Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2019, 17-15.530, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-15.530
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-15.530
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulon, 27 février 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038161376
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:SO00226
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Toulon, 28 février 2017), rendue en la forme des référés, que la société DCNS (la société) a signé un plan d’adaptation de l’emploi avec les organisations représentatives du personnel le 12 janvier 2016 ; que ce plan prévoyait notamment le transfert d’activités de soutien et support, gérées par la société vers une de ses filiales et concernait 15 personnes ; que le recours à une expertise a été voté au niveau national par l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le fondement de l’article L. 4614-12 du code du travail et que le rapport a été présenté le 26 janvier 2016 ; que le transfert d’activités a été mis en place dès le début de ce mois, pour être effectif le 1er septembre suivant ; que le 10 octobre 2016, lors d’une réunion du CHSCT tertiaire (le CHSCT) de la société, ce dernier a voté le recours à une expertise ; que, contestant cette décision, la société a saisi le 24 octobre 2016 le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ;

Attendu que la société fait grief à l’ordonnance de la débouter de sa demande d’annulation des délibérations du CHSCT du 10 octobre 2016 votant le recours à l’expertise et de la condamner à engager les opérations d’expertise dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision et ce, sous astreinte provisoire d’une certaine somme par jour de retard passé ce délai alors, selon le moyen :

1°/ que selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; que ce risque grave, qu’il appartient au CHSCT d’établir, doit résulter d’éléments objectifs et concrets ; que ce risque grave ne peut résulter d’éléments subjectifs tels que le ressenti des salariés, leur inquiétude ou le stress généré par un projet de réorganisation, en l’absence de toute traduction de ces sentiments dans des indicateurs objectifs ; qu’en se bornant à relever, en l’espèce, pour affirmer qu’un risque grave en lien avec le transfert d’activités de la Direction Gestion de Site était caractérisé, que « les problématiques des salariés devant être transférés et du risque psychosocial qui en résulte sont caractérisés par des attestations de salariés ou échanges d’emails émanant » de quatre salariés qui faisaient état du sentiment d’être « jeté comme un kleenex », d’un contexte vécu comme « de plus en plus violent », d’un « mal être » ou d’ « inquiétudes sur le sort des personnels restants », de « difficultés à faire confiance à une direction » et d’un « contexte pesant » et que ce risque psycho-social est mis en évidence par des attestations plus générales d’autres salariés formulant des inquiétudes pour leur avenir, pour les autres salariés et pour leurs conditions de travail futures, le tribunal, qui ne s’est appuyé sur aucun élément concret et précis matérialisant un risque psychosocial grave en lien avec la mise en oeuvre du projet de réorganisation, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

2°/ que selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; que ce risque grave, qu’il appartient au CHSCT d’établir, doit résulter d’éléments objectifs et concrets ; que ce risque grave ne peut résulter d’éléments subjectifs tels que le ressenti des salariés, leur inquiétude ou le stress généré par un projet de réorganisation, en l’absence de toute traduction de ces sentiments dans des indicateurs objectifs ; qu’en l’espèce, la société DCNS soulignait que le médecin du travail, interrogé par le secrétaire du CHSCT sur les risques psychosociaux du personnel du service « Direction de Gestion de Site », avait indiqué qu’il ne comptabilisait que 7 visites non programmées concernant 2 personnes du service DGS depuis le début de l’année, que les collaborateurs de ce service reçus en visite périodique au cours de l’année présentaient un niveau équivalent à celui des autres salariés de l’établissement sur l’échelle visuelle de stress au travail (4.86, contre 4.64) et que, s’agissant de la situation des personnes au sein de la Direction gestion de Site, s'« il y a eu une situation d’inquiétudes en 2015 au moment des premières annonces de restructuration de ce service et notamment des personnes se trouvant dans le périmètre direct de transferts d’activités », « sur l’année 2016, (

) nous n’avons pas mis en évidence de marqueurs collectifs concernant cette inquiétude mais (

) nous avons à gérer des cas individuels à l’origine des visites comptabilisées à la première question » et que « ces situations sont d’ailleurs identifiées par le SST qui les suit et les prend en charge » ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur cet élément objectif, qui était de nature à contredire ou relativiser le ressenti de quelques salariés et à écarter l’existence d’un risque grave, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

3°/ que selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; que la réalisation, à la demande du CHSCT, d’une expertise portant notamment sur les risques psychosociaux liés à un projet de réorganisation, lors de la présentation de ce projet, interdit au CHSCT de solliciter, sur le fondement d’un « risque grave », la réalisation d’une nouvelle expertise sur les risques psychosociaux en lien avec la mise en oeuvre de ce projet, sauf à ce qu’il justifie d’éléments nouveaux propres à caractériser un risque particulier, d’une certaine gravité, qui n’a pas déjà été analysé dans le cadre de la première expertise ; qu’en l’espèce, il est constant que lors de la présentation du projet « accord global de performance » impliquant notamment le transfert d’une partie des activités des Directions Gestion de Site à un sous-traitant, l’instance de coordination des CHSCT avait fait appel à un expert, sur le fondement l’article L. 4614-12, 2° du code du travail, pour analyser notamment l’impact de ce transfert d’activités sur les conditions de travail du personnel restant ; que, dans le cadre de cette expertise, le cabinet Orfeu avait établi des rapports propres à chaque site et analysé, dans le rapport propre à l’établissement de Toulon, les risques psychosociaux liés au transfert d’activités de la Direction Gestion de Site vers la société DES et les mesures proposées par la Direction pour prévenir ces risques pour les salariés restants ; que l’expertise décidée par le CHSCT tertiaire de l’établissement de Toulon, moins d’un an après la présentation de ce rapport et quelques semaines seulement après le début du transfert d’activités de la Direction Gestion de Site de l’établissement, a également pour objet les risques psychosociaux liés à ce transfert d’activités ; qu’en relevant que le rapport Orfeu réalisé dans le cadre de la première expertise mettait en évidence un risque psychosocial en lien avec « l’incertitude sur l’avenir et les freins à la projection des salariés » et la « dégradation de la qualité et des conditions de travail » et identifiait des facteurs psychosociaux de risque au travail notamment des rapports sociaux de travail dégradés, une défiance importance envers la direction, une insécurité forte de la situation de travail, le tribunal n’a pas caractérisé l’existence d’un risque grave actuel justifiant la réalisation d’une nouvelle expertise et a donc encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

4°/ que selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; qu’en matière de risques psychosociaux, l’existence et la gravité du risque doivent être appréciées non seulement au regard des facteurs de risque et de la situation concrète des salariés, mais aussi des mesures mises en place par l’employeur pour prévenir ces risques ; qu’en l’espèce, la société DCNS exposait qu’elle avait mis en place deux organes de prévention spécifiques des risques psychosociaux, un observatoire local de prévention primaire et secondaire et une cellule de prévention tertiaire, mais aussi différentes mesures d’accompagnement à destination des salariés concernés par la réorganisation ; qu’elle soulignait à cet égard que les cinq salariés du service Direction Gestion de Site dont l’emploi devait être supprimé et qui avaient témoigné d’une « souffrance » avaient tous été reçus individuellement, à plusieurs reprises, par le Responsable des Ressources Humaines ou l’Espace Conseil Mobilités et avaient chacun reçu plusieurs offres de reclassement tenant compte des souhaits et contraintes personnelles qu’ils avaient exprimés ; que tous ces salariés, à l’exception d’un seul qui avait refusé neuf postes, avaient été reclassés ; qu’en refusant de rechercher si ces mesures de prévention n’étaient pas de nature à répondre aux risques psychosociaux et à exclure l’existence d’un risque grave, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu d’abord qu’ayant retenu que le CHSCT s’appuyait sur le regroupement d’éléments concordants caractérisant le risque grave invoqué concernant la situation des salariés concernés par le transfert d’activité et dont la situation ne pouvait se résumer à un simple stress lié à la réorganisation, que les problématiques des salariés devant être transférés et du risque psychosocial qui en résulte étaient caractérisées par les attestations des salariés ou échanges de courriels, que le risque psycho-social était mis en évidence également par des attestations plus générales émanant d’autres salariés et avait été souligné dans le rapport du cabinet missionné par l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le président du tribunal de grande instance a pu en déduire l’existence d’un risque grave au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

Attendu ensuite que le fait que la société soit dotée de deux organes de prévention spécifiques ne s’opposait pas à ce que le CHSCT décide de recourir à une expertise, dès lors que les conditions prévues à l’article L. 4614-12 du code du travail étaient réunies et que les mesures mises en oeuvre par l’entreprise lui apparaissaient insuffisantes ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DCNS aux dépens ;

Vu l’article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer la somme de 3 500 euros TTC à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy et rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société DCNS.

Il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR débouté la société DCNS de sa demande d’annulation des délibérations du CHSCT Tertiaire en date du 10 octobre 2016 votant le recours à l’expertise et désignant le cabinet SECAFI pour y procéder et d’AVOIR condamné la société DCNS à engager les opérations d’expertise dans le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision et ce, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé ce délai ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu qu’aux tenues des dispositions de l’article L 4614-12 du code du travail, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : 1° Lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans rétablissement ; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’Article L4612-8 ; Les conditions dans lesquelles l’expert est agréé par l’autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire ; Que conformément à l’article L4614-13 du code du travail les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur ; que l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise, saisit le juge judiciaire ; qu’il est statué en la forme des référés conformément aux dispositions des articles R 4614-19 et 4614-20 du code du travail ; Attendu que le CHSCT tertiaire de la SA DCNS, s’est réuni le 10 octobre 2016 avec l’ordre du jour suivant : « CHSCT à la demande des élus CGT concernant un mal être au travail des personnels de DCS en lien avec le transfert d’activité » ; Que la séance, ouverte à 9 h a été suspendue à 10 h et reprise à 10 h 15, le secrétaire du CHSCT soumettant lors de la reprise de la séance au vote 3 délibérations, la 1er concernant le recours l’expertise ; Que suite à la lecture de cette délibération, une seconde suspension de séance a eu lieu à la demande de la direction, à compter de 10 h 20 ; Que les débats ont repris à 10 h 45 et les délibérations proposées ont été adoptées par 4 votes pour et l’abstention ; que le CHSCT a pris fin à 11 H ; Attendu que contrairement à ce que soutient la SA DCNS, la décision du CHSCT a été précédée d’une discussion contradictoire, ainsi que le confirme la lecture du procès-verbal versé aux débats démontrant que des échanges argumentés ont eu lieu de chaque coté ; Que les membres du CHSCT ont échangé en 1er lieu sur la question à l’ordre du jour pour poursuivre en second lieu, après suspensions de séance, sur le vote de la demande d’expertise formulée en cours de séance ; Qu’il y a eu ainsi un véritable débat et il est sans incidence que le recours à l’expertise n’ait pas été inscrit à l’ordre du jour de la réunion du CHSCT ; Qu’il est en effet constant que le CHSCT a la faculté de désigner un expert sur les conséquences d’un projet mené par l’entreprise ou sur une situation relevant dit risque grave dès lors que ce projet, ou cette situation figurent à l’ordre du jour de la réunion du C.H.S.C.T. ; Que tel était le cas, le mal être au travail des personnels de DCS en lien avec le transfert d’activité constituant le point unique fixé à l’ordre du jour et l’expertise votée étant en lien direct avec cet ordre du jour ; Qu’en outre aucune disposition n’impose que le choix de l’expert et le type de mission devant lui être confiée soient fixés à l’ordre du jour de la réunion du CHSCT, sauf à imposer des conditions non prévues par les textes permettant le recours à l’expertise ; Que le CHSCT a le libre choix de l’expert, dès lors que celui-ci bénéficie de l’agrément ministériel pour être désigné en qualité d’expert CHSCT ; que le choix d’un cabinet d’expertise agréé ne peut donc pas cire remis en cause par l’employeur, même si il estime que le choix d’un autre expert aurait été plus opportun comme par exemple celui du cabinet ORSEU qui avait déjà connaissance du projet de transfert de l’activité ; Que s’agissant des modalités d’intervention, de sa durée, du coût de l’expertise, la SA DCNS ne petit: ignorer qu’ils font l’objet « d’une lettre de mission » ou d’une « proposition d’intervention » émanant du cabinet d’expertise choisi par le CHSCT, dont les termes sont discutés et peuvent être contestés ; Attendu que le recours à l’expertise a été voté sur le fondement du risque grave et il appartient au CHSCT dès lors que la désignation de l’expert est contestée, de justifier de l’existence de ce risque grave lequel doit exister au jour de sa décision ; Qu’en l’espèce le recours à l’expertise ne repose pas, comme le soutient la SA DCNS, ni sur l’affirmation d’un risque général, ni sur un simple ressenti, ni sur une simple inquiétude des salariés ; Que le CHSCT Tertiaire s’appuie sur le regroupement d’éléments concordants caractérisant le risque grave invoqué concernant la situation des salariés DCS concernés par le transfert d’activité et dont la situation ne peut se résumer à un simple stress lié à la réorganisation ; Que les problématiques des salariés devant être transférés et du risque psychosocial qui en résulte sont caractérisés par les attestations des salariés ou échanges de mail, émanant notamment de : – M O… exposant se sentir « comme un kleenex que l’on jette » dans un mail du 09/03/2016, – Mme K… ne « souhaitant pas se trouver sans bureau fixe » et précisant subir « ce contexte et que celui-ci est de plus en plus violent » (mail du 31/08/2016 à 17h03) et faisant état de crises d’angoisses et de problèmes de sommeil – des mails concernant la situation de M L… sur son « malt-être » le refus incompris par celui-ci du bénéfice du dispositif « vis ma vie », et de son attestation relatant ses difficultés quant à son positionnement professionnel et des conséquences sur sa santé (arrêt maladie / prise de médicaments / consultation d’un psy) – de l’attestation de M A… faisant état de ses inquiétudes sur le sort des personnels restants, sur les difficultés à faire confiance à une direction, sur un contexte pesant ; Que ce risque psycho-social mis en évidence également par des attestations plus générales émanant d’autres salariés (comment travailler sereinement ? A qui le tour demain ? J’ai peur pour mon avenir, inquiétude pour ceux qui partent et doivent trouver un nouveau poste, surcharge de travail pour ceux qui restent) avait été souligné dans le rapport du cabinet ORSEU missionné par l’ICCHSCT sur le fondement du projet important entre autres dans les points 3.5 (les risques socio-organisationnels et humains identifiés) /3.6.2 (l’incertitude sur l’avenir et les freins à la projection des salariés) /3.6.3 (dégradation de la qualité et des conditions de travail) ; Que le chapitre 6 de ce rapport (problématiques transverses spécifiques au site) identifie des facteurs psychosociaux de risque au travail et notamment des rapports sociaux du travail dégradés, une défiance importante envers la direction, une insécurité-forte de la situation de travail ; Que ces éléments permettent ainsi de caractériser de manière objective l’existence actuelle d’un risque grave pour les salariés impactés par le transfert d’activités et légitiment la mesure d’expertise votée par le CHSCT ; Que cette situation et ses conséquences sur les salariés ne sont pas nouvelles pour l’entreprise et le fait que la SA DCNS soit dotée de 2 organes de prévention spécifiques (Observatoire local de prévention primaire et secondaire et cellule de prévention tertiaire) ne s’oppose pas à ce que le CHSCT décide de recourir à une expertise, dès lors que les conditions prévues à l’article L 4614-12 du code du travail, sont réunies et que les mesures mises en oeuvre par l’entreprise lui apparaissent insuffisantes ; Que la SA DCNS sera donc déboutée de sa demande d’annulation de l’expertise votée par le CHSCT le 10 octobre 2016 et il lui sera enjoint de mettre en oeuvre l’expertise confiée à SECAFI ; Que l’équité justifie l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de le CHSCT Tertiaire à commence de la somme de 4.800 € » ;

1. ALORS QUE selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; que ce risque grave, qu’il appartient au CHSCT d’établir, doit résulter d’éléments objectifs et concrets ; que ce risque grave ne peut résulter d’éléments subjectifs tels que le ressenti des salariés, leur inquiétude ou le stress généré par un projet de réorganisation, en l’absence de toute traduction de ces sentiments dans des indicateurs objectifs ; qu’en se bornant à relever, en l’espèce, pour affirmer qu’un risque grave en lien avec le transfert d’activité de la Direction Gestion de Site était caractérisé, que « les problématiques des salariés devant être transférés et du risque psychosocial qui en résulte sont caractérisés par des attestations de salariés ou échanges d’emails émanant » de quatre salariés qui faisaient état du sentiment d’être « jeté comme un kleenex », d’un contexte vécu comme « de plus en plus violent », d’un « mal être » ou d’ « inquiétudes sur le sort des personnels restants », de « difficultés à faire confiance à une direction » et d’un « contexte pesant » et que ce risque psycho-social est mis en évidence par des attestations plus générales d’autres salariés formulant des inquiétudes pour leur avenir, pour les autres salariés et pour leurs conditions de travail futures, le tribunal, qui ne s’est appuyé sur aucun élément concret et précis matérialisant un risque psychosocial grave en lien avec la mise en oeuvre du projet de réorganisation, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

2. ALORS QUE selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; que ce risque grave, qu’il appartient au CHSCT d’établir, doit résulter d’éléments objectifs et concrets ; que ce risque grave ne peut résulter d’éléments subjectifs tels que le ressenti des salariés, leur inquiétude ou le stress généré par un projet de réorganisation, en l’absence de toute traduction de ces sentiments dans des indicateurs objectifs ; qu’en l’espèce, la société DCNS soulignait que le médecin du travail, interrogé par le secrétaire du CHSCT sur les risques psychosociaux du personnel du service « Direction de Gestion de Site », avait indiqué qu’il ne comptabilisait que 7 visites non programmées concernant 2 personnes du service DGS depuis le début de l’année, que les collaborateurs de ce service reçus en visite périodique au cours de l’année présentaient un niveau équivalent à celui des autres salariés de l’établissement sur l’échelle visuelle de stress au travail (4.86, contre 4.64) et que, s’agissant de la situation des personnes au sein de la Direction gestion de Site, s'« il y a eu une situation d’inquiétudes en 2015 au moment des premières annonces de restructuration de ce service et notamment des personnes se trouvant dans le périmètre direct de transferts d’activités », « sur l’année 2016, (

) nous n’avons pas mis en évidence de marqueurs collectifs concernant cette inquiétude mais (

) nous avons à gérer des cas individuels à l’origine des visites comptabilisées à la première question » et que « ces situations sont d’ailleurs identifiées par le SST qui les suit et les prend en charge » ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur cet élément objectif, qui était de nature à contredire ou relativiser le ressenti de quelques salariés et à écarter l’existence d’un risque grave, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

3. ALORS QUE selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; que la réalisation, à la demande du CHSCT, d’une expertise portant notamment sur les risques psychosociaux liés à un projet de réorganisation, lors de la présentation de ce projet, interdit au CHSCT de solliciter, sur le fondement d’un « risque grave », la réalisation d’une nouvelle expertise sur les risques psychosociaux en lien avec la mise en oeuvre de ce projet, sauf à ce qu’il justifie d’éléments nouveaux propres à caractériser un risque particulier, d’une certaine gravité, qui n’a pas déjà été analysé dans le cadre de la première expertise ; qu’en en l’espèce, il est constant que lors de la présentation du projet « accord global de performance » impliquant notamment le transfert d’une partie des activités des Directions Gestion de Site à un sous-traitant, l’instance de coordination des CHSCT avait fait appel à un expert, sur le fondement l’article L. 4614-12, 2° du code du travail, pour analyser notamment l’impact de ce transfert d’activités sur les conditions de travail du personnel restant ; que, dans le cadre de cette expertise, le cabinet Orfeu avait établi des rapports propres à chaque site et analysé, dans le rapport propre à l’établissement de Toulon, les risques psychosociaux liés au transfert d’activités de la Direction Gestion de Site vers la société DES et les mesures proposées par la Direction pour prévenir ces risques pour les salariés restants ; que l’expertise décidée par le CHSCT tertiaire de l’établissement de Toulon, moins d’un an après la présentation de ce rapport et quelques semaines seulement après le début du transfert d’activité de la Direction Gestion de Site de l’établissement, a également pour objet les risques psychosociaux liés à ce transfert d’activité ; qu’en relevant que le rapport Orfeu réalisé dans le cadre de la première expertise mettait en évidence un risque psychosocial en lien avec « l’incertitude sur l’avenir et les freins à la projection des salariés » et la « dégradation de la qualité et des conditions de travail » et identifiait des facteurs psychosociaux de risque au travail notamment des rapports sociaux de travail dégradés, une défiance importance envers la direction, une insécurité forte de la situation de travail, le tribunal n’a pas caractérisé l’existence d’un risque grave actuel justifiant la réalisation d’une nouvelle expertise et a donc encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail ;

4. ALORS QUE selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l’établissement ; qu’en matière de risques psychosociaux, l’existence et la gravité du risque doivent être appréciées non seulement au regard des facteurs de risque et de la situation concrète des salariés, mais aussi des mesures mises en place par l’employeur pour prévenir ces risques ; qu’en l’espèce, la société DCNS exposait qu’elle avait mis en place deux organes de prévention spécifiques des risques psychosociaux, un observatoire local de prévention primaire et secondaire et une cellule de prévention tertiaire, mais aussi différentes mesures d’accompagnement à destination des salariés concernés par la réorganisation ; qu’elle soulignait à cet égard que les cinq salariés du service Direction Gestion de Site dont l’emploi devait être supprimé et qui avaient témoigné d’une « souffrance » avaient tous été reçus individuellement, à plusieurs reprises, par le Responsable des Ressources Humaines ou l’Espace Conseil Mobilités et avaient chacun reçu plusieurs offres de reclassement tenant compte des souhaits et contraintes personnelles qu’ils avaient exprimés ; que tous ces salariés, à l’exception d’un seul qui avait refusé neuf postes, avaient été reclassés ; qu’en refusant de rechercher si ces mesures de prévention n’étaient pas de nature à répondre aux risques psychosociaux et à exclure l’existence d’un risque grave, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail.

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