Conseil d'État, 21 avril 1950, n° 92.080

  • Ville·
  • Concessionnaire·
  • Contrat de concession·
  • Héritier·
  • Ligne·
  • Exploitation·
  • Automobile·
  • Réseau de transport·
  • Contrats·
  • Réseau

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, 21 avr. 1950, n° 92.080
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 92.080

Texte intégral

21 avril 1950, n° 92.080, Consorts X

MM. Y, rapp. ; Barbet, c. du g. ; MMe de Ségogne et Z, av.

REQUÊTE des sieurs X (Stéphane), X (A), de la dame X (B C), de la demoiselle X (Géraldine), agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité

d’héritiers du sieur X (A), tendant à l’annulation d’un arrêté en date du 3 mai 1947, par lequel le Conseil de préfecture de Constantine a prononcé la résiliation du contrat de concession conclu entre la ville de Bône et le sieur X (A) pour l’exploitation d’un réseau de transports automobiles urbains en commun et n’a accordé au concessionnaire évincé qu’une indemnité de 500.000 francs :

Vu le décret du 20 juin 1939 ; la loi du 28 pluviôse an VIII ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 ;

CONSIDÉRANT que d’après les articles 22 et 23 du cahier des charges régissant le contrat de concession conclu le 27 septembre 1927 pour une durée de 30 années entre le sieur X

(A) et la ville de Bône pour l’exploitation d’un réseau de transports automobiles en commun dans cette ville, l’autorité concédante s’engageait à interdire d’une façon absolue

l’établissement de tout autre service de transports concurrent et à réserver au concessionnaire le privilège de la circulation et du stationnement des autobus sur les parcours compris dans le service concédé ; qu’il est constant que par deux conventions passées par la ville de Bône les 24 septembre et 27 décembre 1945 avec une entreprise concurrente, dénommée 'L’Algérienne automobile transports”, l’exploitation des lignes concédées au sieur X (A) a été, malgré l’opposition de celui-ci, transférée en totalité pour une durée de deux années à cette société ; que cette suspension du contrat de concession et l’éviction du sieur X (A) ont été ainsi prononcées unilatéralement par la ville de Bône malgré les stipulations contractuelles sus-rappelées ;

Cons., il est vrai, qu’il résulte de l’instruction que le sieur X (A), s’est trouvé au début de l’année 1945, dans l’incapacité d’assurer l’exécution du service sur l’ensemble des lignes du réseau, à l’exception de la ligne Hôtel-de-Vilie-Chapuis et que la ville de Bône avait dû pourvoir à son remplacement temporaire, en confiant l’exploitation de ces lignes à la société L’Algérienne automobile transports pour une durée de six mois à compter du 1er mai 1945, renouvelable par tacite reconduction de deux mois en deux mois ;

Mais cons. que la convention passée à cet effet par l’autorité concédante avec ladite société réservait formellement le droit du concessionnaire de notifier à la Ville de Bône son intention de reprendre l’exploitation du service, moyennant un préavis à présenter dans certains délais spécifiés par ladite convention ; que par une lettre adressée le 10 avril 1945 à la municipalité le sieur X (A) avait expressément accepté les dispositions de caractère provisoire prévues par cette convention et que de cette acceptation était résulté entre la ville de Bône et lui-même un accord par lequel la ville, tout en prenant les mesures nécessaires pour assurer la continuité du service public, garantissait le respect des droits du concessionnaire ; que dans ces conditions, et alors qu’aucun élément nouveau n’avait fait apparaître l’insuffisance de telles


mesures, dont l’application pouvait être prorogée jusqu reprise effective de son service par le concessionnaire, la ville de Bône, en évinçant d’office le sieur X (A) de sa concession dès la fin du mois de septembre 1915 et pour une durée de deux années, a méconnu les engagements souscrits à l’égard de ce dernier, à la suite de l’accord passé au mois d’avril 1945 ;

Cons. d’autre part, que la convention du 27 décembre 1945 qui a été conclue pour une durée de deux années avec “L’Algérienne automobile transports” et qui vise la ligne Hotel-de-Ville-Chapuis, dont le sieur Nuncte (A), avait conservé la charge, a dépossédé le concessionnaire de l’exploitation de cette ligne, contrairement aux clauses du contrat de concession et au moment où ledit concessionnaire qui avait été obligé d’interrompre temporairement son service, se trouvait en état de l’assurer à nouveau ; qu’ainsi la suspension du contrat de concession qui résulte des conventions passées par la ville de Bône avec une entreprise concurrente les 24 septembre et 27 décembre 1945, et qui a été suivie de mesures prises contre les sieur X (A) par le maire de Bône en vertu de ses pouvoirs de police est intervenue en violation dudit contrat et doit par suite, être réputée nulle ; que le sieur X (A) était donc fondé, quand il a présenté sa réclamation au Conseil de préfecture, å demander le rétablissement immédiat de ce contrat à son profit ;

Cons. que, le sieur X (A) étant décédé le […], le Conseil de préfecture de

Constantine a, par l’arrêté attaqué, non seulement rejeté la demande de réintégration dans la concession présentée par ses héritiers, qui avaient repris l’instance, mais encore prononcé la résiliation du contrat de concession à la date du décès du sieur X (A), motif pris de ce que ses héritiers ne pouvaient valablement prétendre succéder à leur auteur dans ladite concession ;

Cons. que d’après l’article 16 du contrat de concession, le sieur X (A avait “le droit de céder son entreprise à un particulier ou à une autre société présentant les mêmes garanties de solvabilité, à peine d’en aviser la municipalité trois mois avant la date de la cession” ; qu’une telle clause vise le cas de cession opérée par le concessionnaire, de son vivant, mais non celui du changement de concessionnaire résultant de la mort du titulaire de la concession ; qu’aucune disposition du contrat n’exigeait, en cas de décès du concessionnaire, une autorisation de la ville de Bône pour permettre à ses héritiers de continuer l’exploitation du réseau de transports automobiles en commun de cette ville ; que, si le droit des héritiers peut se trouver limité ou supprimé, en cette matière, par les interdictions ou les incapacités légales qui sont susceptibles de les atteindre, notamment en raison de leur nationalité étrangère, il résulte de l’instruction que l’administration a, par décision du 27 février 1947, fait bénéficier les sieurs X (Stéphane) et X (A) qui, comme tous les autres héritiers du sieur X, possèdent la nationalité américaine, d’autorisations valables à compter du 5 août 1946 pour exercer comme commerçants étrangers, la profession d’entrepreneurs de transports publics routiers ; que lesdits sieurs X (Stéphane) et X (A), sont, par suite, en situation régulière non seulement au regard du décret du 20 juin 1939 relatif à l’exercice par les étrangers d’une profession industrielle ou commerciale, mais encore au regard des textes particuliers à la matière des transports ; que c’est donc à tort que le Conseil de préfecture a estimé que les héritiers du sieur X (A) ou, du moins, certains d’entre eux n’étaient


pas juridiquement capables de recueillir le droit de leur auteur à la concession ;

Cons. que les requérants sont fondés à demander l’annulation de la résiliation prononcée par

l’arrêté attaqué et le rétablissement du contrat de concession au profit des héritiers du sieur X (A) qui bénéficient ou qui seront suscuptibles de bénéficier ultérieurement des autorisations exigées pour l’exercice de la profession d’entrepreneur de transports publics routiers par des étrangers

Cons. enfin que la responsabilité contractuelle de la ville de Bône est engagée l’égard des consorts X, qui ont droit à la réparation du préjudice qu’ils ont subi tant du fait de l’éviction injustifiée de leur auteur en 1945, pour une durée de deux années, que du fait de la résiliation prononcée à tort à leur encontre ; que, l’état du dossier de permettant pas de déterminer avec exactitude l’étendue de ce préjudice, il y a lieu de renvoyer les consorts X devant le conseil municipal de Bône pour être procédé à la liquidation du supplément d’indemnité qui pourrait leur être dû en sus de la somme de 500.000 francs que la ville de Bône a été condamnée à leur payer par l’article 2 de l’arrêté attaqué ; qu’il appartiendra à cet égard au

Conseil municipal : 1° de calculer le manque à gagner éprouvé à partir des dates où le sieur X (A) aurait été en état de reprendre effectivement l’exploitation des différentes lignes du réseau concédé, jusqu’à celle où les héritiers X ou certains d’entre eux seront remis en possession de la concession, en exécution de la présente décision du Conseil d’Etat ;

2° d’évaluer les autres éléments du préjudice que les consorts X D avoir subi et dont ils apporteront la justification précise ; …

(Décision en ce sens ; dépens à la charge de la ville de Bône)

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 21 avril 1950, n° 92.080