Cour de cassation, Chambre sociale, 6 février 2019, 17-27.188, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 6 septembre 2017), que M. X… a été engagé par la société Stryker France le 13 février 2001 en qualité d’attaché commercial ; que les parties ont signé le 11 février 2014 un protocole d’accord de rupture conventionnelle ; que le salarié a réclamé devant la juridiction prud’homale le paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la formule d’un accord de rupture conventionnelle par laquelle le salarié se déclare rempli de l’intégralité des droits pouvant résulter de la formation, l’exécution et la rupture du contrat de travail et plus largement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, exprime leur intention d’écarter l’application de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail ; qu’en l’espèce, aux termes du protocole d’accord de rupture conventionnelle, le salarié «déclar[ait] avoir été réglé de toutes sommes, y compris et sans limitation, toute rémunération fixe, variable ou complément de rémunération éventuel, indemnité de quelque nature que ce soit, remboursements de frais et autres sommes qui lui étaient dues par la société au titre de l’exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture conventionnelle de celle-ci, et plus généralement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, ou entre [le salarié] et toute autre société du groupe auquel la société appartient » ; qu’en faisant néanmoins droit aux demandes du salarié au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, la cour d’appel qui a refusé de faire produire effet à la clause libératoire contenue dans le protocole d’accord de rupture conventionnelle, a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 1237-11 et suivants du code du travail, ensemble l’article 31, 3°, b) de la Convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu’en l’espèce, il résultait de la convention de rupture conventionnelle qu’en contrepartie du versement d’une somme de 230 716 euros bruts, loin de l’indemnité de rupture légale qui s’élevait à 75 000 euros, « M. Grégoire X… déclare avoir été réglé de toutes sommes, y compris et sans limitation, toute rémunération fixe, variable ou complément de rémunération éventuel, indemnité de quelque nature que ce soit, remboursements de frais et autres sommes qui lui étaient dues par la société au titre de l’exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture conventionnelle de celle-ci, et plus généralement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, ou entre M. Grégoire X… et toute autre société du groupe auquel la société appartient » ; que la société Stryker France en déduisait qu’ « il est manifeste que les parties ont ensemble décidé d’écarter l’application de la clause de non-concurrence » ; qu’en affirmant qu’il ne résultait pas de cette convention que le salarié avait entendu renoncer à la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable ;

Mais attendu que la renonciation par l’employeur à l’obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ;

Et attendu que la cour d’appel, hors toute dénaturation et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que l’employeur n’avait pas renoncé à la clause de non concurrence ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Stryker France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Stryker France à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Stryker France.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a dit et jugé que la clause de non-concurrence liant M. X… à la société Stryker France était valide et devait s’appliquer dans le respect des termes de la convention collective, a condamné la société Stryker France à payer au salarié les sommes de 45 564 euros à titre de rappel d’indemnité de non-concurrence pour la période du mois d’avril 2014 au mois de septembre 2015, 4 556 euros au titre des congés payés afférents, 2 531 euros par mois pour le reliquat d’indemnités de non-concurrence pour la période du mois d’octobre 2015 au mois de mars 2016 date de fin d’application de la clause, soit un total de 15 186 euros outre 253 euros par mois au titre d’indemnité de congés payés correspondante pour chaque mois de la même période, soit 1 518 euros et la somme 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné la société Stryker France aux entiers dépens de la présente instance et d’AVOIR condamné la société Stryker France à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement du code de procédure civile en cause d’appel et aux dépens d’appel ;

AUX MOTIFS QU’ « Aux termes du contrat de travail de M. X… était prévue une clause de non-concurrence applicable quelle que soit la raison de la rupture, pendant une durée de deux ans à compter du jour du départ, et concernant le territoire et les gammes dont le salarié avait la charge. En contrepartie, une indemnité spéciale forfaitaire, dans les conditions prévues à l’article 14 de a convention collective, était prévue, perçue après le départ effectif.
La clause rappelait la faculté de l’employeur de libérer M. X… de sa non-concurrence ans les conditions prévues par la convention collective.
La convention collective de l’industrie pharmaceutique prévoit en son article 31-3° que:
« En cas de rupture conventionnelle, les parties conviennent ensemble du sort de la clause de non-concurrence.
A tout moment pendant l’exécution de la clause de non concurrence, chacune des parties pourra demander la levée de cette interdiction de concurrence qui devra faire l’ob_iet d’un accord écrit entre les parties ».
La rupture conventionnelle du contrat de travail a été signée le 11 février 2014 avec prise d’effet au 21 mars suivant aux termes de laquelle M. X… a perçu la somme de 230 716 euros bruts à titre d’indemnité de rupture conventionnelle.
La SAS Stryker France soutient que les parties ont convenu ensemble d’écarter l’application de la clause de non concurrence dans la convention du rupture qui prévoit expressément que M. X… déclare avoir été réglé notamment de toute « indemnité de quelque nature que ce soir » au titre de l’exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture et que si le maintien de l’indemnité de non concurrence était intervenu une disposition en ce sens aurait été prévue. Elle fait valoir le montant élevé de l’indemnité de rupture (230 000 euros bruts environ) par rapport à l’indemnité normalement due (75 000 euros) traduisant selon elle l’intervention d’une réelle négociation entre les parties.
Elle observe que M. X… a d’ailleurs émis sa contestation tardivement, soit sept mois après l’accord. Elle ajoute qu’il n’a en outre pas justifié chaque mois de ce qu’il n’exerçait aucune activité concurrente pour pouvoir prétendre au versement de l’indemnité.
La SA Stryker France fait encore valoir que a convention collective est silencieuse sur la forme que doit revêtir cet accord et qu’il est inexact de prétendre que l’accord doit être écrit. Elle soutient encore qu’il n’est pas possible de transposer la jurisprudence relative à la transaction à la convention de rupture conventionnelle.
M. X… réplique qu’à aucun moment la clause de non concurrence n’a été abordée par les parties et que, selon la jurisprudence constante, la renonciation unilatérale ou d’un commun accord à appliquer cette clause ne se résume pas. Il prétend qu’il importe peu qu’il n’ait sollicité le paiement de la contrepartie financière que plusieurs mois après la convention de rupture.
Il ajoute que la SAS Stryker France a même porté un aveu de son oubli dans les conclusions de première instance qui évoquent sa « carence dans la rédaction de la convention de rupture »..
Il conclut qu’il est donc fondé à solliciter la contrepartie de l’obligation de non concurrence équivalente à 33 % de son salaire annuel entre avril 2014 et septembre 2015, soit 45 564 euros et les congés payés afférents.
Par des motifs pertinents, les premiers juges ont relevé notamment que :
- La faculté des parties de se libérer de la clause de non concurrence est prévue par le contrat de travail en son article 12 qui renvoie à la convention collective.
- La convention collective de l’industrie pharmaceutique précise en son article 31 -3°b qu’ « en cas de rupture conventionnelle, les parties conviennent ensemble du sort de la clause de non-concurrence ».
- La renonciation à la clause de non concurrence doit être explicite et non équivoque.
- Cette renonciation n’apparaît à aucun endroit du protocole de rupture conventionnelle et ne peut se déduire du seul montant de l’indemnité allouée au salarié au titre de la rupture, fut-il plus élevé que l’indemnité de rupture conventionnelle normalement due.
- La société qui prétend avoir délié son salarié de la clause litigieuse est mal fondée à soutenir que ce dernier aurait dû, chaque mois, lui justifier qu’il n’exerçait aucune activité concurrente et ce alors même qu’en tout état de cause, la charge de la preuve de la violation de la clause de non concurrence incombe à l’employeur, qui ne l’invoque même pas en l’espèce.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que la clause de non-concurrence doit s’appliquer dans les termes de la convention collective et a alloué l’indemnité calculée sur cette base, au vu des éléments produits, et dont le montant n’est pas discuté ne serait-ce qu’à titre subsidiaire.
Il convient de confirmer en outre les dispositions du jugement relatives aux intérêts au taux légal et leur point de départ sans qu’i y a lieu de procéder au calcul relevant de l’exécution du jugement et en cas de difficulté du juge de l’exécution dont la compétence est d’ordre public.
(
)
Sur les dépens et l’indemnité procédurale
Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l’indemnité procédurale.
La SAS Stryker France qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et au versement d’une indemnité procédurale de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Vu les articles L1237-11 à 16 du Code du travail ;
Vu l’article 31.3 B de la convention collective de l’industrie pharmaceutique;
Que la rupture conventionnelle est une forme autonome de rupture du contrat de travail, disjointe et exclusive des formes classiques que sont la démission par le salarié et le licenciement par l’employeur;
Que tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif et que le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention;
Que la convention de rupture du contrat de travail ne peut être valablement conclue que si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du (de la) salarié(e) pour mettre fin au contrat de travail et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre;
Que la rupture conventionnelle suppose un consentement donné par le salarié en connaissance de cause et dont l’intégrité doit être assurée. Elle ne peut être imposée par l’employeur pour détourner des garanties accompagnant un licenciement et elle suppose l’absence de litige sur la rupture ;
Qu’également la rupture conventionnelle a été valablement homologuée et n’est pas remise en cause par les parties;
Que le contrat de travail établit en son article 12 une clause de non concurrence et la faculté d’en libérer les parties dans les conditions prévues par la Convention collective;
Que la licéité clause de non concurrence du contrat n’est remise en cause par aucune des parties ;
Que la convention collective fixe à deux années maximum et à 33% du salaire mensuel la durée et le montant des indemnités de non concurrence et précise que les parties conviennent ensembles du sort de la clause de non concurrence en cas de rupture conventionnelle;
Que la Jurisprudence établit que la rupture conventionnelle ne délie pas la clause de non concurrence et exige une renonciation ou un accord explicite;
Que la renonciation explicite à la clause de non concurrence n’apparaît nulle part dans le protocole de rupture conventionnelle;
Que M. X… n’a en aucune circonstance rompu l’engagement de non concurrence qui le liait à SAS Stryker France;
Que la SAS Stryker France, dans ses moyens, avance que le montant élevé des indemnités supralégales dont a bénéficié M. X… se justifie notamment par la prise en compte du préjudice résultant de la levée de ladite clause;
Mais que le contrat de travail stipule en même temps, de façon contradictoire, que « La SAS Stryker France, se réserve le droit de libérer Monsieur Grégoire X… de cette non concurrence dans les conditions prévues par la Convention Collective et, de ce fait, dégager du paiement de l’indemnité prévue dans le contrat », ce moyen ne peut donc être retenu par le conseil ;
En conséquence, il sera fait droit à la demande de M. X…» ;

ALORS QUE la formule d’un accord de rupture conventionnelle par laquelle le salarié se déclare rempli de l’intégralité des droits pouvant résulter de la formation, l’exécution et la rupture du contrat de travail et plus largement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, exprime leur intention d’écarter l’application de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail ; qu’en l’espèce, aux termes du protocole d’accord de rupture conventionnelle, le salarié «déclar[ait] avoir été réglé de toutes sommes, y compris et sans limitation, toute rémunération fixe, variable ou complément de rémunération éventuel, indemnité de quelque nature que ce soit, remboursements de frais et autres sommes qui lui étaient dues par la société au titre de l’exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture conventionnelle de celle-ci, et plus généralement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, ou entre [le salarié] et toute autre société du groupe auquel la société appartient » ; qu’en faisant néanmoins droit aux demandes du salarié au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, la cour d’appel qui a refusé de faire produire effet à la clause libératoire contenue dans le protocole d’accord de rupture conventionnelle, a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 1237-11 et suivants du code du travail, ensemble l’article 31, 3°, b) de la Convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 ;

2°) ALORS à tout le moins QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu’en l’espèce, il résultait de la convention de rupture conventionnelle qu’en contrepartie du versement d’une somme de 230 716 euros bruts, loin de l’indemnité de rupture légale qui s’élevait à 75 000 euros, « M. Grégoire X… déclare avoir été réglé de toutes sommes, y compris et sans limitation, toute rémunération fixe, variable ou complément de rémunération éventuel, indemnité de quelque nature que ce soit, remboursements de frais et autres sommes qui lui étaient dues par la société au titre de l’exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture conventionnelle de celle-ci, et plus généralement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, ou entre M. Grégoire X… et toute autre société du groupe auquel la société appartient » ; que la société Stryker France en déduisait qu’ « il est manifeste que les parties ont ensemble décidé d’écarter l’application de la clause de non-concurrence » (cf. les conclusions d’appel de l’exposante p. 7) ; qu’en affirmant qu’il ne résultait pas de cette convention que le salarié avait entendu renoncer à la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable.

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