Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 19 décembre 2006, n° 9423

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le principe de moralité indispensable à l’exercice de la médecine doit être respecté "en toutes circonstances" et non pas seulement dans l’exercice de la profession. Chef de service de pédiatrie à l’hôpital, a été condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 1500 euros pour avoir détenu sur son ordinateur personnel, situé à son domicile, des photos de mineurs à caractère pornographique. Bien que ces agissements se soient produits dans sa vie privée, s’est bien rendu coupable d’un manquement à la moralité et d’un acte de nature à déconsidérer sa profession, compte tenu notamment de sa qualité de chef du service de pédiatrie de l’hôpital local. Dans les circonstances de l’espèce, il convient de frapper le praticien d’une peine lourde assortie du sursis afin de le dissuader de toute récidive.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 19 déc. 2006, n° 9423
Numéro(s) : 9423
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Réformation Réformation - 3 ans d'interdiction avec sursis

Texte intégral

N° 9423
Dr Pascal T
Audience non publique du 8 novembre 2006
Décision rendue publique par affichage le 19 décembre 2006
LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins les 14 avril et 19 mai 2006, la requête et le mémoire présentés par et pour le Dr Pascal T, qualifié spécialiste en pédiatrie ; le Dr T demande à la section d’annuler la décision n° 2005-70, en date du 21 mars 2006, par laquelle le conseil régional Rhône-Alpes, statuant sur la plainte du conseil départemental de la Drôme, lui a infligé la peine de la radiation du tableau de l’Ordre des médecins ;

Le Dr T soutient que le jugement de première instance du conseil régional Rhône-Alpes doit être annulé car, en refusant le sursis à statuer en attendant la décision pénale, il a méconnu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et le principe de la présomption d’innocence et ne pouvait s’appuyer sur le jugement du tribunal correctionnel de Valence qui, frappé d’appel, n’avait pas autorité de chose jugée ; qu’il n’y a pas en l’espèce de violation de l’article 3 du code de déontologie car les faits reprochés n’ont pas été commis dans l’exercice professionnel du requérant ; que l’interdiction d’exercer prononcée dans le cadre du contrôle judiciaire a été levée par le juge d’instruction ; que, si le tribunal correctionnel de Valence avait prévu une interdiction d’exercer la profession d’une durée de cinq ans, la cour d’appel de Grenoble n’a prononcé aucune interdiction d’exercer ; que le psychiatre, expert près les tribunaux, qui suit le Dr T, atteste de son caractère non dangereux ; qu’il en est de même des attendus du jugement de la cour d’appel de Grenoble ; que la peine de la radiation est excessive ; qu’il a eu un parcours professionnel exemplaire ;

Vu, enregistrées comme ci-dessus le 6 juin 2006, les observations présentées par le conseil départemental de la Drôme ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l’ordonnance de non publicité des débats du président de la section disciplinaire en date du 28 septembre 2006 ;

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble en date du 11 mai 2006 ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu le décret du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience non publique du 8 novembre 2006 :

 – Le rapport du Dr CRESSARD ;

 – Les observations de Me ABAD pour le Dr T et celui-ci en ses explications ;

Le Dr T ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la régularité de la décision attaquée du conseil régional Rhône-Alpes, en date du 21 mars 2006, infligeant au Dr T la sanction de la radiation :

Considérant, en premier lieu, qu’en raison du principe de l’indépendance de la procédure pénale et de la procédure disciplinaire, le conseil régional Rhône-Alpes n’était nullement tenu de surseoir à statuer sur la plainte déposée par le conseil départemental de l’Ordre de la Drôme à l’encontre du Dr T dans l’attente de l’arrêt pénal que devait rendre la cour d’appel de Grenoble ;

Considérant, en second lieu, que, si le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal interdit au juge disciplinaire de contester les constatations opérées par le juge pénal par un jugement définitif, il n’interdit nullement au juge disciplinaire de faire d’un jugement pénal non définitif un élément de son appréciation et d’en faire état dans les motifs de sa décision ; que les premiers juges ont donc pu, sans entacher leur décision d’irrégularité, faire état d’un jugement du tribunal correctionnel de Valence, en date du 3 mai 2005, portant condamnation du Dr T et dont ils ont expressément indiqué qu’il était frappé d’appel ;

Au fond :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 4127-3 du code de la santé publique : « Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine » ; qu’il résulte de ce texte que le principe de moralité indispensable à l’exercice de la médecine doit être respecté par le médecin « en toutes circonstances » et donc non pas seulement dans l’exercice de sa profession ;

Considérant, de même, qu’aux termes de l’article R. 4127-31 du même code : « Tout médecin doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci » ; qu’il en résulte que le médecin peut fort bien commettre en dehors de l’exercice de sa profession un acte de nature à déconsidérer celle-ci ;

Considérant qu’il résulte d’un arrêt de la cour d’appel de Grenoble, en date du 11 mai 2006, devenu définitif, que le Dr T, chef du service de pédiatrie de l’hôpital de Montélimar, a été condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 1500 euros pour avoir détenu sur son ordinateur personnel, situé à son domicile, une trentaine de photographies à caractère pornographique mettant en scène des mineurs ; que l’intéressé a reconnu à l’audience correctionnelle s’être livré à la masturbation en contemplant ces images ; que, ce faisant, et bien que ces agissements se soient produits dans sa vie privée, le Dr T s’est bien rendu coupable d’un manquement à la moralité et d’un acte de nature à déconsidérer sa profession, compte tenu notamment de sa qualité de chef du service de pédiatrie de l’hôpital local ;

Considérant, toutefois, qu’alors que les premiers juges du tribunal correctionnel de Valence avaient assorti leur condamnation à trois ans d’emprisonnement avec sursis de la peine complémentaire de l’interdiction d’exercer toute activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs pendant une durée de cinq ans, la cour d’appel de Grenoble, tout en réduisant la peine principale à six mois d’emprisonnement avec sursis, n’a retenu aucune interdiction d’exercer la médecine à l’égard du Dr T ; que, sur avis conforme du conseil de discipline, le ministre de la santé et des solidarités, par arrêté du 31 octobre 2006, a prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mutation d’office ; que le Dr T, depuis la survenance des faits, se soumet à un suivi psychiatrique ; qu’il s’est marié et a eu un enfant ; qu’aucune plainte n’a jamais été formulée à son encontre dans son exercice hospitalier ou autrement, à l’exception de celle qui a entraîné sa condamnation pénale et sa comparution devant la juridiction disciplinaire ordinale ; qu’il convient dans ces conditions de lui permettre de reprendre l’exercice de sa profession dont il est actuellement suspendu et de le frapper d’une peine lourde mais assortie du sursis afin de le dissuader de toute récidive ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de trois ans est prononcée à l’encontre du Dr T. Cette sanction est assortie du sursis dans sa totalité.

Article 2 : La décision prise le 21 mars 2006 à l’encontre du Dr T par le conseil régional Rhône-Alpes est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d’appel du Dr T est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Pascal T, au conseil départemental de la Drôme, au conseil régional Rhône-Alpes, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Drôme, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Rhône-Alpes, au préfet de la Drôme, au préfet de la région Rhône-Alpes, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. CHERAMY, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Pr ZATTARA, MM. les Drs COLSON, CRESSARD, JOUAN, LEON, VORHAUER, membres.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE
PRESIDENT DE LA SECTION DISCIPLINAIRE DU
CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

B. CHERAMY
LA SECRETAIRE DE LA
SECTION DISCIPLINAIRE

I. LEVARD

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 19 décembre 2006, n° 9423