Tribunal administratif d'Amiens, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2202961

  • Territoire français·
  • Immigration·
  • Droit d'asile·
  • Séjour des étrangers·
  • Mali·
  • Pays·
  • Interdiction·
  • Liberté fondamentale·
  • Convention européenne·
  • Sauvegarde

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 3e ch., 30 déc. 2022, n° 2202961
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2202961
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 septembre et 10 novembre 2022,

M. B A, représenté par Me Dandaleix, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 30 mai 2022 par lequel le préfet de l’Aisne a refusé de renouveler son titre de séjour mention « vie privée et familiale », l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le Mali comme pays de destination en cas d’exécution d’office de cette mesure et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an ;

2°) d’enjoindre au préfet de l’Aisne de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale », dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement ;

3°) d’annuler le signalement dont il fait l’objet dans le système d’information Schengen pour la durée de l’interdiction de retour ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S’agissant de la décision de refus de titre de séjour :

— elle a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors, d’une part, qu’il n’est pas établi que le collège des médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration s’est régulièrement réuni et, d’autre part, qu’il a entaché son avis d’un défaut d’examen sur l’accès effectif au traitement dans le pays de destination ;

— elle est entachée d’une erreur de droit, dès lors que le préfet s’est estimé lié par l’avis de l’office français de l’immigration et de l’intégration ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L.425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, dès lors qu’un titre de séjour lui avait été délivré pour des raisons de santé du

4 mars 2021 au 3 mars 2022 et que le préfet n’a pas établi qu’il pourrait effectivement avoir accès à un traitement approprié au Mali ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L.423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’il réside en France depuis 2015 ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que les pièces médicales en possession de l’office français de l’immigration et de l’intégration ne lui ont pas été communiquées ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation personnelle, eu égard à son état de santé ;

S’agissant de l’obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

— elle est illégale, dès lors que le refus de titre de séjour l’est également ;

— elle a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors qu’en l’absence de production de l’avis du collège des médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration, il n’est pas possible de s’assurer que la procédure prévue par l’article L. 611-3 9° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a été respectée ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L.611-3 9°, dès lors qu’il serait privé de l’accès effectif à un suivi médical approprié à son état de santé en cas de retour au Mali ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L.423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’il réside en France depuis 2015 ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation personnelle, eu égard à son état de santé ;

S’agissant de la fixation du pays de destination :

— elle est illégale, dès lors que l’obligation de quitter le territoire français l’est également ;

— elle est entachée d’une insuffisance de motivation ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 721-4 3° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation personnelle, eu égard à son état de santé ;

S’agissant de l’interdiction de retour sur le territoire français :

— elle est illégale, dès lors que l’obligation de quitter le territoire français l’est également ;

— elle est entachée d’une insuffisance de motivation et d’un défaut d’examen complet ;

— elle a été prise en méconnaissance de son droit d’être entendu et en méconnaissance des droits de la défense, dès lors qu’elle implique le signalement aux fins de non-admission dans le système Schengen ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’elle ne prend pas en compte son ancienneté de présence en France ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 septembre et 16 novembre 2022, le préfet de l’Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.

Par courrier du 16 novembre 2022, a été demandée la production du dossier médical de M. A à l’office français de l’immigration et de l’intégration, qui l’a fait parvenir le

18 novembre 2022. Ce dossier a été communiqué à M. A le même jour.

M. A a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 17 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

A été entendu, au cours de l’audience publique, le rapport de Mme Rondepierre, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant malien, né le 2 janvier 1985 à Bamako, est entré en France le 7 janvier 2015 selon ses déclarations. Le 8 décembre 2021, il a demandé le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré du 4 mars 2021 au 3 mars 2022 à raison de son état de santé. Par arrêté du 30 mai 2022, dont il demande l’annulation, le préfet de l’Aisne a refusé de renouveler son titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le Mali comme pays de destination en cas d’exécution d’office de la mesure et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, d’une part, il ressort de l’avis rendu par le collège des médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration le 9 mai 2022, produit par le préfet en défense, que ce dernier s’est régulièrement réuni et, d’autre part, il ressort du dossier communiqué par l’office français de l’immigration et de l’intégration, dont le requérant a par ailleurs eu directement communication le 3 novembre 2022, que les médecins du collège ont été régulièrement désignés et que le rapport médical établi par le médecin instructeur leur a bien été transmis.

3. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le collège des médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration ne pouvait pas se prononcer sur la disponibilité du traitement dans le pays d’origine, alors que l’avis le mentionne spécifiquement, il ne produit aucun élément de nature à l’établir.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l’Aisne, qui a vérifié s’il existait des pièces de nature à contredire l’avis du collège de médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration, se serait cru lié par le sens de cet avis.

5. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an (). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat (). Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l’autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée () ».

6. Pour refuser à M. A le renouvellement du titre de séjour demandé, le préfet de l’Aisne s’est fondé sur l’avis rendu le 9 mai 2022 par le collège des médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration selon lequel, si l’état de santé de l’intéressé nécessite des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, M. A peut bénéficier dans son pays d’origine d’un traitement approprié, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire. Si M. A se prévaut d’un certificat médical établi le 14 septembre 2022 par un praticien du centre hospitalier de Soissons indiquant que le traitement nécessité par son état de santé n’est pas disponible au Mali, cette seule pièce, qui ne porte en outre pas sur des constatations médicales que son auteur est habilité à effectuer, n’est pas de nature à remettre en cause l’avis du collège des médecins de l’office français de l’immigration et de l’intégration, ni la légalité du refus de titre de séjour. Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir que cette décision méconnaitrait les dispositions précitées.

7. En cinquième lieu, M. A ne peut utilement soutenir qu’à défaut d’avoir obtenu communication des pièces médicales de son dossier, la décision litigieuse, qui n’entre pas dans le champ d’application de ces dispositions, méconnaitrait les stipulations du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, alors qu’au surplus, ce dossier lui a été communiqué par l’office français de l’immigration et de l’intégration le 3 novembre 2022.

8. En sixième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

9. Si M. A se prévaut de sept ans de présence en France, il ne l’établit toutefois pas de manière certaine, dès lors qu’il n’est pas en mesure de justifier de sa date d’arrivée en France. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les parents, frères et sœurs de M. A, qui est célibataire, n’a pas d’enfant et ne justifie d’aucune attache particulière en France, résident tous au Mali. Par suite, et sans qu’il puisse utilement se prévaloir des dispositions de l’article

L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dès lors qu’il n’a pas demandé un titre de séjour sur ce fondement, M. A n’est pas fondé à soutenir que le refus de titre aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées. Pour les mêmes raisons, il n’est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du préfet refusant de lui délivrer un titre de séjour.

En ce qui concerne la légalité de l’obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu’être écarté par voie de conséquence.

12. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Ne peuvent faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français : () 9° L’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié () ».

13. Ainsi qu’il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que

M. A ne pourrait effectivement bénéficier d’un traitement approprié à son état de santé en cas de retour au Mali. Par suite, et sans qu’il puisse utilement se prévaloir d’une irrégularité de procédure, dès lors que les dispositions précitées n’en prévoient pas, M. A n’est pas fondé à soutenir que l’obligation de quitter le territoire prise à son encontre méconnaitrait ces dispositions.

14. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation ne peuvent qu’être écartés.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du préfet l’obligeant à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de la fixation du pays de destination :

16. En premier lieu, les moyens dirigés contre l’obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision fixant le pays de destination ne peut qu’être écarté par voie de conséquence.

17. En deuxième lieu, la décision contestée vise l’article L. 612-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que les éléments de fait sur lesquels s’est fondé le préfet pour fixer le payse destination en cas d’exécution d’office de la mesure. Par suite, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation sera écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « () Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » et selon l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ».

19. Si M. A soutient que son retour au Mali l’exposerait à des traitements contraires aux articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa pathologie ne pourrait y être prise en charge, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette circonstance ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite, il n’est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaitrait les dispositions et stipulations précitées. Pour les mêmes raisons, il n’est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

20. Il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du préfet fixant le Mali comme pays de destination.

En ce qui concerne la légalité de l’interdiction de retour sur le territoire français :

21. En premier lieu, les moyens dirigés contre l’obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu’être écarté par voie de conséquence.

22. En deuxième lieu, aux termes de l’article L.612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Lorsque l’étranger n’est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français.

Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français « et selon l’article L. 612-10 du même code : » Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français () ".

23. D’une part, la décision interdisant à M. A de retourner sur le territoire français vise l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et mentionne la date d’entrée sur le territoire français du requérant, la nature de ses attaches en France, le fait qu’il a déjà fait l’objet d’une mesure d’éloignement et la circonstance que son comportement ne constitue pas une menace pour l’ordre public.

24. D’autre part, la circonstance que la décision litigieuse précise qu’il ne justifie pas d’une résidence habituelle et continue en France depuis plus de sept ans n’implique pas, contrairement à ce que soutient le requérant, que le préfet ne disposait pas des éléments nécessaires à l’appréciation de sa situation. Par suite, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation sera écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / () ". Il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne que le droit d’être entendu, qui s’adresse, non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l’Union, fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union. Le droit d’être entendu implique que l’autorité préfectorale, avant de prendre à l’encontre d’un étranger une décision interdisant de retourner sur le territoire français, mette l’intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu’il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu’elle n’intervienne. Toutefois, dans le cas prévu

à l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile où la décision d’interdiction de retour sur le territoire français est prise concomitamment à l’obligation de quitter le territoire français, elle-même prise concomitamment au refus de délivrance d’un titre de séjour, cette obligation découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d’être entendu n’implique alors pas que l’administration ait l’obligation de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français, dès lors qu’il a pu être entendu avant que n’intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Lorsqu’il sollicite la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, l’étranger, en raison même de l’accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu’en cas de refus, il pourra faire l’objet d’une mesure d’éloignement, le cas échéant, assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français. A l’occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l’administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l’objet d’une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d’apporter à l’administration toutes les précisions qu’il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l’instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l’administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d’éléments nouveaux. Le droit de l’intéressé d’être entendu, ainsi satisfait avant que n’intervienne le refus de titre de séjour, n’impose pas à l’autorité administrative de mettre l’intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l’obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour, ou sur la décision lui interdisant temporairement le retour sur le territoire français, susceptible d’assortir l’obligation de quitter le territoire.

26. D’une part, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que M. A ait été privé de présenter toute observation qu’il jugeait utile lors de l’instruction de sa demande de titre de séjour. D’autre part, l’interdiction de retour prononcée à son encontre et édictée sur le fondement de l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assortit l’obligation de quitter le territoire français, fondée, en application du 3° de l’article L. 611-1 du même code, sur le refus de délivrance d’un titre de séjour. Dans ces conditions, M. A n’est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance du droit d’être entendu, la circonstance qu’il ait fait l’objet d’un signalement au système d’information Schengen étant sans incidence sur sa légalité.

27. En quatrième lieu, en se bornant à se prévaloir de son ancienneté en France, M. A n’établit pas que la décision litigieuse méconnaitrait les dispositions de l’article L.612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité, ni celles de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, M. A n’établit pas que l’interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre serait entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

28. Il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du préfet d’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an.

29. Enfin, les conclusions à fin d’annulation du signalement dans le système d’information Schengen pour la durée de l’interdiction de retour ne sont assorties d’aucun moyen et seront, par suite, rejetées.

30. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du préfet de l’Aisne doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d’injonction et celles présentées sur les fondements des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A, au préfet de l’Aisne et à Me Dandaleix.

Délibéré après l’audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Thérain, président,

— Mme Rondepierre, première conseillère,

— M. Richard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

signé

A. Rondepierre

Le président,

signé

S. Thérain

La greffière,

signé

S. Chatellain

La République mande et ordonne au préfet de l’Aisne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif d'Amiens, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2202961