Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 22 novembre 1994, 93-84.843, Inédit

  • Aide, assistance ou protection de la prostitution d'autrui·
  • Document fondant la poursuite non joints·
  • Participation à toutes les opérations·
  • Officier de police judiciaire·
  • Constatations suffisantes·
  • Réquisitoire introductif·
  • Commission rogatoire·
  • Intermédiaire·
  • Proxenetisme·
  • Instruction

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 22 nov. 1994, n° 93-84.843
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 93-84.843
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Montpellier, 4 octobre 1993
Textes appliqués :
Code de procédure pénale 80 et suiv., 486 et 593

Code pénal 334 al. 1-6

Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007552545
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux novembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de Me RYZIGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

— C… Jean-Louis, contre l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER, 3e chambre, du 5 octobre 1993, qui, pour proxénétisme aggravé, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d’amende, a prononcé son interdiction des droits énumérés à l’article 42 du Code pénal, ainsi que son interdiction de séjour et l’a relevé desdites interdictions ;

Vu les mémoires ampliatif et additionnel produits ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 80 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt du 5 octobre 1993 a refusé d’annuler le réquisitoire introductif et l’ensemble de la procédure subséquente ;

« aux motifs que, les renseignements fournis au procureur de la République, faisant présumer l’existence d’une infraction, ne sont astreints à aucune condition de forme et permettent à ce magistrat de requérir valablement une information, dès lors que les faits rapportés sont circonstanciés dans l’espace et le temps ;

« et aux motifs adoptés qu’il résulte des dispositions de l’article 80 du Code de procédure pénale, que le réquisitoire introductif peut être pris contre personne non dénommée et doit viser les pièces de référence afin de déterminer l’étendue de la saisine in rem du juge d’instruction, déterminer les infractions et les textes les prévoyant et les réprimant, contenir date et signature ; qu’en l’espèce, le réquisitoire introductif du 14 janvier 1991 paraît régulier en la forme ; qu’il lui est cependant fait grief de ne pas déterminer le domaine de saisine du juge d’instruction dans la mesure où ne lui seraient pas joints les documents fondant la poursuite ; il convient cependant de constater que les pièces jointes consistent en un unique procès-verbal… que les renseignements ainsi fournis au procureur de la République faisaient présumer l’existence d’infractions en exposant précisément que des prostituées se livraient à des activités au sein de l’établissement « PUB 18 », tenu par M. Y… ; que ces renseignements confirmaient une dénonciation recueillie au cours d’une autre enquête diligentée à Lezignan auprès d’un toxicomane notoirement connu des services de gendarmerie ; que, parallèlement à ces faits de prostitution, de la drogue dure circulerait dans ce même établissement ; qu’ainsi, la pièce visée et annexée au réquisitoire introductif concernait bien des faits individualisables dans le temps et dans l’espace et déterminait, par les indications qu’elle contenait, l’objet exact et l’étendue de la saisine du juge d’instruction ; que les faits visés par le réquisitoire introductif reposaient sur des indices suffisamment sérieux de commission de faits ; que si les faits afférents au trafic de stupéfiants n’ont pas été confirmés par les actes d’information postérieurs, il convient de constater que les faits de prostitution en revanche se sont révélés exacts ; qu’en outre, il convient de rappeler que la validité de l’ouverture d’une information s’apprécie à la date du réquisitoire introductif et n’est nullement fonction des résultats positifs ou négatifs de l’information ; que les renseignements fournis au procureur de la République faisaient présumer l’existence d’infractions et lui permettaient, en conséquence, de requérir valablement l’ouverture d’une information ; qu’en l’état de la jonction au réquisitoire introductif de l’intégralité du procès-verbal source desdits renseignements, il convient de rejeter l’exception de nullité du réquisitoire introductif ;

« alors que les pièces visées dans le réquisitoire introductif doivent, à peine de nullité, permettre, dès l’origine de la procédure, de déterminer, par les indications qu’elles contiennent, l’objet exact et l’étendue de la saisine du juge d’instruction ;

qu’en l’espèce, le procès-verbal joint au réquisitoire introductif dans le cadre de la commission rogatoire 64/90 mettant en cause Jean-Claude B…, gérant du Club « X Plaisirs », pour proxénétisme aggravé, l’officier de police judiciaire aurait appris que des prostituées se livreraient à des activités dans un établissement dénommé le « PUB 18 », renseignements qui avaient déjà été communiqués quelques mois auparavant au cours d’une enquête diligentée à Lezignan auprès d’un toxicomane notoirement connu ; que la commission rogatoire, en vertu de laquelle ce procès-verbal avait été rédigé, n’était pas jointe au réquisitoire introductif, non plus qu’aucun élément susceptible de constituer les faits de proxénétisme aggravé et d’infractions à la législation sur les stupéfiants et ne pouvait, en conséquence, fonder l’ouverture d’une information de ces chefs à l’encontre du demandeur ; sont donc entachés de nullité d’ordre public, ledit réquisitoire et l’instruction subséquente" ;

Attendu que le prévenu, avant toute défense au fond, a invoqué la nullité du réquisitoire introductif, au motif que les documents fondant la poursuite n’y seraient pas joints, laissant ainsi indéterminé le domaine de la saisine du juge d’instruction ;

Attendu que, pour rejeter cette exception, les juges relèvent que les renseignements fournis au procureur de la République laissent présumer l’existence d’une infraction et qu’ils ne sont astreints à aucune condition de forme ;

Attendu qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a donné une base légale à sa décision sans encourir les griefs allégués ; que le moyen, dès lors, doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 80 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt du 5 octobre 1993 a refusé d’annuler le réquisitoire introductif et l’ensemble de la procédure subséquente ;

« au motif que la commission rogatoire délivrée le 14 janvier 1991 par le juge d’instruction, faisait référence expresse à la pièces procès-verbal 44/91 qui était jointe au réquisitoire introductif, sans qu’aucune confusion puisse être faite avec les faits qui faisaient l’objet de l’information B…, ainsi d’ailleurs que le confirment les investigations des enquêteurs ; que s’il est exact que le procès-verbal d’audition Jean-Louis Soulié cotée D 43 porte en référence le n° 64/90 du dossier B…, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une erreur matérielle imputable au fait que les officiers de police judiciaire agissant en vertu de commissions rogatoires dans les deux dossiers, sans qu’il y ait aucune confusion susceptible d’entraîner une violation des droits de la défense ;

c’est ainsi que Jean-Louis D…, dans son procès-verbal d’audition, a déclaré qu’il prenait connaissance des déclarations de Carole A… sur les relations sexuelles qu’il avait entretenues avec elle au « PUB 18 » ; qu’il apparaît que le procès-verbal dont Jean-Louis D… soulève la nullité, ne consiste qu’en un procès-verbal relatant des propos tenus par le prévenu dans le véhicule qui le conduisait chez le juge d’instruction ; que ces renseignements auraient pu être consignés très postérieurement sans pour autant être entachés d’une quelconque nullité alors qu’ils ne constituaient nullement un acte d’instruction correspondant à une action prescrite par le juge d’instruction ; qu’en outre, contrairement aux allégations de Jean-Louis D…, il n’y a aucune contradiction entre les procès-verbaux cotés D 53 et D 56, le premier concernant la perquisition à son domicile, le second, son audition ; que, conformément aux dispositions de l’article 18, alinéa 4, du Code de procédure pénale, les gendarmes de la brigade des recherches de Narbonne étaient assistés par un officier de police judiciaire territorialement compétent, tout au long des opérations, après que le procureur de la République de Saint-Gaudens ait été informé ; qu’il importe peu, pour la validité de la procédure, que l’OPJ territorialement compétent soit le même pour l’audition du suspect ou la perquisition à son domicile ; que la prolongation de la garde à vue de Jean-Louis D… a été demandée le 28 mars 1991 au juge d’instruction de Saint-Gaudens territorialement compétent, conformément à l’article 154 du Code de procédure pénale ;

« alors que l’inculpé doit avoir accès à l’ensemble du dossier pour assurer sa défense ; qu’en l’espèce, il ressortait du réquisitoire introductif que des éléments de l’information ouverte contre un sieur B… ont été utilisés dans le cadre de l’information ouverte contre le demandeur ; qu’en se contentant d’affirmer que le fait que le procès-verbal coté D 43 porte en référence le numéro 64/90 du dossier B…, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une erreur matérielle imputable au fait que les OPJ agissaient en vertu de commissions rogatoires dans les deux dossiers sans qu’il y ait aucune confusion susceptible d’entraîner une violation des droits de la défense, les juges du fond n’ont pas répondu aux conclusions du demandeur et violé les articles 11 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen ;

« alors, d’autre part, qu’il ressort du procès-verbal coté D 53 que la perquisition effectuée le 27 mars 1991 a été faite avec l’assistance de l’officier de police judiciaire territorialement compétent, Lacassagne, lequel a signé le procès-verbal de perquisition correspondant ; que, cependant, le procès-verbal d’audition de garde à vue coté D 56, indique que l’officier de police judiciaire territorialement compétent assistant les OPJ, était M. Jean-Jacques X…, lequel a signé le procès-verbal ;

qu’il en résultait une nécessaire contradiction entraînant la nullité des procès-verbaux ; qu’en considérant qu’il n’y a aucune contradiction entre les procès-verbaux cotés D 53 et D 56, le premier concernant la perquisition à son domicile, le second, son audition et en ajoutant que, conformément aux dispositions de l’article 18, alinéa 4, du Code de procédure pénale, le gendarme de la brigade des recherches de Narbonne était assisté par un officier de police judiciaire territorialement compétent, qu’il importe peu pour la validité de la procédure que l’OPJ soit le même pour l’audition du suspect ou la perquisition à son domicile, la cour d’appel, qui constate que l’officier de police judiciaire territorialement compétent n’a pas toujours été le même et qui n’en tire aucune conséquence, a violé les articles D 9, D 10, ensemble les articles 19 et 62 du Code de procédure pénale ;

« alors, enfin, qu’au cas d’extension de compétence confiée à des officiers de police judiciaire, conformément à l’article 18 du Code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire opérant en dehors de sa circonscription habituelle doit se faire assister d’un officier de police judiciaire territorialement compétent et lui fournir les précisions indispensables de temps et de lieu ; qu’en énonçant qu’il importe peu pour la validité de la procédure que l’OPJ territorialement compétent soit le même pour l’audition du suspect ou la perquisition à son domicile, la cour d’appel a violé les articles D 12 et 18 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour refuser d’annuler les procès-verbaux d’audition de Jean-Louis D…, argués de nullité, les juges se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Qu’en cet état, les juges du second degré ont justifié leur décision ; que l’article 18, alinéa 4, du Code de procédure pénale, qui impose aux officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d’instruction ou sur réquisitions du procureur de la République, d’être assistés d’un officier de police judiciaire exerçant ses fonctions dans la circonscription intéressée, n’exige pas que ce soit le même qui participe à toutes les opérations ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le moyen additionnel de cassation pris de la violation de l’article 334, alinéa 1er-6 du Code pénal, violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de proxénétisme au motif qu' »est proxénète celui qui fait office d’intermédiaire à un titre quelconque entre les personnes se livrant à la prostitution ou à la débauche et les individus qui rémunèrent la profession ; qu’il n’importe que l’intermédiaire se fasse ou non rémunéré, que l’habitude n’est pas un élément constitutif du délit prévu par l’article 334, alinéa 1er-6 » ; qu’en l’espèce, il est établi, tant pas ses propres déclarations, que par celles de Cazilhac, Z…, Carole A…, que D… ne pouvait se méprendre sur l’activité de prostitution de la jeune fille qui lui avait demandé, dès la première relation sexuelle, de lui remettre la somme de 1 000 francs ; que Cazilhac a confirmé, devant le juge d’instruction, l’entremise de D… auquel il avait remis la somme de 200 francs pour Carole, Z… a également précisé que Jean-Louis D…, avant de lui présenter Carole, lui avait dit qu’elle monnayait ses charmes au PUB 18 ; que c’est à juste titre que le tribunal a retenu la culpabilité de D… faisant office d’intermédiaire entre Cazilhac et Z…, d’une part, et Carole A…, d’autre part, sans retenir la circonstance aggravante de minorité qu’il ignorait comme il l’a déclaré lui-même et qu’ont confirmé Carole A… et Y… ;

« alors, d’une part, que ne saurait être considéré comme intermédiaire, au sens de l’article 334, alinéa 1er-6 de l’ancien Code pénal ou de l’article 225-6,1 du Code pénal, celui qui présente deux personnes dont l’une se livre à la prostitution et l’autre rémunère la prostitution afin que se nouent des rapports tirés de la prostitution ; que, s’il résulte de l’arrêt que D… aurait présenté au sieur Z…, Carole A…, en sachant qu’elle se prostituait, il ne résulte pas de l’arrêt que cette présentation ait été faite afin de permettre à l’un et à l’autre d’entretenir des rapports en vue de la prostitution ;

« alors, d’autre part, que ne saurait être considéré comme un intermédiaire entre une prostituée et une personne rémunérant la prostitution, celui qui présente une personne de sa connaissance à une prostituée, et prend part à des ébats sexuels avec ces deux personnes ; que la notion d’entremise suppose en effet la mise en rapport de deux personnes, afin de former un couple ; que tel n’est pas le cas de celui qui présente une personne à une prostituée non pas en vue de lui permettre d’entretenir des relations sexuelles avec celle-ci, mais afin de participer à des ébats sexuels communs ;

« alors, enfin et subsidiairement, que l’expression celui »qui fait office« et le pluriel employé concernant celui qui fait office d’intermédiaire entre »les personnes" se livrant à la prostitution et les personnes qui la rémunèrent, impliquent que l’habitude est un élément constitutif du délit réprimé précédemment par l’article 334, alinéa 1er-6 , du Code pénal et actuellement par l’article 225-6 du nouveau Code pénal ; que les juges du fond n’ont pas constaté l’habitude pour entrer en condamnation à l’encontre de D…" ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Louis D… coupable du délit prévu par l’article 334-6 du Code pénal alors applicable, l’arrêt attaqué, après avoir analysé les faits, objet de l’information, relève notamment que le prévenu connaissait l’activité de prostitution de Carole A… qui lui avait demandé, dès leurs premières relations sexuelles, de lui remettre une somme d’argent ;

que les juges précisent que deux témoins ont confirmé l’entremise de D… qui leur avait présenté la jeune fille ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, desquelles il résulte que le prévenu a fait office d’intermédiaire entre une personne se livrant à la prostitution ou à la débauche et des individus qui rémunèrent la prostitution ou la débauche d’autrui, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Qu’en outre, l’habitude n’est pas un élément constitutif du délit ;

Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pinsseau conseiller rapporteur, MM. Guerder, Joly, Martin conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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