CJCE, n° C-68/63, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Hartmut Luhleich contre Commission de la CEEA, 17 mars 1965

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 17 mars 1965, Luhleich / Commission, C-68/63
Numéro(s) : C-68/63
Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 17 mars 1965. # Hartmut Luhleich contre Commission de la CEEA. # Affaire 68-63.
Date de dépôt : 13 juin 1963
Solution : Recours en responsabilité : obtention, Recours de fonctionnaires : rejet sur le fond, Recours de fonctionnaires : rejet pour irrecevabilité, Recours de fonctionnaires : obtention
Identifiant CELEX : 61963CC0068
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1965:25
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Sur les parties

Texte intégral

Conclusions de l’avocat général M. Joseph Gand

du 17 mars 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

M. Hartmut Luhleich, docteur en sciences naturelles, diplômé en chimie, était depuis quatre ans assistant à l’université de Cologne lorsque, sur proposition du ministère fédéral de l’énergie atomique, il fut, après avoir pris contact avec le Dr Ritter, engagé à Ispra. Il entra effectivement en service le 1er novembre 1960 et fut rangé dans la catégorie A/6, 2e échelon. Vous savez quelle fut sa carrière. Affecté d’abord au service «chimie», il est muté en janvier 1961 au service «physico-chimie» sous l’autorité du chef de service intérimaire, M. Gillot, puis, à compter du 1er juillet 1961, de M. Marchetti. A la suite d’incidents sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir, il est retransféré à la section «chimie» par une décision qui lui est notifiée par écrit le 6 décembre 1961, mais dont son nouveau chef de service n’est informé qu’en février 1962. A partir de cette dernière date, il participe aux travaux d’un groupe mixte, dont M. Hannaert, chef de la section de chimie organique, assure la coordination, et qui concerne les constantes physiques des terphényles. Ces mutations successives peuvent laisser supposer que M. Luhleich n’avait pas trouvé à Ispra la situation répondant à ses aspirations; d’où de sa part un certain nombre de démarches auprès de ses supérieurs et surtout le 30 août 1962 une réclamation hiérarchique adressée à la Commission d’Euratom par l’intermédiaire de ses avocats. Il se plaint qu’aient été méconnues les promesses qui lui avaient été faites avant son engagement, que son classement à Ispra ne convienne pas «au chef d’un groupe indépendant» et ne corresponde pas à son expérience et à ses capacités. Ses perspectives de carrière se trouvent compromises du fait qu’il ne peut exercer normalement son activité en travaillant dans sa spécialité. Il demande une révision de sa situation et la réparation du traitement, jugé par lui vexatoire, auquel il a été soumis. Pour étudier cette réclamation, l’institution constitue une commission de trois membres qui établit le rapport connu sous le nom de «rapport Consolo», dont les conclusions qui vous ont été communiquées ne semblent avoir eu aucune suite sur le plan administratif.

A ce moment, la procédure préalable à l’intégration est déjà engagée et la rédaction du rapport sur les aptitudes entraîne de la part de M. Luhleich une autre réclamation du 25 octobre 1962. La discussion du cas du requérant donne lieu devant la commission d’intégration à des débats particulièrement étendus et à l’audition d’une dizaine de personnes: directeur général de la recherche, directeur et directeur-adjoint de l’établissement, chefs de départements ou de services. Le requérant est entendu pendant plus de trois heures. Finalement, la commission émet un avis défavorable à son intégration, à la suite duquel la Commission de la C.E.E.A. décide, le 20 mars 1963, de résilier le contrat de M. Luhleich qui prend fin le 13 juin 1963. Deux demandes tendant à obtenir le sursis à l’éxécution de cette décision sont rejetées respectivement par la Commission puis par le président de la Cour de justice.

C’est dans ces conditions que M. Luhleich vous saisit, le 13 juin 1963, d’un recours qui tend d’abord à l’annulation de la décision implicite rejetant sa réclamation administrative du 30 août 1962 et de la décision refusant son intégration. Il vous demande de dire qu’il doit être classé au grade A/3 ou au moins A/4 à compter du 1er janvier 1962. Son recours tend en outre à l’octroi, en raison des fautes commises par la Communauté dans la conclusion et l’exécution du contrat, de dommages-intérêts qu’il évalue à 3 millions de francs belges pour le dommage matériel et à 7 millions pour le dommage moral. Enfin, dans sa réplique, il demande la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 25.706 francs, représentant le coefficient correcteur pendant la période préstatutaire, qui a été retenue sur son indemnité de départ, et une somme de 1.698 DM à titre de remboursement de frais exposés personnellement par lui à Ispra.

L’instruction de son recours a été aussi longue et aussi minutieuse que celle concernant le cas de M. Prakash, puisque vous n’avez pas entendu moins de dix témoins, dont l’un à deux reprises. Ici encore, procédure écrite et procédure orale vous ont permis d’approfondir tous les aspects, parfois d’une extrême technicité, de cette affaire. Le fait enfin que l’argumentation de M. Luhleich est souvent calquée sur celle de M. Prakash nous permettra, tout en adoptant le même ordre dans nos conclusions, de passer plus rapidement sur certains moyens pour nous concentrer particulièrement sur ce que la situation du requérant a de spécifique.

Conclusions à fin d’annulation. Demande de dommages-intérêts et réclamations pécuniaires annexes, ce sont les deux points que nous examinerons successivement.

I — Refus d’intégration

A l’appui de ces conclusions, M. Luhleich invoque suivant le même ordre les trois moyens qui. ont été également soulevés par M. Prakash.

A —

En premier lieu, et pour les mêmes raisons, le droit à la stabilité de l’emploi, d’autant plus certain qu’il a été autorisé à déménager et à s’installer à Ispra, et qu’il a été engagé en raison de ses connaissances spéciales, ce qui démontre l’intention de la Commission de lui reconnaître un engagement durable.

Pour les raisons que nous avons déjà indiquées, vous ne pourrez que rejeter ce moyen en répondant à M. Luhleich qu’il ne peut se prévaloir d’une prétendue stabilité de son emploi tant qu’il n’a pas été titularisé.

B —

Violation des formes substantielles. — Sous ce terme, M. Luhleich regroupe des griefs de nature très diverses, tenant aussi bien à des vices de forme qu’au bien-fondé de la décision attaquée.

Ici encore, vous aurez d’abord à rejeter le grief tiré de la prétendue violation des articles 9 et 110 du statut qui ne sont d’aucune application en matière d’intégration ou de licenciement.

1) Quant à la procédure suivie, l’argumentation est sur beaucoup de points très proche de celle du recours 65-63.

a)

le dossier individuel du requérant a été tenu d’une façon irrégulière du fait que certaines pièces y font défaut, tel le rapport Consolo, que d’autres s’y trouvent qui ne devraient pas y figurer, que des copies de certaines lettres échangées au sujet de M. Luhleich y ont été versées sans qu’il en ait été informé, que certains documents n’y ont été joints que vingt-quatre heures avant son audition par la Commission. Les contestations soulevées de façon précise par l’intéressé ne nous ont pas paru convaincantes; en particulier, le rapport Consolo, établi sur une réclamation étrangère à l’intégration, n’avait pas, en principe, à figurer au dossier personnel; si l’administration a versé à celui-ci certains documents, tels que des échanges de notes internes, c’est parce qu’il devait en être fait état devant la Commission et pour que le requérant en fût informé avant son audition. Il n’est pas contesté enfin que M. Luhleich a eu connaissance du dossier complet; il n’y a donc pas eu sur ce point d’irrégularité entachant la procédure.

le rapport de stage a été établi tardivement et dans des conditions irrégulières. Alors que le requérant était entré en service le 1er novembre 1960, le formulaire ne fut rempli que le 16 mai 1962 ; il le fut par M. Laurent qui n’était son chef de service que depuis deux mois et sans que ses anciens supérieurs aient été appelés à fournir leur appréciation; il ne lui fut soumis pour visa qu’en septembre 1962, puis en janvier 1963. Si le stage, comme nous l’avons dit, n’a guère de justification, ni de conséquence juridique dans un régime de contrat, on peut regretter très vivement un retard qui, en l’espèce, apparaît comme excessif et injustifiable; il reste cependant sans influence sur la régularité de la procédure d’intégration, laquelle est en droit et a été en fait distincte de la procédure de fin de stage. En particulier, que M. Guéron ait porté sur le rapport de stage l’annotation suivante : «pas de modification dans le stade préstatutaire», n’a et ne peut avoir aucune conséquence quant à la décision sur l’intégration, laquelle est seule en cause ici.

le requérant relève, sans beaucoup y insister, que le rapport d’intégration a été établi par le Dr Ritter et M. Guéron, ce qui lui parait contraire à l’article 102, du fait qeu ces deux personnes n’étaient pas ses supérieurs hiérarchiques directs, mais l’article du statut auquel il se réfère n’emploie pas ce qualificatif. Par ailleurs, il conteste que ces deux hauts fonctionnaires aient été à même d’émettre une appréciation au sujet de ses capacités, de son expérience et de son travail; c’est là de sa part une affirmation purement gratuite.

b)

Peut-on d’autre part, comme le fait le requérant, reprocher aux opérations de la commission d’intégration, telles qu’elles se sont déroulées, de ne pas avoir eu un caractère contradictoire? Le procès-verbal qui consacre une quinzaine de pages au cas de M. Luhleich ne donne pas cette impression.

La commission n’a dispose d’aucun document qui n’ait été vu par l’agent dont elle examinait le cas; elle n’a pas eu notamment le «rapport Consolo» et si seul un de ses membres en a eu connaissance en une autre qualité, l’allégation injurieuse que ce membre en aurait profité pour «orienter son interrogatoire et par conséquence les réponses dans un sens voulu» n’est corroborée par aucun indice d’aucune sorte. Le requérant se réfère aux «extraits produits en annexe au mémoire en défense». Vous vous reporterez, Messieurs, à ces procès-verbaux et vous verrez qu’ils ne comportent rien de tel.

M. Luhleich se plaint de ne pas avoir été confronte devant la commission avec ses chefs de service et de ne pas avoir eu communication des procès-verbaux de leur audition, mais vous avez jugé que ni l’une ni l’autre de ces formalités n’est obligatoire en matière d’intégration. Si M. Hannaert a déposé une seconde fois après que le requérant ait présenté ses observations, il s’est borné à confirmer ses déclarations précédentes sans apporter de nouveaux éléments d’appréciation; le caractère contradictoire de la procédure n’a donc pas été violé. Si M. Luhleich soutient qu’il n’a pas été entendu au sujet des remarques faites par lui dans son visa annexé au rapport d’inté gration, cette allégation est démentie par le dossier. Le procès-verbal (page 14) s’exprime ainsi : «Il (M. Luhleich) confirme, en les commentant, ses observations écrites au rapport».

Enfin, le requérant n’hésite pas à incriminer l’objectivité de la commission : «le choix des personnes entendues était judicieusement arrêté, écrit-il (réplique page 33) ; seules des personnes dont l’on pouvait attendre une déposition défavorable eurent l’occasion d’être entendues, M. Gillot fut écarté». On relèvera simplement que si neuf supérieurs hiérarchiques de M. Luhleich ont tous émis sur son compte des appréciations sévères, ce nombre ne prédispose pas en sa faveur, et que M. Gillot, présent à ses côtés en qualité de conseil, avait toute faculté de communiquer à la commission son opinion favorable ainsi que tous éléments de nature à appuyer la position défendue par l’agent qu’il assistait.

Il faut en venir enfin à l’avis émis par la commission, auquel le requérant reproche son défaut de précision. Ici encore, il est bon de relire le texte de cet avis qui est ainsi rédigé :

«La commission considère que le comportement de l’intéressé, axé sur des prétentions réitérées à l’indépendance dans la hiérarchie et à l’autonomie dans la recherche, s’est traduit, dans les diverses occasions qui lui ont été données de mettre ses compétences au service de l’institution, par une inaptitude à se plier aux sujétions du service et a, ce faisant, gravement affecté le rendement que l’institution était en droit d’attendre de lui, quelles qu’aient été les difficultés inhérentes à la mise en place de l’établissement.»

2)

Ainsi la commission reproche essentiellement deux choses à M. Luhleich: sa prétention à l’indépendance dans la hiérarchie qui fait qu’il n’a jamais reconnu l’autorité de ses chefs directs, à l’exception de celle de M. Gillot, intérimaire — sa prétention à l’autonomie dans la recherche qui l’a empêché de se plier aux sujétions du service dans un établissement tel qu’Ispra, l’une et l’autre tendances ayant gravement affecté le rendement que l’institution était en droit d’attendre de lui et le rendant inapte à l’exercice des fonctions auxquelles il était affecté.

C’est ce jugement de valeur, porté sur la base du rapport d’intégration et plus encore des observations orales des chefs de service, que conteste le requérant. Mais, ici encore, il faut rappeler que, si vous devez vérifier qu’il n’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, vous n’avez pas, en droit, à substituer votre appréciation des mérites — ou des défauts — de M. Luhleich à celle qu’a portée la commission.

a)

Que M. Luhleich n’ait jamais voulu reconnaître d’autre autorité que celle du directeur de l’établissement, c’est un fait ou plutôt une appréciation qui nous paraît difficilement contestable au vu du dossier et des témoignages reçus tant devant la commission d’intégration qu’au cours de la procédure orale devant vous; et cette appréciation n’est appuyée sur aucune inexactitude matérielle. Il n’y a pas lieu de s’en étonner si l’on se souvient que le requérant a soutenu et rappelé notamment dans sa réclamation du 30 août 1962 qu’on lui avait promis de le rattacher directement à la direction de l’établissement, allégation que le Dr Ritter a formellement démentie tant devant la commission que devant vous, disant qu’il est «inimaginable d’attacher directement à la direction un petit groupe de chercheurs». Cette attitude a persisté tout au long de son séjour au centre commun de recherches. Sans reprendre l’exposé très complet fait par l’agent de la Commission dans sa plaidoirie, il suffira de noter quelques faits significatifs. Dès le début, il n’est pas contestable que M. Luhleich a refusé de se rendre en stage à Grenoble, comme le lui demandait M. Laurent, en raison à la fois de l’absence à l’époque de tout laboratoire équipé à Ispra et de l’intérêt pour lui de se familiariser avec des tâches nouvelles.

Mais son attitude s’est surtout manifestée à l’époque où M. Marchetti dirigeait le service de physico-chimie, et elle s’est traduite par la lettre collective du 29 août 1961 dont le requérant a dit devant la commission d’intégration qu’il «maintenait intégralement les termes qui y sont contenus». Les développements qui ont été consacrés devant vous à ce document nous dispenseront d’insister longuement sur ce point. Nous ferons simplement la remarque suivante: le requérant ne peut prétendre sérieusement qu’il ignorait à l’époque que M. Marchetti fût son chef de service (la lettre porte d’ailleurs que le destinataire ne paraît pas compétent pour diriger un groupe universitaire) — et c’est ce chef de service que ses collaborateurs invitent instamment à envisager pour lui-même d’autres «possibilités de travail». Il y a là incontestablement un refus de reconnaître l’autorité hiérarchique qui, même exprimé confidentiellement, est contraire aux principes régissant toute fonction publique. Peu importe que le fait d’avoir signé cette lettre n’ait pas empêché certains d’être intégrés, ou que le requérant n’ait pas été l’instigateur de la démarche, la lettre caractérise l’état d’esprit qui lui est reproché. Peu importe également que M. Marchetti — en quoi nous pensons qu’il a eu tort — n’ait pas réagi aussitôt, le fait relevé est la traduction extérieure d’une tendance qui devait conduire la direction de l’établissement à disperser ce qu’elle a appelé un «groupe de résistance».

Vous vous souvenez également de la déposition de M. Hannaert, qui fut le dernier chef de service du requérant et dont le Dr Ritter vous a dit qu’il avait des qualités de souplesse qui n’étaient pas le propre de M. Marchetti. «Le respect de la hiérarchie, dit le témoin, M. Luhleich n’en a jamais voulu, mais il n’a jamais admis l’autorité hiérarchique, ni comme chef du groupe mixte ni de la section à laquelle il a été rattaché».

Ce même reproche, vous le trouverez formule devant la commission d’intégration par le professeur Lindner et M. Mercereau, il a été repris devant vous par ce dernier. Même si cette attitude du requérant a pu être justifiée au début par «certaines équivoques», comme l’a dit un témoin, — ce que d’ailleurs conteste formellement l’institution défenderesse — il n’en reste pas moins que son attitude s’est maintenue ensuite, et qu’elle s’analyse incontestablement dans un refus de reconnaître la hiérarchie. Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de poursuivre la démonstration.

b)

La commission d’intégration a aussi reproché à M. Luhleich sa «tendance à l’autonomie dans la recherche». Et la requête voit dans cette appréciation, comme dans la précédente, «plutôt un compliment à l’égard d’un scientifique expérimental» qu’un grief. Réaction curieuse et significative qui paraît méconnaître la mission d’un établissement tel que le Centre d’Ispra, destiné à permettre la réalisation d’un programme en fonction des besoins de la Communauté. L’exécution de ce programme implique de la part des chercheurs certaines sujétions, à savoir que leurs travaux s’intègrent dans le cadre plus général fixé par les autorités de la Commission, qu’ils ne fassent pas d’abord ce qui les intéresse, mais ce qui est jugé nécessaire au programme ou au moins compatible avec lui. Que les supérieurs tiennent compte des aptitudes — et mêmes des désirs — de chaque chercheur pour fixer les tâches qui lui sont confiées, c’est à la fois la condition de l’efficacité du travail et de l’esprit de coopération à l’intérieur de l’établissement, mais cela n’implique pas que chacun puisse fixer librement son domaine de recherches, sa chasse gardée, au risque de créer des doubles emplois ou, au contraire, de compromettre par son abstention la réalisation du programme général. S’il est fait ainsi grief au requérant de sa volonté d’indépendance dans la recherche, ce n’est pas pour elle-même, c’est en raison des conséquences qu’on lui impute sur son rendement au regard du programme.

Ces remarques générales étant faites, nous entrons, Messieurs, dans un domaine extrêmement technique où le juge risque de se fourvoyer s’il prétend suivre sur leur terrain les scientifiques au lieu de rester sur son propre terrain, qui est celui du droit. La commission d’intégration, à qui le requérant reproche de ne pas être composée de spécialistes, a consacré aux questions de programme et de recherche autant de temps au moins qu’aux problèmes de discipline. Vous n’avez pas perdu non plus le souvenir des auditions de témoins auxquelles vous avez procédé, au cours desquelles des savants également qualifiés discutaient, sans pouvoir toujours se mettre d’accord, sur la nécessité ou l’inutilité d’un chromatographe, ou sur la question de savoir s’il y a du point de vue scientifique une différence essentielle entre la notion «d’analyse» et celle de «contrôle». Et nous avouons sans fausse honte que nous n’avons pas toujours saisi la portée de leurs observations.

Mais, nous ne nous lasserons pas de le répéter, ce n’est pas votre rôle de refaire le travail de la commission d’intégration; il vous appartient simplement de vérifier que l’appréciation qu’elle a portée, à la lecture du dossier, et plus encore sur la base des témoignages qu’elle a reçus, n’est pas fondée sur une erreur de fait. Son avis est conçu en termes généraux et ne fait mention d’aucun fait particulier; la lecture du procès-verbal montre cependant que divers chefs de service ont estimé soit que le requérant ne leur avait apporté aucun concours dans la période initiale (opinion de M. Laurent), soit que son expérience dans le domaine de la distillation fractionnée s’encadrait d’autant moins dans l’activité du groupe physico-chimie que M. Luhleich observait une attitude méfiante (opinion de M. Marchetti), soit, enfin, et cela concerne l’année 1962, qu’il a fait preuve de carence dans l’exécution des travaux qui lui étaient confiés pour la mesure des constantes physiques des terphényles, parce qu’il préférait poursuivre des travaux dans le domaine de la distillation; c’est à cette occasion qu’un chromatographe, confié à fin de tester la pureté des produits, aurait été détourné de ses fins et utilisé pour la mise au point de méthodes d’analyses déjà appliquées dans un laboratoire voisin (opinion de M. Hannaert). La carence du requérant sur ce dernier point aurait, d’après le directeur général de la recherche, contribué à mettre à la charge d’Euratom une dépense supplémentaire de 20.000 unités de compte, en rendant nécessaire la passation d’un contrat à l’extérieur.

Nous ne reprendrons pas tous ces points. Nous dirons simplement que le requérant, affecté à l’origine au service de chimie, s’est vu sans succès demander par M. Laurent des propositions de programme dans le cadre de cette section; il n’a donné aucune réponse. En revanche, il a participé à la même époque à l’élaboration de l'«Initial Work program» dans le cadre du service de physico-chimie, programme qui comportait d’ailleurs, dit l’institution défenderesse, plusieurs objets de recherche relevant du service de chimie, ce pour quoi les crédits nécessaires lui furent refusés. La correspondance qu’il a échangée à cette époque avec M. Laurent alors qu’il se trouvait en voyage plus ou moins régulier est significative de sa tendance à vouloir choisir lui-même sa mission. «Nos propositions, écrit-il le 9 janvier 1961, visant à trouver dans ce cadre (celui du service de chimie) un champ de travail, échouaient toujours par le fait ou bien que le poste en question était déjà pris ou bien qu’il n’était pas prévu d’effectuer dans le groupe de chimie le travail proposé par nous», et c’est la raison pour laquelle il entendait passer au groupe physico-chimie. Et huit jours plus tard il reprend : «Le programme que nous avons soumis au groupe physicochimie se conforme tout à fait à nos désirs et comprend un genre d’activités avec lequel nous aimerions démarrer à Ispra».

La même tendance se retrouve en 1962 lorsque le projet Orgel nécessite des données précises sur les constantes physiques des fluides organiques (terphényles) utilisés dans le réacteur comme réfrigérants et conducteurs de chaleur. Lors d’une réunion à Bruxelles, le 16 janvier, le nom de M. Luhleich est envisagé ainsi que celui de son collègue Kuhlboersch. Des directives sont données presque aussitôt par deux notes du 25 janvier: il faut mesurer cinq constantes physiques et mettre au point des méthodes pratiques de purification des fluides de certaines impuretés; des priorités sont fixées à une réunion du 28 février, et il est convenu qu’au premier stade du programme seules seront étudiées les propriétés d’un intérêt immédiat pour le projet. Un groupe mixte est constitué dont M. Hannaert assure la coordination et dont fait partie M. Luhleich. Il résulte des notes rédigées par le requérant lui-même, à la suite de divers entretiens, qu’il a mis une mauvaise volonté certaine à exécuter des travaux qui lui paraissaient de pure routine. Lorsqu’on insiste, sa réponse est : «je rétorque que nous projetons finalement d’autres travaux». Et lorsqu’on lui rappelle que les constantes ont priorité sur la distillation fractionnée qui est sa spécialité, il répond encore : «je déclare nettement que je continuerai mes propres travaux, car je n’étais pas venu à Euratom pour procéder à des mesures de routine avec un appareil déjà existant, mis au point par d’autres, et rien d’autre». Pour l’apaiser, M. Hannaert lui permet d’inclure dans son programme la détermination de la constante équilibre liquide-gaz qui n’était pas prioritaire pour le programme Orgel, mais qui l’intéressait, et qui figurait effectivement dans l'«Initial Work program» du 11 janvier 1961. Tout cela n’est pas contesté et vient à l’appui de l’appréciation portée par la commission.

En revanche, un fait a soulevé plus de controverses, c’est l’utilisation à des fins non conformes au programme d’un chromatographe. ce qui aurait conduit à faire exécuter à l’extérieur une partie du travail. La discussion de ce point auquel M. Luhleich ne consacrait pas dix lignes dans son recours a pris au stade de la procédure orale une telle ampleur qu’elle menace d’absorber toute l’affaire. Essayons d’y voir clair et de replacer l’incident dans le cadre général de l’activité du requérant.

Une note du 11 juillet 1962 de M. Hannaert adressée à M. Luhleich (et à lui seul) met à sa disposition pour une période indéterminée un chromatographe acheté à l’aide des crédits Orgel alloués à la section chimie organique pour le groupe s’occupant d’analyses organiques. Il est précisé que «comme convenu» cet appareil ne sera utilisé par M. Luhleich et son groupe que pour vérifier la pureté des polyphényles obtenus par distillation dont le requérant a pour tâche de mesurer les constantes physiques. L’appareil devait donc servir, dit la défenderesse, àcontrôler si, après distillation, les polyphényles étaient plus purs qu’avant, en d’autres termes si la méthode de distillation était efficace. Mais M. Luhleich, on le sait, s’intéresse essentiellement à la distillation fractionnée; on lui reproche d’avoir utilisé l’appareil pour la mise au point de méthodes d’analyse, ce qui était étranger au programme, et l’on se fonde pour cela sur les termes d’un rapport trimestriel no 3 du 12 octobre 1962 contenant cette phrase : «Un chromatographe en phase gazeuse à haute température ou aérographe destiné à l’analyse d’échantillons de polyphényles a été livré. Les expériences se poursuivent en vue de sélectionner le matériel à colonne le plus approprié».

Ce rapport qui concerne l’activité de trois ingénieurs responsables, Luhleich, Kuhlboersch et Van Almkerk, n’est signé cue des deux derniers, le requérant étant alors absent; il a été rédigé par M. Kuhlboersch. Celui-ci, lorsque vous l’avez entendu, a qualifié d’absurde cette phrase sur la sélection des matériels à colonnes qui se serait glissée par inadvertance dans le rapport; il estimait qu’il aurait fallu parler de «tentative pour mettre le chromatographe en mesure de fonctionner», étant donné qu’il résulte du rapport trimestriel suivant que l’enregistreur ne fonctionnait pas.

Quoi qu’il en soit de cette opinion, M. Van der Venne et M. Hannaert signalèrent au responsable du projet Orgel le rapport qui leur paraissait établir le détournement d’usage, et, le groupe mixte n’étant pas en mesure de remplir sa tâche, proposèrent pour 1963 la mise au point de nouvelles méthodes par contrat, solution à laquelle se rallia le directeur général de la recherche. Quelques mois plus tard, l’usage du chromatographe était retiré à Luhleich et à son groupe.

Vous vous rappelez les positions divergentes adoptées par les témoins sur la réalité ou l’absence de détournement d’usage du chromatographe, sur le point de savoir s’il était ou non en état de fonctionnement, sur les transformations qui lui auraient été ou non apportées pour l’adapter à un autre usage. Nous avouons pour notre part n’avoir pu acquérir une certitude sur tous ces points; il faut alors se replacer sur le terrain du droit. L’on se trouve devant un problème de preuve: l’inexactitude matérielle du fait sur lequel est fondé l’avis de la commission d’intégration n’est pas établie, cette constatation suffit à justifier l’avis émis par elle. Mais cela ne règle qu’une partie de la question. Le détournement peut-il être imputé à Luhleich, alors qu’il semble bien que matériellement l’appareil était utilisé par Van Almkerk, et que le rapport du 12 octobre 1962 n’a pas été signé par le requérant? On ne peut faire supporter au requérant la charge du fait incriminé que s’il avait la direction du groupe, sinon juridique, du moins effective ou morale. Car s’il y avait bien un groupe composé de ces trois ingénieurs, ainsi que cela résulte du rapport du 12 octobre, aucune décision formelle de ses supérieurs ne paraît lui en avoir jamais confié la direction. Mais qu’il en ait été le chef effectif ne paraît pas douteux, à s’en tenir simplement aux notes qu’il a lui-même déposées et l’on notera d’ailleurs que la requête introductive est présentée au nom de M. Luhleich «chef de groupe au service chimie». Pendant toute l’année 1962, il apparaît seul dans les discussions avec les chefs de service sur les travaux relatifs aux constantes physiques des fluides organiques. En avril 1962, c’est lui seul qui présente la demande de budget, comme c’est lui qui, depuis longtemps, réclame qu’on mette à sa disposition un chromatographe. Surtout la note de M. Hannaert du 11 juillet 1962 fixant les conditions d’utilisation de l’appareil est adressée à M. Luhleich et à lui seul, même si elle vise avec lui son groupe. Il incombait donc au requérant de s’assurer que l’usage qui était fait du chromatographe était bien conforme aux instructions reçues, et il n’est pas vraisemblable que M. Van Almkerk ait pu transgresser ces instructions à son insu. Dès lors, ses supérieurs étaient fondés à lui faire supporter la responsabilité d’un fait dont il n’a pu établir l’inexactitude.

Nous ajouterons que si l’incident du chromatographe est révélateur, ce n’est pas toute l’affaire; il ne constitue qu’une manifestation de l’indépendance dans la recherche dont le requérant a fait preuve d’une façon générale. L’avis de la commission d’intégration ne nous paraît donc pas critiquable, et le grief qui lui est fait doit être écarté.

C —

Détournement de pouvoir. — Sous ce vocable, M. Luhleich reprend un certain nombre de faits déjà exposés par lui pour en tirer la conclusion que l’on a cherché intentionnellement et systématiquement à paralyser son activité scientifique de chercheur, soit en mettant obstacle à la réalisation des promesses qui lui avaient été faites de le placer directement sous l’autorité du directeur général, soit, en novembre 1961, en le mutant au service «chimie» au lieu de constituer avec les autres signataires de la lettre à M. Marchetti un groupe autonome soustrait à l’autorité de ce dernier, et en l’écartant ainsi de la réalisation du programme «fouling» auquel il avait collaboré, soit enfin — et il insiste sur ce point — en le privant systématiquement de crédits. D’une façon générale, la responsabilité de ces faits serait imputable à l’hostilité «inlassable» dont il aurait été l’objet de la part du directeur général de la recherche.

Mais, comme nous l’avons dit, les promesses qui auraient été faites au requérant ne sont nullement établies; la mutation dont il a été l’objet en novembre 1961 était justifiée par l’intérêt du service. Quant au manque de fonds dont il se plaint, la Commission répond qu’elle n’a pas à accorder des moyens financiers pour des recherches personnelles qui ne cadrent pas avec le programme, et elle conteste les allégations du requérant. Tout cela, à vrai dire, fait d’hypothèses, n’établit pas le détournement de pouvoir.

Quant au licenciement, il aurait été prononce pour éviter à la Commission de la C.E.E.A. de se prononcer sur sa réclamation administrative du 30 août 1962. Il en voit la preuve dans le fait que M. Gillot a été intégré bien que le rapport le concernant ait contenu des appréciations sensiblement plus négatives, mais cela indiquerait simplement que — contrairement à une allégation souvent rencontrée — la commission d’intégration n’a pas aveuglement entériné les rapports qui lui étaient soumis. Nous nous bornerons à répondre qu’on ne voit pas pourquoi les 9 membres de cette commission, responsables en définitive de son licenciement, auraient pris à son égard une position hostile.

Aucun des griefs invoqués ne nous paraît donc devoir conduire à l’annulation de la décision licenciant M. Luhleich.

Celui-ci, on le sait, avait présente le 30 août 1962 une réclamation hiérarchique qui tendait à son affectation à des fonctions de chef de service, à son reclassement, à l’octroi de moyens plus importants. Elle a donné lieu à l’établissement du rapport Consolo, mais, malgré l’établissement de ce rapport, la Commission de la C.E.E.A., d’accord, semble-t-il, avec le requérant, a laissé sa décision en suspens jusqu’à la fin de la procédure d’intégration. M. Luhleich joint à ses conclusions dirigées contre son licenciement des conclusions contre le refus implicite opposé à sa réclamation hiérarchique. On peut se demander si elles conservent un intérêt dans l’hypothèse où, comme nous vous l’avons proposé, vous rejetteriez le recours formé contre le licenciement. Ecarté définitivement d’Euratom, M. Luhleich ne peut se voir accorder les avantages de service qu’il réclamait. En outre, si les griefs invoqués dans la réclamation sont repris çà et là dans la requête à l’appui de la critique dirigée contre le refus d’intégration, les conclusions tendant à l’annulation du refus implicite opposé à la réclamation ne sont étayées directement par aucune argumentation. Nous ne pouvons donc que vous proposer de les rejeter.

II — Demande de dommages-intérêts

Le requérant vous a saisis d’une demande de dommages-intérêts, dont il fixe le montant à 3.000.000 de FB pour le préjudice matériel subi par lui et 7.000.000 de FB pour le préjudice moral.

Dans la mesure où ces conclusions sont présentées, «quel que soit le sort de la demande en réformation», elles se heurtent — si vous rejetez les conclusions dirigées contre le refus d’intégration — à la jurisprudence Plaumann et Leroy.

Mais le requérant se fonde aussi sur les fautes qu’aurait commises la Commission dans la conclusion, l’exécution, la résiliation du contrat, et même après cette résiliation.

Disons tout de suite que son argumentation ne nous paraît pas fondée.

Sur le premier point, c’est une pure affirmation sans preuve de dire que le requérant a pu croire que son contrat, malgré la clause de résiliation qu’il comportait, lui assurait la stabilité de l’emploi et qu’il deviendrait fonctionnaire automatiquement lors de la mise en vigueur du statut.

Sur le second point, M. Luhleich invoque la désorganisation du centre d’Ispra qui a gravement affecté son activité scientifique, ainsi que les modifications dans les programmes. Mais les mesures d’organisation du service ne peuvent ni être critiquées, ni ouvrir droit à réparation tant qu’elles ne portent pas atteinte aux droits que les agents tiennent de leur statut ou des règles qui les régissent. Il se plaint de la discrimination qui aurait frappé les agents de nationalité allemande du point de vue de la fixation du traitement; un accord avec la République fédérale aurait interdit de leur donner une rémunération dépassant de plus de 20 % celle dont ils bénéficiaient dans leur pays. Euratom conteste, bien entendu, formellement l’existence de tels accords, et répond que M. Luhleich percevait à Ispra une rémunération supérieure de 55 % à son traitement antérieur.

Quant à la résiliation du contrat, si elle lui a été notifiée par le directeur général de l’administration et non par l’autorité investie du pouvoir de nomination, c’est que ce fonctionnaire avait reçu délégation à cet effet. D’autre part, ainsi que nous l’avons déjà dit, le comité du personnel n’avait pas à intervenir dans cette résiliation. Si la Commission tenait de l’article 102 le droit de titulariser le requérant dans un grade inférieur, le fait de sa part de ne pas avoir usé de cette faculté ne peut constituer une faute. M. Luhleich critique en outre le délai de préavis qui lui paraît insuffisant. Sur ce point nous ne pouvons que nous référer à nos conclusions dans les affaires 19 et 65-63.

Enfin, le requérant soutient qu’ après l’entrée en vigueur de son congé, des attaques personnelles et injurieuses auraient été proférées contre lui, soit dans une conférence de presse, soit par lettre, soit par déclarations à un journaliste de la télévision allemande. Disons sans plus nous étendre que la consultation du dossier montre qu’il s’agit là de simples allégations ou de malentendus sur la portée de ces démarches administratives, lesquelles ne constituent à aucun degré des fautes.

Restent enfin deux demandes pécuniaires accessoires :

l’une a trait au remboursement de la somme de 25.706 FB retenue, à tort d’après lui, sur l’indemnité de départ. Cette somme représente le coefficient correcteur qu’il a perçu et auquel il aurait eu droit comme agent contractuel. Cette thèse paraît inexacte, l’octroi de ce coefficient résultant de l’article 64 du statut et ne bénéficiant qu’aux agents titulaires. Si M. Luhleich l’a perçue, il était prévenu que cette avance ne préjugeait pas le résultat de l’intégration et était susceptible d’être récupérée. C’est ce qui s’est produit.

l’autre demande visait l’allocation d’une somme de 1.698 D.M. à titre de remboursement des frais exposés personnellement par le requérant durant son activité à Ispra.

Il résulte des explications de l’agent de la Commission à l’audience que ces sommes avaient été consacrées à l’achat de matériel et que leur rembouresement avait été opéré en nature par abandon à M. Luhleich du matériel. Les conclusions sur ce point, si nous avons bien compris la réponse de l’avocat du requérant, doivent être considérées comme abandonnées.

En définitive, nous concluons

au rejet du recours 68-63

et à ce que chaque partie supporte ses propres dépens dans les conditions prévues à l’article 70 du règlement de procédure.

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CJCE, n° C-68/63, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Hartmut Luhleich contre Commission de la CEEA, 17 mars 1965