Cour nationale du droit d'asile, 15 décembre 2022, n° 22023476

  • Guinée·
  • Politique·
  • Convention de genève·
  • Afrique·
  • Pays·
  • Droit d'asile·
  • Protection·
  • Soutenir·
  • Séjour des étrangers·
  • Directeur général

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CNDA, 15 déc. 2022, n° 22023476
Numéro(s) : 22023476

Texte intégral

COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 22023476

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Z Y

___________

La Cour nationale du droit d’asile Mme X

Présidente

___________ (1ère section, 2ème chambre)

Audience du 8 septembre 2022 Lecture du 15 septembre 2022 ___________

Vu la procédure suivante :

Par un recours enregistré le 20 mai 2022, Mme Z Y, représentée par Me A B demande à la Cour d’annuler la décision du 21 février 2022 par laquelle le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d’asile et de lui reconnaître la qualité de réfugiée ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Mme Y, qui se déclare de nationalité guinéenne, soutient qu’elle E d’être exposée, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions ou à des atteintes graves, d’une part, par les autorités guinéennes, en raison de ses opinions politiques en faveur du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), et, d’autre part, par son ancien époux dont elle a divorcé, sans être en mesure de se prévaloir de la protection des autorités guinéennes, qu’elle E.

La procédure a été communiquée à l’OFPRA qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- la décision attaquée ;

- la décision du bureau d’aide juridictionnelle du 19 avril 2022 accordant à Mme Y le bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

- les autres pièces du dossier.

Vu la décision du président de la Cour portant désignation des présidents de formation de jugement habilités à statuer en application des articles L. 532-6 et L. 532-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.


n° 22023476

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Dubois, rapporteur ;

- les explications de Mme Y entendue en peul guinéen, assistée de M. Barry, interprète assermenté ;

- et les observations de Me A B.

Considérant ce qui suit :

Sur les faits et moyens invoqués par la requérante :

1. Mme Y, de nationalité guinéenne, née le […], soutient qu’elle E d’être exposée, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions au sens de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, d’une part, par les autorités guinéennes, en raison de ses opinions politiques en faveur du FNDC, et à des atteintes graves, au sens du 2° de l’article L 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’autre part, par son ancien époux dont elle a divorcé, sans être en mesure de se prévaloir de la protection des autorités guinéennes, qu’elle E. A l’appui de ces moyens, elle fait valoir qu’elle a créé, en 2018, l’association caritative Lanaya. En 2019, du fait de la notoriété qu’elle a acquise localement en lien avec ses activités associatives, le chef de son quartier lui a demandé de soutenir C D dans le cadre des élections présidentielles pour son troisième mandat, ce qu’elle a refusé après avoir demandé l’avis des membres de son association. Elle a, en revanche, choisi de soutenir le FNDC en finançant ce mouvement à hauteur de quatre millions de francs guinéens sur ses fonds personnels, et en mettant son véhicule à la disposition des militants. Le 14 novembre 2019, elle a manifesté avec le FNDC pour protester contre le troisième mandat d’C D, mais elle a été arrêtée au cours de cette manifestation et conduite au commissariat de Cosa. Elle a été interrogée et détenue durant vingt jours, sans que son mari, lieutenant dans l’armée guinéenne, ne cherche à la soutenir ni à intervenir en sa faveur. Elle a été libérée grâce à l’intervention de sa mère qui a dû verser une rançon de deux millions de francs guinéens, avant d’être hospitalisée pour dix jours. Son époux l’ayant abandonné durant sa détention, elle a décidé de divorcer de ce dernier et a mis fin à leur communauté de vie. Elle a manifesté, à nouveau, le 22 mars 2020, mais elle a été arrêtée une seconde fois et conduite à la gendarmerie d’Hamdallaye où elle a été emprisonnée durant un mois. Sa mère est parvenue à obtenir sa libération une nouvelle fois, avec l’aide du conjoint d’une de ses amies, puis, craignant pour sa sécurité, elle a quitté définitivement la Guinée le 30 avril 2020. Elle fait valoir, en outre, que depuis sa séparation avec son époux, ce dernier la menace régulièrement de s’en prendre physiquement à elle.

Sur la reconnaissance de la qualité de réfugiée :

2. Aux termes de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

2


n° 22023476

3. L’instruction, au vu notamment des déclarations de Mme Y à l’audience, permet de tenir pour établis les faits qu’elle présente comme étant à l’origine de son départ de Guinée, et pour fondées ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine du fait de ses opinions politiques en faveur du FNDC. En effet, elle est tout d’abord revenue en des termes étayés sur les circonstances qui l’ont conduite à s’impliquer en faveur du FNDC. A cet égard, elle a su retranscrire avec précision les activités qu’elle menait au sein de l’association Lanaya, et qui lui ont permis d’acquérir une notoriété au sein de sa localité, et notamment auprès du chef de son quartier. Il est dès lors apparu cohérent que ce dernier la sollicite pour soutenir la candidature de l’ancien président M. C D et que, du fait du refus qu’elle lui a opposé malgré l’argent qui lui était proposé, elle a été perçue, dès cet instant, comme étant hostile au régime en place. Elle a également fourni des explications tangibles sur les motifs pour lesquels elle a décidé d’apporter son soutien aux membres du FNDC et sur la manière dont elle a participé, notamment financièrement, à l’organisation de la manifestation du 14 novembre 2019. En outre, elle a relaté ses deux incarcérations par des propos étayés, mettant en avant la circonstance que le chef de son quartier a été convoqué afin de l’identifier et de témoigner contre elle. Il est dès lors apparu crédible qu’elle ait été personnellement identifiée comme une sympathisante du FNDC par les autorités guinéennes et persécutée pour ce motif. Par ailleurs, ses propos sont corroborés par les sources publiques disponibles notamment un article du média Jeune Afrique, du 6 septembre 2021, intitulé « Guinée : qui est Mamady Doumbouya, le lieutenant-colonel qui a renversé C D ? » qui révèlent que Mamady Doumbouya est un ancien proche du président destitué. Dès lors et selon un article du Monde Afrique publié le 6 septembre 2021 intitulé « L’incertitude règle en Guinée après le renversement du Président C D », aucune information ne permettrait de conclure à un traitement plus favorable des membres de l’opposition au président D par les autorités guinéennes. Enfin, les sources d’information récentes à l’instar d’un article du Monde Afrique publié le 2 mai 2022 intitulé « Transition prolongée en Guinée : l’opposition dénonce une décision unilatérale » et une « durée injustifiables » dénonce le délai de trente-neuf mois de transition annoncé par la junte militaire dirigée par le colonel Doumouya qui n’a pas l’intention de rendre le pouvoir aux civils. Or, cette décision ne permet pas d’envisager un changement de situation pour les opposants politiques. A cet égard, il peut être souligné que le FNDC a fait l’objet d’une dissolution par un arrêté du gouvernement guinéen publié le 9 août 2022, avant que le mouvement n’appelle, le 11 août 2022, à manifester en réponse à cette dissolution. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est finalement intervenue en tant que médiateur, témoignant de la violence des tensions qui caractérise le contexte politique guinéen actuel. Ainsi, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, il résulte de ce qui précède que Mme Y E avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d’être persécutée par les autorités guinéennes, en cas de retour dans son pays en raison de ses opinions politiques en faveur du FNDC. Dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée.

D E C I D E :

3


n° 22023476

Article 1er : La décision du directeur général de l’OFPRA du 21 février 2022 est annulée.

Article 2 : La qualité de réfugiée est reconnue à Mme Z Y.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Z Y et au directeur général de l’OFPRA.

Lu en audience publique le 15 septembre 2022.

La présidente : La cheffe de chambre :

S. X K. Rifaï

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Si vous estimez devoir vous pourvoir en cassation contre cette décision, votre pourvoi devra être présenté par le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation dans un délai de deux mois, devant le Conseil d’Etat. Le délai ci-dessus mentionné est augmenté d'un mois, pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises et de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger.

4

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour nationale du droit d'asile, 15 décembre 2022, n° 22023476