CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE ELDEN c. TURQUIE, 9 décembre 2004, 40985/98

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 9 déc. 2004, n° 40985/98
Numéro(s) : 40985/98
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Çiraklar c. Turquie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VII, p. 3074, §§ 44-45
Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, p. 1568, § 58 et § 72 in fine
Ceylan c. Turquie [GC], no 23556/94, § 38, CEDH 1999-IV
Feridun Yazar c. Turquie, n° 42713/98, 23 septembre 2004
Gençel c. Turquie, no 53431/99, §§ 11-12 et 27, 23 octobre 2003
Gerger c. Turquie [GC], no 24919/94, § 50, 8 juillet 1999
Ibrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, §§ 41-42, 60 et 80, 10 octobre 2000
Karkin c. Turquie, n° 43928/98, § 39, 23 septembre 2003
Kizilyaprak c. Turquie, no 27528/95, § 43, 2 octobre 2003
Özdemir c. Turquie, n° 59659/00, §§ 35-36, 6 février 2003
Özel c. Turquie no 42739/98, §§ 20-21 et 33-34, 7 novembre 2002
Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 74, CEDH 1999-VI
Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 62, CEDH 1999-IV
Sürek c. Turquie (no 4) [GC], no 24762/94, § 58, 8 juillet 1999
Yagmurdereli c. Turquie, no 29590/96, § 40, 4 juin 2002
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 10 ; Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner l'art. 6-3-b ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens
Identifiant HUDOC : 001-67688
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2004:1209JUD004098598
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE ELDEN c. TURQUIE

(Requête no 40985/98)

ARRÊT

STRASBOURG

9 décembre 2004

DÉFINITIF

09/03/2005 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Elden c. Turquie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.B.M. Zupančič, président,
L. Caflisch,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
MmesA. Gyulumyan,
R. Jaeger, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 3 octobre 2002 et 18 novembre 2004,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 40985/98) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, Cemil Elden (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 18 mars 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me Levent Kanat, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent pour la procédure devant la Cour.

3.  Le 3 octobre 2002, la Cour a déclaré la requête recevable.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1955 et réside à Antalya.

5.  Le requérant, membre du HADEP (Parti de la démocratie du peuple) et candidat aux élections législatives de 1995, tint un discours en plein air à Ankara, lors de la manifestation du 1er septembre 1996, organisée à l’occasion de la journée mondiale de la paix. Dans son discours qu’il commença en kurde et poursuivit en turc, il s’exprima en tant que membre du parti HADEP.

6.  Selon la retranscription des cassettes enregistrées par la police lors de la réunion, le discours du requérant comportait les propos suivants :

«  Biji [ vive, en kurde], militants. Défenseurs de la démocratie et de la liberté, les tigres de la paix, je vous salue. Je vous salue, vous qui menez le combat pour un monde où des gens n’exploitent pas d’autres gens, et des pays n’en exploitent pas d’autres. (...) Aujourd’hui, ce jour si significatif, je voudrais parler de la paix et de la fraternité, et non pas de persécutions, d’exécutions sommaires, de villages détruits (...). Je ne voudrais pas non plus parler des Kurdes qui, arrachés du coeur de l’Anatolie, peinent pour pouvoir vivre dans les bas-fonds d’Istanbul et d’Izmir (...). Je ne voudrais pas davantage parler du pouvoir politique qui ne peut payer aux fonctionnaires et aux travailleurs le prix de leur travail. (...) Je ne veux pas parler des mères kurdes, de leurs pleurs. J’appelle toutes les personnes qui sont pour la paix et la fraternité à oeuvrer pour l’instauration de la démocratie en Turquie, avec tous ses institutions et organismes. Je sais bien que notre tâche est ardue. Nous entendons tous les jours que dans ce pays, ceux qui prononcent le mot « paix » sont déclarés traîtres à la patrie et les partisans de la guerre sont appelés patriotes. Les attentes [que les partisans de la guerre avaient] de cette sale guerre sont épuisées. [Ceux-ci] visent maintenant les montagnes et les terres du Kurdistan. Ils exploitent la mort des soldats et des policiers dont les dépouilles sont ramenées de là-bas, pour des fins politiques. Ils n’ont rien d’autre à faire. (...) Rétorquons-leur avec des chants de paix. N’oubliez pas, le rétablissement immédiat de la paix sauvera la vie de beaucoup des nôtres. C’est pour cette raison que j’appelle tout être humain à agir pour la démocratie et pour la paix. Tout de suite biji azadi [vive la liberté], biji la démocratie. Je vous salue tous respectueusement. »

7.  Par un acte du 27 septembre 1996, le procureur de la République (« le procureur ») près la cour de sûreté de l’État d’Ankara (« la cour de sûreté de l’État »), en vertu de l’article 312 § 2 du code pénal, inculpa le requérant parmi d’autres personnes, d’avoir « incité le peuple à la haine et à l’hostilité sur la base d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale, à une race et à une région », du fait de son discours du 1er septembre précédent.

8.  Dans son avis sur le fond, le procureur requit la condamnation du requérant en vertu de l’article 8 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 »), telle qu’amendé par la loi no 4126 du 27 octobre 1995, pour diffusion de propagande contre l’intégrité de l’État.

9.  Devant la cour de sûreté de l’État, le requérant contesta les accusations. Il fit valoir que son allocution portait sur le sujet de la paix et ne comportait aucune intention délictueuse.  

10.  Par un arrêt du 21 octobre 1997, la cour condamna le requérant à un an de prison ainsi qu’à une amende de 600 000 000 livres turques (TRL), conformément à l’article 8 de la loi de 1991. Dans son arrêt, la cour se référa au passage suivant du discours litigieux :

« Nous entendons tous les jours que dans ce pays, ceux qui prononcent le mot « paix » sont déclarés traîtres à la patrie et les partisans de la guerre sont appelés patriotes. Les attentes [que les partisans de la guerre avaient] de cette sale guerre sont épuisées. [Ceux-ci] visent maintenant les montagnes et les terres du Kurdistan. Ils exploitent la mort des soldats et des policiers dont les dépouilles sont ramenées de là-bas, pour des fins politiques. »

11.  Le 2 décembre 1997, le requérant se pourvut en cassation contre l’arrêt de la cour de sûreté de l’État. Dans les motifs de son pourvoi, il rappela qu’il était un homme politique de profession, et que critiquer le gouvernement était sa raison d’exister, en tant qu’homme politique. Il considéra que ce fait aurait dû être pris en considération dans l’évaluation des éléments subjectifs constitutifs du délit, à savoir l’intention de faire de la propagande contre l’intégrité de l’État.

12.  L’avis du procureur général près la Cour de cassation n’aurait pas été notifié au requérant.

13.  Le 11 février 1998, la Cour de cassation débouta le requérant de sa demande et confirma l’arrêt du 21 octobre 1997.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

14.  Le droit et la pratique internes pertinents en vigueur à l’époque des faits sont décrits dans les arrêts İbrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, §§ 41-42, 10 octobre 2000, Özel c. Turquie no 42739/98, §§ 20-21, 7 novembre 2002, et Gençel c. Turquie, no 53431/99, §§ 11-12, 23 octobre 2003.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

15.  Le requérant se plaint que sa condamnation au pénal a enfreint son droit à la liberté d’expression. Il invoque à cet égard l’article 10 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (...)

2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime (...) »

16.  La Cour note qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que la condamnation litigieuse constituait une ingérence dans le droit du requérant à la liberté d’expression, protégé par l’article 10 § 1. Il n’est pas davantage contesté que l’ingérence était prévue par la loi et poursuivait un but légitime, à savoir la protection de l’intégrité territoriale, au sens de l’article 10 § 2 (voir Yağmurdereli c. Turquie, no 29590/96, § 40, 4 juin 2002). La Cour souscrit à cette appréciation. En l’occurrence, le différend porte sur la question de savoir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ».

17.  La Cour a déjà traité d’affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 10  de la Convention (voir notamment Ceylan c. Turquie [GC], no 23556/94, § 38, CEDH 1999‑IV, Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 74, CEDH 1999‑VI, İbrahim Aksoy, précité, § 80, Karkın c. Turquie, no 43928/98, § 39, 23 septembre 2003, et Kızılyaprak c. Turquie, no 27528/95, § 43, 2 octobre 2003).

18.  La Cour a examiné la présente affaire à la lumière de sa jurisprudence et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.  La Cour a porté une attention particulière aux termes employés dans le discours politique et au contexte dans lequel il a été prononcé. A cet égard, elle a tenu compte des circonstances entourant le cas soumis à son examen, en particulier des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme (voir İbrahim Aksoy, précité, § 60, et Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV, p. 1568, § 58).

19.  Le discours litigieux consistait en une critique virulente de la politique du gouvernement à l’égard des populations d’origine kurde. 

20.  La Cour relève que la cour de sûreté de l’État a estimé que le discours litigieux contenait des termes visant à briser l’intégrité territoriale de l’État turc.

21.  La Cour a examiné les motifs figurant dans les décisions des juridictions internes qui ne sauraient être considérés en eux-mêmes comme suffisants pour justifier l’ingérence dans le droit du requérant à la liberté d’expression (voir, mutatis mutandis, Sürek c. Turquie (no 4) [GC], no 24762/94, § 58, 8 juillet 1999). Elle observe que le requérant s’exprimait en sa qualité d’homme politique, dans le cadre de son rôle d’acteur de la vie politique turque, n’incitant ni à l’usage de la violence ni à la résistance armée ni au soulèvement et qu’il ne s’agit pas d’un discours de haine, ce qui est aux yeux de la Cour l’élément essentiel à prendre en considération (voir, a contrario, Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 62, CEDH 1999‑IV, et Gerger c. Turquie [GC], no 24919/94, § 50, 8 juillet 1999).

22.  La Cour relève que la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence.

23.  En l’espèce, la condamnation du requérant s’avère disproportionnée aux buts visés et, dès lors, non « nécessaire dans une société démocratique ». Il y a donc eu violation de l’article 10 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

24.  Le requérant allègue que la cour de sûreté de l’État qui l’a jugé et condamné ne constitue pas un « tribunal indépendant et impartial » qui eût pu lui garantir un procès équitable en raison de la présence d’un juge militaire en son sein. Il dénonce également une violation de son droit à un procès équitable du fait de ne pas avoir été informé en temps utile de l’avis du procureur général près la Cour de cassation. 

Il y voit une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) de la Convention qui, en ses parties pertinentes, se lit ainsi :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)

3.  Tout accusé a droit notamment à :

(...)

b) diposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

(...) »

1.  Sur l’indépendance et l’impartialité de la cour de sûreté de l’État

25.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Özel, précité, §§ 33-34, et Özdemir c. Turquie, no 59659/00, §§ 35-36, 6 février 2003).

26.  La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Elle constate qu’il est compréhensible que le requérant, qui répondait devant une cour de sûreté de l’État d’infractions relatives à la « sécurité nationale », ait redouté de comparaître devant des juges parmi lesquels figurait un officier de carrière appartenant à la magistrature militaire. De ce fait, il pouvait légitimement craindre que la cour de sûreté de l’État se laissât indûment guider par des considérations étrangères à la nature de sa cause. Partant, on peut considérer qu’étaient objectivement justifiés les doutes nourris par le requérant quant à l’indépendance et à l’impartialité de cette juridiction (Incal, précité, § 72 in fine).

27.  La Cour conclut que, lorsqu’elle a jugé et condamné le requérant, la cour de sûreté de l’État n’était pas un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1.

2.  Sur l’équité de la procédure pénale

28.  Le Gouvernement conteste l’existence d’une violation.

29.  La Cour rappelle avoir déjà jugé dans des affaires similaires qu’un tribunal dont le manque d’indépendance et d’impartialité a été établi ne peut, en toute hypothèse, garantir un procès équitable aux personnes soumises à sa juridiction.

30.  Eu égard au constat de violation du droit du requérant à voir sa cause entendue par un tribunal indépendant et impartial auquel elle parvient, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner le présent grief (voir, entre autres, Çiraklar c. Turquie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VII, p. 3074, §§ 44-45).

III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

31.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

32.  Le requérant allègue avoir subi un préjudice matériel qu’il évalue à 20 000 euros (EUR). Cette somme se décomposerait comme suit : 18 300 EUR pour la perte de revenus professionnels et 1 700 EUR pour l’amende.

33.  Il réclame en outre la réparation d’un dommage moral qu’il évalue à 15 000 EUR.

34.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

35.  S’agissant de la perte de revenus alléguée, dans la mesure où le requérant a produit des éléments de preuve permettant de parvenir à une quantification du manque à gagner résultant de la violation de l’article 10, la Cour, statuant en équité, lui alloue 2 000 EUR sous ce chef.  

Par ailleurs, la Cour relève que l’amende infligée au requérant est la conséquence directe de la violation de l’article 10 de la Convention. Il y a donc lieu d’ordonner le remboursement intégral des sommes acquittées par le requérant. Elle constate que ce dernier a payé 1 700 EUR à ce titre et lui alloue ce montant.

36.  En ce qui concerne le dommage moral, la Cour estime que l’intéressé peut passer pour avoir éprouvé un certain désarroi de par les circonstances de l’espèce. A cet égard, elle relève que le requérant a été en détention effective pendant neuf mois. Statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour lui alloue 6 500 EUR au titre du dommage moral (comparer avec Feridun Yazar c. Turquie, no 42713/98, 23 septembre 2004).

37.  Lorsque la Cour conclut que la condamnation d’un requérant a été prononcée par un tribunal qui n’était pas indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1, elle estime qu’en principe le redressement le plus approprié serait de faire rejuger le requérant en temps utile par un tribunal indépendant et impartial (Gençel, précité, § 27).

B.  Frais et dépens

38.  Le requérant demande également 3 140 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour. A titre de justificatifs, il fournit un tarif d’honoraires minimums applicables publié par le barreau d’Ankara.

39.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

40.  Compte tenu des éléments en sa possession et de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime raisonnable la somme de 3 000 EUR, tous frais confondus, et l’accorde au requérant.

C.  Intérêts moratoires

41.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,

1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’État d’Ankara ;

3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner l’autre grief tiré de l’article 6 de la Convention ;

4.  Dit

a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement :

i.   3 700 EUR (trois mille sept cents euros) pour dommage matériel ;

ii.  6 500 EUR (six mille cinq cents euros) pour dommage moral ;

iii. 3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens ;

iv.  plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 décembre 2004 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent BergerBoštjan M. Zupančič
GreffierPrésident

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