Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 15 mars 2022, n° 007-2021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
ONMK, ch. disciplinaire nationale, 15 mars 2022, n° 007-2021
Numéro(s) : 007-2021
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Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MASSEURS-KINESITHERAPEUTES 91bis rue du Cherche-Midi -75006-Paris
N°007-2021 M. H. c. Mme D. et le conseil départemental de l’ordre des masseurskinésithérapeutes d’Indre-et-Loire
Audience publique du 16 février 2022
Décision rendue publique par affichage le 15 mars 2022
La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes,
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

Par deux plaintes distinctes, enregistrées le 12 août 2019 à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Centre-Val de Loire, Mme D. et le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’Indre-et-Loire ont demandé à cette chambre de prononcer une sanction à l’encontre de M. H., masseurkinésithérapeute.
Par une décision n° D2/2019 du 17 décembre 2020, la chambre disciplinaire de première instance a prononcé à l’encontre de M. H. la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant une durée de douze mois et a révoqué en application de l’article L. 4124-6 du code de la santé publique le sursis de trois mois prononcé à l’encontre de ce professionnel par la chambre disciplinaire nationale dans sa décision du 17 mars 2016. Cette même décision a mis à la charge de M. H. la somme de 1000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Procédure devant la chambre disciplinaire nationale :
Par requête enregistrée le 25 janvier 2021, M. H., masseur-kinésithérapeute, exerçant (…), représenté par Me Boualem Bendjador, demande à la chambre disciplinaire nationale :
1°) d’annuler la décision du 17 décembre 2020 de la chambre disciplinaire de première instance ;
2°) de rejeter les plaintes formées à son encontre par Mme D. et le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’Indre-et-Loire ;

1 3°) de mettre à la charge de Mme D. et du conseil départemental de l’ordre d’Indre-etLoire la somme de 1000 euros chacun au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-
Le code de justice administrative ;

-
Le code de la santé publique ;

-
Le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie ;

-
L’article 75-I de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 février 2022 :
- M. Dominique Pelca en son rapport ;

- M. H. dûment convoqué, n’étant ni présent, ni représenté.

-
Me Gruninger-Gouze, en ses observations, pour Mme D. et celle-ci en ses explications ;

- M. Pascal Rivière, président, pour le conseil départemental de l’ordre des masseurskinésithérapeutes d’Indre-et-Loire, en ses explications ;

Après en avoir délibéré,
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l’instruction que Mme D. s’est rendue le 13 novembre 2018 au cabinet de M. H., masseur-kinésithérapeute, pour une consultation d’ostéopathie pour des problèmes rachidiens. Elle reproche à ce professionnel d’avoir eu à son égard des gestes à connotation sexuelle, d’avoir posé des ventouses et utilisé une manœuvre de manipulation dorsale sans son consentement, de lui avoir prescrit une ordonnance de manganèse cobalt et de lui avoir conseillé l’achat de produits dans un laboratoire privé. Le conseil départemental de l’ordre des masseurskinésithérapeutes d’Indre-et-Loire a transmis cette plainte en même temps qu’une plainte propre par laquelle il s’associe et développe les griefs soulevés par Mme D. à l’exception des gestes à connotation sexuelle. Par une décision du 17 décembre 2020, la juridiction ordinale a prononcé à l’encontre de M. H. la sanction d’interdiction d’exercer la profession de masseurkinésithérapeute pendant une durée de douze mois et a révoqué le sursis de trois mois prononcé par décision n°004-2015 et 005-2015 du 17 mars 2016 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes dans le cadre d’une précédente affaire. M. H. fait appel de cette décision.
2 Sur la nature de l’exercice de M. H., le droit applicable et la compétence de la juridiction disciplinaire :
2. M. H. fait valoir que son exercice se bornerait à la pratique exclusive de l’ostéopathie et ne relèverait pas à ce titre des dispositions déontologiques applicables aux masseurskinésithérapeutes ni de la compétence de la juridiction disciplinaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. H. a déposé le 10 août 2020 en application du décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie, un dossier en vue d’obtenir l’autorisation d’usage du titre professionnel d’ostéopathe auprès de l’Agence régionale de santé
Centre-Val de Loire et s’est vu refuser cette autorisation par une décision du 24 septembre 2020.
Il n’est ainsi pas fondé à se prévaloir de ce titre pour demander la nullité de la plainte, les règles déontologiques et la compétence de la juridiction restant en tout état de cause applicables à un masseur-kinésithérapeute pour l’ensemble de son exercice professionnel.
Sur le grief d’agression sexuelle :
3. Le code de la santé publique, dans son article R. 4321-53, prévoit que le masseurkinésithérapeute, « au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect (…) de la personne et de sa dignité », lui impose, par l’article R. 4321-54 du même code de respecter, « (…) en toutes circonstances, les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie » et lui commande, par l’article R. 4321-79 du même code de s’abstenir « (…) de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ».
4. Mme D. fait valoir qu’alors qu’elle était en sous-vêtements et ayant gardé son chemisier, M. H. debout face à elle, allait à plusieurs reprises, « sous prétexte de désigner les zones de son dos (…) toucher son sein gauche avec sa main droite l’obligeant à croiser les bras sur sa poitrine ». Il aurait, en outre, à plusieurs reprises, posé sa main sur ses fesses. Elle indique avoir déposé une main courante à la gendarmerie relatant ces faits. M. H., s’il admet avoir « touché le haut du torse et le haut des fesses » de sa patiente, dénie tout caractère sexuel à ces gestes qu’il attribue aux nécessités de la réalisation d’un bilan postural. Il résulte toutefois de l’instruction que ces gestes, non justifiés par la nature des examens à réaliser, ont un caractère déplacé et inconvenant de nature à être ressentis par la patiente comme une atteinte à sa dignité. Mme D. a ainsi pu légitimement se sentir agressée ainsi que l’ont relevé les premiers juges. M. H. a, en outre, montré une indifférence coupable aux réactions de sa patiente et à ses tentatives de se protéger du comportement du professionnel. Il y a ainsi lieu de retenir le grief dans cette mesure.

Sur les autres griefs des plaintes :
En ce qui concerne l’utilisation de techniques non éprouvées et l’absence de consentement aux soins :
5. Aux termes de l’article R. 4321-80 du code de la santé publique : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le masseur-kinésithérapeute s’engage personnellement à assurer au patient des soins consciencieux, attentifs et fondés sur les données actuelles de la science ». Aux termes de l’article R. 4321-84 du code de la santé publique dans sa version applicable à la date des faits : « Le consentement de la personne examinée ou soignée est 3 recherché dans tous les cas. Lorsque le patient, en état d’exprimer sa volonté, refuse le traitement proposé, le masseur-kinésithérapeute respecte ce refus après avoir informé le patient de ses conséquences et, avec l’accord de ce dernier, le médecin prescripteur ».
6. Mme D. fait valoir que M. H. lui aurait posé des ventouses en l’absence de consentement de sa part et qu’il aurait, de même, utilisé une technique de manipulation dorsale malgré son refus explicite de ce type de soins. D’une part, la technique de pose de ventouses ne correspond à aucune donnée actuelle de la science. Elle a d’ailleurs fait l’objet postérieurement aux faits d’une interdiction de la part du Conseil national de l’ordre. D’autre part, le professionnel auquel incombe la preuve de l’information ne peut être regardé comme ayant satisfait à l’obligation déontologique d’une information claire et appropriée de sa patiente celleci n’ayant pas consenti à la pose de ventouses et mis comme condition explicite aux soins qu’il n’y aurait pas de manipulation dorsale. En outre la réalisation de photographies ne pouvait se faire à l’insu de la patiente. Le grief doit être retenu dans son intégralité.
En ce qui concerne l’utilisation du titre d’ostéopathe :
7. Il est constant qu’un masseur-kinésithérapeute ne saurait se prévaloir de titres qu’il ne possède pas. Le titre d’ostéopathe est au nombre de ceux reconnus par le Conseil national de l’ordre susceptibles d’être pratiqués en tant que spécificité par les masseurskinésithérapeutes. Or, ainsi qu’il est dit au point 1 de la présente décision, M. H. s’est vu refuser l’utilisation du titre par une décision en date du 24 septembre 2020. Dès lors l’affichage de la mention ostéopathe ainsi que son utilisation sur certains annuaires et sites internet a un caractère fautif. Le grief doit ainsi être retenu.
En ce qui concerne la délivrance de prescriptions :
8. Aux termes de l’article R. 4321-69 du code de la santé publique : « Il est interdit à un masseur-kinésithérapeute, sauf dérogations accordées par le conseil national de l’ordre, dans les conditions prévues par l’article L. 4113-6, de distribuer à des fins lucratives, des remèdes, appareils ou produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé ». Aux termes de l’article R. 4321-87 du même code : « Le masseur-kinésithérapeute ne peut conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme étant salutaire ou sans danger, un produit ou un procédé, illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite ».
9. Il résulte de l’instruction que si M. H. n’a pas, comme le soutient Mme D. dans le premier état de sa plainte, établi de prescriptions pour l’achat de produits médicamenteux, il lui a cependant délivré un bordereau en vue de l’achat de produits de santé à une société privée commercialisant sur internet. Une telle pratique contrevient aux obligations posées par les articles R. 4321-69 et R. 4321-87 cités ci-dessus.

4 En ce qui concerne la non déclaration d’un cabinet secondaire :
10. Si le conseil départemental de l’ordre soutient au vu des écritures produites par M. H. que celui-ci exerce dans un cabinet secondaire non déclaré, ce grief n’est pas assorti des précisions nécessaires permettant d’en apprécier le bien-fondé et ne peut qu’être rejeté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. H. n’est pas fondé à soutenir que la juridiction disciplinaire de première instance a retenu à tort les manquements déontologiques invoqués, dont elle a fait une juste appréciation en prononçant la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la masso-kinésithérapie pour une durée de douze mois et en révoquant le sursis dont était assortie une précédente condamnation.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Aux termes du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ». Ces dispositions font obstacle à ce que la somme, demandée par M. H. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, soit mise à la charge de Mme D. et du conseil départemental de l’ordre d’Indre-et-Loire qui ne sont pas, dans la présente espèce, les parties perdantes. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 1500 euros à verser à Mme D. au titre des mêmes dispositions.

DECIDE
Article 1er : La requête de M. H. est rejetée.
Article 2 : L’exécution de la sanction prononcée à l’encontre de M. H. prendra effet le 1er juillet 2022 à 0 heure et cessera de porter effet le 30 septembre 2023 à minuit.
Article 3 : M. H. versera à Mme D. la somme de 1500 euros au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. H., à Mme D., au conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’Indre-et-Loire, au Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, au directeur général de l’agence régionale de santé de la région
Centre-Val de Loire, à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurskinésithérapeutes de la région Centre-Val de Loire, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tours et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie pour information en sera délivrée à Me Gruninger-Gouze.

5 Ainsi fait et délibéré par M. BARDOU, Conseiller d’Etat honoraire, Président, Mmes JOUSSE et TURBAN-GROGNEUF, MM. BELLINA, DIARD et PELCA, membres assesseurs de la chambre disciplinaire nationale.

Le conseiller d’Etat honoraire,
Président de la Chambre disciplinaire nationale
Gilles BARDOU
Aurélie VIEIRA
Greffière en chef
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 15 mars 2022, n° 007-2021