aurait dû faire application du second alinéa de l’article 35 de l’arrêté précité dès lors qu’elle constitue une installation déjà raccordée ; que, toutefois, en précisant la spécificité de l’étude d’impact des installations déjà raccordées faisant l’objet d’extensions, l’autorité administrative, par les dispositions réglementaires précitées, n’a pas entendu déroger à la limite de rejet en DCO (demande chimique en oxygène) prévue au 1er alinéa de cet article 35, l’alinéa 2 prévoyant uniquement pour les installations déjà raccordées faisant l’objet d’extensions un développement spécifique sur l’étude d’impact mais aucune limitation différente de la capacité de la charge polluante en DCO ;

7. Considérant, d’autre part, qu’en application du premier alinéa de l’article 35 de l’arrêté ministériel du 2 février 1998, la charge polluante en DCO doit rester inférieure à la moitié de la charge en DCO reçue par la station d’épuration ; que, toutefois, l’arrêté du 28 avril 2014 ne comporte pas de réduction générale de l’ensemble des volumes de 50% mais concerne uniquement la charge en DCO, les valeurs limites d’émission des autres paramètres ayant été déterminées au regard des concentrations observées et des valeurs de référence figurant à l’article 34 de l’arrêté ministériel précité ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que le préfet aurait méconnu cette disposition en limitant l’ensemble des charges polluantes à 50% ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu’il y a lieu d’écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l’insuffisance de motivation de la décision de la ministre, de l’erreur de droit de la ministre sur sa compétence et de la méconnaissance des dispositions réglementaires de l’arrêté du 25 juin 2008 du président du syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) , que la société requérante réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que la société fromagère d’Orbec n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d’injonction ainsi que celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société fromagère d’Orbec est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société fromagère d’Orbec et au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Une copie en sera, en outre, communiquée au préfet du Calvados.

Délibéré après l’audience du 12 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

— M. Pérez, président de chambre,

 – M. Degommier, président-assesseur,

 – Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2017.


Le rapporteur,

S. DEGOMMIERLe président,

A. PEREZ


Le greffier,

K. BOURON


La République mande et ordonne au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15NT03898

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