Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-11.069, Publié au bulletin

  • Portée convention européenne des droits de l'homme·
  • Convention européenne des droits de l'homme·
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  • Exercice de ce droit·
  • Filiation adoptive·
  • Portée filiation·
  • Adoption simple

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Si l’adoption plénière d’un enfant, par une personne âgée de plus de vingt-huit ans, est autorisée par l’article 343-1 du code civil, elle a pour effet, aux termes de l’article 356 du même code, de conférer à cet enfant une filiation se substituant à sa filiation d’origine et de le priver de toute appartenance à sa famille par le sang. Seule l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, permise par l’article 345-1, laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de ce conjoint et de sa famille.

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’impose pas de consacrer, par une adoption, tous les liens d’affection, fussent-ils anciens et établis.

Justifie légalement sa décision, au regard de ce texte, une cour d’appel qui rejette la demande d’adoption plénière d’un enfant, par l’ancienne compagne de sa mère, aux motifs que, les intéressées n’étant pas mariées, cette adoption mettrait fin au lien de filiation de l’enfant avec sa mère, ce qui serait contraire à son intérêt supérieur, lequel réside dans le maintien des liens avec sa mère biologique

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Amélie Niemiec · Petites affiches · 29 juin 2018

www.actu-juridique.fr · 28 juin 2018
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n° 17-11.069, Bull. 2018, I, n° 37
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-11069
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bull. 2018, I, n° 37
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 novembre 2016
Textes appliqués :
article 8 de la convention européenne des droits de l’homme ; articles 343-1, 345-1 et 356 du code civil
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036697080
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C100212
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 28 février 2018

Rejet

Mme X…, président

Arrêt n° 212 FS-P+B+I

Pourvoi n° G 17-11.069

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Cécile Y…, domiciliée […],

contre l’arrêt rendu le 24 novembre 2016 par la cour d’appel d'[…] chambre A), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme Catherine Z…, domiciliée […],

2°/ au procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, domicilié […],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 23 janvier 2018, où étaient présents : Mme X…, président, Mme C… , conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller doyen, M. Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, M. Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, conseillers référendaires, Mme A…, avocat général référendaire, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme C…, conseiller référendaire, les observations de Me B…, avocat de Mme Y…, l’avis de Mme A…, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2016), que Mme Y…, qui a vécu en concubinage avec Mme Z…, a présenté une requête en adoption plénière de la fille de celle-ci, Marie Z…, née le […], sans filiation paternelle établie ;

Attendu qu’elle fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen, que l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider toute décision le concernant ; que l’Etat doit permettre à un lien familial établi de se développer ; qu’en se bornant à relever que la requête en adoption de Marie Z… présentée par Mme Y… conduirait à rompre le lien de filiation avec Mme Z…, sa mère biologique, et que la séparation de Mmes Z… et Y… présentait un obstacle majeur à l’adoption, sans rechercher si l’intérêt supérieur de l’enfant n’imposait pas de faire droit à la requête tout en écartant les textes nationaux limitant l’adoption aux enfants accueillis au foyer de l’adoptant et entraînant la rupture du lien de filiation entre l’enfant et sa mère biologique, et ainsi de permettre l’établissement d’une filiation de l’enfant avec Mme Y…, correspondant à un lien affectif existant, tout en conservant celle existant avec Mme Z…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu que, si l’adoption plénière d’un enfant, par une personne âgée de plus de vingt-huit ans, est autorisée par l’article 343-1 du code civil, elle a pour effet, aux termes de l’article 356 du même code, de conférer à cet enfant une filiation se substituant à sa filiation d’origine et de le priver de toute appartenance à sa famille par le sang ; que, seule l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, permise par l’article 345-1, laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de ce conjoint et de sa famille ; que le droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’impose pas de consacrer, par une adoption, tous les liens d’affection, fussent-ils anciens et établis ;

Attendu qu’après avoir relevé que, Mme Y… et Mme Z… n’étant pas mariées, l’adoption plénière de Marie par Mme Y… mettrait fin au lien de filiation de celle-ci avec sa mère, qui n’y avait pas renoncé, ce qui serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel résidait dans le maintien des liens avec sa mère biologique, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme Y…

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté la requête en adoption plénière de Marie Z… formée par Mme Y… ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l’article 343 du code civil stipule : « l’adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».

Aux termes de l’article 343-1 du code civil, « L’adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans ». Mme Cécile Y…, qui n’est pas mariée accomplit donc une démarche à caractère individuel. Selon l’article 356 du code civil, : « L’adoption confère à l’enfant à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine : l’adopté cesse d’appartenir à sa famille par le sang ». Il n’est pas certain que Mme Catherine Z…, mère naturelle de l’enfant, qui a donné son consentement à l’adoption, ait véritablement compris qu’une adoption de sa fille par Mme Cécile Y… mettrait automatiquement un terme à son propre lien filial. L’article 357 du code civil stipule que : « L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant ». Mme Cécile Y…, qui demande dans sa requête que l’enfant porte le nom composé de Z…-Y…, n’a semble-t-il pas réalisé, elle non plus, que l’adoption entraînait une rupture du lien existant entre l’enfant et sa mère naturelle. L’article 365 du code civil prévoit que l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale. Il est manifeste que dans le cas d’espèce une telle solution est contraire à l’intérêt de l’enfant, d’autant plus qu’il n’y a plus de communauté de vie entre Mme Cécile Y… et Mme Catherine Z… depuis dix ans. Dans un arrêt en date du 20 février 2007, la cour de cassation s’est opposée à une adoption simple par la concubine de la mère après avoir relevé qu’une délégation de l’autorité parentale ou son partage étaient, à l’égard d’une adoption, antinomique et contradictoire, l’adoption d’un enfant mineur ayant pour but de conférer l’autorité parentale au seul adoptant. C’est en vain que Mme Cécile Y… invoque le respect du principe d’égalité et de non-discrimination. Le fait que la requérante soit homosexuelle est sans incidence sur la solution du litige. C’est l’intérêt supérieur et la nécessité du maintien d’un lien avec sa mère biologique, lien auquel Mme Catherine Z… n’a pas renoncé de manière explicite, qui conduit la cour à confirmer la décision du premier juge qui a rejeté la requête en adoption plénière de l’enfant Marie Z… par Mme Cécile Y… ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les dispositions de l’article 345-1 du code civil relatives aux conditions d’adoption plénière de l’enfant du conjoint ne sont pas applicables en l’espèce, dans la mesure à la requérante n’est pas mariée avec la mère de l’enfant que Mme Y… souhaite adopter. La Cour de cassation a admis que le recoure à l’assistance médicale à la procréation sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant », en dépit de l’article L 2141-2 du code de la santé publique, en vertu duquel cette assistance n’est pas ouverte à un couple de femmes en France. Ainsi, même si la présente requête peut se fonder sur les dispositions relatives à l’adoption plénière à tiffe individuel, l’enfant Marie n’ayant pas de filiation paternelle établie, il convient de constater que l’avis ainsi émis par la Cour de cassation constitue une avancée notable par rapport au droit positif applicable, qu’il n’y a pas lieu d’étendre à un couple de femmes, non mariées et séparées depuis 2006 En effet, autoriser l’adoption plénière d’un enfant par une personne, qui ne partage plus le quotidien de celui-ci depuis plusieurs années du fait de la séparation affective intervenue avec sa mère ne s’avère pas conforme aux dispositions de l’article 343 alinéa 1 du code civil, ni à l’esprit gouvernant les règles de l’adoption plénière, qui tendent à créer une communauté matérielle et affective autour de l’enfant mineur adopté. En l’espèce, la requête présentée se heurte à ce qui caractérise actuellement l’intérêt de l’enfant. Même si les conditions relatives au consentement de la mère et de l’enfant sent réunies, le tribunal considère que la séparation de Mme Z… et de Mme Y…, depuis 2006, constitue un obstacle majeur au prononcé d’une adoption plénière de l’enfant Marie, d’autant que l’acte de naissance de Mme Catherine Z… fait apparaître un PACS enregistré par le tribunal d’instance de Salon de Provence en date du 24 février 2010 ;

ALORS QUE l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider toute décision le concernant ; que l’Etat doit permettre à un lien familial établi de se développer ; qu’en se bornant à relever que la requête en adoption de Marie Z… présentée par Mme Y… conduirait à rompre le lien de filiation avec Mme Z…, sa mère biologique, et que la séparation de Mmes Z… et Y… présentait un obstacle majeur à l’adoption, sans rechercher si l’intérêt supérieur de l’enfant n’imposait pas de faire droit à la requête tout en écartant les textes nationaux limitant l’adoption aux enfants accueillis au foyer de l’adoptant et entraînant la rupture du lien de filiation entre l’enfant et sa mère biologique, et ainsi de permettre l’établissement d’une filiation de l’enfant avec Mme Y…, correspondant à un lien affectif existant, tout en conservant celle existant avec Mme Z…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

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