CEDH, Commission, FECAN c. la FRANCE, 13 octobre 1988, 12617/86
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission, 13 oct. 1988, n° 12617/86 |
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Numéro(s) : | 12617/86 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 31 octobre 1986 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-24156 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1988:1013DEC001261786 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 12617/86
présentée par Jean-Robert FECAN
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 13 octobre 1988 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
J.A. FROWEIN
S. TRECHSEL
F. ERMACORA
E. BUSUTTIL
A. WEITZEL
J.C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
J. CAMPINOS
Sir Basil HALL
MM. F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 31 octobre 1986 par Jean-Robert
FECAN contre la France et enregistrée le 17 décembre 1986 sous le No
de dossier 12617/86 ;
Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le
requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est un ressortissant français, né en 1940. Il
réside à Fontenay-sous-Bois et exerce la profession de journaliste.
Le 4 octobre 1977, le père du requérant est décédé à Amiens.
Il a laissé aux termes de deux testaments olographes datés
respectivement des 20 février 1970 et 5 mai 1977, deux légataires à
titre particulier et 5 héritiers, ses enfants, dont K, une de ses
filles, instituée légataire universelle. Ces testaments ont été
respectivement déposés en l'étude du notaire A les 20 et 27 octobre
1977. Par ailleurs, le 18 novembre 1977 un inventaire des biens du
défunt a été dressé par ce même notaire.
i. Les procédures civiles
Le 7 septembre 1978 le requérant et ses cohéritiers ont été
assignés par les légataires à titre particulier en délivrance des legs
fixés dans le testament du 20 février 1970. Le requérant a contesté
la validité de ce testament, du fait que celui-ci, d'une part, avait
été lacéré et recollé au moyen de bandes adhésives et, d'autre part,
était insuffisamment timbré. Les demandeurs ont toutefois produit un
témoignage certifiant que la lacération avait eu lieu accidentellement
après le décès du testataire, ce qui rendait au dit document toute sa
valeur.
Le 13 juillet 1979, K, légataire universelle aux termes du
testament du 5 mai 1977, a intenté contre ses cohéritiers une action
en licitation-partage de la succession devant le tribunal de grande
instance d'Amiens.
Le requérant a contesté la validité de ce testament alléguant
l'existence d'un troisième testament qui aurait annulé celui du 5 mai
1977. Il a, en outre, présenté une demande de jonction des deux
affaires, demande que le tribunal a rejetée le 20 janvier 1980.
Le 20 mai 1981, le tribunal a rendu ses jugements dans les
deux affaires, faisant droit aux demandes des légataires et de K.
Le 6 juillet 1981, le requérant a formé appel contre le
jugement rendu par le tribunal dans l'affaire concernant la délivrance
des legs. Il a en outre formé appel en date du 24 juillet 1981 contre
le jugement concernant l'action en licitation-partage de K.
Le 23 juin 1981 un administrateur judiciaire de la succession
a été désigné sur demande du requérant.
Par écritures des 17 février et 15 et 19 juin 1984, le
requérant a présenté dans le cadre de chacune des deux procédures en
appel une requête en inscription de faux. Il a, par ailleurs, demandé
le sursis à statuer jusqu'à l'issue des procédures pénales qu'il avait
engagées.
Par deux ordonnances datées du 4 juillet 1984, le conseiller
de mise en état a rejeté les demandes de sursis et a renvoyé
l'incident d'inscription de faux devant la cour d'appel. Par arrêts
du 5 juillet 1985, la cour d'appel d'Amiens a déclaré l'incident mal
fondé.
Par écritures des 24 juillet et 12 novembre 1984, le requérant
a demandé au conseiller de remise en état la constatation de certaines
anomalies concernant la location d'un coffre-fort par sa soeur F, dans
lequel auraient été transportés certains documents et actifs
successoraux. Par ordonnance du 9 janvier 1985, le conseiller a
débouté le requérant.
Le 20 décembre 1984 le requérant a soutenu que l'inventaire
des biens du défunt était incomplet et a demandé une vérification de
la succession de son grand-père. Cette demande a également été
rejetée par le conseiller de mise en état en date du 22 mai 1985.
Les 10 mai et 23 septembre 1985 le requérant a demandé le
versement au dossier de l'affaire de certaines pièces relatives à la
location du coffre-fort. Il a été fait droit à ses demandes par
ordonnance du conseiller de mise en état en date du 23 octobre 1985.
Les débats ont été clos le 20 octobre 1986. Le 1er décembre
1986 la cour d'appel a rendu ses deux arrêts confirmant les jugements
du tribunal de grande instance. Elle a par ailleurs estimé que "la
mauvaise foi (du requérant), multipliant les moyens et incidents de
procédure pour retarder la solution du procès" avait causé aux autres
parties un préjudice et l'a condamné à payer, d'une part, aux trois
cohéritiers 40.000 F de dommages-intérêts et 5.000 F de frais hors
dépens à chacun et, d'autre part, aux deux légataires 10.000 F. de
dommages-intérêts et 5.000 F de frais hors dépens.
Le requérant ne s'est pas pourvu en cassation.
ii. Les procédures pénales
En septembre 1980 le requérant a porté plainte avec
constitution de partie civile contre les légataires et le témoin qui
avait certifié que la lacération du testament litigieux avait eu lieu
après le décès du testataire. Le 2 novembre 1982, le juge
d'instruction du tribunal de grande instance d'Amiens a rendu une
ordonnance de non-lieu, confirmée par arrêts de la chambre de la cour
d'appel d'Amiens en date du 31 mai 1983 et de la Cour de cassation en
date du 4 décembre 1984.
A la suite d'une plainte contre X pour vol d'actifs
sucessoraux, le juge d'instruction du tribunal de grande instance
d'Amiens a rendu le 31 janvier 1983 une ordonnance de non-lieu,
confirmée par arrêts des chambres d'accusation de la cour d'appel
d'Amiens en date du 18 octobre 1983 et de la Cour de cassation en date
du 3 décembre 1985.
Une autre plainte contre X pour vol de documents a été classée
sans suite en 1980.
Le 5 décembre 1983, le requérant a porté plainte contre le notaire
A et autres pour faux et usage de faux. A la suite de cette plainte,
l'instruction contre les légataires et le témoin a été rouverte.
L'affaire a été close le 1er décembre 1987 par une ordonnance de
non-lieu du juge d'instruction du tribunal de grande instance
d'Amiens.
Dans le cadre d'une autre plainte portée par le requérant
contre sa soeur F., pour établissement de certificat faisant état de
faits inexacts au sujet des conditions de la mort de son père, le juge
d'instruction a rendu le 25 avril 1985 une ordonnance de renvoi devant
le tribunal de grande instance. L'accusée a été relaxée par jugement
de ce tribunal en date du 16 octobre 1985.
Le 12 juin 1984, le requérant a porté plainte contre X pour
homicide volontaire de son père. Une ordonnance de non-lieu a été
rendue sur cette affaire le 17 décembre 1987.
Le 28 janvier 1986 le requérant a porté plainte contre les
magistrats et les avocats impliqués dans ses affaires ainsi que contre
les autorités fiscales qui avaient refusé de poursuivre le notaire A
pour avoir insuffisamment timbré le testament. L'instruction de cette
plainte semble être toujours en cours.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint d'abord des décisions rendues par les
autorités judiciaires sur ses plaintes pénales. Il estime que ces
décisions portent atteinte à ses droits garantis par les articles 6,
13 et 5 de la Convention.
2. Le requérant se plaint en outre des décisions rendues dans le
cadre des litiges civils. Il allègue ne pas avoir bénéficié d'un
procès équitable et d'avoir été victime d'une ingérene injustifiée
dans l'exercice de son droit au respect de sa vie familiale. Il
invoque l'article 6 par. 1 et l'article 8 de la Convention.
3. Le requérant soutient enfin que sa cause n'a pas été entendue
dans un délai raisonnable et invoque l'article 6 par. 1 de la
Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint du refus des autorités compétentes de
donner suite à ses plaintes pénales et invoque les articles 5, 6 et 13
(Art. 5, 6, 13) de la Convention.
La Commission rappelle toutefois que parmi les droits garantis
par la Convention ne figure comme tel aucun droit de provoquer des
poursuites pénales contre des tiers (cf. par exemple No 7116/75, déc.
4.10.76, D.R. 7 p. 91).
Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible
ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de
l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint en outre des décisions rendues dans les
différentes procédures civiles relatives à la succession de son père.
Invoquant les articles 6 par. 1 et 8 (Art. 6-1, 8) de la Convention,
il soutient qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable et que ces
décisions portent atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.
Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur
le point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent
l'apparence d'une violation des dispositions des articles invoqués par
celui-ci. En effet aux termes de l'article 26 (Art. 26) de la
Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement
des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les
principes de droit international généralement reconnus".
En l'espèce, le requérant ne s'est pas pourvu devant la Cour
de cassation, alors qu'il lui était loisible de le faire, et n'a, par
conséquent, pas épuisé les voies de recours dont il disposait en droit
français.
Le requérant soutient, il est vrai, que vu l'attitude des
autorités judiciaires et fiscales compétentes, un pourvoi en cassation
ne saurait être considéré en l'espèce comme un recours efficace.
La Commission ne saurait, toutefois, suivre le requérant dans
son raisonnement. Elle estime en effet que la raison invoquée ne
saurait, en l'espèce, dispenser le requérant de l'obligation d'épuiser
les voies de recours. La Commission rappelle, par ailleurs, qu'un
simple doute quant aux chances de succès d'une voie de recours ne
constitue pas une circonstance spéciale de nature à relever le
requérant, selon les principes du droit international généralement
reconnus, de l'obligation d'épuiser ce recours (No 6861/75, déc. Comm.
14.7.75, D.R. 3 p. 147 ; No 5577-5583/72, Donnelly et al c/R.U., déc.
Comm. 15.12.79, D.R. 4 p. 4).
Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition
de l'épuisement des voies de recours et que sa requête doit, par
conséquent, être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (Art.
27-3) de la Convention.
3. Le requérant se plaint enfin de la durée des procédures
civiles concernant ses litiges avec ses cohéritiers et les légataires.
Il invoque l'article 6 par. 1 (Art. 6-1) de la Convention qui dispose :
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,
par un tribunal indépendant et impartial, établi par la
loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits
et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle."
La Commission observe d'abord que la procédure concernant
l'action en délivrance des legs successoraux a débuté le 7 septembre
1978 et a été close par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 1er
décembre 1986. Elle s'étend, dès lors, sur 8 ans, 2 mois et 23 jours.
La procédure concernant l'action en licitation-partage de la
succession débute le 13 juillet 1979 et prend fin par l'arrêt de la
cour d'appel d'Amiens du 1er décembre 1986. Elle s'étend, dès lors,
sur 7 ans, 4 mois et 17 jours.
La Commission rappelle que la question de savoir si une
procédure a excédé le délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1
(Art. 6-1) de la Convention, doit s'apprécier dans chaque cas d'espèce
suivant les circonstances de la cause (Cour eur. D.H., arrêt König du
28 juin 1978, série A no 27, p. 34 par. 99) et que les critères à
prendre en considération à cette fin, tels qu'ils ont été dégagés dans
la jurisprudence, sont essentiellement la complexité de l'affaire, la
manière dont elle a été traitée par les autorités judiciaires et la
conduite des parties.
En l'espèce, la Commission constate que l'affaire dont les
juridictions en cause étaient saisies présentait des éléments de
complexité certains et que la marche du procès a été sensiblement
ralentie par les multiples demandes et incidents provoqués par le
requérant. Elle remarque, en particulier, que le requérant a été
condamné à payer aux autres parties des procès des dommages-intérêts
pour le préjudice qu'il leur avait causé par son comportement
obstructif.
Prenant ces divers éléments en considération, la Commission
estime que la complexité des questions posées ainsi que la conduite
tenue par le requérant au cours des procédures justifient la durée de
celles-ci.
Il s'ensuit qu'aucune atteinte à l'article 6 par. 1 (Art. 6-1)
ne peut être décelée sur le point concerné.
Cette partie de la requête est par conséquent manifestement
mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (Art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président
de la Commission de la Commission
(H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)