Conseil de prud'hommes de Louviers, 18 septembre 2018, n° 18/00002

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Louviers, 18 sept. 2018, n° 18/00002
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Louviers
Numéro(s) : 18/00002

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

DE LOUVIERS

[…]

[…]

[…]

RG N° N° RG F 18/00002

SECTION Commerce

AFFAIRE

X-K Z contre

SARL L’IMMOBILIERE

NORMANDE

MINUTE N° 280 J

JUGEMENT DU

18 Septembre 2018

Qualification : Contradictoire premier ressort

s e t s u e m in m o m 'h d S s u r R e P IE d e V d it il U e a O s L tr n o e C x d u E d

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT

Audience du 18 Septembre 2018
Monsieur X-K Z […]

[…] Représenté par Me Karima SAÏD (Avocat au barreau de PARIS)

DEMANDEUR

SARL L’IMMOBILIERE NORMANDE

[…]

[…] Représentée par Me Alexis GINHOUX (Avocat au barreau de PARIS)
Madame Y (gérante)

DEFENDEUR

Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré
Madame Claude MOREL, Président Conseiller (E)
Madame Sophie HALLAY, Assesseur Conseiller (E)
Madame Laurence BRANCHU, Assesseur Conseiller (S)
Madame Chantal QUERNIARD, Assesseur Conseiller (S) Assistés lors des débats de Madame Anne-Marie PINTON-BOULIER,

Adjoint administratif faisant fonction de Greffier

PROCÉDURE

- Date de la réception de la demande : 02 Janvier 2018

Chefs de la demande Requalifier contrat de travail d’agent commercial de Monsieur

Z en contrat de travail à durée indéterminée et par conséquent : Fixer sa rémunération mensuelle brute à 3 985,63 € Condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE à lui verser à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre mai 2014 et décembre 2016 inclus.. 49371,51 € Brut

Condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE à lui verser à titre

d’indemnité compensatrice de congés payés afférents 4 937,15 € Brut Condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE à verser à titre

d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ….. 23 913,78 € Condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE à lui rembourser au titre des cotisations indûment payées au RSI par ce dernier au cours des 5 dernières années 75 672,00 €

Ordonner à l’IMMOBILIERE NORMANDE à régulariser sa

- situation auprès des organismes sociaux sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification du jugement



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Ordonner à l’IMMOBILIERE NORMANDE la remise des bulletins de paie pour la période comprise entre mai 2014 et décembre 2016 inclus sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification du jugement Dire et juger que la prise d’acte de la rupture des relations contractuelles par Monsieur X-K Z en date du 13 janvier 2017 est justifiée par les manquements graves de I’IMMOBILIERE NORMANDE et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par conséquent, condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE à lui verser les sommes suivantes :

- indemnité conventionnelle de lice ement 8 967,67 €

- indemnité compensatrice de préavis 7971,26 €

- indemnité compensatrice de congés payés afférents. 797,13 €

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et 50 000,00 € sérieuse…..

- Il est en outre demandé au Conseil :

- d’ordonner la remise des documents de fin de contrat de travail

(certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation employeur destinée à Pôle Employeur) sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification du jugement de condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE au paiement de la

-

somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile débouter l’IMMOBILIERE NORMANDE de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles de condamner l’IMMOBILIERE NORMANDE aux entiers dépens

- Bureau de Conciliation du 06 Février 2018

- Convocations envoyées le 04 Janvier 2018

- Renvoi BJ avec délai de communication de pièces

- Débats à l’audience de Jugement du 13 Mars 2018

- Prononcé par mise à disposition au greffe de la décision fixée à la date du 19 Juin 2018

- Délibéré prorogé à la date du 17 Juillet 2018 puis du 11 Septembre 2018 et du 18 septembre 2018

Prononcé par mise à disposition de la décision au greffe conformément à l’article 450 du code de procédure civile signée par Madame Claude MOREL, Président (E) et Madame Carole TOZZO, Greffier.



FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour Monsieur X-K Z

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE est composée de 8 agences situées à : ACQUIGNY, LA CROIX-ST-LEUFFROY, LOUVIERS, […],

SAINT-MARCEL et, depuis septembre 2017, à […].

L’effectif de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE est composé de collaborateurs salariés assistantes, « négociateurs », VRP, et de collaborateurs indépendants, et donc non salariés, regroupés sous le statut « d’agent commercial ».

Monsieur X-K Z indique qu’il a conclu un contrat de mandataire immobilier avec la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE le 3 mars 2008, suivi d’un contrat d’agent commercial en date du 1er janvier 2012 : ces deux contrats stipulaient que Monsieur X K Z exercerait ses fonctions « sans aucun lien de subordination vis à vis du mandant ».

Pour la parfaite information du Conseil de céans, le statut d’agent commercial est régi par les dispositions de l’article L 314-1 du Code de Commerce, lequel prévoit que :

« L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale ».

Ainsi, conformément à la Loi et aux stipulations de son contrat, son statut d’agent commercial était supposé lui laisser une totale indépendance vis à vis de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

Pourtant, tel n’a pas été le cas.

Tout au long de sa relation contractuelle, les indices de l’existence d’un lien de subordination juridique entre lui et la Société L’IMMOBILIERE NORMANDE n’allaient cesser de s’accumuler : en d’autres termes, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE allait se comporter, à son égard, comme son unique employeur.

Elle lui a donné des ordres et des directives. Elle a contrôlé l’exécution de son activité et a sanctionné ses manquements.

Ainsi, il avait pour employeur exclusif la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, et il se trouvait donc dans une situation de dépendance économique totale à l’égard de la société, ce qui était révélé par ses déclarations de chiffres d’affaires.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE lui donnait des ordres et des directives.

Tout d’abord, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE a fixé son lieu de travail, à savoir l’agence de LOUVIERS, ainsi que ses secteurs de prospection.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE a vérifié l’organisation de son temps de travail. Elle lui demandait d’assurer des permanences au sein de l’agence de LOUVIERS, de soumettre ses dates de congés à validation et de justifier de chacune de ses absences.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE avait des interactions avec la clientèle. Elle

n’hésitait pas à lui fournir des modèles types de documents à utiliser dans ses rapports avec ses clients.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE suivait le déroulement des visites et le suivi des

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mandats immobiliers. Elle lui demandait de respecter la règle du « stop-visite » qui consistait à cesser toute visite d’un bien dès lors qu’un collaborateur signalait être sur le point de négocier une vente.

Monsieur X-K Z avait obligation de participer régulièrement à des sessions de formation, visant à harmoniser ses méthodes de travail avec celles des salariés de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

Il recevait une série d’ordres relatifs à des tâches diverses, telles que l’élaboration et la distribution du magazine de L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, l’animation des sites internet de la société, l’entretien de l’agence, l’accueil de stagiaires ou encore la participation à divers évènements promotionnels de la société.

Il était soumis à une fixation d’objectifs en termes de chiffre d’affaires et à un nombre de mandats. Leur non-atteinte a entraîné des sanctions disciplinaires à son encontre (y compris un avertissement recommandé avec avis de réception) aux mois de novembre et décembre 2016.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE contrôlait l’exécution de sa prestation travail.

Elle exigeait des « reportings » d’activité hebdomadaires.

Elle organisait des réunions d’équipe auxquelles il était convoqué et qui donnaient lieu à des recadrages en cas de résultats jugés insatisfaisants.

Ce lien de subordination juridique allait se révéler avec une acuité toute particulière aux mois de novembre 2016 et décembre 2016: c’est en effet à cette période que la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE allait, pour la première fois, faire usage de son pouvoir disciplinaire à l’encontre de Monsieur X-K Z.

Ainsi, en l’espace de 4 semaines, soit du 15 novembre 2016 au 9 décembre 2016, ce ne sont pas moins de 3 entretiens disciplinaires et 2 sanctions disciplinaires (à savoir une mutation forcée sans préavis, et un avertissement) qui allaient lui être notifiées : comme précisé ci-avant, le motif de ces entretiens et sanctions disciplinaires était, selon la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, la non atteinte des objectifs en termes de chiffres d’affaires et de mandats pour l’année 2016.

Pour la parfaite information du Conseil, l’avertissement notifié par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à Monsieur X-K Z par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 décembre 2016, était rédigé en les termes suivants :

"Monsieur,

Par contrat en date du 1er janvier 2012, nous avons conclu un contrat d’Agent Commercial.

Conformément aux dispositions du contrat souscrit, vous vous êtes engagé mensuellement à réaliser un minimum de 5 mandats de vente sur votre secteur et à réaliser un chiffre d’affaires minimum de 10 000 €.

L’analyse de vos chiffres d’affaires démontre que vous êtes nettement en deça des objectifs attendus. En effet, pour l’année 2014, vous avez atteint un chiffre d’affaires TTC de 112 625 €, en 2015 un chiffre d’affaires TTC de 117 375 €. Nous sommes bientôt à la fin de l’année 2016 et à ce jour, vous n’avez réalisé qu’un chiffre d’affaires TTC de 51 075 €.

Autrement dit, vous avez réalisé un chiffre d’affaires inférieur de 50 % à celui escompté et très en deça de vos performances des deux années précédentes.

Nous nous voyons par la présente dans l’obligation d’attirer votre attention sur la nécessité de vous ressaisir. Un manque de prospection impacte nécessairement les résultats de notre société.

En conséquence, nous vous invitons à déployer les efforts nécessaires afin de parvenir à la réalisation des objectifs convenus entre les parties.

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Ainsi, au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaissait que le statut d’agent commercial indépendant de Monsieur X-K Z n’était absolument pas respecté par la Société

L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

Monsieur X-K Z était d’ailleurs explicitement considéré par la Société

L’IMMOBILIÈRE NORMANDE comme un salarié, puisque : il se voyait remettre une série de documents pourtant explicitement réservés aux salariés de la

Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE il était systématiquement présenté aux tiers comme un salarié de la Société L’IMMOBILIÈRE

NORMANDE il lui était régulièrement demandé, avec insistance, de représenter la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à des évènements commerciaux, ce qu’il faisait d’ailleurs au mois d’avril 2016, en tenant des stands de la société au salon de l’habitat et au centre commercial

INTERMARCHÉ de LOUVIERS

il était systématiquement invité à participer aux évènements de cohésion d’équipe organisés par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE pour ses salariés (voyages, courses à pied, déjeuners de Noël…)
Monsieur X-K Z n’était pas le seul agent commercial dans une telle situation le non respect des modalités du statut d’agent commercial indépendant était, en réalité, systématique au sein de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, comme l’ont confirmé d’autres anciens collaborateurs de la société.

Si ces indices, ci-avant évoqués, du lien de subordination juridique s’accumulaient au fur et à mesure de la relation contractuelle, c’est incontestablement l’exercice de son pouvoir disciplinaire par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à l’encontre de Monsieur X-K Z qui allait faire prendre conscience à ce dernier du caractère anormal de ses conditions de travail, en incohérence avec son statut d’agent commercial indépendant.

C’est la raison pour laquelle, dès le 13 janvier 2017, Monsieur X-K Z prenait acte de la rupture des relations contractuelles, en imputant explicitement cette rupture au non respect, par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, de son statut d’agent commercial indépendant. Autrement dit, il reprochait à la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE d’avoir, sous couvert de son statut d’agent commercial, dissimulé une activité salariée.

C’est la raison pour laquelle Monsieur X-K Z a saisi le Conseil de

Prud’hommes de LOUVIERS, d’où les demandes reprises supra.

Pour la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE est une agence immobilière ayant pour activité la transaction immobilière.

Elle compte 7 agences réparties sur le département de l’Eure.

Des négociateurs intervenant en qualité soit de salariés, soit d’agents commerciaux, sont affectés à cette activité au sein des différentes agences.

Un contrat de mandat d’agent commercial a été conclu le 6 mars 2008 entre la Société

L’IMMOBILIÈRE NORMANDE et Monsieur Z.

Sur la convention expresse et E entre les parties, il fut convenu d’un mandat :

"Le présent mandat est régi par les articles L 134-1 et suivants du Code de Commerce relatifs aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants.

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L’agent jouit de la plus grande indépendance dans l’organisation de son activité et de sa structure juridique. Il détermine seul ses horaires et ses méthodes de travail; en conséquence, l’agent supporte tous les frais occasionnés par son activité."
Monsieur Z s’est inscrit au Registre Spécial des Agents Commerciaux sous le numéro 503 214 926 du R.S.A.C. d’EVREUX.

Il a été confié au demandeur, sans exclusivité, un secteur de 15 kms autour de l’agence d’Acquigny.

Le 1er janvier 2012, les parties convenaient, suivant un nouveau contrat d’agent commercial, d’un secteur, sans exclusivité, étendu à la région Haute-Normandie, en rappelant que Monsieur Z pourra travailler depuis les agences de la concluante.

Ce contrat rappelle également l’indépendance du mandataire.

« L »agent commercial exercera cette activité en sa qualité de mandataire indépendant, sans aucun lien de subordination vis à vis du mandant";

Ses objectifs ont ainsi été déterminés :

"L’agent commercial s’engage, pendant les trois premiers mois d’exécution du présent contrat, à contracter un minimum de 10 mandats de vente sur son secteur et à réaliser un chiffre d’affaires minimum de 25 000 €.

A l’issue de cette période initiale de trois mois, l’agent commercial s’engage mensuellement à contracter un minimum de 5 mandats de vente sur son secteur et à réaliser un chiffre d’affaires minimum de 10 000 €".

La mission du mandataire, en l’occurrence Monsieur Z, était d’une part la prospection des vendeurs et acquéreurs, d’autre part la prise de l’offre et de la promesse.

Il était rattaché à l’agence de LOUVIERS.

La rémunération du mandataire, sous forme de commissions, faisait l’objet d’un accord écrit précis :

"Le mandant paiera à l’agent commer cial, qui accepte, une commision fixée :

- à 45 % des honoraires TTC encaissés (selon le régime fiscal: calculé sur le HT si le régime fiscal est celui d’auto-entrepreneur) par le mandant pour chaque affaire entrée grâce à son intervention et vendue par le mandant grâce à son intervention".

Les relations entre les parties, régies par les dispositions du contrat de mandat d’intérêt commun

- agent commercial – n’ont fait l’objet d’aucun incident singulier, ni remontrance, ni revendications réciproques.

Monsieur Z a réalisé les chiffres d’affaires suivants :

66 250 € 2012:

2013 : 84 125 €

2014 : 112 625 €

2015: 119 375 €

2016: 58 575 €

Eu égard à l’importante dégradation de son chiffre d’affaires et à la non réalisation de ses objectifs contractuels, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE lui proposait, de manière informelle, le 18 novembre 2016, conformément aux dispositions contractuelles, afin de remédier à la chute de son chiffre d’affaires, de prospecter dans la zone autour de l’agence de SAINT-MARCEL.

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Pour seule réponse, Monsieur Z indiquait être confronté à des problèmes d’ordre personnel et être en arrêt maladie.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE formalisait, par courrier du 9 décembre 2016, la non réalisation des objectifs contractuels et l’invitait, en conséquence, « à déployer les efforts nécessaires afin de parvenir à la réalisation des objectifs convenus entre les parties ».

Sans autre préavis, par lettre recommandée AR du 13 janvier 2017, le demandeur informait la Société L’IMMOBILIERE NORMANDE qu’il prenait acte de la rupture des relations contractuelles aux torts exclusifs de la concluante estimant être titulaire d’un contrat de travail.

Non sans contradiction, il prétend, par ce même courrier, au versement de commissions en application du contrat d’agent commercial tout en revendiquant le statut de salarié.

C’est dans ces circonstances que, sans qu’il n’ait jamais invoqué l’existence d’un contrat de travail, d’un lien de subordination, ou de son appartenance à une collectivité de travail avant le mois de janvier 2017, Monsieur Z a saisi, directement, le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes d’EVREUX des demandes ci-dessus énoncées dirigées à l’encontre de la Société

L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

Pour la parfaite information du Conseil, la soeur du concluant, Madame B Z, également agent commercial au sein de la concluante, prenait aussi acte, par courrier du même jour et en des termes strictement identiques, de la rupture des relations contractuelles.

Il est singulier, que le demandeur, qui dénonce aujourd’hui les conditions d’exécution du contrat d’agent commercial, ait invité sa soeur à travailler au sein de la concluante en 2013, en qualité d’agent commercial, si cette dernière ne respectait pas l’indépendance et la liberté propres aux agents commerciaux.

La concluante a demandé au bureau de jugement de la section commerce du Conseil de Prud’hommes d’EVREUX d’annuler la requête valant saisine au motif que la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail n’entre pas dans les cas limitatifs permettant la saisine directe du bureau de jugement.

Par jugement du 23 novembre 2017, le Conseil a déclaré "nulle et de nul effet la saisine directe du bureau de jugement de la section commerce du Conseil de Prud’hommes d’EVREUX par
Monsieur X-K Z".

C’est dans ces conditions que le demandeur a, le 2 janvier 2018, saisi le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de céans.

Faute de conciliation lors de l’audience du 6 février 2018, le dossier était renvoyé à l’examen du bureau de jugement du 13 mars 2018.

La juridiction prud’homale est, en ce qui concerne la demande de requalification du contrat de mandat en contrat de travail, incompétente, ainsi qu’il va être démontré par les éléments versés aux débats.

Pour les autres demandes, le Conseil constatera le caractère infondé de la prise d’acte par
Monsieur Z et le déboutera de l’ensemble de ses demandes.

En conséquence, il est demandé au Conseil de Prud’hommes de LOUVIERS de :

déclarer la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE recevable et bien fondée en son exception

d’incompétence matérielle

Y faisant droit, se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance D’EVREUX

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condamner Monsieur Z à verser à la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE la somme de 5 251 € au titre du préavis non effectué

A titre subsidiaire :

débouter Monsieur Z de ses demandes, fins et conclusions

En tout état de cause :

condamner Monsieur Z à verser à la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

condamner Monsieur Z aux entiers dépens.

DÉCISION DU CONSEIL

Sur l’incompétence matérielle du Conseil de Prud’hommes soulevée par la Société

L’IMMOBILIÈRE NORMANDE

En l’espèce, Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE fait valoir qu’en application des articles 75 et 80 du Code de Procédure Civile, elle est bien fondée à soulever l’incompétence matérielle du Conseil de Prud’hommes de LOUVIERS.

Ainsi, elle explique que tout d’abord, il convient de noter que la compétence matérielle de la juridiction prud’homale suppose l’existence d’un contrat de travail.

Or, il convient cependant de souligner que la relation entre les parties était régie par un contrat de mandat d’agent commercial.

Ce contrat de mandat d’agent commercial, qui fait la loi des parties, permet donc d’exclure l’existence d’un contrat de travail.

Ainsi, en application des articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile, il appartient donc à Monsieur X-K Z d’établir que, contrairement à la convention d’agent commercial signée entre les parties, il était lié à la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE par un contrat de travail.

Or, en l’espèce, à l’appui de ses prétentions, celui-ci n’a produit aucun élément suffisamment probant permettant d’établir l’existence d’une relation de travail entre les parties.

De ce fait, le Conseil ne pourra que se déclarer incompétent pour connaître du litige que lui soumet Monsieur X-K Z.

En la cause, Monsieur X-K Z, quant à lui, fait valoir qu’il convient tout d’abord d’examiner les conditions dans lesquelles il a dû exercer sa fonction d’agent commercial afin de pouvoir la requalifier en contrat de travail.

Ainsi, il explique que malgré sa qualité de travailleur indépendant, il se trouvait en réalité dans une situation de dépendance vis à vis de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

En effet, il ne disposait pas d’une extrême latitude quand il exécutait ses missions d’agent commercial. Ainsi, il devait rendre compte hebdomadairement de son activité professionnelle en complétant des tableaux de reporting extrêmement détaillés. Il devait se soumettre à des horaires de travail et tenir des permanences à l’agence de LOUVIERS. Son lieu de travail, ainsi que ses secteurs de prospection ont été fixés par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, ce qui en l’espèce n’est pas compatible avec son statut d’agent commercial. Il était régulièrement inscrit par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à des formations qui avaient un caractère obligatoire, afin d’harmoniser toutes les méthodes de travail de l’ensemble du personnel des agences.

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Il devait respecter des règles pour le déroulement des visites, la conclusion des ventes et le suivi des mantats. Il était convoqué à des réunions d’équipes hebdomadaires et mensuelles en présence des autres salariés et des gérants, et suite à ces réunions, il recevait par mail toutes les actions à mettre en place.

Il était aussi convoqué à des entretiens individuels afin de faire le bilan de son activité et de lui dresser des pistes d’amélioration pour ses prestations de travail. Il a été sanctionné par un avertissement le 9 décembre 2016 et a été convoqué à 3 entretiens qui se sont tenus les 15, 16 et 17 novembre 2016.

Ainsi, au vu de toutes ces explications, le Conseil ne pourra que constater qu’un lien de subordination juridique a bel et bien existé entre les parties.

De ce fait, Monsieur X-K Z estime que le Conseil de Prud’hommes est parfaitement compétent pour statuer sur ses demandes.

Tout d’abord, avant d’analyser les différentes pièces versées aux débats, le Conseil se permet de rappeler qu’une jurisprudence constante dispose :

- « que l’existence du contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la qualification donnée à la prestation effectuée (salaires, honoraires, indemnités, commissions, etc…) mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur »

- « que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

Ainsi, au regard des différents éléments produits aux débats, le Conseil a donc relevé que :

le lieu de travail de Monsieur X-K Z à l’agence de LOUVIERS a été précisé sur son contrat d’agent commercial. Il a été aussi précisé sur ce contrat qu’il pourrait être amené à exercer sa fonction également à l’agence d’ACQUIGNY ou à l’agence de LA CROIX SAINT

LEUFFROY un secteur de prospection sur l’ensemble de la région Haute-Normandie a aussi été prévu sur son contrat alors qu’en réalité, il ne lui a été attribué que le secteur composé des différentes communes situées autour de LOUVIERS

son activité a été soumise à un contrôle : en effet, au même titre que les salariés de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, il devait adresser hebdomadairement des tableaux de reporting détaillés de l’ensemble de ses activités. Ces tableaux d’activités hebdomadaires « à compléter » étaient identiques à ceux demandés aux salariés. En plus du détail de son activité fait par ses soins, il s’avère que Madame C D, une assistante commerciale, était chargée de le surveiller à son insu à la demande de la Société L’IMMOBILIÈRE

NORMANDE

il devait tenir des permanences à l’agence de LOUVIERS: ainsi, il devait être présent un minimum de 13 heures par semaine au sein de l’agence de LOUVIERS pour assurer les permanences en alternance avec Madame E F. Des plannings de présence démontrent la répartition des créneaux horaires de chacun.

Ainsi, il convient de noter que le suivi et le contrôle de l’activité n’est pas compatible avec le statut d’agent commercial de Monsieur X-K Z.

Monsieur X-K Z recevait aussi beaucoup de mails « de directives à suivre dans ses relations avec la clientèle » de la part de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

Monsieur X-K Z devait aussi adresser ses dates de congés sur une adresse mail bien précise et son nom était reporté sur le tableau de congés annuels des collaborateurs sans faire aucune distinction entre les salariés et les agents commerciaux.

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La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE a exercé son pouvoir disciplinaire à l’encontre de Monsieur X-K Z.

Celui-ci a reçu des mails de recadrage et de relance de la part de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE pour lui rappeler d’effectuer des consignes (mails qui ne sont pas toujours rédigés avec des termes cordiaux ou respectueux).

Il a reçu un courrier RAR du 09 décembre 2016 sur lequel la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE l’invite « à se ressaisir et à déployer les efforts nécessaires afin de parvenir à réaliser les objectifs convenus entre les parties ». Ce courrier, volontairement envoyé en RAR, qui constate son manque de prospection et son manque de résultat, constitue de ce fait un avertissement. Ce courrier apporte également la preuve que la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE a usé de son pouvoir disciplinaire à l’encontre de Monsieur Z et de plus, ce courrier de « recadrage » n’a pas lieu d’être dans le cadre d’un contrat de mandat d’agent commercial indépendant.

Le détail des conditions d’exercice de la fonction d’agent commercial « indépendant » de Monsieur X-K Z exposé ci-dessus démontre que celui-ci ne disposait pas d’une totale indépendance dans l’organisation de son activité.

Au regard de tout ce qui précède, le Conseil constate que Monsieur X-K Z a exercé sa fonction d’agent commercial sous l’autorité et le contrôle de la Société L’IMMOBILIÈRE

NORMANDE en suivant ses ordres et ses directives et en subissant son pouvoir disciplinaire.

Donc, de ce fait, le Conseil dit qu’il existait un lien de subordination juridique entre les parties.

Compte tenu de ce constat, le Conseil se déclare donc compétent pour statuer sur les demandes présentées par Monsieur X-K Z.

Sur la requalification du contrat d’agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur X-K Z

En l’espèce, Monsieur X-K Z fait valoir que sa relation de travail d’agent commercial indépendant a été transformée en relation de travail « salariée ».

En effet, il ne disposait pas d’une extrême latitude pour exécuter ses fonctions et ses missions

d’agent commercial.

Ainsi, des horaires de travail, un lieu de travail, une tenue de permanences à l’agence de LOUVIERS et un secteur de prospection lui ont été imposés.

Il devait exécuter ses prestations selon les consignes et les méthodes exigées et dictées par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE. Il devait rendre compte dans le détail de son activité hebdomadaire et son activité était contrôlée à son insu par une assistante commerciale. Son manque de résultat lui a été notifié par courrier recommandé avec AR le 9 décembre 2016. Il a été convoqué à 3 entretiens successifs et le 17 novembre 2016, il lui a été annoncé qu’il était muté dès le 18 novembre 2016 à l’agence de ST MARCEL sans qu’aucune modification soit apportée à son contrat.

Aussi, tous les nombreux détails exposés dans les éléments de son dossier sur les conditions de fait dans lesquelles il a été contraint d’exercer sa fonction d’agent commercial permettront au Conseil de Prud’hommes de requalifier son contrat d’agent commercial indépendant en contrat de travail à durée indéterminée.

En la cause, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE quant à elle, fait valoir que la fixation du lieu de travail à l’agence de LOUVIERS est une disposition prévue dans le contrat d’agent commercial que Monsieur Z a signé.

De même, Monsieur Z n’était pas obligé de tenir des permanences à l’agence de LOUVIERS. En effet, c’est une proposition qui a été faite aux agents commerciaux qui le souhaitaient, de s’organiser pour assurer une permanence physique selon leurs disponibilités

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respectives et ce, afin de capter davantage de clients.

L’envoi des tableaux d’activité ne saurait également caractériser un contrôle de ses prestations dans la mesure où l’obligation d’information est inhérente au statut d’agent commercial.

Le courrier du 9 décembre 2016 ne saurait caractériser un avertissement puisqu’il s’agit juste d’inviter Monsieur Z à « déployer les efforts nécessaires afin de parvenir à la réalisation des objectifs convenus contractuellement ».

Les éléments versés aux débats par Monsieur X-K L ne démontrant absolument pas qu’il existait une relation de travail « salariée », le Conseil de Prud’hommes ne pourra donc pas faire droit à sa demande de requalification de contrat d’agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée.

Au regard des différents éléments produits aux débats, le Conseil a analysé les conditions de fait dans lesquelles Monsieur X-K Z avait exercé sa fonction d’agent commercial.

Tout d’abord, il a relevé que :

- Monsieur X-K Z n’a pas pu organiser librement son emploi du temps : il était soumis aux mêmes horaires de travail que les autres salariés de la Société

L’IMMOBILIERE NORMANDE

il devait tenir régulièrement des permanences au sein de l’agence de LOUVIERS à raison de 13 heures par semaine en alternance avec E F, sa collègue négociatrice salariée

il devait assister à des réunions commerciales chaque mardi. Ces réunions commerciales étaient obligatoires pour tous les salariés et tous les agents commerciaux, ainsi que l’atteste Madame G H dans son attestation

son travail était régulièrement contrôlé :

il devait rendre compte de son activité professionnelle chaque fin de semaine et de façon extrêmement détaillée ainsi que le démontrent plusieurs échanges de mails de plus, son activité était contrôlée à son insu par Madame C D (assistante commerciale) ainsi que le révèlent les échanges de mails entre E F et

C D

- il recevait régulièrement des mails de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE lui demandant de respecter et d’exécuter des tâches qui n’étaient pas toujours en rapport avec ses fonctions d’agent commercial

- il a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires à partir du 15 novembre 2016:

il a été convoqué à 3 entretiens successifs les 15, 16 et 17 novembre 2016. A la suite de ces 3 entretiens, ses rendez-vous ont été annulés, il lui a été demandé de restituer ses dossiers, il a été muté sans préavis à partir du 18 novembre 2016 à l’agence de ST MARCEL et il a reçu un courrier RAR le 9 décembre 2016 pour le rappeler à l’ordre et l’inviter à respecter ses objectifs. Tous ces actes sont absolument anormaux dans le cadre

d’une relation avec un agent commercial.

Au regard de tout ce qui précède, le Conseil constate que les nombreuses exigences et les nombreuses consignes dictées par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à l’intention de Monsieur X-K Z ne sont pas compatibles avec l’exercice de l’activité indépendante d’un agent commercial.

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Le Conseil constate aussi que Monsieur X-K Z a été amené à exercer ses fonctions d’agent commercial sous les ordres et le contrôle de la Société L’IMMOBILIÈRE

NORMANDE en respectant ses directives et en subissant ses prises de décision et ses remontrances.

Toutes ces différentes observations amènent le Conseil de Prud’hommes à dire qu’il convient de requalifier le contrat d’agent commercial de Monsieur X-K Z en contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er janvier 2012, le lien de subordination juridique entre les parties ayant été parfaitement établi par les éléments du dossier.

Sur le rappel de salaire pour la période de mai 2014 à décembre 2016 inclus

En l’espèce, Monsieur X-K Z fait valoir que la requalification de son contrat d’agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée aura des conséquences indemnitaires et salariales.

Ainsi, il tient à rappeler qu’il était régulièrement rémunéré par des commissions prélevées sur les honoraires de l’agence, contrairement aux collaborateurs salariés, qui eux, pour leur part, ont bénéficié d’une rémunération composée d’une part fixe et d’une part variable (constituée par les commissions).

Aussi, pour déterminer le montant de son salaire de référence, il estime qu’il convient de conserver les commissions qui lui ont déjà été versées (en guise de part variable) et d’y ajouter une part fixe qui correspondra au SMIC.

Ainsi, ce calcul lui a permis d’établir qu’il aurait dû, en tant que salarié, avoir une rémunération annuelle brute de :

60 771,46 € en 2014

66 045,02 € en 2015

47 827,58 € en 2016

Ainsi, en calculant la différence entre les commissions qu’il a perçues et le salaire brut mensuel de référence qu’il aurait dû percevoir, il considère que les rappels de salaire suivants lui sont dûs :

18 790,46 €pour l’année 2014 : pour l’année 2015 : 18 948,15 € soit un total de 55 216,19 € pour l’année 2016: 17 477,58 €

mais sollicite une somme totale de 49 371,51 € bruts

En la cause, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, quant à elle, fait valoir que les calculs et les tableaux récapitulatifs produits par Monsieur X-K Z pour établir son salaire annuel brut de référence sont inintelligibles.

Aussi, de ce fait, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE estime que Monsieur Z ne peut prétendre à aucun rappel de salaire, il a été largement et entièrement rempli de ses droits.

Au regard des éléments versés aux débats, le Conseil a relevé :

que Monsieur Z, qui revendique un salaire de base et des commissions, ne précise pas

-

le lien entre le salaire de base réclamé et la convention collective.

- Qu’il est communément acquis que ses fonctions de vendeur rémunérées à la commission disposent d’un minima conventionnel si les dites commissions ne permettent pas de le dépasser.

- Aussi, le Conseil constate que les commissions acquises dépassent largement le salaire minimum garanti par la convention collective.

A titre d’exemple, le Conseil a remarqué que le montant total des commissions perçues chaque année par Monsieur Z est nettement supérieur au salaire minimum annuel garanti par la

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convention collective qui est de 19 067 € en 2018 pour le premier niveau (niveau E1).

Monsieur Z a donc été rempli de ses droits.

Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil dit que la demande de rappel de salaires n’est pas justifiée et n’est pas valablement établie.

En conséquence, le Conseil déboute Monsieur Z de cette demande.

Sur le travail dissimulé

Au regard des éléments produits aux débats, le Conseil relève :

- qu’il n’a pas été démontré par Monsieur X-K Z qu’il avait été contraint et forcé par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE d’accepter un contrat d’agent commercial que le défaut d’accomplissement de la formalité relative à la déclaration d’embauche et à la délivrance des bulletins de salaire par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE n’est que la conséquence du recours à un agent commercial, lequel est assujetti au RSI.

De ce fait, le Conseil constate que la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE ne s’est pas soustraite intentionnellement à ses obligations de déclaration d’embauche et de délivrance des bulletins de salaire.

L’élément intentionnel du travail dissimulé n’étant pas valablement établi, le Conseil dit qu’il convient de débouter Monsieur X-K Z de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

Sur le remboursement des cotisations payées au RSI par Monsieur X-K Z

En l’espèce, Monsieur X-K Z fait valoir qu’il a indûment cotisé auprès des caisses du RSI pour un montant total de 75 672 € pour la période de 2012 à 2017 et il sollicite le remboursement de toutes ces cotisations auprès de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE.

En la cause, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, quant à elle, indique que Monsieur X-K Z n’établit pas que les cotisations qu’il a payées sont d’un montant supérieur aux cotisations salariales.

Au regard de tout ce qui précède et compte tenu du fait que le contrat d’agent commercial de Monsieur X-K Z a été requalifié par le Conseil de Prud’hommes en contrat de travail à durée indéterminée, il appartiendra à Monsieur X-K Z de faire sa demande de remboursement de cotisations auprès du RSI.

En effet, la commune intention des parties à l’origine de la relation contractuelle était celle

d’agent commercial.

C’est l’accomplissement de ce travail et les conditions d’exécution qui ont cassé la nature relationnelle entre les parties.

Les cotisations versées par Monsieur Z lui ont permis d’acquérir des points de retraite et ces points seront à terme un élément de retraite.

Toutefois, il convient d’acter que le Conseil de Prud’hommes requalifiant le contrat liant les parties, en contrat de travail de subordonné, Monsieur Z peut demander le remboursement de ses cotisations auprès de l’URSSAF de Haute-Normandie – rue I J à A, cet organisme gérant pour compte du RSI les cotisations.

Toute société peut demander le dit remboursement sur 2 ans et Monsieur Z n’aura

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connaissance de son statut de salarié qu’à la date de rendu du présent jugement. Aussi, il convient de fixer le point de départ du délai de prescription à la date où Monsieur Z a pris acte de la rupture de son lien contractuel avec la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, soit le 13 janvier 2017, afin qu’il puisse obtenir un éventuel remboursement sur les années 2015 et 2016.

En cas de difficulté, il appartiendra à Monsieur Z de saisir le TASS (Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale) au vu de ses demandes de remboursement.

La Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE ne peut de ce fait se voir infliger le remboursement de cotisations versées à tort à un organisme d’indépendant.

Le Conseil déboute donc Monsieur Z de sa demande.

Sur la requalification de la prise d’acte de rupture
Monsieur X-K Z a pris acte de la rupture de son contrat le 13 janvier 2017 dans un courrier RAR ainsi libellé :

"Je vous informe prendre acte de la rupture de nos relations contractuelles à vos torts exclusifs, et ce, en raison de vos nombreux manquements à vos obligations contractuelles, qui n’ont cessé de s’accumuler au cours des 3 années écoulées ; plus précisément, mon statut d’agent commercial indépendant n’a jamais été respecté puisque j’ai été placé dans une situation de totale subordination juridique à votre égard”.

En conséquence de la requalification de son contrat d’agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur X-K Z demande au Conseil de Prud’hommes de juger que la rupture de ses relations contractuelles est exclusivement imputable à la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE: en effet, en dévoyant sciemment son contrat d’agent commercial pendant plusieurs années, cette dernière a indéniablement commis des manquements graves.

Le fait pour la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE de ne pas lui faire bénéficier d’un contrat de travail et de l’application des dispositions protectrices du Code du Travail, constitue un manquement grave qui permet de requalifier sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En la cause, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE fait valoir, quant à elle, que si par extraordinaire le Conseil retenait l’existence d’un contrat de travail entre les parties, il conviendrait de requalifier la prise d’acte de Monsieur X-K Z en démission.

En effet, celui-ci n’invoque pas de faits suffisamment graves à l’encontre de la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE pour que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

De plus, à titre éminemment subsidiaire, si par extraordinaire le Conseil estime que cette prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il conviendra d’appliquer les dispositions de l’article L 1235-5 du Code du Travail, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE compte moins de 11 salariés et il appartient à Monsieur X-K Z de justifier de l’étendue de son préjudice. Or, de son propre aveu, celui-ci a retrouvé un travail 3 mois après sa prise d’acte. Aussi, en l’absence de la preuve du préjudice subi à hauteur de la somme réclamée, il conviendra de débouter Monsieur X-K Z de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il a été ci-dessus constaté par le Conseil de Prud’hommes que le statut d’agent commercial indépendant de Monsieur X-K Z n’a pas été respecté par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE, alors que pourtant un contrat d’agent commercial signé par les parties, stipulait expressément « que Monsieur X-K Z serait amené à exercer ses fonctions d’agent commercial sans aucun lien de subordination vis à vis du mandant ».

La fonction d’agent commercial suppose une totale indépendance. Or, il s’avère que Monsieur

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X-K Z a été considéré par la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE comme

« un salarié ».

Monsieur X-K Z a exécuté ses fonctions d’agent commercial dans des conditions anormales et en totale incohérence avec son statut d’agent commercial.

Il a été placé dans un lien de subordination juridique permanent à l’égard de la Société

L’IMMOBILIERE NORMANDE.

Le fait pour la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE de ne pas avoir respecté le contrat d’agent commercial et de ne pas avoir fait bénéficier à Monsieur Z d’un contrat de travail constitue des manquements graves qui ne permettent pas à Monsieur Z de pouvoir continuer à poursuivre sa relation contractuelle.

En conséquence, le Conseil dit qu’il convient de requalifier la prise d’acte de rupture de Monsieur X-K Z en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aussi, le Conseil condamne la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à payer à Monsieur

X-K Z :

- 10 000 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

(Par ailleurs, le Conseil a relevé que dans ses écritures, la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE reconnaît à Monsieur X-K Z un salaire moyen mensuel de 2321€, celui-ci servira donc de référence pour les calculs exposés ci-après)

- 5 222 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement [(2 321 € / 4) x 9 = 5 222 €]

- 4 642 € au titre de l’indemnité de préavis (2 321 € x 2 = 4 642 €)

464 € au titre des congés payés afférents F

Sur la remise des bulletins de salaire

Compte tenu que le Conseil de Prud’hommes a reconnu la qualité de salarié à Monsieur X K Z et a validé que les sommes, par lui, perçues couvraient le salaire qui lui était dû, il convient de considérer les montants mensuels perçus par Monsieur Z comme étant son salaire « net à payer » et d’établir ce qui est communément appelé « un bulletin de salaire à l’envers » pour reconstituer le brut.

Le Conseil ordonne la remise des bulletins de salaire pour la période comprise entre mai 2014 et décembre 2016 inclus sous astreinte de 30 € par jour de retard passé un délai de 180 jours suivant la date de notification du présent jugement.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Le Conseil ordonne la remise des documents de fin de contrat, tels que le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 30 € par jour de retard et par document passé un délai de 180 jours suivant la date de notification du présent jugement.

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile
Monsieur X-K Z ayant dû recourir à justice pour faire valoir ses droits, le Conseil lui accorde la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE de sa demande au titre de l’article 700 du

Code de Procédure Civile.

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PAR CES MOTIFS,

Le Conseil de Prud’hommes de LOUVIERS, Section COMMERCE, statuant publiquement, contradictoirement et en PREMIER RESSORT, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Se déclare compétent pour statuer sur les demandes présentées par Monsieur X-K Z.

Dit qu’il y a lieu de requalifier le contrat d’agent commercial de Monsieur X-K Z en contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er janvier 2012, le lien de subordination juridique existant entre les parties ayant été parfaitement démontré.

Dit qu’il convient de requalifier la prise d’acte de rupture de Monsieur X-K Z en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, condamne la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE à payer à Monsieur X-K Z les sommes suivantes :

▶ 10 000 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5 222 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement (2321 € / 4 x 9 = 5 222 €)

4 642 € au titre de l’indemnité de préavis (2 321 € x 2 = 4 642 €)

464 € au titre des congés payés afférents

(le salaire de 2 321 € pris en compte pour effectuer le calcul des montants énumérés ci-dessus est le salaire moyen mensuel reconnu par la Société IMMOBILIÈRE NORMANDE dans ses écritures)

1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Déboute la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Ordonne la remise des bulletins de salaire pour la période comprise entre mai 2014 et décembre 2016 et dit que les montants mensuels qui ont été perçus par Monsieur Z devront être considérés comme étant son salaire « net à payer » ; il conviendra donc d’établir ce qui est communément appelé « un bulletin de salaire à l’envers » pour reconstituer les salaires bruts.

Ordonne la remise des bulletins de salaire sous astreinte de 30 € par jour de retard passé un délai de 180 jours suivant la date de notification du présent jugement.

Ordonne la remise des documents de fin de contrat, tels que le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 30 € par jour de retard et par document, passé un délai de 180 jours suivant la date de notification du présent jugement.

En cas de non exécution, le Conseil se réserve le droit de liquider les dites astreintes toutes sections confondues.

Déboute Monsieur X-K Z de l’ensemble de ses autres demandes.

Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement et qu’en cas d’exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article 10 du décret du 9 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l’article 700 du Code de Procédure

Civile.

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Déboute la Société L’IMMOBILIÈRE NORMANDE de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens.

La mise à disposition du présent jugement a été fixée au 18 septembre 2018.

Pour le Président Empêché, LE GREFFIER,

C. QUERNIARD. C. TOZZO.

EPRUDHOR (Article 456 du C.P.C.) D

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LOUVIERS

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Le Greffier

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Conseil de prud'hommes de Louviers, 18 septembre 2018, n° 18/00002