Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Affaire AD/04537-3/CN, 3 mars 2021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
ONPH, 3 mars 2021
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Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL NATIONAL DE
L’ORDRE DES PHARMACIENS
Chambre de discipline
N° AD/04537-3/CN __________ Mme B c/ M. A __________ Mme Martine Denis-Linton, présidente __________ M. Serge Caillier, rapporteur __________
Audience du 26 janvier 2021
Lecture du 3 mars 2021
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La présidente du conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens a transmis au président de la chambre de discipline de son conseil, après l’échec de la réunion de conciliation, la plainte de Mme B. Cette plainte est dirigée contre M. A, pharmacien adjoint intermittent en officine puis titulaire d’une officine à …
Par une décision du 6 juillet 2018, la chambre de discipline du conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens a rejeté la plainte de Mme B dirigée contre M. A et a mis à la charge de la première le paiement d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Procédure devant la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens :
Par une requête enregistrée à la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens le 17 août 2018 et un mémoire enregistré le 16 novembre 2018, Mme B, représentée par Me Especel, demande à la juridiction d’appel :
1°) d’annuler la décision de première instance ;
2°) de prononcer une sanction à l’encontre de M. A ;

N° AD/04537-3/CN 2 3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- la décision de première instance est irrégulière dès lors qu’elle ne vise pas les notes en délibéré ;
- la chambre de discipline ne pouvait se limiter à relever l’absence d’interdiction d’exercer l’activité de pharmacien intermittent par le biais d’une société ;
- l’obligation d’exercice personnel de l’activité de pharmacien impose que le titulaire ait une autorité hiérarchique sur son équipe, ce qui exclut la réalisation d’un contrat de prestation de service ;
- l’existence d’un tel contrat entre le titulaire et la société de l’adjoint intermittent soulève plusieurs difficultés : l’assurance du pharmacien titulaire ne couvre pas les agissements du prestataire ; l’intermittent autoentrepreneur n’est plus tenu de se soumettre aux obligations liées au développement professionnel continu ; l’activité de chef d’entreprise en plus de celle de pharmacien méconnaît l’interdiction de cumul d’activités prescrite par le code de la santé publique ;
- M. A exerce depuis septembre 2016 en qualité de titulaire tout en étant le dirigeant d’une autre société commerciale : la SAS « Z ».
Par des mémoires enregistrés les 16 octobre 2018, 14 janvier 2019 et 20 janvier 2021 à la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, M. A, représenté par
Me Raso, demande à la juridiction d’appel, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter l’appel de Mme B ;
2°) de mettre à la charge de Mme B la somme de 4 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
3°) de condamner l’appelante au paiement de la somme de 5 000 euros pour recours abusif ;
4°) de condamner l’appelante à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices résultant de son recours abusif.
Il fait valoir que :
- la décision de première instance est régulière dès lors que l’omission d’une note en délibéré dans les visas d’une décision ne constitue qu’une erreur matérielle ;
- la société « Y » n’a plus aucune activité depuis le 1er juillet 2016 ;
- aucun article du code de la santé publique ne prohibe l’exercice en qualité de pharmacien adjoint intermittent sous forme de société ; ses modalités d’exercice dans la société sont compatibles avec les principes d’exercice personnel et d’indépendance ;
- Mme B a déposé une plainte à son encontre car ils étaient tous deux intéressés par l’acquisition de la même pharmacie ;
- il a informé la délégation de … de son mode d’exercice de la profession de pharmacien ;
- il n’existe pas d’obstacles à l’exercice d’un pharmacien intermittent sous la forme d’une société unipersonnelle
- Mme B a eu elle-même recours à des pharmaciens intermittents exerçant sous la forme de société ;

N° AD/04537-3/CN 3
- la société « Z » n’a jamais eu aucune activité ;
- le recours de Mme B est abusif et le comportement de la plaignante révèle sa mauvaise foi.
Par une ordonnance du 14 octobre 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 novembre 2020 puis réouverte lors du report de l’audience.
Vu la note en délibéré produite pour M. A, enregistrée le 11 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience tenue à huis clos :
- le rapport de M. Serge Caillier,
- les explications de M. A, à distance par visioconférence,
- les explications de Mme B, à distance par visioconférence,
- les observations de Me Especel, pour Mme B, à distance par visioconférence,
- les observations de Me Raso, pour M. A, à distance par visioconférence.
Le pharmacien poursuivi a eu la parole en dernier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B, pharmacien titulaire de la SELAS « Pharmacie W », a formé une plainte enregistrée le 25 juillet 2016 au conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens. Cette plainte, qui porte notamment sur les modalités d’exercice des pharmaciens intermittents en officine, est dirigée contre M. A, pharmacien adjoint intermittent en officine jusqu’au 31 août 2016 puis titulaire de l’officine située …. Par une décision du 6 juillet 2018, la chambre de discipline du conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens a rejeté la plainte de Mme B dirigée contre M. A et mis à la charge de la première une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Mme B fait appel de cette décision.
Sur la régularité de la décision de première instance :
2. Deux notes en délibéré ayant été enregistrées les 23 avril 2018 et 25 juin 2018 sans que Mme B ait l’assurance que le juge en ait pris connaissance , faute d’être visées dans la décision du 6 juillet 2018 de la chambre de discipline du conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens, il y a lieu d’annuler cette décision et, l’affaire étant en l’état, de l’évoquer et, par-là, de statuer en qualité de juge de première instance.

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Sur le fond :
En ce qui concerne le grief tiré de l’incompatibilité du contrat de prestation de service avec l’exercice de pharmacien adjoint intermittent en officine :
3. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article R.4235-1 du code de la santé publique : « Les dispositions du code de déontologie s’imposent à tous les pharmaciens » 4. Mme B soutient qu’un pharmacien adjoint intermittent ne peut exercer sous la forme d’une société unipersonnelle au motif que seul le lien de subordination inhérent au contrat de travail permet au titulaire notamment de surveiller attentivement l’exécution des actes professionnels qu’il n’accomplit pas lui-même, de définir les attributions des pharmaciens qui l’assistent, de vérifier leur inscription à l’ordre. Il résulte de la disposition précitée que les obligations déontologiques s’imposent à tout pharmacien inscrit à l’ordre, quelle que soit la forme que prend son exercice. Dès lors, la circonstance que M. A, qui déclare n’avoir jamais entendu se soustraire à ses obligations déontologiques, effectue des prestations de service, ne permet pas de caractériser un manquement au regard de celles-ci. Par suite, le grief tiré du manquement de M. A à ses obligations déontologiques du fait de son mode d’exercice ne peut qu’être écarté.
En ce qui concerne le grief tiré du cumul d’activités :
5. L’article L. 5125-2 du code de la santé publique dispose que : « « L’exploitation d’une officine est incompatible avec l’exercice d’une autre profession, notamment avec celle de médecin, vétérinaire, sage-femme, dentiste, même si l’intéressé est pourvu des diplômes correspondants (…) ». Aux termes de l’article R. 4235-4 de ce code : « Un pharmacien ne peut exercer une autre activité que si ce cumul n’est pas exclu par la réglementation en vigueur et s’il est compatible avec la dignité professionnelle et avec l’obligation d’exercice personnel ».
6. Si Mme B reproche à M. A le cumul de son exercice de pharmacien avec l’activité de chef d’entreprise, ces activités ne sont pas nécessairement incompatibles. La société « Y » ayant pour objet social exclusif l’exercice de la pharmacie par M. A en qualité de pharmacien intermittent en officine, le grief tiré du cumul de l’intéressé avec une autre activité que celle de pharmacien doit être écarté. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que, d’une part, la société
SAS « Z » n’a jamais eu d’activités et, d’autre part, que la « Y » a cessé son activité au 1er juillet 2016, avant que l’intéressé ne commence à exercer en qualité de titulaire d’officine. Le grief tiré du cumul d’activités de M. A avec une autre activité doit, par conséquent, être écarté.
En ce qui concerne le grief tiré de la concurrence déloyale :
7. Aux termes de l’article R. 4235-21 du code de la santé publique, les pharmaciens :
« (…) doivent s’abstenir de tout acte de concurrence déloyale ».
8. Si Mme B soutient que l’exercice de pharmacien intermittent par le biais d’une société qui effectue des prestations de service, constitue une concurrence déloyale, elle n’apporte pas suffisamment d’éléments à l’appui de ce grief qui ne peut dès lors qu’être écarté.
.
En ce qui concerne les griefs tirés du défaut de transmission des statuts de la société et des contrats de prestations de service à l’ordre N° AD/04537-3/CN 5 9. L’article L. 4221-19 du code de la santé publique dispose que : « Les pharmaciens exerçant en société doivent communiquer au conseil de l’ordre dont ils relèvent, outre les statuts de cette société et leurs avenants, les conventions et avenants relatifs à son fonctionnement, ou aux rapports entre associés et lorsqu’ils existent, entre associés et intervenants concourant au financement de l’officine ou du laboratoire de biologie médicale. /
Ces documents doivent être communiqués dans le mois suivant la conclusion de la convention ou de l’avenant. (…) ». Aux termes de l’article R. 4235-60 de ce code : « Les pharmaciens doivent tenir informé le conseil de l’ordre dont ils relèvent des contrats ou accords de fournitures ou de prestations de services qu’ils ont conclus avec les établissements tant publics que privés ainsi qu’avec les établissements de santé ou de protection sociale. Il en est de même pour les conventions de délégation de paiement conclues avec les organismes de sécurité sociale, les mutuelles ou les assureurs ».
10. Il ne résulte pas de l’instruction que M. A ait omis d’informer l’ordre de ses modalités d’exercice de la pharmacie, conformément aux articles L. 4221-19 et R. 4235-60 précités.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la plainte dirigée contre M. A.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de Mme B au paiement d’une amende pour recours abusif :
12. La faculté prévue par l’article R. 741-12 du code de justice administrative constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. A tendant à ce que Mme B soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables.
Sur les conclusions reconventionnelles :
13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions reconventionnelles de M. A tendant à ce que Mme B soit condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif.
Sur l’application de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique :
14. Aux termes de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 applicable aux juridictions disciplinaires : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme B, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens pour l’ensemble de la procédure disciplinaire. Les dispositions du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B soit mise à la charge de M. A qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

N° AD/04537-3/CN 6
DECIDE :

Article 1er : La décision du 6 juillet 2018 par laquelle la chambre de discipline du conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens a rejeté la plainte formée par Mme B et a mis à sa charge le paiement d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, est annulée.
Article 2 :

La plainte de Mme B dirigée contre M. A, est rejetée.

Article 3 : La somme de 1 000 euros est mise à la charge de Mme B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Les conclusions reconventionnelles de M. A tendant à la condamnation de Mme B au paiement d’indemnités pour recours abusifs sont rejetées.
Article 5 :

Le surplus des conclusions de Mme B et de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à :
- Mme B ;
- M. A ;
- Mme la Présidente du conseil central de la section E de l’ordre des pharmaciens ;
- M. le Directeur général de l’agence régionale de santé de la Martinique ;
- Mme et MM. les Présidents des autres conseils centraux de l’ordre des pharmaciens ;
- M. le ministre des solidarités et de la santé.
Et transmise à :
- Me Especel ;
- Me Raso.
Délibéré après l’audience du 26 janvier 2021, tenue à huis clos, à laquelle siégeaient : Mme Denis-Linton, Présidente, Mme Aulois-Griot – Mme Béchieau – M. Bonnemain – Mme Brunel-Lefebvre – M. Buraud – M. Caillier – M. Andriollo – M. Delgutte – M. Desmas – Mme Goudable – Mme Haro-Brunet N° AD/04537-3/CN 7 – Mme Jourdain-Scheuer – M. Marcillac – M. Labouret – Mme Le Gal Fontes – Mme Bordes – M. Mazaleyrat – Mme Pansiot – M. Pouria – Mme Wolf-Thal.
Lu par affichage public le 3 mars 2021.

Signé
La conseillère d’Etat
Présidente de la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens
Martine Denis-Linton
La présente décision peut faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat dans un délai de deux mois, porté le cas échéant à trois mois en raison de la prise en compte du délai de distance, à compter de sa notification, en application de l’article L. 4234-8 du code de la santé publique. Le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation est obligatoire.

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