Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 9 avril 2019, n° 18/00659

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EFL Actualités · 19 juillet 2019
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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Bordeaux, 9 avr. 2019, n° 18/00659
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Bordeaux
Numéro(s) : 18/00659

Sur les parties

Texte intégral

501

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE CONSEIL DE PRUD’HOMMES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS DE BORDEAUX

[…]

du 09 Avril 2019 RG N° N° RG F 18/00659 – N°

Portalis DCU5-X-B7C-DGSP IC EXÉCUTOIRE Nature : 80A

PAPIC MINUTE N° 19/00170
Madame X née le […]

DIVERSES

Assistée de Me Magali BISIAU (Avocat au barreau de BORDEAUX) AFFAIRE

A contre DEMANDEUR SAS

UGEMENT DU

19 Avril 2019

Qualification : Contradictoire remier ressort

Représenté par Me Valérie MONPLAISIR (Avocat au barreau de lotification envoyée le : BORDEAUX) 0.9 AVR. 2019

xpédition revêtue de DEFENDEUR i formule exécutoire élivrée

09 AVR. 2019

: Ne Bibian ле ne long lasin

- Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré
Monsieur Denis TONNADRE, Président Conseiller (S) Madame Agnès SALVADORI, Assesseur Conseiller (S) Monsieur Philippe GASNIER, Assesseur Conseiller (E) Madame Geneviève Catherine TEYSSIER, Assesseur Conseiller (E) Assistés lors des débats de Madame Danielle LARRIEU, Greffier

age 1



PROCÉDURE

- Date de la réception de la demande: 27 Avril 2018

- Bureau de Conciliation et d’Orientation du 05 Juillet 2018

- Convocations envoyées le 05 Juillet 2018

- Renvoi à la mise en état

- Débats à l’audience de Jugement du 05 Février 2019

- Prononcé de la décision fixé à la date du 09 Avril 2019

Décision prononcée par mise à disposition au greffe conformément à l’article 453 du C.P.C. M

***

Chefs de la demande

- Requalifier les sommes perçues en salaire

- Majoration applicable aux heures supplémentaires : 2 190,50 Euros Brut Indemnité compensatrice de congés payés y afférents : 219,05 Euros Brut

- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 1 000,00 Euros Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de préserver la santé et la sécurité de la salariée :

1 000,00 Euros

Indemnité pour travail dissimulé : 11 830,26 Euros A titre principal: dommages et intérêts en réparation des préjdices professionnels, financiers et moraux :

12 000,00 Euros A titre subsidiaire : dommages et intérêts article L 1235-3 du Code du travail : 4 000,00 Euros

Indemnité compensatrice de préavis : 1 971,71 Euros Brut Congés payés sur préavis : 197,17 Euros Brut

- Indemnité de licenciement: 588,40 Euros Paiement des charges sociales afférentes à l’intégralité des sommes versées à la demanderesse et régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir Remise bulletins de paie de mars 2017 à février 2018, bulletins afférents aux indemnités de rupture, attestation Pôle emploi conforme, certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir

- Article 700 du Code de procédure civile : 1 500,00 Euros

- Intérêts au taux légal à compter de la saisine

- Exécution provisoire du jugement à intervenir.

- Entiers dépens à la charge du défendeur

Demandes reconventionnelles

- Article 700 du Code de procédure civile : 2 500,00 Euros

- Dépens

***

Page 2



EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame Y architecte, l est une agence d’architecture qui emploie plusieurs architectes ainsi que d’autres personnels (dessinateur projecteur, chargé de projet, assistants de projet et de direction), elle est présidée par Monsiel architecte.

La relation de travail associant les parties a débuté le 2 mars 2017.

i rupture de la notifiait àPar lettre du 23 février 2018, Madam relation de travail dans les termes suivants :

"Vous m’avez embauché pour un poste d’architecte collaboratrice au sein de votre agence d’architecture le 02 mars 2017. La condition impérative était d’être en statut d’auto-entrepreneur, donc je me suis affiliée à ce statut pour obtenir le poste. Je considère que je me suis beaucoup investie pour votre entreprise. Ma charge quotidienne de travail au sein de vos locaux était intense. Il m’arrivait même de ramener du travail chez moi le soir, week-end et jour fériés, pour avancer et finir les dossiers, et tout cela pour être payer à un tarif horaire de misère. Il est certain que les conditions et la charge de travail que vous m’avez données, ne me laissaient aucune possibilité de travailler pour une autre entreprise ni même de développer aucune autre activité. Cela ne correspond aucunement à un statut d’auto-entrepreneur mais à celui d’un salarié en contrat. De plus, à cela s’ajoute votre comportement intolérable à mon égard, tout au long de notre collaboration. Vos reproches, vos violences verbales répétitives, vos hurlements m’ont terriblement

affecté et abîmé. Au mois de septembre, vous vous êtes énervé et déchargé sur moi par de violents hurlements, concernant une réponse que vous attendiez, à laquelle je ne pouvais répondre car je n’étais ni chef de projet de ce dossier, ni en cours de traitement (PCM-EPAH de Villenave d’Ornon).

A la suite de cet incident, je vous ai fait part de mon choc vis-à-vis de votre comportement et je vous ai dit que je ne pouvais pas collaborer dans ces conditions.

Vous m’avez répondu que « l’on ferait autrement ». Cependant, vos agissements à mon égard sont restés inchangés. Aujourd’hui, je suis arrivée à bout de votre attitude : mon état mental et physique en sont altérés, à tel point je ne peux plus collaborer avec vous et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de

rompre notre contrat. Le 20/02/18, je suis passée à votre agence pour informer votre associée que je ne reprendrai pas mon poste le 21/02/18 au retour de mes congés. Je lui ai expliqué les raisons de cette décision et lui ai remis en main propre ma dernière facture et les clefs de votre agence. En définitif, j’ai travaillé pendant ces 12 derniers mois pour votre entreprise et aujourd’hui à cause de ce « semblant statut d’auto-entrepreneur » que vous avez imposé, je me retrouve sans aucune indemnité, à la fin de notre collaboration. Ma situation est devenue précaire, sachant que je suis divorcée, seule avec deux enfants à charge. Je souhaiterai par conséquent être dédommagée de tous ces préjudices par une compensation financière. J’ai sollicité un cabinet d’avocat pour que l’on puisse trouver une entente.".

Cette tentative de rapprochement ayant échoué, Madame Z, le 26 avril 2018, le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux.

En l’absence de conciliation, l’affaire a été portée devant le bureau de jugement.

3



PRÉTENTIONS ET MOYENS DE LA DEMANDERESSE :

Madam fait valoir que l’existence de son lien de subordination avec la SAS

URBIN est démontrée par les conditions de travail qui lui étaient imposées :

- travail exclusif pour le compte de la dite société,

- travail exécuté avec le matériel et dans les locaux de la société,

- utilisation exclusive de l’adresse mail de la société vis-à-vis des tiers, ès qualités de dirigeant

- travail sous les instructions et sous le contrôle de de la

Qu’elle démontre par ailleurs que, concomitamment à son embauche, deux architectes salariés ont quitté l’entreprise et qu’avant de travailler pour la URDIN, elle a toujours travaillé en qualité de salariée et non d’auto-entrepreneur.

Que se trouvant au chômage depuis seize mois et avec deux enfants à charge, elle a dû se résoudre à accepter les conditions d’emploi imposées pa

Que les attestations produites aux débats par la société défenderesse ne sont aucunement probantes non plus que les pièces qu’elle communique aux débats.

Que ses horaires de travail, dès lors que la durée de son travail ne pouvait être prédéterminée, ne sont pas incompatibles avec un statut de salariée.

Qu’il n’est par ailleurs aucunement démontré qu’elle travaillait différemment de ses collègues salariés de la société défenderesse et assistait aux réunions d’agence y recevant, comme ses collègues salariés, les directives de

Qu’elle partageait un open space avec ses collègues salariés, accueillait la factrice et signait régulièrement les avis d’accusé de réception.

Qu’elle travaillait sur du papier à entête de la société, avec l’ordinateur Apple mis à sa disposition, et utilisait des voitures de location pour ses déplacements de la même façon que les autres salariés.

Qu’elle justifie dès lors de la requalification de son contrat et des conséquences qui s’en déduisent.

Qu’elle sollicite, en outre, les majorations d’heures supplémentaires conformément aux temps figurant sur la facturation qu’elle était conduite à établir, outre les congés payés afférents.

Que la situation ainsi décrite justifie de l’allocation de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de préserver la santé et la sécurité de la salariée au motif de l’absence de visite médicale durant toute la relation de travail.

Que cette situation caractérise, en outre, l’intention d’un travail dissimulé qui sera sanctionné par des dommages et intérêts à hauteur de six mois de salaire sur la base d’un salaire mensuel reconstitué à hauteur de 13 € x 151 h 67, soit 1.971,71 €.

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Enfin, la prise d’acte devra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse justifiant, eu égard aux circonstances de l’espèce, de l’allocation de dommages et intérêts qui, eu égard au préjudice subi, équivautà six mois de salaire, supérieur au plafond d’indemnisation prévu par l’article L 1235-3 du Code du travail.

MOYENS DE LA SOCIÉTÉ DÉFENDERESSE :

La expose être une agence d’architecture employant neuf personnes et qui traite ses projets d’architecture en interne, sauf exception en ayant recours aux services d’architectes indépendants.

Que c’est dans ce contexte que Madam a démarché l’agence pour proposer ses services en sous-traitance.

Qu’elle a collaboré ainsi en toute indépendance à certains projets sans être soumise à des horaires de travail, depuis son domicile pour l’essentiel avec son propre matériel.

Qu’elle facturait ses prestations au taux de 13 € de l’heure.

Que ce n’est qu’au terme de sa collaboration qu’elle a subitement réclamé le statut de salariée et invoqué divers manquements qui auraient été commis à son encontre.

Qu’après avoir rappelé les règles de droit dans ses écritures, elle constate que Madame porte pas la preuve de ses assertions ni celle d’avoir exercé ses X dans le cadre d’un lien de subordination.

Qu’en effet, cette dernière a pris l’initiative de se déclarer travailleur indépendant sans avoir eu préalablement de relation salariale avec la société défenderesse.

Qu’elle n’était pas soumise à horaires, étant autonome dans son activité et gérait seule les projets qui lui étaient confiés.

Que dès lors Madam sera déboutée de toutes ses demandes, fins et prétentions.

SUR QUOI LE CONSEIL

Sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail subordonné :

Le contrat de travail se caractérise par la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique.

En cas de litige il appartient au juge de vérifier la véritable nature du contrat, en s’attachant

à la situation de fait et non à la dénomination du contrat, la présomption de non salariat étant une présomption simple.

En l’espèce, il n’est pas contesté que depuis 2001 et jusqu’à sa prise de contact avec la SAS en 2017, Madame a exercé son travail d’architecte en qualité de salariée et que dans la même période, début 2017, deux architectes salariés ont quitté l’entreprise : Messieurs

YT.E et

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a déposé une offre d’emploi Il est par ailleurs avéré que Monsieur

La créé son activité en tant qu’auto-entrepreneur d’architecte en février 2017 et que Madam à compter du 2 mars 2017, comme en atteste la notification d’affiliation des services de l’URSSAF.

Le rapprochement de ces dates donne crédit à la demanderesse qui expose que l’adontion de ce nouveau statut a été la condition de sa collaboration avec l IN, Madan. sortant d’une longue période de chômage et ayant à sa charge deux enfants.

Il ressort par ailleurs des pièces produites aux débats :

ir la base de ses heures

- que Madame¹ tait rémunérée par l’agence travaillées à un taux très faible de 13 € net de l’heure (qui s’explique en partie par la mise à disposition de l’ensemble du matériel nécessaire à l’exécution de sa prestation de travail) et non à partir de devis susceptibles de tenir compte de la particularité de chaque chantier comme le ferait un architecte indépendant, alors que dans ces précédents emplois de salariée elle touchait une moyenne de 3.000 € bruts mensuel,

- que Madame communiquait avec « ses clients » et « ses partenaires » sous l’intitulé et à l’adresse postale et mail de la société Pet n’établissait pas ses propres devis,

que Madame et était 'travaillait à titre exclusif pour l’agence manifestement intégrée à son équipe de salariés (réception du courrier…),

-que Madame bénéficiait pour ses déplacements sur les chantiers de voitures de location « Citybordeaux » dans le cadre d’un contrat passé entre la dite société et la société incluant assurance du véhicule et frais de carburant et que l’ensemble du matériel nécessaire à

l’exécution de sa prestation de travail était mis à disposition par ladite société,

- que les attestations de démarrage de travaux ou d’achèvement étaient établis au nom de
Madame A ➤, agissant « pour le compte de la SAS d’architecture et revêtues et de la mention »le Maître d’oeuvre – SAS d’architecture du cachet

13présentait à des clients Madame que Madam salariée de la SAS comme sa « collègue », les dits clients sollicitant Madame pour que la « proposition financière » des travaux de leur véranda confiés à Madame soient adressés « sur papier à entête » de la SAS dux fins de défiscalisation.

Enfin le courrier de la société ▶en réponse à sa lettre de rupture démontre au surplus Qui lui écrit que cette dernière était manifestement sous l’autorité hiérarchique de Monsieu : « … il apparaît cependant que vous n’avez pas supporté les remarques relatives à la mauvaise gestion des dossiers que nous vous avions confiés… », ce qui corrobore le vécu ressenti comme difficile par Madame éléments qui ont contribué à la rupture de la relation de travail.

justifie d’obtenir la En conséquence de ces éléments concordants, Madame requalification qu’elle sollicite apportant la preuve de son lien de subordination.

L’argument de la défenderesse selon lequel elle n’était pas soumise à horaires de travail ne pouvant être retenu dès lors que tout architecte pour exercer son activité au bénéfice de clients doit adapter partie de ses horaires à leurs exigences et aux spécificités de chaque chantier (tout comme un VRP salarié est tenu de prendre en compte pour aménager ses horaires des exigences de lieu et de disponibilité des clients de l’entreprise).

6



Sur les conséquences de la requalification relative à l’exécution du contrat de tra vail :

1) Sur la demande de majoration d’heures supplémentaires :

Madame reconnaît que toutes ses heures lui ont été réglées.

Elle s’abstient néanmoins d’établir dans ses décomptes une compensation entre semaines à plus de 35 heures et semaines inférieures.

Elle sera en conséquence déboutée de cette réclamation et de sa demande en paiement des congés payés afférents.

2) Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale:

Madame he rapportant pas la preuve au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, d’un préjudice distinct à l’indemnisation souhaitée au titre du travail dissimulé, elle sera déboutée de ce chef de demande.

3) Sur la demande en dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de préserver la santé et la sécurité :

Madam ne rapportant la preuve d’un préjudice lié à l’absence de visite médicale, elle sera déboutée de ce chef de demande.

4) Sur la demande en dommages et intérêts pour travail dissimulé :

La SAS

considérant à tort Madame comme auto-entrepreneur a procédé à une dissimulation d’emploi salarié.

Par application des dispositions conjuguées des articles L 8221-5 et L 8223-1 du Code du travail, Madame justifie de percevoir une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire reconstitué soit à la somme de 13 € x 151 h 67 x 6 mois, soit à la somme de 11.830,26 €.

Sur les conséquences de la requalification sur la rupture des relations contractuelles :

En conséquence du courrier recommandé avec accusé de réception du 23 février 2018 par lequel Madam. ompt son contrat de travail avec la société excipant de divers manquements graves de son employeur dont celui d’avoir dissimulé son emploi salarié, cette rupture doit être requalifiée en un licenciement abusif ouvrant droit au paiement des indemnités de rupture sur la base de son salaire reconstitué, à savoir :

- 1.971,71 € brut à titre d’indemnité de préavis,

- 197,17 € brut à titre de congés payés afférents,

- 588,40 € à titre d’indemnité de licenciement.

S’agissant du préjudice et de son indemnisation :

L’article L 1235-3 du Code du travail dispose que: « Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse… le juge octroie au salarié une indemnisation à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ».

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dont l’ancienneté est trèsLe barème s’agissant de la situation de Madame légèrement inférieure à un an, prévoit une indemnisation qui va de 0 € à un maximum de 985,85 € coïncidant à 1/2 mois de salaire.

Or le préjudice réel de Madame est, en l’espèce, constitué par l’impossibilité au terme du contrat de bénéficier d’un revenu de remplacement auprès de Pôle emploi et par l’absence de versement de quelconques indemnités de rupture, alors que Madam divorcée et doit assurer seule la charge de deux enfants.

Que par ailleurs Madame dont il vient d’être démontré qu’elle avait été contrainte

d’adopter un statut d’auto-entrepreneur laissant à sa charge le paiement de toutes les cotisations sociales a nécessairement subi un préjudice moral qu’il convient également de réparer.

Dès lors se pose la question du caractère obligatoire ou non du plafond défini par l'article

L 1235-3 du Code du travail, manifestement insusceptible de réparer l’intégralité du dit préjudice.

A cet égard il revient au juge d’apprécier la conformité de la règle applicable par rapport aux conventions internationales ayant, en application de l’article 55 de la constitution de 1958 « une autorité supérieure à celle des lois », et ce conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il appartient donc au Conseil d’effectuer ce contrôle de conventionnalité au regard :

- de la convention 159 de l’OIT, d’application directe, faisant référence à une « indemnité adéquate », en réparation d’un licenciement injustifié, ainsi qu’à la nécessité de « garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de la convention »;

- de l’article 24 de la « chartre sociale européenne » ratifiée par la France le 7 mars 1999 faisant également référence, en cas de licenciement sans motif valable à une « indemnité adéquate » pour laquelle le comité européen des droits sociaux estime que pour être un mécanisme

d’indemnisation approprié, ce mécanisme doit être « d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime ».

Tel n’est pas le cas des plafonds d’indemnisation issus de l’ordonnance n° 2017-1387 du

22 septembre 2017 dont le montant limité ne peut dissuader de procéder à un licenciement injustifié, interdisant par ailleurs au juge de fixer une indemnisation en adéquation avec la réalité du préjudice subi, au-delà de la seule référence à l’ancienneté de service.

Tel est notamment le cas du plafond dérisoire de 0,5 mois applicable à Madama du fait d’une ancienneté inférieure à un an.

En conséquence le Conseil fixe à hauteur de 12.000 € coïncidant à six mois de salaire le montant des dommages et intérêts accordés en conséquence du licenciement abusif de Madame

Sur les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame les frais irrépétibles exposés.

8


)

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux, section X diverses, après en avoir délibéré, statuant contradictoirement, en premier ressort, par mise à disposition au greffe, conformément à l’article 453 du C.P.C. :

Requalifie la relation de travail ayant lié les parties en un contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée.

Dit que la rupture des dites relations s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, condamne la SA. à verser à Madame

ONZE MILLE HUIT CENT TRENTE EUROS VINGT SIX CENTIMES

(11.830,26 €) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

MILLE NEUF CENT SOIXANTE ET ONZE EUROS SOIXANTE ET ONZE

CENTIMES (1.971,71 €) brut à titre d’indemnité de préavis,

- CENT QUATRE VINGT DIX SEPT EUROS DIX SEPT CENTIMES (197,17€) brut

à titre de congés payés afférents,

- CINQ CENT QUATRE VINGT HUIT EUROS QUARANTE CENTIMES (588,40 €)

à titre d’indemnité de licenciement,

- DOUZE MILLE EUROS (12.000,00 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne à la de remettre à Madame les bulletins de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi sur la période du 2 mars 2017 au 21 mars 2018 intégrant le préavis.

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile.

Déboute Madam du surplus de ses réclamations.

Condamne en outre la SAS à verser à Madame A la somme de :

- MILLE EUROS (1.000,00 €) à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du

Code de procédure civile.

Déboute la de sa demande reconventionnelle.

Condamne la aux entiers dépens d’instance et frais éventuels d’exécution.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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