Conseil de prud'hommes de Grenoble, 18 janvier 2019, n° 18/00989

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Grenoble, 18 janv. 2019, n° 18/00989
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Grenoble
Numéro(s) : 18/00989

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

[…]

[…]

[…]

RG N° F 18/00989

N° Portalis 3UNP-X-B7C-BRI6

SECTION Industrie

AFFAIRE

Fleur B or contre

JONA

MINUTE N°

JUGEMENT DU

18 Janvier 2019

Qualification: Réputée contradictoire premier ressort

Aide Juridictionnelle Totale du 29 juin-2018 N° 38185/001/2018/007192

à Y BANGA

fanvier wily 18 Notification le :.

Date de la réception

par le demandeur :

par le défendeur :

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2019
M. S sak enede

Profession: Monteur échafaudage

DEMANDEUR, représenté par Me Elise OLLIVIER (Avocat au barreau de Grenoble)
M. F

[…]

DEFENDEUR, non comparant

COMPOSITION DU BUREAU DE JUGEMENT LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Annie LOURENCO-MARQUES, Président, conseiller employeur, Christophe MOREAU, Assesseur, Conseiller salarié, Assistés lors des débats de Dominique LEGLISE, Greffier

PROCÉDURE

Enregistrement de l’affaire : 07 septembre 2018 Récépissé au demandeur : 10 septembre 2018 Citation du défendeur : LRAR non réclamée Audience de conciliation : 12 octobre 2018

Décision prise : Renvoi devant le bureau de conciliation et d’orientation FV

du 23 novembre 2018 pour citation par huissier Décision prise : Transformation en bureau de jugement restreint

Décision prise : Affaire mise en délibéré, pour prononcé du jugement le 18 janvier 2019.



Section Industrie – N° RG F 18/00989 page n° 2
Monsieur a saisi le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE, section Industrie, à l’encontre de Monsieur X D, à l’effet d’obtenir :

- 1 196,54 € à titre d’indemnité de fermeture d’établissement,

663,28 € brut à titre de rappel de salaire,

- 3 500,00 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 948,05 € à titre d’indemnité pour violation des règles relatives à l’assistance du salarié pendant l’entretien préalable,

- la remise sous huitaine à compter de la décision à intervenir de la fiche de paie du mois de décembre 2017 correspondant à l’embauche en contrat à durée indéterminée, du certificat de travail pour l’embauche en CDI du 21 décembre au 26 avril 2018, du reçu pour solde de tout compte pour cette même embauche, de l’attestation Pôle emploi et de l’attestation de congés payés, le tout sous astreinte de 100,00 € par jour de retard.

Bien que cité par voie d’huissier le 25 octobre 2018, Monsieur X E n’est ni présent, ni représenté, ni excusé. Le bureau de conciliation et d’orientation décide de se transformer en bureau de jugement restreint, en application des dispositions de l’article L.1454-1-3 du Code du travail qui prévoient que « Si, sauf motif légitime, une partie ne comparait pas, personnellement ou représentée, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués. Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13. »>

LES FAITS
Monsieur a été embauché le 24 avril 2017 par Monsieur dans le cadre d’un contrat à durée déterminée en qualité d’aide-monteur d’échafaudage au statut d’ouvrier niveau 1, position 1, coefficient 150 en application de convention collective du Bâtiment (ouvriers-Isère).

Durant toute son embauche, les bulletins de salaire ainsi que les versements correspondants sont remis et versés de manière aléatoire.

Le contrat à durée déterminée de Monsieur prend fin le 15 décembre 2017.

Monsieur est finalement embauché par contrat à durée indéterminée le 21 décembre 2017.

est victime d’un accident de travail et sera arrêté jusqu’au Le 5 avril 2018, Monsieur

17 avril 2018.

Le 25 avril, Monsieur signifie par SMS à Monsieur qu’il ne souhaite pas qu’il revienne travailler.

Par lettre recommandée du 26 avril 2018 Monsieur A signifie à Monsieur la fermeture de son entreprise et qu’il est par conséquent libéré de son contrat de travail.

a réclamé à MonsieurMonsieur les documents relatifs au contrat à durée déterminée ainsi que le paiement du reste de la prime de précarité par lettre remise en main propre le 2 mai 2018 et par courrier recommandé avec accusé de réception le 3 mai.

Le 19 mai 2018, Monsieur reçoit les éléments relatifs au contrat à durée déterminée mais n’a toujours pas les documents de fin de contrat à durée indéterminée.



Section Industrie- N° RG F 18/00989 page n° 3

Monsieur saisit le Conseil de Prud’hommes le 7 septembre 2018.

Les parties sont convoquées devant le bureau de conciliation et d’orientation le 12 octobre 2018 et le 23 novembre 2018 mais Monsieur n’est ni présent, ni représenté, ni excusé. En l’absence de la partie défenderesse, le bureau de conciliation et d’orientation se transforme en bureau de jugement restreint.

C’est en l’état que l’affaire se présente au Conseil.

MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES

- Arguments du demandeur
Monsieur , à la reprise de son travail suite à son accident de travail du 5 avril 2018, a eu la surprise d’apprendre que Monsieur X A, le 26 avril 2018, avait procédé à la fermeture de l’entreprise et cela sans procéder aux formalités d’une rupture de contrat de travail pour motif économique.

De plus à ce jour Monsieur Y n’a pas été destinataire de ses documents sociaux, à savoir : le bulletin de salaire du mois de décembre 2017, le certificat de travail pour l’embauche en contrat à durée indéterminée, le reçu pour solde de tout compte pour cette même embauche, l’attestation de congés payés et l’attestation Pôle emploi.

- Argument du défendeur

Bien qu’ayant été cité par huissier le 25 octobre 2018, Monsieur Zest ni présent, ni représenté et ne justifie d’aucun motif légitime d’absence. Il n’a fait valoir aucune argumentation.

Pour plus ample exposé des moyens et arguments des parties, le Conseil, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, se réfère aux conclusions régulièrement déposées et développées oralement à la barre.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que l’article 472 du Code de procédure civile dispose:

< Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. » ;

Attendu qu’il y a donc lieu d’examiner chacune des demandes ;

Attendu que Monsieur A a été embauché par Monsieur X par contrat à durée déterminée du 24 avril 2017 au 15 décembre 2017;

Que Monsieur a été embauché par contrat à durée indéterminée du 21 décembre 2017, et ce jusqu’au 26 avril 2018;



Section Industrie – N° RG F 18/00989 page n° 4

FSur l’indemnité de fermeture d’établissement

Attendu que l’article L.3141-31 du Code du travail précise que lorsqu’un établissement ferme pendant une durée supérieure à celle des congés légaux annuels, l’employeur est tenu, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédent cette durée, de verser à son personnel une indemnité qui ne peut être inférieure à l’indemnité journalière de congé payé; que cette indemnité journalière ne se confond pas avec l’indemnité de congé payé ;

Que pendant la durée de l’embauche en contrat à durée déterminée, Monsieur a fermé son établissement du 27 juillet 2017 au 18 août 2017 soit 3,5 semaines et n’a pas rémunéré Monsieur L sur cette période ;

Qu’en conséquence, le Conseil condamnera Monsieur à verser à Monsieur A la somme de 1 196,54 € à titre d’indemnité pour fermeture d’établissement.

Sur les rappels de salaire au titre du contrat à durée indéterminée M

Attendu que le non-paiement des salaires constitue un manquement de l’employeur à une obligation essentielle du contrat de travail (Cour de Cassation, chambre sociale 14 mars 1979 n°77-41.635);

Que Monsieur B absence injustifiée le 1er janvier A a considéré Monsieur)

2018 au lieu de le payer, alors que ce jour-là est un jour férié;

Que par conséquent, le Conseil condamnera Monsieur K A à verser à Monsieur la somme de 78,67 € brut; Attendu que l’article L.3243-2 du Code du travail rend obligatoire la délivrance d’un bulletin

de paie;

Que Monsieur s’est affranchi de son obligation de remettre à Monsieur le bulletin de salaire de décembre 2017 correspondant à son embauche en contrat à durée indéterminée et ne l’a pas rémunéré sur cette période;

Que par conséquent, le Conseil condamnera Monsieur à verser à Monsieur la somme de 584,41€ brut;

Qu’en définitive, le Conseil condamnera Monsieur à verser à Monsieur la somme de 663,28 € brut à titre de rappels de salaire.

Sur l’indemnité pour violation des règles relatives à l’assistance du salarié pendant

-

l’entretien préalable

Attendu qu’en application de l’article L.1232-2 et de l’article L. 1232-4 du Code du travail : « L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation. L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. » « Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. La lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. » ;



Section Industrie – N° RG F 18/00989 t

page n° 5

a été licencié par simple courrier du 26 avril 2018 sansQu’en l’espèce, Monsieur qu’aucune procédure attachée à un licenciement ne soit respectée ;

Qu’en conséquence, le Conseil condamnera Monsieur à verser à Monsieur A la somme 1 948,05 € à titre d’indemnité pour violation des règles relatives à

l’assistance du salarié pendant l’entretien préalable.

- Sur la qualification de la rupture

Attendu qu’en l’application de l’article L.1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi;

Qu’en l’espèce, Monsieur a été licencié par courrier du 26 avril 2018 sans qu’aucune procédure attachée à un licenciement ne soit respectée ;

Qu’en conséquence, le Conseil qualifie le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse.

- Sur la barémisation introduite à l’article L. 1235-3 du Code du travail

Attendu qu’en vertu du principe de légalité, chaque norme juridique doit se conformer à l’ensemble des règles en vigueur ayant une force supérieure dans la hiérarchie des normes, ou du moins être compatible avec ces normes ;

Attendu que le Conseil, avant de dire le droit, se doit de vérifier que la législation Française est conforme aux droits Européens et aux accords internationaux ratifiés par la France ;

Que l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 indique que : « Les Traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois […] » ;

Que si le Conseil constitutionnel est compétent pour contrôler la conformité des lois à la Constitution (contrôle de constitutionnalité), le contrôle de la conformité des lois par rapport aux conventions internationales (contrôle de conventionnalité) appartient en revanche aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat (décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 recueil p. 19, décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986, recueil p. 135);

Que la Cour de cassation, puis le Conseil d’Etat, se sont reconnus compétents pour procéder à ce contrôle de conventionnalité (Chambre mixte 24 mai 1975, Société des Cafés F G, n° 73-13556; Conseil d’Ètat, Assemblée Plénière, 20 octobre 1989, Nicolo, n° 108243); que ce contrôle peut donc conduire, lors de l’examen d’un litige, à écarter la loi française pour faire prévaloir la convention internationale dans la résolution du litige ;

Que tel a été le cas, devant le juge prud’homal, à l’égard du Contrat Nouvelles Embauches jugé contraire à la Convention 158 de l’OIT (CPH Longjumeau, 28 avril 2006, De Wee c/ Philippe Samzun n° 06/00316; CA Paris, 18° E, 6 juillet 2007, n° S06/06992);

Que la Cour de cassation a établi que la convention n° 158 était « directement applicable»>, et a souligné « la nécessité de garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de la convention » (Cass. Soc. 1 juillet 2008, n° 07-44124);



Section Industrie – N° RG F 18/00989 page n° 6

Que l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dont le Conseil d’Etat a confirmé l’effet direct (CE Sect., 19 octobre 2005, CGT et a., n° 283471), stipule que si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » ;

Que l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, qui est également d’effet direct (CE, 10 février 2014, M. C, n° 359892), a repris ce même principe dans les termes suivants : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître : a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. » ;

Que le Comité européen des droits sociaux (C.E.D.S), organe en charge de l’interprétation de la Charte, s’est prononcé sur le sens devant être donné à l’indemnité adéquate et à la réparation appropriée dans sa décision du comité du 8 septembre 2016 « Finish Society of Social Rights c. Finlande » (n°106/2014, § 45);

Que le Comité énonce que « les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient :

- le remboursement des pertes financières subies entre la date du licenciement et la décision de l’organe de recours ;

- la possibilité de réintégration ; p- des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime. » ;

Que tout plafonnement conduisant à ce que les indemnités octroyées ne soient pas en rapport avec le préjudice subi et/ou ne soient pas suffisamment dissuasives est donc, en principe, contraire à la Charte;

Que le barème défini à l’article L. 1235-3 du Code du travail n’est pas conforme à la jurisprudence Européenne (CEDS, 8 septembre 2016 n°106/2004//Finisch Society Social Right contre Finlande) et à la jurisprudence Française (CPH Le Mans du 26/9/18 n° 17/00538, CPH Troyes RG n° F 18/00036 du 13/12/18, CPH d’Amiens du 19/12/18 n° F18/00040 et CPH de Lyon du 21/12/18 n° F18/01238 et du 7/01/19 n° F15/01398);

Que la Charte sociale européenne et l’interprétation qu’en fait le Comité Européen des droits sociaux sont d’application directe en droit interne français, et doivent faire prévaloir la nécessité d’une indemnisation intégrale des préjudices subis par Monsieur

Attendu qu’en l’espèce, Monsieur Y a un an d’ancienneté en tenant compte de la date d’embauche en contrat à durée déterminée (24 avril 2017) et, d’après ce qui est défini à l’article L.1235-3 du Code du travail, il ne pourrait percevoir au maximum à titre de dommages et intérêts, que deux mois de salaire à savoir 1480,30 € x 2 soit 2 960,60 € brut;

Qu’un tel barème n’est pas adapté au cas de Monsieur licencié sans le respect d’aucune procédure de licenciement et sans bénéficier à sa reprise d’une visite médicale suite à son accident de travail du 5 avril 2018;



Section Industrie – N° RG F 18/00989 page n° 7

Que de plus, le barème défini à l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permet pas au Conseil d’apprécier à sa juste valeur le préjudice subi par Monsieur en se limitant au seul critère de son ancienneté ; qu’en effet depuis son licenciement Monsieur n’a pu obtenir ses documents sociaux et ne peut faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi;

Que la Charte sociale européenne est un traité du Conseil de l’Europe adoptée à Turin en 1961 qui garantit les droits sociaux et économiques fondamentaux ; qu’elle est le pendant social de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui se réfère aux droits civils et politiques, elle garantit un large éventail des Droits de l’Homme liés à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation, à la protection sociale et aux services sociaux ;

Que la Charte est dès lors considérée comme la Constitution sociale de l’Europe ;

Que le caractère contraignant de la Charte sociale ne fait plus de doute et les principes qu’elle contient sont directement invocables devant le juge français ;

Qu’ainsi, le Conseil d’Etat a déjà reconnu qu’il s’agissait d’un traité international dans son arrêt du 7 juillet 2000 (Fédération nationale des associations tutélaires, n°213461); or dans son arrêt du 8 septembre 2016, le Comité européen (CEDS) énonce que « tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est en principe, contraire à la Charte » ;

Que le comité en a jugé ainsi à l’égard de la loi finlandaise, qui se bornait à fixer un plancher de 3 mois et un plafond de 24 mois, en invitant le juge à fixer entre ces 2 limites légales l’indemnisation en tenant compte de l’ancienneté, de l’âge du salarié, de ses perspectives de retrouver un emploi équivalent, de la durée de son inactivité et de la situation générale du salarié et de l’employeur ;

Que le CEDS a estimé cette législation contraire à la charte en soulignant que dans certains cas de licenciement abusif, l’octroi d’une indemnisation plafonnée à hauteur de 24 mois peut ne pas suffire pour compenser les pertes et le préjudice subis : « (…) que dans certains cas de licenciement abusif, l’octroi d’une indemnisation à hauteur de 24 mois prévue par la loi relative au contrat de travail peut ne pas suffire pour compenser les pertes et le préjudice subis. (…) Le Comité considère que le plafonnement de l’indemnisation prévue par la loi relative au contrat de travail peut laisser subsister des situations dans lesquelles l’indemnisa tion accordée ne couvre pas le préjudice subi. En outre, il ne peut conclure que des voies de droit alternatives sont prévues pour constituer un recours dans de telles situations. » (CEDS 8 septembre 2016 § 45);

Que le barème issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017 est plafonné à 20 et non 24 mois de salaire, et à l’égard des anciennetés les plus faibles, il est flagrant qu’il ne permet pas au Juge de tenir compte de l’ensemble des éléments de situation du salarié qui alimentent ses préjudices financiers, professionnels et moraux ; Or en droit français il n’existe aucune voie de droit alternative pour que le salarié obtienne une indemnisation complémentaire dans le cadre de son licenciement. Depuis la loi du 13 juillet 1973, l’action permettant au salarié d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse est exclusive de toute autre action sur le terrain de la responsabilité civile. Et la Cour de cassation, tout en visant expressément le principe de réparation intégrale dans sa décision publiée du 14 septembre 2017, faisait grief à une cour d’appel d’avoir condamné l’employeur à payer aux salariés des dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de la privation des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi alors qu’elle avait déjà condamné l’employeur à payer à chaque salarié une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement. (Cass. soc., 14 septembre 2017, n° 16-11.563, publié);

Que le juge prud’homal français a donc l’obligation de fixer une seule et unique indemnisation de tous les préjudices nés du licenciement, et l’Ordonnance du 22 septembre 2017 a enfermé cette indemnisation dans le barème plafonné ; Qu’il existe des exceptions au plafonnement, énumérées à l’article L. 1235-3-1, notamment



Section Industrie – N° RG F 18/00989 page n° 8

en cas de discrimination ou de harcèlement, ne doit en rien faire douter de cette réalité puisque le principe de réparation intégrale doit présenter un caractère général;

Qu’en réduisant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par des plafonds trop bas, c’est bien la sanction de la violation de la loi qui perd son effet dissuasif à l’égard des employeurs qui peuvent « budgéter » leur faute;

Que ce barème viole donc à double égard l’article 24 de la Charte européenne des droits sociaux ;

Qu’il décourage en outre les salariés d’agir en justice pour faire valoir leurs droits au regard d’espoir d’indemnisation dérisoire, alors qu’en application de la convention 158 de l’OIT, le droit de n’être licencié que pour un motif valable est un droit fondamental (article 4), et que sa violation exige d’habiliter le Juge « à ordonner le versement d’une indemnité adéquate » à défaut de réintégration possible (article 10);

Que ce barème peut même être incitatif à prononcer des licenciements injustifiés, s’ils ont été provisionnés, ce qui est manifestement à l’opposé de l’objectif de dissuasion mis en avant par le CEDS;

Qu’enfin, le droit au procès équitable, protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme, n’est plus garanti lorsque le pouvoir du juge se retrouve ainsi drastiquement limité; qu’en effet le barème en vigueur depuis le 23 septembre 2017 ne permet assurément pas au Juge de moduler l’appréciation des préjudices du salarié en fonction des différents paramètres de sa situation lorsqu’il existe si peu de marge laissée entre le plancher et le plafond (pour une ancienneté de 2 ans, le plancher est de 3 mois et le plafond de 3,5 mois et pour une ancienneté de 3 ans, le plancher est de 3 mois et le plafond de 4…);

Que le barème d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail viole donc les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention

158 de l’OIT et le droit au procès équitable;

Que les barèmes prévus à l’article L.1235-3 du Code du travail sont donc inconventionnels ;

Qu’en conséquence, le Conseil fait droit aux demandes de Monsieur et lui accorde : 3500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieus e.

Sur la remise des documents sociaux

-

Attendu que l’employeur est tenu, au moment de la résiliation, de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, de délivrer au salarié une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte, conformément aux articles R.1234-9, L.1234-19 et L.1234-20 du Code du travail;

Que par conséquent, le Conseil ordonnera à Monsieur de remettre à Monsieur un certificat de travail pour l’embauche en contrat à durée indéterminée du 21 septembre au 26 avril 2018, un reçu pour solde de tout compte pour cette même embauche, une attestation Pôle emploi et une attestation de congés payés conformément à la présente ordonnance, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du présent jugement;

Attendu que le Conseil se réservera le pouvoir de liquider l’astreinte.



Section Industrie – N° RG F 18/00989 page n° 9

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE, section Industrie, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT et JUGE que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur est sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les barèmes prévus à l’article L. 1235-3 du Code du travail ne respectent pas l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT ainsi que la jurisprudence européenne (CEDS 8 septembre 2016 n°106/2004//Finisch Society Social Right contre Finlande), la jurisprudence Française (CPH Le Mans du 26/9/18 n° 17/00538, CPH Troyes RG n° F18/00036 du 13/12/18, CPH d’Amiens du 19/12/18 n° F18/00040 et CPH de Lyon du 21/12/18 n° F18/01238 et du 7/01/19 n° F15/01398) et le droit au procès équitable.

CONDAMNE Monsieur X L à verser à Monsieur A les sommes suivantes :

- 1 196,54 € à titre d’indemnité de fermeture d’établissement,

663,28 € brut à titre de rappel de salaire,

- 1 948,05 € à titre d’indemnité pour violation des règles relatives à l’assistance du salarié pendant l’entretien préalable,

- 3 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

RAPPELLE que les sommes à caractère salarial bénéficient de l’exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l’article R.1454-28 du Code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande et que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir est de 1 483 €

ORDONNE à Monsieur X de remettre à Monsieur les documents suivants :

- la fiche de paie du mois de décembre 2017 correspondant à l’embauche en contrat à durée indéterminée,

- le certificat de travail pour la période d’embauche en contrat à durée indéterminée du 21 septembre au 26 avril 2018,

- le reçu pour solde de tout compte pour cette même période,

- l’attestation Pôle emploi,

- l’attestation destinée à la Caisse des Congés Payés du Bâtiment, le tout sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du présent jugement,

SE RÉSERVE expressément le pouvoir de liquider cette astreinte.

CONDAMNE Monsieur X aux dépens.

Jugement rédigé par Christophe MOREAU, Assesseur.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2019.

LA PRÉSIDENTE LE GREFFIER Annie LOURENCO-MARQUES Dominique LEGLISE



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Conseil de prud'hommes de Grenoble, 18 janvier 2019, n° 18/00989