Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 2018, 18-85.175, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 28 nov. 2018, n° 18-85.175
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-85.175
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Nancy, 21 août 2018
Textes appliqués :
Article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037787045
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR03066
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Sur les parties

Texte intégral

N° D 18-85.175 FS-D

N° 3066

VD1

28 NOVEMBRE 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

M. Gwennaël X…,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de NANCY, en date du 22 août 2018, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de participation à association de malfaiteurs, dégradation ou détérioration du bien d’autrui, participation sans arme à un attroupement après sommation de se disperser, a confirmé l’ordonnance du juge le plaçant sous contrôle judiciaire ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 14 novembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Y…, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mme Drai, MM. de Larosière de Champfeu, Stephan, Guéry, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Z… ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y…, les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et A…, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z…, Me A… ayant eu la parole en dernier ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles préliminaire, 137, 137-2, 138, R. 17, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de M. Gwennaël X… lui faisant obligation, notamment, de ne pas se rendre dans les départements de la Meuse et de la Haute Marne et de ne pas entrer en contact avec certaines personnes ;

« aux motifs qu’il résulte des articles 137 et 138 du code de procédure pénale qu’en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, une personne mise en examen peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave ; que M. X… est mis en examen des chefs de participation à un attroupement, sans arme, malgré des sommations de dispersion, participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission de délits punis de dix ans d’emprisonnement, dégradations ou détériorations volontaires d’un bien par moyen dangereux pour les personnes, en l’espèce par les effets d’un incendie ; que dans ces conditions, il encourt une peine d’emprisonnement correctionnel et est susceptible d’être astreint à un contrôle judiciaire ; qu’en l’état de la procédure, il existe à l’encontre de la personne mise en examen des indices graves ou concordants de sa participation à la commission des infractions qui lui ont été notifiées au titre de sa mise en examen ; qu’en effet, les investigations réalisées en matière de téléphonie, l’exploitation des nombreux documents saisis lors des perquisitions, mettent en évidence l’implication de M. X… dans les faits objets de la présente information judiciaire ; qu’ainsi s’agissant des faits les plus graves à savoir l’incendie de l’hôtel du « Bindeuil », les investigations ont mis en évidence la présence de plusieurs individus cagoulés ou masqués en lien avec ces faits partant de la maison de la résistance située […] où l’intéressé se dit domicilié ; que divers documents ont été découverts dans un ordinateur lors de la perquisition en ce lieu le 20 septembre 2017 dont l’exploitation des données permet de l’attribuer à l’intéressé ; qu’un fichier texte nommé « blablahibou » a été découvert dans lequel sont évoqués les faits de l’hôtel du « Bindeuil » ; qu’une photographie similaire à celle publiée sur le site Vmc Camp pour la revendication de ces faits y a également été retrouvée ; que lors de la perquisition du 20 septembre 2017 à la maison de la résistance ont également été saisis des éléments d’artifice pouvant intervenir dans la fabrication de matériel incendiaire, ainsi que des bidons contenant un liquide de nature identique à ceux utilisés dans le restaurant victime de l’incendie ; qu’enfin M. X… a reconnu sa participation à la manifestation illicite du 15 août 2017 à l’occasion de laquelle il a notamment accompagné, comme témoin selon ses dires, une charge sur les forces de l’ordre ; que les investigations se poursuivent dans cette information complexe tant en raison du nombre de personnes mises en examen ou encore susceptibles de l’être, que des investigations qui restent à mener afin notamment de préciser le rôle de chacun ; qu’il convient de se prémunir de tout contact entre M. X… et les autres personnes mises en cause afin de préserver les déclarations de chacun ; qu’il est en outre nécessaire de s’assurer de la représentation en justice de M. X… qui est sans emploi, sans attache familiale, sans profession et sans domicile personnel ; qu’enfin il apparaît que les faits objets de l’information apparaissent fortement liés à la maison de la résistance située sur la commune de Bure, où M. X… se dit domicilié, et les envions de la commune de Saudron ; qu’il faut dès lors empêcher tout déplacement de M. X… sur ces lieux afin d’empêcher tout échange avec les autres mis en cause pouvant transiter par ces mêmes locaux ou leurs environs, et tout nouveau passage à l’acte illicite ; que dès lors l’interdiction faite à M. X… de paraître dans les départements de la Meuse et de la Haute Marne est tout à fait justifiée ; que la poursuite de l’information est nécessaire, et que l’état d’avancement des investigations justifie qu’une mesure de sûreté soit maintenue à l’égard de M. X… pour éviter toute concertation frauduleuse entre les coauteurs ou complices, sa présence aux actes ultérieurs de la procédure, et tout renouvellement des faits ;

« 1°) alors que selon l’article 137-2 du code de procédure pénale, le contrôle judiciaire est ordonné par le juge d’instruction qui statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République ; qu’en confirmant l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, dont l’examen fait apparaître l’absence de réquisitions du procureur de la République, lesquelles étaient indispensables au juge d’instruction pour ordonner le placement du prévenu sous contrôle judiciaire, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés ;

« 2°) alors que la juridiction d’instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité de nature professionnelle ou sociale, doit constater que l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de cette activité et qu’il existe un risque de commission d’une nouvelle infraction ; que l’interdiction faite au prévenu de se rendre dans le lieu dans lequel il exerce une activité sociale de défense de l’environnement du site de Bure et de rentrer en contact avec d’autres personnes exerçant la même activité s’assimile à une interdiction d’exercer cette activité ; qu’en prononçant une telle interdiction sans caractériser le risque actuel de commission d’une nouvelle infraction, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés ;

« 3°) alors que l’application du contrôle judiciaire ne doit pas porter atteinte aux droits fondamentaux que sont les droits à l’exercice d’une activité professionnelle ou sociale, à la liberté d’opinion et au respect de la dignité ; qu’en l’espèce, le prévenu soutenait que l’interdiction qui lui était faite de se rendre dans le lieu où il exerce son activité sociale dédiée à la défense environnementale et d’entrer en contact avec d’autres personnes exerçant la même activité sociale associative avait pour effet de constituer une violation de sa liberté d’opinion, en ce qu’elle l’empêchait de s’opposer au projet d’enfouissement des déchets nucléaires sur la commune de Bure et de participer à cette contestation légitime dans un Etat démocratique ; qu’en ne s’expliquant pas sur l’atteinte disproportionnée à sa liberté d’opinion et d’association invoquée par le prévenu, la chambre de l’instruction n’a pas donné de base légale à sa décision" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale :

Attendu que le grief n’est pas de nature à être admis ;

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches :

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure que des incidents violents ont opposé, le 21 juin 2017, sur le territoire de la commune de Bure (Meuse), les forces de l’ordre à des manifestants qui s’opposaient à la création d’un site de stockage en sous-sol de déchets nucléaires ; que de nombreuses dégradations ont été commises ; qu’une information a été ouverte le 28 juillet contre personne non dénommée des chefs de dégradations par des moyens dangereux et association de malfaiteurs ; qu’une nouvelle manifestation violente s’est déroulée le 15 août 2017, pour le même motif ; que deux gendarmes ont été blessés et que des dégradations ont été commises ; que les participants ont lancé des pierres, des bouteilles incendiaires et des feux d’artifice en tir tendu ; que par réquisitoire supplétif du 14 décembre 2017, la saisine du juge d’instruction a été élargie non seulement aux incidents du 15 août 2017, mais également à la préparation de ces incidents ; que le réquisitoire supplétif visait des qualifications supplémentaires, en particulier les violences volontaires aggravées ; qu’au vu des résultats des investigations ordonnées par le juge d’instruction, sa saisine a de nouveau été élargie par le parquet le 18 janvier 2018, le 2 mai 2018 et le 23 mai 2018 ;

Que les soupçons se sont portés sur plusieurs militants anti-nucléaires, parmi lesquels M. X… se disant domicilié […] , mis en examen le 21 juin 2018 des chefs de participation à association de malfaiteurs, dégradation ou détérioration du bien d’autrui, participation sans arme à un attroupement après sommation de se disperser ; que le juge d’instruction l’a astreint à l’obligation de ne pas sortir du territoire national sans autorisation, de ne pas se rendre dans les départements de la Meuse ou de la Haute-Marne, de répondre aux convocations et de s’abstenir d’entrer en relation avec certaines personnes ;

Attendu que M. X… a interjeté appel de cette ordonnance ;

Attendu que, pour la confirmer, l’arrêt, après avoir rappelé les faits de la cause et les charges pesant sur le mis en examen, relève notamment, qu’il convient de se prémunir de tout contact entre ce dernier et les autres personnes mises en cause afin de préserver les déclarations de chacun, qu’il apparaît que les faits objet de l’information apparaissent fortement liés à la « Maison de la résistance » située sur la commune de Bure ainsi qu’aux environs de la commune de Saudron ; que les juges concluent qu’il faut dès lors empêcher tout déplacement de M. X… en ces lieux, afin de rendre impossible tout échange avec les autres mis en cause pouvant transiter par ces mêmes locaux ou leurs environs, et d’éviter toute réitération de faits ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le contrôle judiciaire mis à la charge de l’intéressé qui ne lui interdit pas, en dehors des lieux visés et à l’exception d’une interdiction de contact avec certaines personnes précisément énumérées, mises en cause dans la procédure, de poursuivre ses activités associatives, ne porte pas atteinte à sa liberté d’opinion, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit novembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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