CAA de NANTES, 6ème chambre, 12 février 2019, 17NT02579, Inédit au recueil Lebon
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CAA Nantes, 6e ch., 12 févr. 2019, n° 17NT02579 |
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Juridiction : | Cour administrative d'appel de Nantes |
Numéro : | 17NT02579 |
Importance : | Inédit au recueil Lebon |
Type de recours : | Excès de pouvoir |
Décision précédente : | Tribunal administratif de Rennes, 29 juin 2017, N° 1502207 |
Identifiant Légifrance : | CETATEXT000038126090 |
Sur les parties
- Président : M. LENOIR
- Rapporteur : M. François PONS
- Rapporteur public : M. LEMOINE
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C… a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler la décision du 2 mars 2015 par laquelle l’inspecteur du travail de la section E12 d’Ille-et-Vilaine a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1502207 du 30 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 aout 2017, le 14 septembre 2018 et le 28 septembre 2018, la société USP Nettoyage, représentée par Me Reny, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. B… devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. B… et de l’Etat la somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
— le mémoire introductif de première instance ne soulevant aucun moyen de légalité externe et le délai de recours contentieux ayant expiré, aucun moyen de légalité externe ne saurait être accueilli ;
– il n’existe aucun rapport entre le licenciement envisagé et les fonctions représentatives exercées par l’intéressé et elle n’a jamais reproché à M. B… ses difficultés à convaincre ses subordonnés et les instances représentatives du personnel du bien-fondé de sa politique ;
– aucune discrimination syndicale ne peut lui être reprochée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2017, M. B…, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société USP Nettoyage à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les moyens soulevés par la société USP Nettoyage ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code du travail ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Pons,
– les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
– les observations de Me Reny, avocat de la société USP Nettoyage et de Me A…, représentant M. B….
Considérant ce qui suit :
1. La société USP Nettoyage, ayant pour activité le nettoyage des gares et des rames de trains, a sollicité, le 2 février 2015, l’autorisation de licencier M. B…, délégué du personnel, pour cause d’inaptitude professionnelle. L’inspecteur du travail de l’unité territoriale d’Ille-et-Vilaine de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Bretagne a autorisé le licenciement de l’intéressé par une décision du 2 mars 2015. Par sa présente requête, la société USP Nettoyage relève appel du jugement du 30 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de M. B… tendant à l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail du 2 mars 2015.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D’une part, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l’un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l’inaptitude physique, il appartient à l’inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l’emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé, des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d’assurer son reclassement dans l’entreprise. Si l’autorité administrative doit ainsi vérifier que l’inaptitude du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude. Il en va ainsi, y compris s’il est soutenu que l’inaptitude résulte d’une dégradation de l’état de santé du salarié protégé ayant directement pour origine des agissements de l’employeur dont l’effet est la nullité de la rupture du contrat de travail, tels que, notamment, un harcèlement moral ou un comportement discriminatoire lié à l’exercice du mandat.
3. D’autre part, il appartient toutefois en toutes circonstances à l’autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Ainsi, alors même qu’il résulterait de l’examen conduit dans les conditions rappelées au point précédent que le salarié est atteint d’une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale fait légalement obstacle à ce que l’administration accorde l’autorisation sollicitée.
4. Il ressort des pièces du dossier qu’à partir de la fin de l’année 2013, lorsque la société a annoncé au personnel de l’agence rennaise au sein de laquelle M. B… exerçait ses fonctions de chef de chantier que le chantier du techni-centre allait prendre fin, plusieurs conflits l’ont opposé à sa direction. Au cours du premier semestre de l’année 2014, la direction de l’entreprise a sollicité M. B… afin qu’il persuade son équipe de « grenailleurs » de signer des avenants à leurs contrats en vue de leur mutation sur un autre site. Suite au refus des salariés concernés de signer les avenants en question et à une réunion du 16 juillet 2014 au cours de laquelle M. B… s’est plaint de propos « vexatoires et humiliants » tenus à son encontre par la direction de l’entreprise, l’intéressé a été placé en arrêt maladie le même jour. A la suite de deux examens de reprise des 3 novembre et 24 novembre 2014, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude à tout poste au sein de l’entreprise. Le 2 mars 2015, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B…, en considérant, notamment, que le lien de l’inaptitude avec le mandat de délégué du personnel de M. B… n’était pas établi.
5. Il est constant que dans un courrier du 8 septembre 2014, le président de la société USP Nettoyage a reproché à l’intéressé ses difficultés à convaincre ses subordonnées et les instances représentatives du personnel du bien-fondé de la politique de l’entreprise. Ce courrier fait notamment référence aux : « difficultés que nous avons rencontrées pour convaincre les salariés dont vous aviez la charge et les instances représentatives du personnel. » en lien avec un manque d’implication reproché et des réticences à adhérer au projet porté par la direction de l’entreprise. Il mentionne des : « interventions totalement anarchiques et inappropriées conduites par les élus dont vous faites partie ». Dans un nouveau courrier du 7 novembre 2014, la direction de l’entreprise dénonce le comportement au travail de M. B… et porte une appréciation sur l’exercice de son mandat de délégué du personnel en affirmant qu’il « ne fait aucun doute qu’il avait pour principal intérêt de vous assurer un statut protecteur et un crédit d’heures. La pauvreté de vos interventions dans cette instance suffit à en témoigner. ». Au regard de l’ensemble de ces circonstances, ainsi que du contenu des courriers échangés entre le salarié et son employeur au cours de l’année 2014, la demande d’autorisation de licenciement en litige doit être regardée comme n’étant pas sans lien avec les mandats détenus par l’intéressé. L’inspecteur du travail de l’unité territoriale d’Ille-et-Vilaine de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Bretagne, auquel il appartenait de contrôler l’existence d’un tel lien, ne pouvait, par suite, légalement autoriser le licenciement qui lui était demandé par la société USP Nettoyage.
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société USP Nettoyage n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 2 mars 2015 par laquelle l’inspecteur du travail de la section E12 d’Ille-et-Vilaine a autorisé le licenciement de M. B….
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B…, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société USP Nettoyage demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, à mettre à la charge de la société USP Nettoyage la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société USP Nettoyage est rejetée.
Article 2 : La société USP Nettoyage versera à M. B… la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B… est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à sera notifié à la société USP Nettoyage, à M. C… et à la ministre du travail.
Délibéré après l’audience du 25 janvier 2019, où siégeaient :
— M. Lenoir, président de chambre,
– M. Francfort, président-assesseur,
– M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 17NT02579
Textes cités dans la décision