CAA de NANTES, 2ème chambre, 6 octobre 2023, 22NT01578, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 6 oct. 2023, n° 22NT01578
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 22NT01578
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 10 octobre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048167043

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2205677 du 12 mai 2022, enregistrée le 13 mai 2022 au greffe de la cour, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a transmis à la cour la requête de la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne.

Par une requête enregistrée au tribunal administratif de Nantes, le 4 mai 2022, puis, par des mémoires, enregistrés à la cour, les 22 septembre, 14 novembre et 7 décembre 2022, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d’annuler la décision du 8 mars 2022 par laquelle le préfet de la Mayenne a refusé de saisir la commission départementale d’aménagement commercial de la Mayenne en vue de l’examen du projet d’implantation de l’enseigne « Blackstore » dans l’ensemble commercial, situé 10, route de Sablé, sur le territoire de la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne, autorisé par le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré, le 21 décembre 2020, par le maire de la commune, à la SCI Clegere Cap Mermoz ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Mayenne de saisir la commission départementale d’aménagement commercial de la Mayenne ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le préfet était tenu de saisir la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), en application de l’article L. 752-15 du code de commerce, dès lors que l’installation de l’enseigne « Blackstore », dédiée à l’équipement de la personne, en remplacement de l’enseigne « Connexion », dédiée à l’équipement de la maison, initialement autorisée, constitue une modification substantielle de l’ensemble commercial au regard des critères énoncés à l’article L. 752-6 du code de commerce et compte-tenu de la motivation de l’avis favorable de la CDAC rendu le 4 novembre 2020 ;

— le changement d’enseigne rend le projet incompatible avec le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays de Château-Gontier-sur-Mayenne ;

— l’installation d’un magasin à l’enseigne commerciale « Blackstore » entraine un changement de secteur d’activité au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce ; sur ce point, les dispositions de l’article R. 752-2 du code de commerce sont illégales, par voie d’exception, en ce qu’elles ne prévoient que deux types de secteurs d’activité commerciales, compte-tenu du caractère multiple des activités commerciales, ainsi que le révèle la nomenclature des activités françaises (NAF).

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2022, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 14 octobre et 23 décembre 2022, la société Zéphyr, représentée par Me Camus, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne.

Elle soutient que :

— la demande de saisine de la CDAC était irrecevable dès lors que la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne ne pouvait demander au préfet, sur le fondement de l’article L. 752-4 du code de commerce, la saisine de la CDAC, le changement d’enseigne critiqué ne donnant pas lieu à une obligation de déposer une demande de permis de construire ;

— les moyens soulevés par la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 19 octobre 2022 et 8 décembre 2022, la SCI Clegere Cap Mermoz, représentée par Me Bernier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune.

Elle soutient que :

— elle justifie d’un intérêt manifeste au maintien de la décision attaquée en sa qualité de propriétaire de la cellule commerciale dans laquelle la société Zéphyr a installé l’enseigne « Blackstore » ;

— les moyens soulevés par la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de commerce ;

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Montes-Derouet,

— les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

— et les observations de Me Angibaud, substituant Me Marchand, pour la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne, de Me Camus, pour la société Zéphyr et de Me Delaunay, substituant Me Bernier, pour la SCI Clegere Cap Mermoz.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 8 février 2022, le conseil municipal de Château-Gontier-sur-Mayenne a décidé, sur le fondement des dispositions de l’article L. 752-4 du code de commerce, de soumettre à l’avis de la commission départementale de l’aménagement commercial (CDAC) de la Mayenne le projet d’implantation d’un magasin à l’enseigne « Blackstore » dans l’ensemble commercial, situé 10, route de Sablé, autorisé par le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré le 21 décembre 2020, par le maire de la commune, à la SCCV Clegere Cap Mermoz. Par lettre du 8 mars 2022, le préfet de la Mayenne a refusé de saisir la CDAC. La commune de Château-Gontier-sur-Mayenne demande l’annulation de la décision du 8 mars 2022 du préfet de la Mayenne.

Sur l’intervention de la SCI Clegere Cap Mermoz :

2. La SCI Clegere Cap Mermoz, propriétaire du bâtiment n° 2 au sein duquel doit s’installer le magasin « Blackstore », en lieu et place de l’enseigne « Connexion », au sein de l’ensemble commercial autorisé par le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale justifie d’un intérêt au maintien de la décision attaquée du préfet de la Mayenne de refuser de saisir la CDAC de ce changement d’enseigne. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la légalité de la décision du 8 mars 2022 du préfet de la Mayenne :

3. Aux termes de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l’article L. 752-15 du même code, mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale auprès de la commission départementale () ».

4. Aux termes de l’article L. 751-2 du code de commerce : « I. La commission départementale d’aménagement commercial est présidée par le préfet. () ». Aux termes de l’article L. 752-1 de ce code : « Sont soumis à une autorisation d’exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / () 4° La création d’un ensemble commercial tel que défini à l’article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés () ». Aux termes de l’article L. 752-4 de ce code : « I.- Dans les communes de moins de 20 000 habitants et, pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols au sens du V de l’article L. 752-6, dans toutes les communes, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme peut, lorsqu’il est saisi d’une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l’organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d’aménagement commercial afin qu’elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés au même article L. 752-6 () ».

5. Aux termes de l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation : « Les travaux qui conduisent à la création, l’aménagement ou la modification d’un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu’après autorisation délivrée par l’autorité administrative, qui vérifie leur conformité aux règles d’accessibilité prévues à l’article L. 161-1 et, lorsque l’effectif du public et la nature de l’établissement le justifient, leur conformité aux règles de sécurité contre l’incendie prévues aux articles L. 141-2 et L. 143-2 () ».

6. Pour refuser de saisir la CDAC, le préfet de la Mayenne s’est fondé sur les motifs tirés de ce qu’en « l’absence de demande de permis de construire ou de permis de construire modificatif, il ne pouvait être fait application des dispositions de l’article L. 752-4 du code de commerce » et de ce que « le changement de la nature de l’activité, sans modification de la surface de vente, ne constitue pas un projet soumis à une nouvelle autorisation d’exploitation commerciale, au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce ».

7. Il est constant que la société SCCV Cap Mermoz a déposé, le 16 juin 2020, une demande de permis de construire portant sur la création d’un ensemble commercial de 6 786 m² de surface de plancher et de 3 683 m² de surface de vente sur un terrain situé 10, route de Sablé, sur le territoire de la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne, soumis à une autorisation d’exploitation commerciale en application des dispositions précitées du 4° de l’article L. 752-1 du code de commerce. Il ressort des pièces du dossier que l’ensemble commercial projeté était composé d’un magasin « Connexion » de 754 m², dédié à l’équipement de la maison, d’une cellule sans destination de 350 m², d’un magasin « But Cosy » de 1 995 m² et d’un magasin « Biocoop » de 584 m². Un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale a été délivré, le 21 décembre 2020, après avis favorable du 4 novembre 2020 de la CDAC de la Mayenne, par le maire de Château-Gontier-sur-Mayenne. Un permis de construire modificatif valant autorisation d’exploitation commerciale a été délivré, après avis favorable de la CDAC du 20 mai 2021, pour autoriser l’extension de cet ensemble commercial par la création d’un magasin « Intersport » d’une surface de vente de 1 778 m².

8. Il ressort des pièces du dossier que le porteur de l’enseigne « Connexion » a renoncé au transfert de l’activité de son magasin situé 10, rue de la Fougetterie, sur le territoire de la commune, vers cet ensemble commercial. La société Zéphyr a présenté, le 31 janvier 2022, la demande d’autorisation prescrite par les dispositions de l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation, relatives aux établissements recevant du public, en vue d’effectuer des travaux d’aménagement intérieur pour l’installation, au sein de l’ensemble commercial en cause, d’un magasin à l’enseigne « Blackstore » dédié à l’équipement de la personne (vente de vêtements, de chaussures et d’accessoires multi-marques), en lieu et place du magasin à l’enseigne « Connexion » initialement prévu.

9. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la création de l’ensemble commercial en cause a été autorisée par le permis de construire modifié valant autorisation d’exploitation commerciale délivré le 21 décembre 2020. Par ailleurs, la demande d’autorisation présentée, au titre de l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation, par la société Zéphyr ne constitue ni une nouvelle demande de permis de construire ni une demande de permis de construire modificatif se rapportant à cet ensemble commercial. Il s’ensuit qu’en l’absence d’une demande de permis de construire, le conseil municipal de Château-Gontier-sur-Mayenne ne pouvait, par sa délibération du 8 février 2022, prise sur le fondement de l’article L. 752-4 du code de commerce, saisir la CDAC en vue d’examiner la conformité, au regard des critères énoncés à l’article L. 752-6 de ce code, du projet d’implantation du magasin à l’enseigne « Blackstore », dans cet ensemble commercial. Dès lors, en refusant, par la décision attaquée du 8 mars 2022, la demande de la commune, le préfet de la Mayenne n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 752-4 du code de commerce. Il résulte de l’instruction que le préfet aurait pris la même décision s’il s’était fondé sur ce seul motif. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l’installation d’un magasin à l’enseigne « Blackstore » entrainerait un changement de secteur d’activité au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, constituerait une modification substantielle de l’ensemble commercial au sens de l’article L. 752-15 du même code et de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, et rendrait le projet incompatible avec le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays de Château-Gontier-sur-Mayenne sont inopérants et ne peuvent qu’être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 8 mars 2022 du préfet de la Mayenne.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées, dans sa requête, par la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne, n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées par la commune ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne la somme demandée par la société Zéphyr au titre des frais liés au litige. D’autre part, la SCI Clegere Cap Mermoz, qui a la qualité d’intervenante et non de partie dans la présente instance, ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention de la SCI Clegere Cap Mermoz est admise.

Article 2 : La requête de la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Zéphyr et de la SCI Clegere Cap Mermoz tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Château-Gontier-sur-Mayenne, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société Zéphyr et à la SCI Clegere Cap Mermoz.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l’audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

— Mme Buffet, présidente de chambre,

— Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

— M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2023.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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