Conseil de prud'hommes d'Agen, 5 février 2019, n° 18/00049

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CMS · 8 novembre 2019

Après l'avis de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2019, qui a admis la conformité objective de l'article L.1235-3 du Code du travail à l'article 10 de la Convention internationale n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), et après l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 25 septembre 2019, qui a ouvert la voie à un contrôle de proportionnalité "in concreto" systématique, la cour d'appel de Paris vient de prendre une position de principe par l'arrêt du 30 octobre 2019. Cet arrêt est intéressant à double titre : d'une part, il procède à un contrôle …

 

Patrick Berjaud, Thomas Yturbe, Flore Messien · K Pratique · 5 septembre 2019

Saisie d'une demande d'avis par les conseils de prud'hommes de Toulouse et de Louviers, l'assemblée plénière de la Cour de cassation s'est positionnée, le 17 juillet 2019, en faveur de la compatibilité du barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse avec l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) . (1) Pour rappel, ce barème, mis en place par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (l'une des ordonnances dite « Macron »), a établi des minima et maxima impératifs d'indemnisation du salarié dont le licenciement est …

 

www.agilit.law · 20 juillet 2019

L'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail a instauré, à l'article L.1235-3 du Code du travail, un barème encadrant, entre un minimum et un maximum variant entre un et vingt mois de salaire brut, les indemnités à la charge de l'employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en fonction de l'ancienneté du salarié et de la taille de l'entreprise. Dès la promulgation de ce texte, le « barème Macron » a fait débat. Il a tout d'abord été contesté sur sa constitutionnalité. Sur ce point, dans une …

 
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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Agen, 5 févr. 2019, n° 18/00049
Juridiction : Conseil de prud'hommes d'Agen
Numéro(s) : 18/00049

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

D’AGEN

[…]

[…]

N° RG F 18/00049 – N° Portalis

DCWF-X-B7C-KS2

SECTION: Industrie

AFFAIRE:

contre

SARL

MINUTE N° 3/00017

Notification le: 7/ 2/19

Page 1

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU 05 FEVRIER 2019
Madame A్ల

Lieu de naissance :

Nationalité : Française

Assistée de Me Camille GAGNE (Avocat au barreau d’AGEN)

DEMANDEUR

SARL en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Serge DAURIAC (Avocat au barreau d’AGEN)

DEFENDEUR

COMPOSITION DU. BUREAU DE JUGEMENT lors des

débats et du délibéré :

Monsieur G H, Président Juge départiteur Madame Patricia JOUAN, Assesseur Conseiller (S) Monsieur José DA SILVA OLIVEIRA, Assesseur Conseiller (S)
Madame Claire DELOEUIL, Assesseur Conseiller (E) Monsieur Alain BOLDINI, Assesseur Conseiller (E)

Assistés de Madame E F, Greffier lors des débats et

du prononcé.


Madame a saisi le Conseil de Prud’hommes d’Agen le 5 avril 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la SARL B E à lui payer diverses sommes à titre de salaires, de dommages et intérêts et d’indemnité de licenciement.

Le Bureau de Jugement, devant lequel les parties ont été directement convoquées, s’étant déclaré en partage de voix le 16 juillet 2018, l’affaire a été examinée à

l’audience de départage du 13 novembre 2018. demanderesse, sollicite du Conseil de Prud’hommes Madame au paiement des sommes la condamnation de la SARL suivantes :

- 4 500 € ou subsidiairement 2 664,48 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 1

- 1 522,56 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

- 152,26 € au titre des congés payés sur préavis

- 380,64 € au titre de l’indemnité légale de licenciement

- 329,80 € au titre du salaire du 1er au 10 décembre 2017

- 32,98 € au titre des congés payés afférents

- 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

Elle sollicite également que l’ensemble des sommes accordées soient assorti des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil et que l’exécution provisoire soit ordonnée.

Madame rappelle qu’elle a été embauchée en contrat à durée indéterminé à temps partiel à compter du 19 février 2016 en qualité de vendeuse niveau 1, la convention collective nationale applicable étant celle des industries de la transformation de volailles. La durée du travail était de 18 heures par semaine, soit 6 heures de travail les vendredis, samedis et dimanches. Sa rémunération mensuelle brute était fixée en dernier lieu à 761,28 €.

Elle exerçait son emploi au sein du marché couvert d’Agen.

Par message du 30 novembre 2017, Madame X à l’employeur

·la nécessité de voir déclarer l’ensemble des heures réalisées au mois de décembre

à venir ainsi que le non-paiement des heures de travail réalisées en août et octobre

2017.

Le 1er décembre 2017, à 7 h 54, elle se présentait à son poste de travail, le ticket horodateur faisant foi. L’employeur refusait toutefois qu’elle prenne son poste de travail, lui demandait de quitter le marché et lui indiquait que son contrat de travail était terminé, ajoutant qu’il envisageait une rupture conventionnelle.

Le lendemain avait lieu un rendez-vous au cours duquel la soeur de l’employeur présentait à Madame des documents comportant des mentions erronées car antidatées, puis les documents de rupture conventionnelle étaient signés. L’Inspection su Travail refusait toutefois l’homologation de la rupture par courrier en date du 7 décembre 2017.

Dans l’attente d’une rupture respectant les règles légales, Madame recevait de son employeur un courrier daté du 22 décembre 2017 dont les termes ne manquaient pas de la surprendre : "Vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail depuis le 1er décembre 2017; à ce jour, nous n’avons reçu aucun courrier motivant votre absence. Nous vous prions donc de justifier votre absence par tous moyens dès réception de cette lettre et de nous envoyer un justificatif. It

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Le 2 janvier suivant, elle adressait donc à son employeur un courrier rappelant les événements du 1er décembre ainsi que le contexte de la rupture conventionnelle, et l’informant de sa décision de saisir le Conseil de Prud’hommes d’une demande de prise d’acte de rupture en raison des graves manquements constatés.

adressait une mise en Le 9 février 2018, le conseil de Madame demeure sous forme de lettre recommandée avec demande d’avis de réception, que la SARL ne daignait pas réclamer.

Le 28 février suivant, l’employeur adressait à Madame l’ensemble des documents de fin de contrat: un reçu pour solde de tout compte, un bulletin de salaire du mois de février 2018 avec la mention d’une prise d’acte de la rupture 28 février 2018, une au 2 janvier 2018, un chèque d’un montant de 700 € daté demande de maintien de garantie de santé, une attestation Pôle Emploi datée du 28 février 2014 portant la mention du motif de la rupture, soit une prise d’acte de la rupture au 2 janvier 2018

La demanderesse rappelle qu’il est de jurisprudence constante que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission, l’exécution du préavis étant sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte. Elle ajoute que l’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à l’employeur ne fixe pas les limites du litige, et que le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Madame justifie par les pièces qu’elle verse aux débats de sa demande de voir déclarer ses heures de travail pour le mois de décembre 2017, de sa venue le 1er décembre 2017 sur son lieu de travail, de la signature de documents antidatés en l’absence d’un quelconque entretien préalable à une rupture conventionnelle, ainsi que de l’attitude totalement déloyale de son employeur au terme de la relation contractuelle puisqu’il invoquera une prétendue absence injustifiée de sa salariée à la fin du mois de décembre 2017 alors qu’une rupture conventionnelle avait été signée.

Confrontée à l’inertie de son employeur, elle s’est vue contrainte de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, se privant ainsi de ses droits à chômage, la SARL ne daignant en outre adresser le solde de tout compte et les documents de fin de contrat qu’au terme du mois de février 2018.

Dans ces conditions, la prise d’acte de la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts exclusifs de l’employeur, de sorte que Madame est bien fondée à réclamer le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés sur préavis, l’indemnité légale de licenciement, le salaire du 1er au 10 décembre 2017 ainsi que les congés payés afférents.

Elle sollicite en outre la réparation intégrale de son préjudice et par voie de conséquence l’inapplicabilité du plafond de l’article L. 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité.

Madame Y rappelle que, selon l’article 55 de la Constitution, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois et que le contrôle de la conformité des lois aux conventions internationales appartient aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat.

Elle souligne que l’article 10 de la Convention n° 158 de l’O.I.T. sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, stipule que si les tribunaux arrivent à la conclusion que si le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de

;

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proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

De même l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, ayant valeur de traité international, dispose que les parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. Ses dispositions sont directement invocables devant les juridictions nationales, la non-conformité d’une règle nationale au regard de ce texte pouvant être soulevée par voie d’exception.

Le Comité européen des droits sociaux, en charge de l’interprétation de la Charte, énonce que les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime, de sorte que tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est en principe contraire à la Charte. Il a ainsi décidé dans une décision du 8 septembre 2016 que le plafonnement de l’indemnisation prévue par la loi relative au contrat de travail peut laisser subsister des situations dans lesquelles l’indemnisation accordée ne couvre pas le préjudice subi.

En l’espèce, le barème fixé par le nouvel article L. 1235-3 du Code du travail limite l’indemnisation de Madame à 3,5 mois de salaire compte tenu de son ancienneté. Or une ancienneté faible n’exclut pas la nécessité d’indemniser en fonction d’une situation personnelle rendant critique la perte d’emploi (âge, situation de famille, handicap…), d’une situation professionnelle rendant la recherche d’un nouvel emploi plus difficile (éloignement géographique, spécialité rare…), d’un préjudice professionnel réel plus lourd que l’ancienneté ne permet de le mesurer (salarié démarché alors qu’il était en poste et a ainsi renoncé à l’ancienneté de son précédent contrat avant d’être finalement licencié…). Il n’existe en outre en droit interne aucune voie alternative pour que le salarié obtienne une indemnisation complémentaire dans le cadre de son licenciement, l’action lui permettant d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse étant exclusive de toute autre action en matière de responsabilité civile, de sorte que le juge prud’hommal a l’obligation de fixer une seule et unique indemnisation de tous les préjudices nés du licenciement.

Il sera observé que les exceptions au plafonnement énumérées à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail ne concernent que les cas de discrimination ou de harcèlement.

En réduisant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par des plafonds trop bas, la sanction de la violation de la loi perd son effet dissuasif à l’égard des employeurs et dissuade les salariés d’agir en justice pour faire valoir leurs droits le barème incriminé viole ainsi l’article 24 de la Charte sociale :

européenne.

C’est pourquoi Madame s’estime bien fondée à solliciter l’allocation d’une somme de 4 500 €, correspondant à 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, tout fait subsidiairement, d’une somme de 2 664,48 € en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail.

, défenderesse, demande au Conseil de débouter La SARL de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de dire et Madame juger que sa prise d’acte de rupture de son contrat de travail doit s’analyser en une démission. Subsidiairement, elle demande de voir fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 721,28 €, l’indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 76,13 €, l’indemnité de licenciement à la somme de 355,95 € et les dommages et intérêts à un demi mois de salaire. Elle sollicite enfin la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

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L’employeur rappelle qu’il est une société spécialisée dans la découpe et la vente de volailles et qu’il compte moins de dix salariés en équivalent temps plein.

Les relations de travail avec Madame se déroulaient sans difficulté jusqu’à ce qu’elle adresse un message énigmatique le 30 novembre 2017 concernant des heures supplémentaires qui pourraient être exécutées au mois de décembre 2017.

La salariée prétend ensuite qu’elle aurait été congédiée par son employeur le 1er décembre 2017, ne rapportant pour toute preuve qu’un SMS adressé par elle-même.

En réalité, les parties avaient décidé d’une rupture conventionnelle, qui n’a toutefois pas été homologuée par la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine, pour des raisons de forme.

Par SMS en date du 14 décembre 2017, Madame sollicitait d’être reconvoquée à un entretien pour une rupture conventionnelle en précisant qu’elle serait assistée. Depuis le 1er décembre, elle ne s’était plus présentée à son travail.

Le 22 décembre, l’employeur interrogeait la salariée sur les motifs de son absence. Il recevait alors tardivement des arrêts de travail couvrant la période du 15 décembre 2017 au 23 janvier 2018.

aMadame prenait acte de la rupture de son contrat de travail par courrier non daté reçu le 3 janvier 2018, mais s’abstenait de venir récupérer ses documents de sortie auprès de son employeur, le contraignant à les lui adresser volontairement le 28 février 2018.

L’employeur rappelle qu’il appartient au salarié, pour justifier de sa demande de dommages et intérêts, de faire la démonstration du préjudice qu’il a réellement subi et de sa situation actuelle.

En outre, un salarié ne peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur que lorsqu’il est en capacité de démontrer que ce dernier n’a pas respecté ses obligations, et ce de manière grave d’une part, et que d’autre part dans ces circonstances le contrat de travail n’a pas pu se poursuivre. Mais si les griefs invoqués par le salarié ne sont pas suffisamment graves pour justifier la rupture ou si le salarié, malgré les griefs formulés, a continué de travailler pour le compte de son employeur, la prise d’acte de rupture s’analyse en

une démission.

Il appartient donc au salarié de rapporter la preuve des fautes prétendues de l’employeur et de démontrer que leur gravité est d’une telle importance qu’elle justifie la prise d’acte de rupture aux torts exclusifs de l’employeur; en cas de doute, ce doute profite à l’employeur.

Il a ainsi été jugé que ne constituent pas un manquement grave de l’employeur les retards dans le paiement des salaires, des frais de déplacement ou de commissions d’une courte durée et explicables, le non-paiement d’heures supplémentaires dont l’existence n’est pas établie, l’erreur de calcul de la prime d’ancienneté ou des taux de commissions.

La SARL fait observer que Madame ne rapporte pas la preuve qu’elle aurait effectué des heures supplémentaires qui n’auraient pas été rémunérées. D’autre part, si la salariée est bien venue le 1er décembre et n’est restée que quelques minutes, c’était dans le but de conclure avec son employeur une rupture conventionnelle, sollicitée par elle-même.

Constatant l’absence de la salariée depuis le 1er décembre, l’employeur l’interrogeait par courrier du 22 décembre suivant, et recevait alors seulement des arrêts de travail couvrant la période du 15 décembre 2017 au 23 janvier 2018.

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L’employeur rappelle que le bulletin de salaire ainsi que les documents qu’il doit remettre au salarié sont quérables et non portables, ce qui signifie qu’il appartient au salarié de venir les chercher. Aucune faute ne peut donc être reprochée de ce chef à la SARL

Des pièces versées aux débats, il apparait que Madame est dans l’impossibilité de démontrer de la part de son employeur une faute quelconque d’une gravité telle qu’elle justifie la prise d’acte de rupture. Il doit être constaté que la salariée a démissionné.

A titre subsidiaire, si la prise d’acte de rupture de son contrat de travail par la salariée devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il conviendrait de ne pas faire droit aux demandes indemnitaires qu’elle a formulées.

En effet, conformément à l’article 4 de la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles, Madame n’ayant pas au moins deux ans de présence continue, ne peut percevoir qu’une indemnité compensatrice de préavis d’un mois, soit la somme de 761,28 €.

L’indemnité compensatrice de congés payés doit être fixée à la somme de 76,13€, le salaire de référence s’élevant à la somme de 761,28 €.

L’indemnité de licenciement doit être fixée à la somme de 355,95 €, Madame ayant une ancienneté de 1 an, 10 mois et 15 jours, soit 1.87 an, au 2 février 2018, date de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail :

(761,38 x 25%) x 1.87-355,95 €.

Madame ne fondant ni en droit ni en fait sa demande de rappel de salaire du 1er au 10 décembre 2017, doit être déboutée de cette demande.

Sur l’argumentation de Madame concernant l’inapplicabilité du barème fixé par l’article 1235-3 du Code du travail, la SARL rappelle que l’article L.1235-3 du Code du travail a été jugé conforme à la Constitution par décision en date du 21 mars 2018 du Conseil constitutionnel.

L’employeur indique également que contrairement à ce qu’allègue Madame la Charte sociale européenne n’est pas d’application directe en droit interne, à l’exception de ses articles 5 et 6 traitant du droit syndical et du droit à la négociation collective qui sont seuls appliqués directement par la Cour de cassation. La jurisprudence des juridictions administratives est identique.

Au surplus, le Comité européen des droits sociaux n’a jamais imposé aux juridictions nationales la reconnaissance de l’applicabilité directe de la Charte, et notamment de son article 24.

En conséquence, il doit être fait application des dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail, si bien que Madame ne saurait prétendre à une indemnité supérieure à un demi mois de salaire.

Enfin, la SARL ,mise dans l’obligation de plaider, sollicite la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la rupture du contrat de travail :

Il résulte des pièces versées aux débats que Madame a adressé un SMS à son employeur, le 30 novembre 2017, dans lequel elle indiquait qu’elle

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avait lu la convention collective des volailles, qu’elle souhaitait en parler avec lui le lendemain, qu’elle aimerait que les heures supplémentaires qu’elle effectuerait au mois de décembre soient déclarées, qu’il ne lui avait pas fait d’avenant de contrat pour les 19 heures, et qu’il ne l’avait pas payée aux mois d’août et octobre pour les week-ends travaillés en sus.

Il est établi qu’une personne dénommée Estelle a adressé à Madame un SMS, le 1er décembre au matin, dans lequel elle s’étonnait de son « passage éclair » sur le marché, auquel la requérante répondait en déclarant qu’elle avait été congédiée par son employeur.

Un document de rupture conventionnelle était signé par les deux parties le 2 décembre, antidaté du 17 novembre, mais la DIRECCTE en refusait l’homologation, les parties n’ayant pas précisé si elles étaient assistées ou non lors de l’entretien.

Le 8 décembre, l’employeur informait par SMS Madame que son salaire du mois de novembre était à sa disposition.

;

Le 14 décembre, la salariée informait son employeur qu’elle restait dans l’attente d’une convocation pour l’entretien préalable à l’établissement d’une nouvelle rupture conventionnelle, qu’elle serait cette fois assistée, et lui indiquait qu’elle serait, en attendant, en arrêt de maladie puisqu’elle était toujours salariée de l’entreprise, la première rupture n’ayant pas été homologuée.

Le 22 décembre suivant, la SARL adressait à sa salariée un courrier recommandé dans lequel elle relevait qu’elle ne s’était pas présentée à son poste de travail depuis le 1er décembre 2017 et lui demandait en conséquence de lui adresser un justificatif d’absence.

Le 2 janvier 2018, Madame adressait à son employeur un courrier en réponse dans lequel elle X que le 30 novembre précédent elle lui avait demandé d’être payée de ses heures supplémentaires, que le 1er décembre elle avait été congédiée verbalement dès sa prise de fonction, que la rupture conventionnelle conclue entre eux n’avait pas été homologuée par la DIRRECTE, qu’il avait alors été envisagé la conclusion d’une nouvelle rupture conventionnelle et qu’elle avait indiqué vouloir être assistée cette fois lors de l’entretien préalable. Elle terminait ce courrier en indiquant que les faits relatés dans la lettre précitée du 22 décembre étaient donc contraires à la réalité et informait son employeur qu’elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements graves et répétés dont il s’était rendu coupable: non-paiement des heures supplémentaires, refus d’appliquer le taux horaire légal les jours fériés travaillés, renvoi de son poste de travail en dehors de toute procédure légale… Elle demandait enfin la transmission sous huitaine des documents de rupture.

L’avocat de Madame adressait un courrier recommandé à la SARL le 9 février 2018, qui n’était pas réclamé, rappelant la chronologie des relations entre les parties depuis le 1er décembre 2017, et demandant à l’employeur de régulariser la situation de sa salariée en concluant une rupture conventionnelle et en réglant les salaires dus. L’avocat X qu’en raison du refus de l’employeur de réintégrer sa salariée et de lui notifier cette Tétait mise en arrêt de travail dispense d’activité par courrier, Madame Z par son médecin traitant du 15 au 31 décembre 2017.

D eLe 28 février 2018, la SARL adressait un courrier à sa salariée contenant un reçu pour solde de tout compte mentionnant une somme de 700 € correspondant à une indemnité compensatrice de congés payés, un bulletin de salaire pour la période du 1er février 2018 indiquant une prise d’acte de rupture au 2 janvier 2018, un chèque de 700 €, ainsi qu’une attestation Pôle emploi mentionnant également une prise d’acte de rupture du contrat de travail.

De l’ensemble de ces éléments, il résulte que c’est à la suite de réclamations faites par Madame B C au sujet du non-paiement de ses heures supplémentaires que son employeur a décidé de la congédier verbalement dès sa prise de fonction

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le 1er décembre 2017 au matin, sans respecter les formes légales d’un licenciement.

La rupture conventionnelle conclue entre les parties n’a ensuite pu aboutir faute

d’homologation par l’autorité administrative.

Dans ces conditions, le courrier de l’employeur du 22 décembre 2017 adressé à Madame alors qu’elle était dans l’attente d’une date d’entretien pour 3 la conclusion d’une rupture conventionnelle régularisée, apparaît d’une particulière mauvaise foi puisqu’il connaissait parfaitement les raisons de l’absence de sa salariée depuis le 1er décembre 2017.

WanaDes manquements d’une gravité certaine peuvent ainsi être reprochés à la SARL dans l’exécution du contrat de travail : l’employeur a en effet d’abord congédié du jour au lendemain sa salariée parce qu’elle avait évoqué la veille la question d’heures supplémentaires non rémunérées et il a feint par la suite de s’étonner par courrier de ne pas l’avoir revue à son poste de travail depuis plus de trois semaines alors qu’ils s’étaient entretemps accordés sur une rupture conventionnelle, traduisant de la sorte une mauvaise foi particulièrement blâmable.

n’a pas respecté l’article L.1222-1 dù Ce faisant, la SARL Code du travail qui dispose que " le contrat de travail est exécuté de bonne foi 11

sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les réclamations de Madame D B

concernant des heures supplémentaires qu’elle aurait effectuées et qui ne lui auraient pas été payées sont ou non fondées.

Il sera en conséquence dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Madame doit produire les effets d’un licenciement sans cause

réelle et sérieuse.

- Sur les réclamations indemnitaires de Madame

L’article 4 de la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles disposant que la durée du préavis réciproque visé à l’article 43 des dispositions communes est fixée à un mois, Madame , qui ne compte pas deux ans de présence continue dans l’entreprise puisqu’elle a été embauchée le 19 février 2016 et a pris acte de la rupture de son contrat le 2 janvier 2018, bénéficie par conséquent d’un préavis d’un mois. Il lui sera accordé la somme de 761,28 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 76,13€ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

Il sera alloué au titre de l’indemnité légale de licenciement à Madame qui a une ancienneté de 1 an, 11 mois et 15 jours, la somme de

?

380,64 €.

Le 1er décembre 2017, Madame a été congédiée verbalement, en dehors de tout cadre procédural, par son employeur qui lui a signifié de ne plus revenir travailler. Le salaire qu’elle réclame pour la période du 1er au 10 décembre 2017 devant donc lui être réglé, il lui sera alloué la somme de 329,80

€ outre celle de 32,98 € au titre des congés payés afférents.

En vue d’obtenir la réparation intégrale du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail par la faute de son employeur, Madame sollicite que soit déclaré inapplicable le plafond de l’article L. 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité, notamment avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’O.I.T. sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, qui dispose que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et qu’ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les

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circonstances d’annuler le licenciement ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Elle invoque également l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, ayant valeur de traité international, qui dispose que les parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

En l’espèce, il apparaît que la SARL employait habituellement moins de 11 salariés et que Madame avait une ancienneté dans l’entreprise inférieure à 2 années au moment de la rupture de son contrat, de sorte qu’elle ne pourrait prétendre selon l’article L. 1235-3 du Code du travail qu’à une indemnité comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut, malgré les circonstances de la rupture de son contrat de travail et le préjudice moral et économique qu’elle a subi.

Il en résulte que le barème établi par l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permet pas dans tous les cas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée, ne prévoyant pas des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par le salarié.

Il sera au surplus observé que les exceptions au plafonnement énumérées à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail ne concernent que les cas de discrimination ou de harcèlement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. : wwwL’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail sera en conséquence écartée et il sera alloué à Madame la somme de 3

045,12 €, correspondant à 4 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, il apparaîtrait inéquitable de laisser Madame supporter la charge des frais irrépétibles qu’elle s’est vue contrainte d’exposer pour assurer la défense de ses intérêts dans la présente procédure. Il lui sera en conséquence allouée la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du

Code de procédure civile.

Il sera également décidé que les sommes ainsi accordées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes par Madame

L’exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée par application des dispositions de l’article R.1454-28 du Code du travail et de l’article 515 du

Code de procédure civile, la moyenne des 3 derniers mois de salaire complets

s’élevant à 761,28 €.

sera condamnée aux entiers dépens de l’instance. La SARL

Les demandes plus amples ou contraires des parties seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Le Conseil, après en avoir délibéré, statuant par décision mise à disposition contradictoire et en premier ressort,

- Dit et juge que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Madame G e le 2 janvier 2018 a produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

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- Dit et juge que l’application du barème résultant des dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail doit être écartée comme non conforme aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail en son article 10 et la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 en son article 24

Condamne la SARL à payer à Madame la somme de 3 045,12 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamne la SARL à payer à Madame la somme de 761,28 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 76,13 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- Condamné la SARL à payer à Madame la somme de 380,64 € à titre d’indemnité légale de licenciement

Condamne la SARL à payer à Madame

-

la somme de 329,80 € au titre du salaire dû pour la période du 1er décembre au 10 décembre 2017 et celle de 32,98 € au titre des congés payés afférents

- Condamne la SARL à payer à Madame la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

- Dit que les sommes accordées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes par Madame

- Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision par application des dispositions de l’article R.1454-28 du Code du travail et de l’article 515 du Code de procédure civile, la moyenne des 3 derniers mois de salaire complets s’élevant

à 761,28 €

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

aux entiers dépens de l’instance

- Condamne la SARL

Ainsi fait, jugé et rendu par mise à disposition au greffe du Conseil de Prud’hommes d’Agen, les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER EN CHEF LE JUGE DEPARTITEUR

E F G H

COPIE CERTIFIEE CONF

LE GREFFIER EN OUTR

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Conseil de prud'hommes d'Agen, 5 février 2019, n° 18/00049