Conseil de prud'hommes de Nanterre, 9 octobre 2020, n° 18/01352

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Nanterre, 9 oct. 2020, n° 18/01352
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Nanterre
Numéro(s) : 18/01352

Texte intégral

[…]

[…]

N° RG F 18/01352 N° Portalis

DC2U-X-B7C-DLOC

AFFAIRE

X-E Y contre

SAS AYMING

MINUTE N° 20/370

JUGEMENT CONTRADICTOIRE

en premier ressort

Notification aux parties le 20/10/20

AR dem.

AR def.

Copie exécutoire délivrée, le 20/10/20

à Mone Y

Page 1

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT du 09 Octobre 2020

Section Encadrement

Dans l’affaire opposant
Madame X-E Y née le […] à TOURS

[…]

[…]

Assistée de Me Patrice MOUCHON (Avocat au barreau de PARIS Toque P104 )substitué par Me Isabelle PONS(Avocat au barreau de PARIS)

DEMANDEUR

à

SAS AYMING en la personne de son représentant légal N° SIRET : 414 119 735 00119

[…]

[…]

Représenté par Me Claire SEIGNE (Avocat au barreau de PARIS) substituant Me Arnaud DOUMENGE (Avocat au barreau de PARIS)

DEFENDEUR

- Composition du bureau de jugement Monsieur Michel MOUTIN, Président Conseiller (E) Madame Caroline THOMAS, Assesseur Conseiller (E) Monsieur Marc-Antoine MARCANTONI, Assesseur Conseiller (S)
Monsieur Pascal RIGEASSE, Assesseur Conseiller (S)

Assistés lors des débats de Monsieur Ludovic ALBERI, Greffier, et de Madame Isabel BOURGEOIS-ROVIRA ,Greffier lors de la mise

à disposition

PROCÉDURE

- Date de la réception de la demande : 05 Juin 2018

- Bureau de Conciliation et d’Orientation du 16 Avril 2020

- Débats à l’audience de Jugement du 09 Juillet 2020 Mise à disposition de la décision fixée à la date du 08 Octobre 2020 prorogée à la date du 09 Octobre 2020 pour surcharge du greffe

- Décision prononcée conformément à l’article 453 du code de procédure civile en présence de Madame Isabel BOURGEOIS ROVIRA, Greffier

L’affaire a été mise en délibéré et mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juillet 2018, le greffe du conseil de prud’hommes, à la requête du demandeur, a convoqué le défendeur à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil siégeant le 07 Février 2019 pour la tentative de conciliation prévue par la loi, l’informant en outre, que des décisions exécutoires par provision pourront, même en son absence, être prises contre lui par ledit bureau.

Le bureau de conciliation a renvoyé l’affaire devant le bureau de jugement en date du 09 juillet 2020;

Le 09 juillet 2020 les parties ont comparu et ont été entendues tel que mentionné en première page:

Le demandeur développe à la barre les derniers chefs de la demande:

- Sur la demande provisionnelle au titre du rappel de salaire A titre principal :

-

- Rappel de salaire à titre provisionnel sur la part variable de la rémunération de Madame Y 2018 en l’absence de communication des objectifs à atteindre 40 000,00 Euros A titre subsidiaire :

- Rappel de salaire à titre provisionnel de la part variable sur rémunération de janvier à mai 2018 14 999,00 Euros Sur le licenciement A titre principal :

- Indemnité pour licenciement nul en raison de la discrimination subie par Madame Y: 216 104,58 Euros A titre subsidiaire :

- Indemnité pour licenciement sans cause récile et sérieuse 48 023,24 Euros

- En tout état de cause,

- Article 700 du Code de Procédure Civile 2 500,00 Euros

Exécution provisoire (article 515 Code de procédure civile)

Demande reconventionnelle formulée à la barre:

- Article 700 du Code de Procédure Civile 4 500,00 Euros

Le bureau de jugement met l’affaire en délibéré et fixe la mise à disposition de la décision au 09 Octobre 2020.

LE BUREAU DE JUGEMENT

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Madame X-E Y a été engagé par la société ALMA CONSULTING GROUP devenue AYMING le 20 avril 2015 en qualité de Directrice Commerciale moyennant un salaire fixe mensuel de 8 334 euros brut et une rémunération variable de 3 333,33 euros par mois pouvant aller jusqu’à 4 166,66 euros en cas de dépassement de ses objectifs. Le 29 janvier 2018, Madame Z a été convoquée à entretien préalable fixé au 5 février suivant et licenciée par lettre RAR le 8 février 2018 avec dispense d’effectuer son préavis de trois mois qui lui a été entièrement réglé. Madame Z a contesté son licenciement par un courrier du 21 février 2018 auquel la société a répondu qu’elle maintenait sa décision.

C’est dans ce contexte que Madame Z a saisi le Conseil de céans par requête du 5 juin 2018.

LES DIRES ET MOYENS DU DEMANDEUR

A titre principal, Madame Z soutient que son licenciement est nul en raison de son caractère discriminatoire et sollicite à ce titre le versement d’une indemnité pour licenciement nul de 216 104,58 euros. Sur les motifs du licenciement, elle soutient que l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n’est étayée par aucun fait concret et précis et que sa prétendue insuffisance de résultats est contredite par l’excellence de ses résultats en 2017 et par le versement d’une prime variable sur objectifs atteints de 40 000 euros. Elle sollicite aussi le versement intégral de sa prime variable au titre de l’année 2018, soit 40 000 euros, au motif que la société ne lui a fixé aucun objectif;

LES DIRES ET MOYENS DU DEFENDEUR

La société AYMING expose qu’elle a laissé à Madame Z un temps suffisant pour prendre la pleine mesure de ses fonctions, qu’elle l’a accompagnée en lui dispensant de nombreuses formations mais qu’elle a dû constater à la fin de l’année 2017 la persistance d’insuffisances et de manquements dans l’exécution de ses missions qui l’ont contrainte à la licencier.

Page 2



Elle qualitie de totalement fantaisistes les accusations de discrimination en raison de son sexe exposées par Madame Z et produit l’accord interne du 27 octobre 2016 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dont la note de 77 sur 100 en 2018 a fait ressortir en 2018 un écart de promotion constaté en faveur des femmes. Sur les motifs du licenciement, elle verse le tableau des résultats enregistrés pour l’activité CIR (crédit impôt recherche), produit phare de la société, qui atteste que Madame Z n’a pas atteint ses objectifs pour l’année 2017 et qui démontre son insuffisance de résultats. Elle verse aussi, pour illustrer son insuffisance professionnelle, une attestation du Président d’AYMING qui indique que « Madame Z ne s’inscrivait plus dans les orientations stratégiques de l’entreprise (…) et que la rupture s’est imposée pour préserver l’activité commerciale ainsi que la synergie du Groupe ».

LES MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement en raison de son caractère discriminant

Vu les articles L 1132-1 et 1134-1 du Code du travail; Attendu qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de « son origine, son sexe, ses mœurs, son orientation sexuelle, son âge (…) » ;

Qu’il appartient au salarié d’apporter la preuve qu’il a été victime de faits constitutifs de discrimination qui ont conduit à son licenciement et à l’employeur de démontrer que le salarié n’a pas été sanctionné ou licencié pour des raisons inhérentes à sa personne ;

Qu’en l’espèce, Madame Z expose qu’elle a été victime de discrimination en raison de son sexe et le justifie aux deux motifs suivants,

- Monsieur D B, Directeur de la zone Europe du Sud, a été promu au poste de « Global Operation Performance Director » concomitamment à son licenciement et au moment même où celui-ci enregistrait un déficit de 4 millions d’euros sur son budget ;

- Elle a été remplacée à son poste de Directrice Commerciale par un homme, Monsieur A.

En premier lieu, Monsieur B n’était pas salarié de la société AYMING en France mais de la société AYMING en Espagne dont il a été licencié quelques mois après sa nomination.

Le principe d’égalité de traitement n’a pas vocation à s’appliquer entre les différentes entreprises d’un même groupe et la comparaison faite par Madame Z ne peut être jugée opérante.

En second lieu, le fait qu’AYMING ait retenu la candidature de Monsieur A pour la remplacer ne saurait être constitutif d’une quelconque discrimination à son encontre, l’employeur ayant le libre choix de ses collaborateurs.

En conséquence et en l’absence de tout autre fait laissant présumer l’existence d’une quelconque discrimination à son égard, Madame Z sera déboutée de sa demande de nullité de son licenciement.

Sur le bien-fondé du licenciement

Vu les articles L 1232-1 et L 1232-6 du Code du travail;

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs énoncés et lie les parties, et le juge ne peut rechercher d’autres faits pour justifier le licenciement ;

En l’espèce, la lettre de licenciement énonce deux griefs à l’encontre de Madame Z, une insuffisance de résultats et une insuffisance professionnelle à son poste de directrice commerciale;

Sur l’insuffisance de résultats

L’insuffisance de résultats ne constitue pas en soi un motif de licenciement.

Pour justifier la rupture du contrat de travail d’un salarié, elle doit reposer sur une carence fautive ou une insuffisance professionnelle, objectivement imputable au salarié.

Page 3



En l’espece, AYMING produit, pour démontrer l’insuffisance de résultats de Madame Z, un tableau de son chiffre d’affaires réalisé fin 2017 pour l’activité CIR dont elle devait assurer le développement commercial et qui, démontre qu’elle n’a pas atteint ses objectifs tant pour les nouveaux clients que pour les renouvellements de contrats; L’activité CIR est une offre conseil qui vise à aider les clients d’AYMING à élaborer leur crédit impôt recherche. Dès septembre 2016, lors de l’élaboration du budget 2017, Madame Z a alerté sa Direction sur le fait qu’il lui manquait 8 collaborateurs pour l’année 2017 à venir et que les objectifs seraient très difficiles à atteindre si son équipe commerciale n’était pas rapidement étoffée.

Malgré les recrutements intervenus en 2017, il lui manquait encore deux collaborateurs à la fin de l’année auxquels est venu s’ajouter l’absence d’une Commerciale Grand Compte partie en congé maternité et non remplacée ;

L’attestation de Madame C, Responsable Ressources Humaines, indique que la prise de poste de Madame Z s’est inscrite dans un contexte délicat :

X-E est arrivée chez AYMING dans des conditions difficiles, avec une équipe commerciale démotivée 11

et des collaborateurs en insuffisance de résultats. La Direction commerciale Innovation ne réalisait pas ses objectifs depuis des années, avant son arrivée "; Madame F G, Directrice Générale Adjointe, indique dans une présentation du 29 novembre 2016 retraçant l’historique et les difficultés du marché Crédit d’Impôt: « l’offre CIR est une offre ingrate sur laquelle le marché est sur-sollicité »;

Malgré l’essoufflement de cette offre due à sa maturité et à la forte concurrence et en dépit d’une équipe commerciale sous-dimensionnée, Madame Z a obtenu des résultats globaux fin 2017 jugés satisfaisants par sa Direction puisqu’il lui a été attribué une part variable de 40 913 €, soit un montant supérieur à la prime fixée à 40 000 € en cas d’atteinte de ses objectifs à 100%.

Au vu de ces éléments, le grief d’insuffisance de résultats sera rejeté comme inopérant.

Sur l’insuffisance professionnelle

Si le juge ne peut substituer son appréciation à celle de l’employeur, l’insuffisance professionnelle constitue un motil légitime de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments concrets, objectifs, imputables au salarié et matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié. Elle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

En l’espèce, AYMING se limite à verser aux débats pour illustrer ce second grief, une attestation du Président de la société, Monsieur H I, rédigée en ces termes :

J’ai personnellement constaté durant la collaboration de Madame X-E Z ayant conduit à une rupture de son contrat notifiée le 8 février 2018, ses carences importantes dans l’élaboration de la politique commerciale: pas de plan commercial, pas de définition d’une politique commerciale gagnante, aucune identification des évolutions du marché et absence de cartographie des opportunités, dès lors que nous attendons cela d’une directrice commerciale. Un manque de présence terrain, en lien avec les équipes commerciales et auprès des clients déterminants. J’ai été aussi au regret de constater que Madame Z ne s’inscrivait plus dans les orientations stratégiques de l’entreprise";

La société ne verse aucune autre pièce ou élément concret venant illustrer les carences reprochées à la salariée et ne démontre notamment pas en quoi cette dernière n’était pas assez présente sur le terrain auprès de ses commerciaux et de ses clients.

Elle n’explique pas non plus comment Madame Z a pu recevoir en janvier et en décembre 2017 une part variable au titre de l’année dépassant le montant contractuel théorique de sa prime variable contractuelle et être licenciée pour insuffisance professionnelle deux mois après la fin de cet exercice.

En conséquence, il sera jugé que le licenciement de Madame Z ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaire au titre de la prime variable 2018
Madame Z sollicite le versement d’une somme de 40 000€ au titre de sa prime variable annuelle au motif que l’employeur ne lui a fixé aucun objectif pour 2018.

L’article 3.2 de son contrat de travail définissant sa rémunération variable précise les conditions d’octroi :

Page 4



Pour les affaires que la societe vous aura confiees, vous percevrez une remuneration variable si vous etes présente dans la société au 31 décembre de l’année considérée.

C primes vous seront versées en fonction de votre temps de présence dans l’entreprise. (…) Vous percevrez une prime annuelle brute pouvant atteindre 40 000 € à 100% des critères atteints. En cas de surperformance, celle-ci est plafonnée à 125%, soit une prime supplémentaire de 10 000 € maximum".

Madame Z a été licenciée le 8 février 2018 et a été dispensé d’effectuer son préavis de trois mois qui lui

a été entièrement réglé.

L’inexécution du préavis à la demande de l’employeur ne peut entraîner aucune diminution des avantages et des salaires que le salarié aurait perçus s’il avait continué de travailler pendant cette période.

AYMING n’ayant pas fixé d’objectif à Madame Z pour l’année 2018, elle ne peut être privée de sa prime variable contractuelle mais celle-ci sera calculée au prorata de son temps de « présence » dans l’entreprise, soit de janvier à mai 2018.

Sur les frais irrépétibles

Attendu que la société AYMING sera condamnée aux dépens et qu’elle devra verser à Madame Z une indemnité de procédure qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros,

Qu’il y a lieu de débouter la défenderesse de sa demande reconventionnelle sur ce point.

Sur l’exécution provisoire

Attendu que l’exécution provisoire est de droit ;

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de Nanterre, section Encadrement, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2020.

DIT et JUGE que le licenciement de Madame X-E Y n’est pas discriminatoire et la déboute de sa demande de nullité.

DIT et JUGE que le licenciement de Madame X-E Y est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, CONDAMNE la société AYMING à verser à Madame X-E Y les sommes de :

42 020,34 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 14 999 euros à titre de rappel de variable pour la période de janvier à mai 2018, 1 500 euros à titre des congés payés afférents ;

DEBOUTE Madame X-E Y du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE la société AYMING de sa demande reconventionnelle;

DIT que l’exécution provisoire est de droit ;

ORDONNE à la société AYMING de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à Madame X-E Y dans la limite de trois mois ;et la CONDAMNE aux entiers dépens.

Ainsi jugé et mis à disposition les jour, mois et an susdits.

La présente décision a été signée par Monsieur Michel MOUTIN, Président (E)et par Madame Isabel BOURGEOIS-ROVIRA, Greffier.

Le greffier, Le Président,

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