CJCE, n° C-206/88, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Procédures pénales contre G. Vessoso et G. Zanetti, 13 décembre 1989

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 13 déc. 1989, Vessoso et Zanetti, C-206/88
Numéro(s) : C-206/88
Conclusions jointes de l'Avocat général Jacobs présentées le 13 décembre 1989. # Procédures pénales contre G. Vessoso et G. Zanetti. # Demandes de décision préjudicielle: Prétura di Asti - Italie. # Affaires jointes C-206/88 et C-207/88. # Procédure pénale contre E. Zanetti e.a. # Demande de décision préjudicielle: Prétura di San Vito al Tagliamento - Italie. # Rapprochement des législations - Déchets - Notion - Autorisation et surveillance de l'élimination des déchets. # Affaire C-359/88.
Date de dépôt : 28 juillet 1988
Précédents jurisprudentiels : 2. Dans les affaires C-206/88 et C-207/88
88 et C-207/88 et à la première question soumise à la Cour dans l ' affaire C-359/88
88 et C-207/88, par la Pretura di Asti et, dans l ' affaire C-359/88
88 et C-207/88. - Procédure pénale contre E. Zanetti e.a.
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61988CC0206
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:644
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61988C0206

Conclusions jointes de l’Avocat général Jacobs présentées le 13 décembre 1989. – Procédures pénales contre G. Vessoso et G. Zanetti. – Demandes de décision préjudicielle: Prétura di Asti – Italie. – Affaires jointes C-206/88 et C-207/88. – Procédure pénale contre E. Zanetti e.a. – Demande de décision préjudicielle: Prétura di San Vito al Tagliamento – Italie. – Rapprochement des législations – Déchets – Notion – Autorisation et surveillance de l’élimination des déchets. – Affaire C-359/88.


Recueil de jurisprudence 1990 page I-01461


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Ces affaires sont soumises à la Cour par la voie de demandes de décisions à titre préjudiciel formées, dans les affaires jointes C-206/88 et C-207/88, par la Pretura di Asti et, dans l’ affaire C-359/88, par la Pretura di San Vito al Tagliamento . Elles concernent chacune l’ interprétation des directives 75/442/CEE, relative aux déchets ( JO L 194, p . 39 ), et 78/319/CEE, relative aux déchets toxiques et dangereux ( JO 1978 L 84, p . 43 ), ainsi que l’ effet de ces directives sur des poursuites pénales entamées devant des juridictions nationales . Eu égard à la similitude des questions soulevées, nous pouvons examiner les trois affaires ensemble dans les mêmes conclusions .

Les faits

2 . Dans les affaires C-206/88 et C-207/88, les prévenus sont accusés d’ avoir enfreint l’ article 25 du décret présidentiel n° 915 du 10 septembre 1982 ( ci-après « décret ») pour avoir éliminé des déchets urbains et spéciaux en procédant à leur ramassage, à leur transport et à leur stockage sans autorisation préalable . Les prévenus ont fait valoir pour leur défense qu’ ils ne ramassaient et ne stockaient pas des déchets, mais des matériaux divers de récupération susceptibles de réutilisation économique .

3 . Apparemment, la juridiction de renvoi a jugé de nombreux cas analogues dans le passé, constatant chaque fois la culpabilité des accusés . D’ autres juridictions, toutefois, avaient estimé que les matériaux de récupération susceptibles de réutilisation ne constituaient pas des déchets au sens du décret . La juridiction de renvoi déclare qu’ en 1987 la Cour de cassation a rendu un arrêt ( arrêt du 14 avril 1987, Perino ) confirmant la position de la juridiction de renvoi . Cette dernière estime néanmoins opportun de saisir la Cour, étant donné que le décret a été adopté pour mettre en oeuvre trois directives communautaires, y compris les deux directives susvisées . La question posée est identique dans les deux affaires et vise à savoir :

« si l’ article 1er de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, et l’ article 1er de la directive 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux, doivent être entendus en ce sens que la notion juridique de déchet doit englober également les choses dont le détenteur se défait, susceptibles néanmoins de réutilisation économique, et s’ ils doivent être entendus en ce sens que la notion de déchet postule une constatation de l’ existence de l’ 'animus dereliquendi’ chez le détenteur de la substance ou de l’ objet ».

4 . L’ affaire C-359/88 a pour origine le polissage des surfaces métalliques par galvanisation . Cette opération consiste à attaquer les parties oxydées avec un produit chimique de façon à pouvoir recouvrir les surfaces de zinc et s’ effectue en trempant le métal dans des concentrations d’ acide chlorhydrique . Au bout d’ un certain temps, l’ acide n’ est plus utilisable dans ce but et l’ usine s’ en débarrasse . Cette opération est plus onéreuse que l’ achat initial de l’ acide . L’ acide usagé peut toutefois être utilisé par des entreprises se livrant à la production de chlorure ferrique . L’ acide est extrêmement dangereux et est livré aux entreprises en question dans des récipients hermétiques .

5 . Les prévenus, qui sont tous établis dans la région de Frioul-Vénétie Julienne, se livrent au transport d’ acide usagé de cette dernière région vers d’ autres régions d’ Italie . Ils sont poursuivis pénalement, de nouveau en vertu du décret, pour avoir procédé à ces transports sans l’ autorisation de l’ administration régionale de Frioul-Vénétie Julienne .

6 . Au cours de la procédure devant le juge national, il est apparu qu’ un des prévenus détenait une autorisation qui lui avait été délivrée par l’ administration provinciale de Lucca et que l’ administration régionale de Frioul-Vénétie Julienne estimait qu’ aucune autorisation n’ était requise dans ces circonstances . La juridiction nationale se demandait également si les bains d’ acide pouvaient être considérés comme des déchets au sens du décret .

7 . Elle a en conséquence saisi la Cour des questions suivantes :

« Le législateur italien a-t-il adopté, dans l’ article 2, alinéa premier, du décret du président de la République 915 de 1982, une définition de la notion de déchet conforme aux directives 75/442 et 78/319?

Le législateur italien, lorsqu’ il distingue les obligations d’ autorisation pour les seules phases d’ élimination des déchets toxiques et dangereux tandis que ( article 16 du décret du président de la République 915/82 ) il ne prévoit pas d’ autorisations particulières pour les opérations similaires en matière de déchets spéciaux, a-t-il respecté l’ article 10 de la directive 75/442?

Le législateur italien, en prévoyant des autorisations régionales particulières en matière de transport de déchets, a-t-il respecté le texte de l’ article 5 de la directive précitée, dans la mesure où les autorités chargées de les délivrer semblent limitées à une 'zone déterminée’ ?"

8 . On constate donc que la première question est en substance identique à celle posée dans les affaires C-206/88 et C-207/88, mais que les deuxième et troisième questions soulèvent des problèmes différents . On ne saurait, dans une procédure au titre de l’ article 177 du traité, répondre directement à ces questions telles qu’ elles sont formulées, étant donné qu’ elles requièrent une appréciation de la compatibilité de dispositions pertinentes de la législation italienne avec les deux directives en cause . Il s’ agit là d’ une question qui relève de la compétence exclusive de la juridiction de renvoi . La Cour est néanmoins libre d’ extraire des questions qui lui sont soumises les éléments relatifs à

l’ interprétation du droit communautaire afin de permettre à la juridiction de renvoi de résoudre les problèmes auxquels elle se trouve confrontée .

La législation nationale

9 . Aux termes de l’ article 2, premier alinéa, du décret, on entend par déchet « toute substance ou tout objet provenant d’ activités humaines ou de cycles naturels, abandonné ou destiné à l’ abandon ». Relevons au passage que l’ article 1er du décret, qui concerne les « principes généraux », parle de la réutilisation et du recyclage de déchets au sens de l’ article 2, impliquant ainsi qu’ une substance ne cesse pas d’ être un déchet au sens du décret simplement parce qu’ elle peut être traitée de cette façon .

10 . En vertu de l’ article 2, deuxième alinéa, du décret, les déchets sont classés en trois catégories :

a ) les déchets urbains, c’ est-à-dire essentiellement les déchets encombrants et les déchets déposés sur des terrains publics;

b ) les déchets spéciaux, c’ est-à-dire les résidus industriels et les déchets provenant d’ activités agricoles et commerciales;

c)les déchets toxiques et dangereux, c’ est-à-dire les déchets contenant des substances énumérées dans une annexe au décret .

Il est unanimement admis dans l’ affaire C-359/88 que, si tant est que l’ acide chlorhydrique usagé en question constitue un déchet, il fait alors partie des déchets spéciaux au sens du décret .

11 . L’ article 16 du décret prévoit que chaque phase de l’ élimination des déchets toxiques et dangereux doit être autorisée et cite expressément le ramassage et le transport de déchets de ce type comme deux des phases pour lesquelles une autorisation est requise . La défense dans l’ affaire 359/88 soutient que, puisqu’ il n’ existe pas de disposition analogue pour les déchets spéciaux, le transport de ces derniers ne requiert pas d’ autorisation .

12 . Selon la thèse opposée, en vertu des articles 6, sous d ), et 25 du décret, l’ élimination ( et, par conséquent, le transport ) de déchets spéciaux est toujours soumise à autorisation lorsqu’ il s’ agit de déchets produits par des tiers . L’ article 25 du décret prévoit des sanctions pénales à charge des responsables d’ entreprises qui effectuent l’ élimination de déchets urbains et spéciaux produits par des tiers sans avoir obtenu l’ autorisation visée à l’ article 6, sous d ). Cette dernière disposition attribue compétence aux régions pour délivrer aux entreprises l’ autorisation d’ effectuer l’ élimination des déchets urbains et spéciaux produits par des tiers .

Les directives

13 . Ainsi qu’ il ressort de leurs préambules, les objectifs essentiels des directives 75/442 et 78/319 sont au nombre de deux . Premièrement, elles sont destinées à harmoniser les dispositions nationales en matière de déchets afin d’ éviter que des disparités entre ces dispositions ne faussent la concurrence et ne créent des entraves aux échanges entre les États membres . En second lieu, elles sont destinées à protéger la santé de l’ homme et l’ environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets . Ces objectifs devraient être atteints par des moyens incluant l’ établissement d’ un régime d’ autorisation pour les entreprises qui assurent l’ élimination des déchets et la surveillance par les autorités publiques des opérations de production et d’ élimination des déchets .

14 . L’ article 1er, sous a ), de chacune des directives prévoit qu’ on entend par « ' déchet’ : toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou a l’ obligation de se défaire en vertu des dispositions nationales en vigueur ». L’ article 1er, sous b ), de la directive 78/319 poursuit en disant qu’ on entend par « déchet toxique et dangereux » tout déchet contenant des ou contaminé par les substances figurant à l’ annexe de la directive, dans la mesure où elles présentent un risque pour la santé ou l’ environnement .

15 . L’ article 5 de la directive 75/442 dispose que « les États membres établissent ou désignent la ou les autorités compétentes chargées, dans une zone déterminée, de planifier, d’ organiser, d’ autoriser et de superviser les opérations d’ élimination des déchets ».

16 . L’ article 8 de la directive 75/442 dispose que "… tout établissement ou toute entreprise qui assure le traitement, le stockage ou le dépôt de déchets pour le compte d’ autrui doit obtenir de l’ autorité compétente visée à l’ article 5 une autorisation concernant notamment :

— les types et les quantités de déchets à traiter,

— les prescriptions techniques générales,

— les précautions à prendre,

— les indications, à présenter à la demande de l’ autorité compétente, sur l’ origine, la destination et le traitement des déchets, ainsi que sur leurs types et leurs quantités ".

17 . L’ article 10 de la directive 75/442 dispose que : « Les entreprises qui assurent le transport, le ramassage, le stockage, le dépôt ou le traitement de leurs propres déchets, ainsi que celles qui ramassent ou transportent pour le compte d’ autrui des déchets, sont soumises à la surveillance de l’ autorité compétente visée à l’ article 5 . »

La jurisprudence de la Cour

18 . Ce n’ est pas la première fois que la Cour est amenée à examiner la législation communautaire sur les déchets . Dans les affaires jointes 372/85, 373/85 et 374/85, Ministère public/Traen et autres ( Rec . 1987, p . 2141 ), la Cour a observé que la directive 75/442 avait un large champ d’ application par l’ effet de la définition du terme « déchet » énoncée à l’ article 1er . Elle constatait toutefois que la directive faisait une distinction entre autorisation et surveillance, soulignant que l’ obligation d’ obtenir une autorisation prévue à l’ article 8 ne s’ appliquait qu’ aux entreprises qui éliminaient les déchets pour le compte d’ autrui . Les entreprises qui éliminaient leurs propres déchets n’ étaient soumises, conformément à l’ article 10, qu’ à la « surveillance de l’ autorité compétente visée à l’ article 5 ».

19 . Au sujet de l’ article 5, la Cour a relevé qu’ il ne mentionnait aucun critère restrictif concernant les autorités compétentes qui sont à établir ou à désigner par les États membres . En conséquence, ces derniers restaient libres dans leur choix de ces autorités . De même, le pouvoir discrétionnaire dont disposaient les États membres dans l’ organisation de la surveillance prévue à l’ article 10 n’ était restreint que par l’ exigence du respect des objectifs de la directive, à savoir la protection de la santé de l’ homme et de l’ environnement .

20 . La directive 75/442 est également en cause, avec trois autres directives, dans les affaires jointes 227/85 à 235/85, Commission/Belgique ( Rec . 1988, p . 1 ). En l’ occurrence, la Commission avait introduit des recours au titre de l’ article 171 du traité contre la Belgique pour inobservation d’ arrêts antérieurs de la Cour dans lesquels elle avait constaté que, en n’ adoptant pas dans les délais prescrits les dispositions nécessaires pour se conformer à un certain nombre de directives, la Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du traité . L’ un des arguments invoqués par la Belgique dans sa défense était que le retard apporté à l’ exécution des arrêts précités était imputable aux difficultés nées du transfert d’ une partie importante des compétences aux nouvelles institutions régionales . La Cour a observé ce qui suit :

« Il convient de rappeler, comme la Cour l’ a dit dans ses arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas ( 96/81 et 97/81, Rec . p . 1791 et 1819, respectivement ), que chaque État membre est libre de répartir, comme il le juge opportun, les compétences sur le plan interne et de mettre en oeuvre une directive au moyen de mesures prises par les autorités régionales ou locales . Cette répartition de compétences ne saurait cependant le dispenser de l’ obligation d’ assurer que les dispositions de la directive soient traduites fidèlement en droit interne » ( point 9 des motifs ).

Les questions posées

21 . Dans chacune des affaires examinées ici, le gouvernement italien et la Commission ont présenté des observations qui concordent dans une large mesure . Au sujet de l’ interprétation de la notion de « déchet » au sens des directives, la réponse aux questions soumises à la Cour dans les affaires C-206/88 et C-207/88 et à la première question soumise à la Cour dans l’ affaire C-359/88 doit être, selon nous, que la notion de « déchet » englobe toute chose susceptible de réutilisation et que l’ intention du détenteur est sans importance .

22 . Comme la Cour l’ a souligné dans l’ affaire Traen, la définition de la notion de déchet figurant dans la directive 75/442 couvre un large champ d’ application et la même chose est nécessairement vraie pour la définition équivalente contenue dans la directive 78/319 . Aucune des deux définitions ne donne à penser que l’ intention du détenteur est pertinente . Si elles le faisaient, ce serait, à notre avis, incompatible avec l’ objectif poursuivi par les directives, étant donné que la question de savoir si une substance ou un objet constitue une menace pour la santé de l’ homme ou pour l’ environnement est une question objective, et non pas subjective . Elle est étrangère à l’ intention de la personne qui se défait de la substance . Il n’ est pas possible non plus qu’ une telle menace varie suivant que le produit peut ou non être recyclé ou réutilisé . Personne ne conteste que le bain d’ acide usagé en cause dans l’ affaire C-359/88 est extrêmement dangereux, en dépit du fait que certaines entreprises peuvent l’ utiliser . En réalité, eu égard aux objectifs poursuivis par les directives, le Conseil avait toutes les raisons d’ exiger qu’ une substance de ce type soit soumise aux procédures de contrôle prévues dans les directives . En tout état de cause, les articles 1er, sous b ), et 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 75/442 ainsi que les articles 1er, sous c ), et 4 de la directive 78/319, lesquels parlent tous en termes divers de réutilisation ou de recyclage des « déchets », montrent clairement que le fait qu’ une substance ou un objet peuvent être traités de cette façon est indifférent pour la question de savoir si cette chose constitue avant tout un déchet au sens des directives .

23 . Nous estimons, en conséquence, qu’ une substance ou un objet peuvent constituer un déchet au sens des directives même s’ ils sont susceptibles de réutilisation et quels que soient l’ intention ou le but du détenteur qui s’ en défait . Mais nous pensons qu’ il est nécessaire, en l’ espèce, d’ ajouter une restriction à la réponse que nous avons apportée à la demande d’ interprétation .

24 . Il semble que l’ on soit parti du principe, dans la demande adressée par la juridiction nationale et dans les observations présentées devant la Cour, que le décret italien devait être interprété en accord avec les directives, d’ autant qu’ il s’ y réfère expressément . Dans d’ autres circonstances, cette présupposition serait certainement correcte . La Cour a dit pour droit qu’ en appliquant le droit national, et notamment les dispositions d’ une loi nationale spécialement introduite en vue d’ exécuter une directive, la juridiction nationale est tenue d’ interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive : voir l’ affaire 14/83, Von Colson et Kamann/Land Nordrhein-Westfalen ( Rec . 1984, p . 1891 ). Cette règle

d’ interprétation peut donc engendrer et rendre exécutoires dans des procès civils entre des particuliers certaines obligations qui ne résulteraient pas d’ une interprétation de la législation nationale envisagée isolément .

25 . Mais la règle en question doit, à notre avis, être assortie de réserves lorsqu’ il s’ agit de poursuites pénales, dès lors que cette façon d’ interpréter la législation nationale aurait pour effet de créer une responsabilité pénale dans des circonstances dans lesquelles une telle responsabilité ne découlerait pas de la législation nationale envisagée isolément . La raison de cette restriction est qu’ une interprétation extensive de la législation pénale serait contraire au principe fondamental de légalité ( nullum crimen, nulla poena sine lege ).

26 . Il est constant qu’ une directive ne peut pas avoir comme effet, par elle-même et indépendamment d’ une loi prise pour son application, de déterminer ou d’ aggraver la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions : voir l’ affaire 14/86, Pretore di Salò/X ( Rec . 1987, p . 2545 ), et l’ affaire 80/86, Kolpinghuis Nijmegen ( Rec . 1987, p . 3969 ). A notre avis, des principes analogues s’ appliquent lorsqu’ un État membre a introduit une loi en vue d’ exécuter une directive, mais que cette loi, tout en prévoyant la responsabilité pénale, ne spécifie pas clairement et sans ambiguïté toutes les circonstances qui déterminent la responsabilité en question . Nous ne pensons pas que les juridictions nationales sont tenues, sur le plan du droit communautaire, d’ interpréter leur droit national à la lumière du texte et de la finalité des directives lorsque cette obligation aurait comme effet de déterminer une responsabilité pénale qui n’ existerait pas autrement . Il appartient aux juridictions de renvoi d’ apprécier si la législation nationale en cause en l’ espèce peut être interprétée en accord avec les directives pertinentes, sans recourir à une interprétation extensive qui serait contraire au principe de légalité .

27 . En ce qui concerne la deuxième question posée dans l’ affaire C-359/88, la Cour a constaté, dans l’ arrêt Traen, que la directive 75/442 établissait une distinction entre les opérations qui exigeaient une autorisation préalable et celles qui étaient simplement soumises à une surveillance . La Cour a toutefois reconnu qu’ en mettant en oeuvre la directive les États membres étaient libres d’ imposer des autorisations dans certains cas pour lesquels la directive n’ exigeait que la surveillance .

28 . Le transport des déchets au sens de l’ article 1er de la directive n’ est pas repris à l’ article 8 parmi les opérations pour lesquelles les entreprises doivent obtenir une autorisation préalable . L’ article 10 de la directive exige que le transport de déchets pour le compte d’ autrui soit soumis à une surveillance, mais n’ exige pas une autorisation préalable . Il n’ y a aucune raison, à notre avis, de chercher un autre sens à ces dispositions . Toutefois, nous ne pensons pas que la directive empêche les États membres d’ exiger l’ obtention d’ autorisations pour le transport de certaines catégories de déchets s’ ils l’ estiment souhaitable .

29 . La troisième question posée par le Pretore dans l’ affaire C-359/88 demande des précisions sur la façon d’ interpréter les obligations imposées aux États membres par l’ article 5 de la directive 75/442 . Le Pretore estime pouvoir déduire des termes de cette disposition que la validité des autorisations délivrées par l’ autorité compétente doit être limitée à la zone de compétence de l’ autorité en question . En conséquence, dans le cadre des transports de déchets d’ une zone à l’ autre, il serait nécessaire d’ obtenir une autorisation séparée pour chaque zone traversée . En raison des difficultés pratiques qu’ un tel système occasionnerait, le Pretore estime que, selon l’ interprétation qu’ il conviendrait de lui donner, la directive exigerait que la responsabilité de la délivrance des autorisations en question soit confiée à des autorités à compétence nationale .

30 . A la lumière des développements qui précèdent, il ne sera peut-être pas nécessaire de répondre à la troisième question posée par le Pretore dans l’ affaire C-359/88 . Cependant, si une réponse doit être apportée, nous pensons que la Cour devrait suivre l’ approche qu’ elle a

adoptée à cet égard dans les arrêts Commission/Belgique et Traen . Nous souhaiterions toutefois ajouter, comme le suggère la Commission, qu’ un fractionnement à l’ excès des compétences pour l’ exécution des tâches énumérées à l’ article 5 de la directive peut compromettre la réalisation des objectifs poursuivis par la directive et n’ est donc pas admissible .

31 . Nous estimons, en conséquence, qu’ il convient de répondre comme suit aux questions posées dans les affaires jointes C-206/88 et C-207/88 et à la première question posée dans l’ affaire C-359/88 :

« L’ article 1er, sous a ), de la directive 75/442 du Conseil, du 15 juillet 1975, et l’ article 1er, sous a ), de la directive 78/319 du Conseil, du 20 mars 1978, doivent être entendus en ce sens qu’ une substance ou un objet peuvent constituer un déchet au sens des dispositions en question même s’ ils sont susceptibles de réutilisation et quels que soient l’ intention ou le but du détenteur qui s’ en défait .

Une juridiction d’ un État membre n’ est pas tenue d’ interpréter sa législation nationale à la lumière du texte et de la finalité d’ une directive lorsque cette obligation aurait pour effet de déterminer une responsabilité pénale dans des circonstances dans lesquelles une telle responsabilité n’ existerait pas autrement ."

32 . Nous suggérons d’ apporter la réponse suivante à la deuxième question posée dans l’ affaire C-359/88 :

« L’ article 10 de la directive 75/442 doit être entendu en ce sens que les États membres ne sont pas tenus de soumettre le transport pour le compte d’ autrui de déchets au sens de l’ article 1er, sous a ), à une autorisation préalable délivrée par l’ autorité compétente visée à l’ article 5 . La directive n’ empêche cependant pas les États membres d’ exiger une autorisation préalable dans de tels cas . »

33 . Nous proposons d’ apporter à la troisième question posée dans l’ affaire C-359/88, si cela est nécessaire, la réponse suivante :

« En établissant ou en désignant l’ autorité ou les autorités compétentes au sens de l’ article 5 de la directive 75/442, les États membres ne sont tenus que par la nécessité d’ assurer le respect des objectifs poursuivis par la directive, à savoir la protection de la santé de l’ homme et de l’ environnement . En conséquence, les États membres ne doivent pas fractionner les compétences pour l’ exécution des tâches énumérées à l’ article 5 au point de compromettre la réalisation des objectifs en question . »

(*) Langue originale : l’ anglais .

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