Conseil d'État, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 451816, Inédit au recueil Lebon

  • Candidat·
  • Inéligibilité·
  • Commission nationale·
  • Financement·
  • Election·
  • Conseiller municipal·
  • Compte·
  • Politique·
  • Campagne électorale·
  • Tribunaux administratifs

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, 4e chs, 30 déc. 2021, n° 451816
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 451816
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 22 mars 2021
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044806247
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:451816.20211230

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, sur le fondement de l’article L. 52-15 du code électoral, saisi le tribunal administratif de Montpellier de sa décision du 4 janvier 2021 rejetant le compte de campagne de M. E D, candidat tête de liste au premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Par un jugement n° 210064 du 23 mars 2021, le tribunal administratif, sur le fondement de l’article L. 118-3 du code électoral, a déclaré M. D inéligible pour une durée d’un an, l’a déclaré démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal et a proclamé élu au conseil municipal M. F B.

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. D demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de juger qu’il n’y a pas lieu de prononcer son inéligibilité ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code électoral ;

— la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

— la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E D a été candidat tête de liste au premier tour des élections qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Sa liste a obtenu plus de 1% des suffrages exprimés. Par une décision du 4 janvier 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D faute d’avoir été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et saisi le tribunal administratif de Montpellier de cette décision en application de l’article L. 52-15 du code électoral. M. D relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur cette saisine, l’a déclaré inéligible pour une durée d’un an, l’a déclaré démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal et a proclamé élu au conseil municipal M. F B, sur le fondement de l’article L. 118-3 du code électoral.

2. Aux termes de l’article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : « Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-14, le juge de l’élection peut prononcer l’inéligibilité du candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. () : Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l’élection peut prononcer l’inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. / Il prononce également l’inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. ». Aux termes de ce même article dans sa rédaction issue de cette loi : " Lorsqu’il relève une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l’élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : 1° Le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12 ; () ".

3. Aux termes du premier alinéa de l’article 15 de la loi du 2 décembre 2019 : « La présente loi, à l’exception de l’article 6, entre en vigueur le 30 juin 2020 ». Aux termes du XVI de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : « A l’exception de son article 6, les dispositions de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral ne sont pas applicables au second tour de scrutin régi par la présente loi ». Il résulte de ces dispositions que les dispositions de la loi du 2 décembre 2019 modifiant celles du code électoral, à l’exception de son article 6, ne sont pas applicables aux opérations électorales en vue de l’élection des conseillers municipaux et communautaires organisées les 15 mars et 28 juin 2020, y compris en ce qui concerne les comptes de campagne.

4. Toutefois, l’inéligibilité prévue par les dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral constitue une sanction ayant le caractère d’une punition. Il incombe, dès lors au juge de l’élection, lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à ce qu’un candidat dont le compte de campagne est rejeté soit déclaré inéligible et à ce que son élection soit annulée, de faire application, le cas échéant, d’une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date des faits litigieux et celle à laquelle il statue. Le législateur n’ayant pas entendu, par les dispositions citées au point 12, faire obstacle à ce principe, le juge doit faire application aux opérations électorales mentionnées à ce même point des dispositions de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019. En effet, cette loi nouvelle laisse désormais au juge, de façon générale, une simple faculté de déclarer inéligible un candidat en la limitant aux cas où il relève une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, alors que l’article L. 118-3 dans sa version antérieure, d’une part, prévoyait le prononcé de plein droit d’une inéligibilité lorsque le compte de campagne avait été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité et, d’autre part, n’imposait pas cette dernière condition pour que puisse être prononcée une inéligibilité lorsque le candidat n’avait pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrit par l’article L. 52-12 de ce même code.

5. Aux termes de l’article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à l’intervention de la loi du 2 décembre 2019 : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l’article L 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4 (). Le compte de campagne est présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés () ». Aux termes de l’article L. 52-15 du même code : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. () Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté (), la commission saisit le juge de l’élection () ». En vertu du 4° du XII de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020, la date limite pour déposer le compte de campagne a été fixée, par dérogation aux dispositions de l’article L. 52-12 du code électoral, au 10 juillet 2020 à 18 heures, pour les listes de candidats présentes au seul premier tour du 15 mars 2020.

6. En application des dispositions précitées de l’article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019, en dehors des cas de fraude, le juge de l’élection ne peut prononcer l’inéligibilité d’un candidat sur le fondement de ces dispositions que s’il constate un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l’ensemble des circonstances de l’espèce et d’apprécier s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s’il présente un caractère délibéré.

7. Il résulte de l’instruction que si le compte de campagne de M. D a été déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans les délais légaux, ce compte ne comportait pas le visa d’un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 52-15 du code électoral, ce qui a conduit au rejet de ce compte par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que ce compte avait été déposé hors délai, la circonstance que ce compte a été certifié par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés postérieurement à l’expiration du délai étant sans incidence à cet égard.

8. Il résulte toutefois de l’instruction que M. D a, postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, communiqué au tribunal administratif de Montpellier son compte de campagne visé par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés, sans que ce compte ne comporte d’irrégularités ni ne présente de différences notables avec celui qui avait été soumis préalablement à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Eu égard au faible montant des recettes et des dépenses du compte, qui s’établissent respectivement à 9 100 euros et à 6 627 euros, et, dans les circonstances de l’espèce, au caractère non délibéré du manquement en cause, celui-ci ne justifie pas, dans ces circonstances, que M. D soit déclaré inéligible en application des dispositions précitées de l’article L. 118-3 du code électoral.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l’a déclaré inéligible pour une durée d’un an et démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal de Villeneuve-lès-Maguelone et a proclamé M. B élu en qualité de conseiller municipal à sa place.

10. Il n’y a pas lieu, en tout état de cause, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D et tendant au versement, par l’Etat, de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Le jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu’il déclare M. E D inéligible et démissionnaire d’office et proclame élu au conseil municipal M. F B.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E D et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements publics.

Copie en sera adressée à M. F B et au ministre de l’intérieur.

Délibéré à l’issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d’Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

La secrétaire :

Signé : Mme C A

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 451816, Inédit au recueil Lebon