Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Section A, Affaire 174 - Pharmacien inspecteur assermenté, 20 décembre 2007, n° 411-D

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le grief de dénaturation des propos du pharmacien poursuivi par les pharmaciens inspecteurs est rejeté, la lecture des procès-verbaux d’audition permettant de constater le contraire. Au fond, l’inspection de l’officine a révélé un manque de soin dans la tenue de la pharmacie (absence de contrôle annuel des balances, délivrances d’un médicament dérivé du sang sans inscription sur le régistre spécial prévu à cet effet, mauvaise tenue des registres des stupéfiants, exécution de prescriptions de médicaments en quantités pouvant être jugées anormales sans qu’il puisse être établi que le prescripteur ait bien été contacté, délivrance sans présentation d’ordonnance à une même personne de PROPOFAN en très grandes quantités). Même si l’étudiant non thésé, employé par le pharmacien titulaire, a pu prendre une part active à la réalisation de ces anomalies (notamment en délivrant des quantités excessives de PROPOFAN) leur accumulation atteste un manque de soin et de rigueur de la part du pharmacien titulaire et un défaut manifeste de surveillance de son personnel. La chambre de discipline du Conseil national relève enfin que l’arrêté préfectoral, ordonnant la suspension administrative du droit d’exercer du pharmacien poursuivi pendant 5 mois, a été annulé pour insuffisance de motivation par un jugement du Tribunal administratif.

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Sur la décision

Référence :
ONPH, sect. a, 20 déc. 2007, n° 411-D
Numéro(s) : 411-D
Dispositif : Poursuivi : Pharmacien titulaire d’officine, Décision : Interdiction d'exercer la pharmacie, Durée sanction : 3 ANS, Sursis : NON ;
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Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL REGIONAL DE L’ORDRE DES
PHARMACIENS DE FRANCHE-COMTE
Chambre disciplinaire
Audience publique du 26 novembre 2007
Plainte du 20 juin 2007 du
Directeur Régional des Affaires
Sanitaires et Sociales de FrancheComté c/ Mme A
Décision 411-D
Décision du 20 décembre 2007
DECISION
Le Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens de Franche-Comté, siégeant en formation disciplinaire, sous la présidence de M. José THOMAS, Président Honoraire de tribunal administratif, en la salle d’audience du Tribunal Administratif de Besançon, dans la composition suivante :
- Mme HEME de LACOTTE, Présidente du Conseil Régional de l’Ordre des
Pharmaciens de Franche-Comté ;
- M. R, rapporteur ;
- Mme DAVET ;
- M. ROY ;
- M. BLANDIN:
- M. BEAUPERE ;
- M. CHOULET ;
- M. GROSSETÊTE;
- M. BOURGEOIS ;
- M. P, Pharmacien Inspecteur Régional, présent à l’audience, mais n’ayant pas pris part au délibéré.

Vu le Code de la Santé Publique, et notamment ses articles L. 4234-1 et suivants,
R. 4234-1 et suivants.
Vu le code de justice administrative ;

Faits et procédure :
1°/
Vu, enregistrée le 20 juin 2007 par le secrétariat du Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens de Franche-Comté, la plainte présentée par le Directeur Régional des
Affaires Sanitaires et Sociales de Franche-Comté contre Mme A, pharmacienne … ;
Cette plainte est consécutive à une inspection diligentée par l’inspection régionale de la Pharmacie, qui a été conduite les 9 et 14 mai, 4 et 8 juin 2007, et vise le rapport déposé par les inspecteurs le 21 juin 2007 ; cette inspection a été elle-même organisée suite à un 1 courrier de dénonciation expédié par un médecin, au nom de son fils, M. B, employé au sein de l’officine, et suite à plusieurs auditions de M. B ;

Elle est fondée sur les dysfonctionnements et infraction ci-après, mentionnés dans le rapport :
- la balance du préparatoire n’avait pas fait l’objet d’un contrôle annuel ; le registre de délivrance des médicaments dérivés du sang n’était pas tenu dans des conditions conformes aux prescriptions réglementaires ; les conditions dans lesquelles étaient détenus certains stupéfiants et médicaments suivant la réglementation des stupéfiants traduisaient un évident manque de soin ; ces faits sont considérés par le DRASS comme constituant des infractions aux dispositions de l’article R. 4235-12 du Code de la Santé Publique ;
- Mme A ne peut être regardée, pour l’exercice 2006, comme ayant été assistée de l’adjoint à temps complet qu’imposait le chiffre d’affaires de l’officine, M. B, présenté comme remplissant cette fonction, n’ayant pas qualité pour l’exercer ; ce fait est considéré par le
DRASS comme constituant une infraction aux dispositions de l’article R, 4235-13 du Code de la Santé Publique ;
- Mme A a été appelée à faire des remontrances à M. B en présence ou avec le concours de son époux, dans des circonstances que le Directeur Régional des Affaires
Sanitaires et Sociales estime porter ainsi atteinte à l’indépendance de ce dernier, aux obligations de la confraternité et au secret professionnel ;
- au demeurant, les conditions d’embauche de M. B, et l’absence de définition des attributions des adjoints sont considérés par le DRASS comme constituant des infractions aux dispositions des articles R. 4235-3, R. 4235-5 et R. 4235-35 du Code de la Santé Publique ;
- le registre spécial des stupéfiants n’était pas régulièrement tenu, ce qui est considéré par le Directeur régional des affaires sanitaires et sociales comme constituant un manquement aux dispositions des articles R. 4235-12 et R. 4235-13 du Code de la Santé
Publique ;
- l’exécution et/ou la facturation à la sécurité sociale de certaines prescriptions de stupéfiants ou médicaments suivant la réglementation applicable aux stupéfiants a été faite dans des conditions qui ne correspondent pas, notamment en ce qui concerne les quantités délivrées, aux indications du prescripteur, ce qui est également considéré comme un manquement aux dispositions des articles R. 4235-12 et R. 4235-13 du Code de la Santé
Publique ;
- l’officine s’est livrée, sur une période de deux ou trois ans, à la délivrance sans prescription, à une même personne, de PROPOFAN dans des quantités susceptibles de compromettre la santé du destinataire, voire sa vie, sauf à ce que le produit ait été détourné pour alimenter d’autres usagers ; en outre, l’officine a délivré sans prescription des médicaments figurant en listes I et II à des patients dans des conditions administratives, avec un manque de cohérence et pour des quantités permettant de douter de la réalité des bénéficiaires ; ces faits sont considérés comme des infractions aux dispositions des articles R.
4235-2, R. 4235-10, R. 4235-12, R, 4235-61, R. 4235-62 et R. 4235-64 ;

2 2°/
Vu les pièces complémentaires déposées le 25 juin 2005 par le Directeur Régional de l’Action Sanitaire et Sociale 3°/
Vu, ensemble avec les pièces annexées, le mémoire daté du 2 octobre 2007, présenté sous les écritures de Me FALLOURD, avocat à Paris, pour Mme A ; elle y conclut à ce que la chambre de discipline fasse preuve à son égard de la plus grande indulgence ; elle soutient :
- que, contrairement à ce que laisse entendre le rapport des pharmaciens inspecteurs, Mme A ne s’est livré à aucune forme d’opposition à inspection ; qu’en revanche, eu égard à la circonstance qu’elle n’a été informée ni du courrier de dénonciation, ni des auditions de M. B, et en l’absence de toute communication préalable du rapport ou d’un projet de rapport dans des conditions qui lui auraient permis de présenter ses observations, Mme A n’a pas été mise par les pharmaciens inspecteurs en situation de présenter sa défense ;
- que, la lettre de dénonciation et les propos de M. B reposant sur de simples allégations dépourvues de caractère probant, il est regrettable que les inspecteurs n’aient pas davantage étayé leurs conclusions en confrontant ses déclarations avec l’interrogation des autres membres du personnel de l’officine ;
- qu’aucune conséquence déontologique ne saurait être tirée du nombre de collaborateurs successivement employés par Mme A ;
- qu’aucune conséquence déontologique ne saurait être tirée des conditions dans lesquelles Mme A a été amenée à formuler un avertissement à son M. B, dont la relation des faits est inexacte ; que, notamment, Mme A n’a à aucun moment sollicité l’intervention de son mari ; que les conditions de l’intervention de celui-ci, qui ne l’ont à aucun moment amené à connaître de données personnelles des clients de l’officine, n’ont en rien conduit à la violation des dispositions de l’article R. 4235-5 du Code de la Santé Publique relatives au secret professionnel, non plus qu’à la méconnaissance du devoir de confidentialité ;
- que l’infraction à l’obligation d’employer un adjoint à plein temps ne peut être regardée comme constituée, eu égard d’une part au paradoxe qui caractérise le statut des étudiants en pharmacie préparant leur thèse, qui était celui de M. B, et d’autre part à la circonstance que, sauf pour une période de 5 jours, la pharmacie disposait d’un autre pharmacien adjoint ;
- que le grief de ne pas avoir procédé à la définition écrite des attributions du pharmacien adjoint est véniel, et il y a été remédié à la suite de l’inspection ;
- que les anomalies de tenue du registre des stupéfiants sont largement imputables aux négligences de M. B ;
- que les observations relatives aux conditions de détention du stock de stupéfiants faites par les pharmaciens inspecteur traduisent seulement la circonstance qu’elles ont été faites au cours d’une opération de préparation des plateaux destinés aux clients de l’officine ;
que, dans ces conditions, l’infraction relevée n’est pas constituée ;

- que le relevé d’une seule omission sur registre des médicaments dérivés du 3 sang ne suffit pas à caractériser une infraction ;
- que si des quantités anormales de PROPOFAN ont été délivrées, sans prescription, à un client habituel de l’officine, ce ne résulte pas d’instructions de Mme A, mais d’initiatives prises par M. B ; au demeurant, le client était suivi médicalement ;
- que Mme A a toujours respecté les prescriptions de fractionnement données par les médecins pour la délivrance des médicaments classés comme stupéfiants ; que seule donc des négligences dans la tenue du registre peuvent lui être reprochées ;
4°/
Vu la décision en date du 18 octobre 2006 par laquelle le Conseil Régional des
Pharmaciens de Franche Comté, statuant sur la plainte du Directeur Régional des Affaires
Sanitaires et Sociales, décide de traduire Mme A devant la chambre de discipline ;
Vu les autres pièces du dossier ;
L’audience
Après avoir vérifié que les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience ;
Après avoir entendu, à l’audience publique du 26 novembre 2007, dont le secrétariat a été tenu par Mme SIMONIN :
− le rapport du Dr R ;
− les réponses apportées par Mme A, qui étaient assistée par Me FALLOURD, aux questions posées par le Président, et par les conseillers auxquels il a donné la parole ;
− les observations présentées par M. P, Pharmacien Inspecteur Régional ;
− les observations finales de Mme A et de Me FALLOURD ;
Les questions des membres de la juridiction ont notamment porté sur la procédure de délivrance et sur les doses de Propofan® délivrées à un même client ;
Les observations de M. P ont notamment porté sur le caractère gravement toxique du médicament aux doses délivrées, ce qui a été confirmé par Mme M, pharmacien inspecteur de santé publique, entendue, à la demande de M. P, en qualité de témoin par la juridiction, sur autorisation du président ; Mme A et Me FALLOURD, qui ont réitéré la position prise par Mme A dans son mémoire en défense, ont notamment soutenu :
- que l’inspecteur s’est, dans la conduite de l’inspection, affranchi des principes 4 du contradictoire en ne permettant pas à Mme A de prendre connaissance de la dénonciation de M. B et en ne la mettant ainsi pas en mesure de présenter utilement ses observations ;
- que le témoignage de M. B, qui est suspect de chercher à reporter sur Mme A ses propres responsabilités, voire la responsabilité d’un trafic qui s’était installé sous son égide, doit être écarté ;
- que la délivrance de Propofan à un seul patient avait été faite dans un premier temps pour des doses qui ont pu être recoupées avec les prescriptions du médecin traitant ; que ce n’est que sous l’égide de M. B que des doses manifestement excessives ont été délivrées ; qu’en tout état de cause, les analyses n’ont jamais révélé de trouble métabolique ;
- qu’en tout état de cause, cette délivrance a été faite sans intention lucrative ;
- pour le surplus, qu’il peut lui être reproché tout au plus une mauvaise gestion du stock ;
Après en avoir délibéré dans la composition ci-dessus indiquée, et hors la présence de M. P ;

Les motifs de la décision
Le conseil fonde sa décision sur les considérations suivantes :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’attention de l’inspection régionale de la pharmacie a été appelée sur le fonctionnement de la pharmacie dont Mme A est titulaire, par une courrier adressé le 27 avril 2007, au Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens, par le père de M. B, pharmacien assistant, ce qui a conduit à l’audition de ce dernier, le 7 mai 2007, et à un contrôle de l’inspection régionale, qui s’est déroulé les 9 et 14 mai, ainsi que le 4 juin 2007 ; qu’à la suite de ce contrôle, et après qu’il ait été procédé le 15 juin à une nouvelle audition de M. B, un rapport a été dressé, au vu duquel le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales a saisi le Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens d’une plainte dirigée contre Mme A ; qu’il a également saisi le procureur de la République, qui a initié une procédure pénale ;
Sur le respect des principes de la procédure contradictoire
Considérant que le courrier du Dr C, père de M. B figure parmi les pièces de la procédure produites par le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales à l’appui de sa plainte ; que si les deux procès-verbaux d’audition de M. B, pour avoir été saisis dans le cadre de la procédure pénale, ne figurent pas parmi les pièces du dossier, les faits qu’ils dénoncent ont été exposés dans le rapport des inspecteurs ; que Mme A a pu ainsi en prendre connaissance et les discuter dans les observations tant écrites qu’ orales qu’ elle a produites devant le conseil régional de l’ordre ; que, dès lors, alors même que ces témoignages n’avaient pas été portés à sa connaissance dans le cours de l’inspection, Mme A n’est pas fondée à soutenir que la procédure suivie devant la chambre disciplinaire aurait été 5 conduite en méconnaissance des principes de la procédure contradictoire ;
Sur les griefs tirés de l’infraction à l’obligation de disposer d’un pharmacien assistant et des conditions d’emploi des adjoints
Considérant que Mme A n’était pas assistée, pendant l’année 2006 du nombre d’adjoints à temps complet qu’imposait le chiffre d’affaires de l’officine, M. B, présenté comme remplissant cette fonction, n’ayant pas qualité pour l’exercer ; que cette circonstance, si elle constitue une infraction aux dispositions de l’article R. 4235-13 du Code de la Santé
Publique, doit être appréciée toutefois au regard des difficultés crées par les ambiguïtés du statut des étudiants en pharmacie en préparation de thèse, et à la circonstance qu’il existait en tout état de cause dans l’officine un assistant présentant les qualification requises ;
Considérant que, faute d’avoir notamment procédé à la définition attributions des adjoints, ce qui a pu d’ailleurs favoriser certains des autres dysfonctionnements analysés plus loin, Mme A s’est trouvée en infraction avec les dispositions des articles R. 42353, R. 4235-5 et R. 4235.35 du Code de la Santé Publique ; que, toutefois, il y a lieu de prendre en considération la circonstance que Mme A a remédié à cette anomalie dans les jours qui ont suivi l’inspection ;

Sur les griefs d’atteinte à l’indépendance d’un collaborateur, aux obligations de la confraternité et au secret professionnel
Considérant qu’il n’est pas établi que les conditions dans lesquelles l’époux de Mme A a été appelé à intervenir dans une discussion entre Mme A et M. B, à propos de reproches qu’elle avait à adresser à son salarié, auraient amené M. A à s’immiscer dans le fonctionnement de l’officine et dans les rapports entre son titulaire et ses salariés, ou à prendre connaissance de données confidentielles ; que, par suite, les griefs d’atteinte à l’indépendance d’un collaborateur, aux obligations de la confraternité et au secret professionnel doivent être écartés ;
Sur les autres griefs de la plainte
Considérant que si les témoignages de M. B doivent être appréciés en tenant compte de ce que Mme A soutient lui avoir fait des reproches relatifs à la tenue du registre des stupéfiants, et lui impute une part des dérives constatées dans la délivrance à un même patient de quantités anormales de Propofan, cette circonstance ne peut conduire à les écarter purement et simplement, dès lors que les reproches de Mme A ne sont eux-mêmes pas davantage étayés d’éléments objectifs ; que les faits témoignés ne pourront simplement être regardés comme établis que lorsqu’ils pourront avoir été corroborés par des éléments objectifs relevés dans l’officine au cours de l’inspection ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la balance du préparatoire n’avait pas fait l’objet d’un contrôle annuel, que la délivrance d’au moins un médicament dérivé du sang 6 (Rhophylac®) n’avait pas fait l’objet d’une inscription dans le registre des médicaments dérivés du sang, que certains stupéfiants ou médicaments suivant la réglementation de ceuxci ont été trouvés au cours de l’inspection en dehors du coffre fort qui leur est consacré ; que ces faits, qui traduisent un évident manque de soins, doivent toutefois être relativisés pour tenir compte des explications de Mme A, laquelle impute notamment le défaut de retranscription de la délivrance de Rhophylac ® à un simple oubli et la découverte de médicaments stupéfiants hors du coffre aux pratique de la préparation des plateaux appelés à être délivrés aux clients ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que lors de la première intervention des inspecteurs, Mme A n’a pu présenter qu’un registre des stupéfiants qui n’était pas tenu depuis le mois de décembre 2006, et n’a pu présenter l’inventaire annuel prévu à l’article R.5132-36 du Code de la Santé Publique ; que, par ailleurs, il n’est pas contesté que Mme A n’a pu davantage présenter, à la seconde visite, l’inventaire annuel, et vraisemblablement ne savait pas le pratiquer, puisque les inspecteurs ont dû en expliquer le principe et faire procéder à cet inventaire, en leur présence, par un membre du personnel de l’officine ; que si Mme A soutient d’une part qu’elle s’apprêtait à mettre en service un nouveau registre, qu’elle entendait soumettre à la formalité, pourtant supprimée, de la cotation et du paraphe, et, d’autre part, que la tenue de ce registre incombait à M. B, les faits constatés et les observations de Mme A doivent être mis en rapport avec les témoignages de ce dernier, qui avait précisé avoir constaté des discordances graves entre les stocks de stupéfiants et le registre, et avoir refusé en conséquence de délivrer les signatures qui auraient pu authentifier les écritures ; que la défense de Mme A selon laquelle M. B aurait dénoncé ces faits pour couvrir ses propres défaillances n’est pas vraisemblable ; que, dès lors, il doit être tenu pour établi que la comptabilité des stupéfiants comportait de graves lacunes, constitutives d’infractions aux dispositions des articles R. 423512 et R. 4235-13 du Code de la Santé Publique ;
Considérant qu’il a été constaté par les inspecteurs, à la consultation de l’ordonnancier, que la pharmacie pratiquait couramment la délivrance à des patients de médicaments classés comme stupéfiants ou obéissant à la même réglementation, sans qu’il ait été recouru au fractionnement prévu à l’article R. 5132-30 du Code de la Santé Publique, et sans qu’il en ait été justifié par des mentions portées sur les ordonnances ; que si Mme A soutient que les délivrances effectives étaient fractionnées, et non distribuées en une seule prise, et que la pratique de la pharmacie était justifiée seulement par les difficultés de la facturation à la sécurité sociale des délivrances fractionnées, cette pratique, qui ne permet pas de vérifier si la pharmacie respecte les exigences du suivi thérapeutique des toxicomanes, et qui n’est pas conforme aux prescriptions réglementaires, traduit à tout le moins un manquement sérieux aux dispositions des mêmes articles R. 4235-12 et R. 4235-13 du Code de la Santé Publique ;
Considérant que la consultation de l’ordonnancier par les inspecteurs a révélé la délivrance en nombre, sur plusieurs mois, de médicaments divers, à une personne unique, non identifiée, et ne pouvant manifestement pas correspondre, par le nombre et la nature des médicaments délivrés, au traitement d’une seule personne ; qu’un recoupement avec un médecin mentionné comme prescripteur a révélé que celui-ci n’était pas l’auteur de la prescription portée sur 1' ordonnancier ; que, dans ces conditions, il doit être tenu pour établi que les délivrances en cause ont été établies au nom d’un client fictif, sans qu’il ait pu être vérifié que le ou les bénéficiaires étaient couverts par une prescription médicale, et sans que Mme A puisse justifier avoir respecté les obligations mises à sa charge par les dispositions 7 des articles R. 4235-10, R. 4235- 61 et R. 4235-64 du Code de la Santé Publique ;
Considérant que, de même, la consultation de l’ordonnancier a révélé que la pharmacie avait exécuté pendant plusieurs mois des prescriptions délivrées à un même patient pour des médicaments très diversifiés, avec des posologies, le cas échéant cumulées pour une même molécule vendue sous des noms commerciaux différents, très élevées, atteignant ou dépassant couramment la dose mensuelle ou journalière maximum admissible ;
qu’à supposer même que, comme elle le soutient, Mme A ait vérifié ces prescriptions auprès du médecin prescripteur, sa pratique révèle une absence de discernement dans l’exécution des prescriptions susceptible d’avoir mis en danger la vie de ce patient ; que, dès lors, elle a également manqué aux prescriptions des articles R. 4235-10, R. 4235- 61 et R. 4235-64 du
Code de la Santé Publique ;
Considérant enfin que les déclarations de M. B affirmaient que Mme A ordonnait à son personnel de satisfaire sans prescription médicale les demandes d’une même personne qui se faisait délivrer quotidiennement 3 boîtes, soit 60 comprimés, de Propofan®, soit 10 fois la dose journalière maximum admissible ; que les recoupements entre l’inventaire annuel, le registre des ordonnances, et les achats de l’officine effectués par les inspecteurs révèlent un manque de cohérence permettent de tenir cette délivrance pour établie et, ce, pour les quantités indiquées ; que Mme A, qui ne le conteste pas, mais nie avoir donné des instructions en ce sens, se contente de soutenir d’une part qu’elle avait connaissance d’une partie de ces faits, correspondant à la délivrance, en accord verbal avec le médecin, à un patient soufflant de douleurs particulièrement intenses et résistantes, de trois boîtes par semaine, d’autre part qu’elle accordait foi aux affirmations de ce médecin selon lesquelles les analyses de sang du patient étaient normales et, enfin, que le surplus des délivrances procédait d’initiatives de M. B qui échappaient à son contrôle, voire procédaient d’un véritable trafic organisé par lui ; qu’à supposer vraisemblable cette défense, qui n’est pas vérifiable, il demeure, en tout état de cause, que la partie des faits dont elle admet la connaissance traduit d’une part la délivrance de Propofan® à des doses supérieures aux doses maximum, et, d’autre part, un manque manifeste de surveillance de son personnel et de ses stocks, ainsi qu’une méconnaissance de la toxicité du médicament en cause ; que, dès lors, elle a également manqué aux prescriptions des articles R. 4235-10, R. 4235- 61 et R. 4235-64 du Code de la Santé Publique ;

Sur la sanction
Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’affaire en prononçant à l’encontre de Mme A la sanction de l’interdiction d’exercer la pharmacie pendant une durée de trois ans ;
Considérant que l’exécution de la sanction devra avoir lieu à compter du 1er mai 2008 ;

8 La décision :
Par ces motifs, la chambre de discipline du Conseil Régional de l’Ordre des
Pharmaciens de Franche-Comté ;

DECIDE
Article 1er : La sanction d’interdiction d’exercer la pharmacie pendant une durée de trois ans est prononcée à l’encontre de Mme A.
Article 2 : Le début de l’exécution de la sanction prononcée à l’article 1er est fixé au 1er mai 2008.

Article 3 : La présente décision sera notifiée, dans les conditions prévues à l’article R.
4234-12 du code de la santé publique :
- à Mme A ;
- au Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales de Franche-Comté ;
- au Ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;
- au Président du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens.
Copie pour information en sera adressée à Me FALLOURD, avocat.
Décision du 20 décembre 2007
Le Président de La chambre de Discipline
José THOMAS
Signé 9

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